samedi 9 mars 2024

Quelques notes sur le ministère diaconal (Actes 6,1-8)


Actes 6

1 En ces jours-là, le nombre des disciples augmentait, et les Hellénistes se mirent à récriminer contre les Hébreux parce que leurs veuves étaient oubliées dans le service quotidien.

 2 Les Douze convoquèrent alors l'assemblée plénière des disciples et dirent: «Il ne convient pas que nous délaissions la parole de Dieu pour le service des tables.

 3 Cherchez plutôt parmi vous, frères, sept hommes de bonne réputation, remplis d'Esprit et de sagesse, et nous les chargerons de cette fonction.

 4 Quant à nous, nous continuerons à assurer la prière et le service de la Parole.»

 5 Cette proposition fut agréée par toute l'assemblée: on choisit Étienne, un homme plein de foi et d'Esprit Saint, Philippe, Prochore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, prosélyte d'Antioche;

 6 on les présenta aux apôtres, on pria et on leur imposa les mains.

 

 7 La parole de Dieu croissait et le nombre des disciples augmentait considérablement à Jérusalem; une multitude de prêtres obéissait à la foi.

 8 Plein de grâce et de puissance, Étienne opérait des prodiges et des signes remarquables parmi le peuple.

Prédication :  

            Et c’est ainsi que fut inventé le ministère des diacres, et donc le diaconat, parce que certaines personnes avaient estimé que les pauvres veuves chrétiennes d’origine grecque étaient moins bien traitées que les autres pauvres veuves, veuves d’origine hébraïques… comprenez que les grecques recevaient beaucoup moins de nourriture que les autres, voire pas du tout. Était-ce vrai ? C’est du moins ce qui fut mis en avant. Et c’est aussi ce qui est mis en avant pour fonder bibliquement  la diaconie et le diaconat… donner de son bien propre à l’intention de ceux qui autrement seraient dans le dénuement. Et c’est tout, pourvu que le partage soit équitable – pourvu qu’on s’entende sur la notion d’équité.

            Notion certainement délicate, puisqu’on fit appel d’abord au discernement des hommes, puis à l’approbation des Apôtres, puis enfin à l’Esprit Saint. Peut-être qu’avec tout cela le partage serait équitable… à moins que, avec tout cela, les diacres seraient incontestables, les diverses manœuvres spirituelles constituant une garantie. Alors, est-ce que ça marcherait ?

            La réponse c’est non, ça ne marcherait pas. Derrière les Actes des Apôtres c’est Luc qui écrit. Et contrairement à ce qu’on croit, Luc n’écrit jamais pour instituer ceci ou cela. Luc écrit pour inviter à réfléchir, et son invitation est souvent exigeante.

            L’institution des Diacres va-t-elle tenir ? Nous n’en savons rien, sauf que nous savons que l’un d’eux, Etienne, va s’exprimer en Apôtre, tâche que les Apôtres s’étaient réservée, et que, sans aucune ordination spécifique, il va accomplir en un sens mieux qu’eux, au point de devenir le premier martyr de l’histoire. Et l’on pourrait dire exactement la même chose de Philippe. Et ce que Luc suggère, c’est que l’Esprit Saint vient oindre ces ministres apostoliques indépendamment de la volonté des Apôtres.

            Et qu’en est-il à ce moment des Diacres ? Nous l’avons dit déjà ? Ils disparaissent du paysage de la première église. Réguler un partage intégral ne devait pas être facile. Le très nécessaire ministère du partage entra en collision avec le très nécessaire ministère de la parole… Ce qui imposait une réflexion très sérieuse, une grande quantité de pourquoi, à la manière de Luc.

 

            Passent les années, les millénaires, arrive Jean Calvin, qui propose qu’il y ait quatre ministères dans l’Eglise : des Docteurs, des Pasteurs, des Anciens, et des Diacres. Ce ministère selon Calvin est construit sur une double activité, assurer la subsistance de pauvres gens, et enseigner la foi à ces pauvres gens. C’est donc une sorte de ministère de la parole spécialisé – et pensez que la langue en ce temps-là est bien moins unifiée qu’aujourd’hui, et que la pauvreté est plus féroce qu’aujourd’hui aussi. Aussi pouvons-nous apprécier que ces deux ministères sont inséparables… et trouver là la racine d’un constat : les Réformés sont incapables de produire un texte de théologie qui ne finisse pas par des considérations éthiques.

 

            Passent encore quelques siècles. En 1938, une partie des Protestants se réunit dans l’Eglise réformée de France, et se donne une Discipline. Je ne résiste pas au plaisir de vous montrer l’article 14 de cette discipline – Du ministère  diaconal. C’est vite lu, « modifié en 1999 ».

            Le temps passe, c’est l’avènement de l’Eglise Protestante Unie de France, 2012 / rév. 2019, article 19 – Ministère diaconal. « La rédaction de cet article pourra faire l’objet ultérieurement des travaux du synode national, selon la procédure mentionnée à l’article 36 (révision de la Constitution) »

 

            Aujourd’hui, pour autant que je sache, aucun synode national n’est programmé qui aurait pour tâche la rédaction de cet article. Nous parlons « ministères », mais pas diaconal – si je ne me trompe pas. Ce qui n’est pas le signe d’une coupable négligence, mais bien plutôt le signe du difficile nouage qui existe entre la spiritualité et la charité, entre la parole apostolique et le garde-manger. Et parfois mieux vaut une page blanche qu’une page mal remplie.

            Deux choses encore :

-       En ligne, https://epudf.org/diaconie/, quelques lignes tout à fait intéressantes et qui pourraient faire l’objet de réflexions partagées, genre atelier du samedi ;

-       Statuts types des associations cultuelles §5 – « Conformité avec la loi du 9 décembre 1905 » Pour mettre son régime traditionnel en accord avec la loi du 9 décembre 1905, l’Eglise protestante unie de France invite les membres d’une paroisse ou Eglise locale à adhérer et à participer à une association cultuelle, régie par le titre IV de cette loi, ainsi qu’à une ou plusieurs associations à vocation diaconale,

-       Votre action, en somme, précède vos institutions ; et c’est très bien ainsi.