mercredi 29 avril 2020

Lettre pastorale du 29 avril 2020 - Consolation


ÉGLISE PROTESTANTE UNIE VINCENNES-MONTREUIL

LETTRE PASTORALE DU 29 AVRIL 2020



Consolation

De Siméon, que la tradition présente souvent comme un vieil homme, il nous est dit qu’il était juste et pieux, qu’il attendait la consolation d’Israël et que l’Esprit Saint reposait sur lui (Luc 2,25). Les divers éléments du portrait de Siméon nous sont assez intelligibles, sauf un. Qu’attendait-il, cet homme qui attendait la consolation d’Israël ?
Consoler, c’est alléger, apaiser, la peine de quelqu’un. Quelque chose pèse, et empêche d’avancer. Quelque chose tourmente, et empêche d’aller droit… Qu’arrivait-il alors à Israël dont il dût être consolé ? En ce temps-là, Israël perdit son unité politique et religieuse, Israël perdit son indépendance et vécu sous domination romaine. Est-ce de ces pertes-là qu’Israël devait être consolé ?
Israël avait-il un jour été ainsi uni ? Et en fait de perte, n’étaient-ce pas des illusions qui avaient été perdues ? La perte des illusions, même si elle fait progresser en lucidité, engendre une réelle souffrance, avec pesanteur et tourments. Et toute prophétie d’une prochaine restauration aurait été un grand mensonge. Donc, pour Israël, plus jamais de roi, plus jamais d’armée, plus jamais d’autonomie, plus jamais de terre sacrée, plus jamais de Temple...
En face de ces plus jamais, n’y a-t-il pas un mais ? N’y a-t-il pas une consolation ? Qu’est-ce qui pourrait rendre la peine moins lourde à porter ? Au temps de Jésus déjà, deux ou trois choses commençaient à émerger. L’idée que la Loi pourrait être une patrie portative. L’idée d’un Dieu adressant au cœur de chacun une parole de conversion. L’idée qu’une éthique personnelle conséquente importe d’avantage que les sacrifices. L’idée que des communautés locales peuvent validement se réunir. Ces idées, méditées, progressivement mises en œuvres, n’étaient-elles pas, en elles-mêmes, déjà, une consolation ?
Peut-être, mais lorsque la peine est trop lourde et le tourment trop violent, il faut quelque chose de plus simple, quelque chose de très simple. Luc l’évangéliste nous propose une consolation très simple : un enfant en bas âge et un homme déjà âgé – un vieillard même, peut-être – se rencontrent. Tout l’avenir inconnu du monde est accueilli, et béni, par tout le passé usé du monde. Toute la présence divine enclose dans les millénaires est reportée dans le corps d’un tout petit enfant. Dieu n’est pas là seulement, bien abrité dans des vieilles pierres, mais il advient jusque dans la joie d’un tout-petit qui joue. Peut-être est-ce cela, la consolation d’Israël.

De Siméon, nous ne savons pas du tout s’il était assidu au Temple. Il nous est seulement rapporté que, guidé par l’Esprit Saint, il se rendit au Temple, à Jérusalem, le jour précis où deux parents – Joseph, Marie – vinrent au Temple. Et là Siméon reconnut et bénit l’enfant. L’Esprit Saint guide Siméon vers Jésus. Et le lecteur de l’évangile, lui, sait d’avance qui est cet homme, et qui est l’enfant. Je dis souvent que le lecteur en sait trop et que, pour comprendre un peu ce que rapportent les évangiles, il lui faut faire l’effort d’oublier ce qu’il sait. Une fois que le lecteur a fait l’effort d’oublier, il voit un vieil homme inconnu bénir un enfant inconnu.
Et si, aujourd’hui, alors que nous sommes toujours confinés, il m’est demandé quelle image de consolation j’attends, je réponds que j’attends de voir de nouveau des enfants jouer librement sous le ciel de notre printemps, et sous le regard de vieilles personnes ravies.


          Pasteur Jean DIETZ, 29 avril 2020

samedi 25 avril 2020

Apparitions du Ressuscité (Luc 24,13-27) Quelques pas vers Emmaüs


Prologue
            Lorsque viennent les dimanches d’après Pâques et d’avant Pentecôte, vient aussi le temps de lire, et de relire, certains des textes qui viennent clore les évangiles. Certains de ces textes mettent en avant la nécessité du baptême (Marc), le côté essentiel de la Sainte Cène (Luc), la primauté de Pierre (Luc, et Jean), toutes ces sortes de choses en lesquelles l’ancienneté, l’authenticité et la nécessité se confondent. Comme si le respect de ce saint patrimoine était non seulement promesse, mais aussi gage de salut.
            Pouvons-nous considérer que nos ancêtres nous ont transmis ces textes juste pour que nous réglions sur eux notre vie spirituelle et communautaire ? Ces textes n’ont-ils pas une dimension réflexive, voire critique ?
            Pour ce second dimanche après Pâques, il nous est proposé de lire et de méditer un récit que seul Luc donne, celui des pèlerins d’Emmaüs.
            Nous lisons la première partie de ce récit.

Luc 24
13 Et voici que, ce même jour (le dimanche de la résurrection), deux (disciples) se rendaient à un village du nom d'Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem.
14 Ils parlaient entre eux de tous ces événements.
15 Or, comme ils parlaient et discutaient ensemble, Jésus lui-même les rejoignit et fit route avec eux;
16 mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.
17 Il leur dit: «Quels sont ces propos que vous échangez en marchant?» Alors ils s'arrêtèrent, l'air sombre.
18 L'un d'eux, nommé Cléopas, lui répondit: «Tu es bien le seul à séjourner à Jérusalem qui n'ait pas appris ce qui s'y est passé ces jours-ci!» -
19 «Quoi donc?» leur dit-il. Ils lui répondirent: «Ce qui concerne Jésus de Nazareth, qui fut un prophète puissant en action et en parole devant Dieu et devant tout le peuple:
20 comment nos grands prêtres et nos chefs l'ont livré pour être condamné à mort et l'ont crucifié;
21 et nous, nous espérions qu'il était celui qui allait délivrer Israël. Mais, en plus de tout cela, voici le troisième jour que ces faits se sont passés.
22 Toutefois, quelques femmes qui sont des nôtres nous ont bouleversés: s'étant rendues de grand matin au tombeau
23 et n'ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire qu'elles ont même eu la vision d'anges qui le déclarent vivant.
24 Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ce qu'ils ont trouvé était conforme à ce que les femmes avaient dit; mais lui, ils ne l'ont pas vu.»
25 Et lui leur dit: «Esprits sans intelligence, cœurs lents à croire tout ce qu'ont déclaré les prophètes!
26 Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela et qu'il entrât dans sa gloire?»
27 Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait.

Prédication
Qui est cet homme, qui se joint à deux disciples dépités ? Cela nous est annoncé d’emblée, à nous, les lecteurs. Et les lecteurs en savent ainsi d’emblée très long, trop long même… Et les lecteurs, s’ils veulent espérer comprendre, doivent alors faire un effort, non pas l’effort de se souvenir, mais plutôt l’effort, bien plus difficile, d’oublier. D’oublier qui est ce troisième homme, d’oublier la résurrection, d’oublier aussi qu’après les apparitions viendra l’Ascension, et qu’après l’Ascension viendra la Pentecôte. Oublier presque tout… et se mettre dans la peau de ces deux hommes dépités, qui croyaient qu’il était celui qui allait libérer – racheter – Israël.
            Dans la peau de ces deux hommes, qui furent disciples de Jésus de Nazareth – sans toutefois être membres du cercle restreint des 12 – nous avons la mémoire de ses paroles et de ses gestes, la mémoire aussi de son assassinat. Et, bien entendu, nous sommes des lecteurs des livres des prophètes.
            Et voici ce que nous dit l’inconnu qui fait route avec nous : « Esprits sans intelligence, cœurs lents à croire tout ce qu’on déclaré les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela et qu’il entrât dans sa gloire ? »

            A cet instant, nous devons faire un autre effort encore, celui de nous souvenir de notre connaissance et de notre compréhension des prophètes. Et c’est à partir de cela que nous devrions comprendre ce qu’il en est du Christ, de sa passion, et de sa gloire. Quelque chose nous vient-il à l’esprit ?
            Sans doute pas grand-chose. Ou plutôt deux ou trois morceaux du prophète Ésaïe et de Zacharie… en lesquels nous avons pris l’habitude de voir, comme figuré par avance, ce Christ que nous révérons. Mais, procédant ainsi, nous comprenons les prophètes à partir du Christ, alors que la proposition qui nous est faite, dans le texte que nous méditons, est, au contraire, de comprendre le Christ à partir des prophètes.
Alors, que pouvons-nous dire des prophètes ? Que pouvons-nous dire, retenir, de ces 15 livres bibliques qui portent des noms de prophètes, ainsi que des livres de Samuel et des Rois, sans oublier les Juges, et Moïse qui, bien souvent, parle et agit comme un prophète ? (vous pouvez faire l’exercice chez vous, un quart d’heure, une feuille blanche, et vous notez ce dont vous vous rappelez, puis, au bout de ce quart d’heure, vous faites l’exercice que suggère Jésus : tous les prophètes ont parlé du Christ…)
Le prophète Samuel, enfant (Jan Victors, 1645)
            Et voici mon résultat :
(1) Un prophète interpelle. Qu’il s’agisse d’un peuple, d’un prêtre ou d’un roi, le prophète interpelle. Il interpelle, parfois très vigoureusement, ceux qui en prennent à leur aise avec la puissance qui est la leur. Et comme cette puissance, dans les anciennes traditions hébraïques, est toujours puissance donnée par Dieu, le prophète interpelle tous ceux qui en prennent à leur aise avec Dieu. Et il interpelle aussi, vigoureusement, ceux qui, oubliant Dieu, changent de dieu. Nous notons aussi que cette mission, le prophète peut l’accomplir sur la terre d’Israël, mais aussi à l’étranger. Ainsi peut-on dire que le combat du prophète, c’est le combat pour Dieu, contre l’idole, quelle que soit l’allure que prend l’idole, et quel que soit le lieu où cette idole se manifeste.
(2) Un prophète manifeste la puissance de Dieu, en guérissant, en ressuscitant, et en activant toutes sortes de forces naturelles...
            (3) Un prophète exhorte et console. A divers moment de son histoire, le peuple des fils de Jacob se trouve dominé, exilé, déporté, asservi… et le prophète est là pour donner un sens – pas toujours une explication, mais toujours un sens – aux événements en cours.
            (4) Un prophète guide. C'est-à-dire qu’il se tient toujours sur le chemin qui est le sien, chemin que Dieu lui a fait choisir.
(5) Le prophète paie toujours lui-même le prix de son propre engagement. C’est parfois un prix de solitude, un prix de raillerie, un prix de persécution… Ce prix, parfois, c’est sa propre vie.
(6) La parole du prophète n’est jamais perdue, sa pertinence ne se dégrade pas avec le temps qui passe, et sa puissance peut être réactivée à chaque génération.

Nous pouvons, dans les six propositions que nous venons de faire, remplacer le prophète par Christ. Et nous considérerons qu’en effet, cela correspond.
Mais là n’est pas la question posée. Voici la question posée : si les disciples d’Emmaüs avaient un peu réfléchi, est-ce qu’à partir de ces six propositions, ils auraient identifié en Jésus le Christ ? Il nous est facile de répondre oui, parce que c’est dans une certaine tranquillité d’esprit que nous nous posons la question, et aussi parce que notre espérance est bien fondée dans le nom de Jésus Christ.
Mais qu’aurions-nous répondu si, disciples de Jésus, nous avions dû répondre trois jours après son assassinat ? Nous sommes déjà moins certains… Et si nous devions répondre de notre espérance au cœur de la tempête, ou devant des abîmes de déréliction ?
Et que répondons-nous, au titre de notre foi, pendant cette pandémie que nous n’avons pas encore fini de traverser ?

Sœurs et frères, puissions-nous toujours trouver en nous les paroles des prophètes et du Christ. Et si nous ne les trouvons plus, que le Dieu tout puissant nous envoie de ces gens qui nous rappelleront en qui nous devons croire.
Amen

mardi 21 avril 2020

Lettre pastorale du 22 avril 2020. Telle vie, telle foi, tel Dieu.


Telle vie, telle foi, tel Dieu – les choix de l’homme et l’impuissance de Dieu

De l’histoire du Déluge biblique nous retenons le bel épisode de la construction de l’arche par Noé, la lente procession des animaux terrestres s’avançant par couple, chacun selon son espèce, et prenant place à bord de cet improbable vaisseau. Nous retenons aussi que l’avancement de la décrue fut annoncé par une colombe qui, lâchée par Noé, revient vers lui avec un rameau d’olivier, signe assez universel de paix. Nous retenons enfin que l’arc en ciel acquit en ce temps-là le statut de mémorial, le mémorial d’un plus jamais… sur lequel nous allons revenir.
Souvenons-nous. La première fratrie inaugure le fratricide. Les premiers descendants du premier couple humain inventent la vengeance. Les premiers vengeurs, découvrant que la vengeance n’épuise pas la haine et le ressentiment, se mettent à venger sept fois… et cette vengeance-là ne suffisant toujours pas, certains se mettent à venger soixante dix sept fois. A ce niveau de susceptibilité, si vous déplaisez à quelqu’un en marchant sur son ombre, vous serez tué et votre famille exterminée. Ainsi, à l’institution divine de la vengeance "modérée" répond  l’institution humaine de cette vengeance superlative (Genèse 4,15 et 24). Et comme il y a toujours quelque part un cousin oublié qui survit, le cycle de la vengeance ne peut jamais finir… Et Dieu, dans tout ça ? Dieu, dans la Genèse, est à l’initiative d’une tentative de modération de la vengeance, comme il est d’ailleurs aussi à l’initiative d’une tentative de protection du meurtrier. Dès les commencements, Dieu tâche de suggérer à l’homme qu’il peut autrement faire, autrement que le pire… Dieu indique en somme le chemin. Mais Dieu ne contraint pas l’homme à prendre ce chemin ? Chacun peut ici affirmer que Dieu est impuissant, ou bien que Dieu est indifférent. L’homme ici choisit son Dieu comme il choisit sa vie. Il n’est pas écrit que les humains des premiers temps aient ignoré Dieu. Ils firent seulement certains choix, le monde habité des premiers temps s’emplît d’une irrépressible violence, et Dieu lui-même, impuissant à éduquer ses créatures, eut recours à la violence.
Est-ce à dire que Dieu, ayant perdu patience, répondit à la violence par la violence ? Certains croyants l’affirmeront. Oseront-ils ajouter que le Déluge, ou autre catastrophe, ou autre pandémie, sont les réponses de Dieu à une humanité qui tarde à se corriger en se tournant vers Lui ? Certains l’affirmeront. Et parmi ces gens-là, persuadés de leur propre justice, je n’ai rencontré que des gens profondément habités par la violence. Telle vie, telle foi, tel Dieu ? Peut-être.
Car Dieu sauve, aussi. Il sauve Noé qui est un homme juste et intègre, c'est-à-dire un homme qui ne juge pas au faciès, qui n’a qu’une parole et ne vend pas sa justice. Qu’a-t-il fait, Lui, Dieu, pour que Noé soit un homme juste ? Rien. De plus nous ne voyons nulle part Noé s’interroger sur sa justice ou sur son salut. Nous le voyons plutôt, dans un environnement de violence, choisir la justice, et montrer donc que ce choix-là est possible. Mais alors, Dieu sauverait-il les justes ? Dans le récit du Déluge, nous voyons Dieu se proposer de recommencer l’humanité à partir d’un seul juste… et nous le voyons aussi renoncer à cette chimère (Genèse 8,21). En renonçant ainsi, Dieu renonce, une fois pour toutes, à transformer lui-même le cœur de l’homme. Plus jamais de Déluge, plus jamais de violence curative, la direction à prendre est assez bien balisée. A l’homme de choisir.

Nous avons dit Déluge… Qu’en est-il de Covid-19 et de sa signification pour la foi ? Choix de vie, choix de foi, choix de Dieu.



dimanche 19 avril 2020

Apparitions du Ressuscité (Jean 20,19-31) Entre Pâques et l'Ascension

Ce post est la version blog de la vidéo https://www.youtube.com/watch?v=37tRawoBiNQ

Jean 20
19 Le soir de ce même jour qui était le premier de la semaine, alors que, par crainte des Juifs, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées, Jésus vint, il se tint au milieu d'eux et il leur dit: «La paix soit avec vous.»
20 Tout en parlant, il leur montra ses mains et son côté. En voyant le Seigneur, les disciples furent tout à la joie.
21 Alors, à nouveau, Jésus leur dit: «La paix soit avec vous. Comme le Père m'a envoyé, à mon tour je vous envoie.»
22 Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit: «Recevez l'Esprit Saint;
23 ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus.»
24 Cependant Thomas, l'un des Douze, celui qu'on appelle Didyme, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint.
25 Les autres disciples lui dirent donc: «Nous avons vu le Seigneur!» Mais il leur répondit: «Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je n'enfonce pas mon doigt à la place des clous et si je n'enfonce pas ma main dans son côté, je ne croirai pas!»

Prédication
Nous commençons notre méditation avec une question très simple, une question que nous pourrions poser en lisant la fin de chacun des quatre évangiles – et le début aussi du livre des Actes des Apôtres : après la résurrection, que se passe-t-il ? Et bien, dans tous les évangiles, après la résurrection, Jésus apparaît à ses disciples. Ce qui est très frappant, et très troublant, c’est que les auteurs bibliques accrochent manifestement certains de ces épisodes d’apparition à des récits pourtant déjà bien achevés.
Mais pourquoi font-ils cela ? Nous explorerons 4 raisons.

1. Parce qu’il est vraiment apparu… Oui, ce pourrait être aussi simple que cela : il est vraiment apparu, après être vraiment ressuscité, et, pendant 40 jours, il était avec ses disciples pour les préparer à son départ et à leur future mission. Nous pouvons – et je crois que nous devons – commencer par une telle explication. Si l’on ne commence pas par l’enseignement de la lettre des textes, on ne pourra jamais valablement enseigner l’interprétation des textes.
a. Mais pour autant, nous ne pouvons pas affirmer durablement que le Ressuscité est apparu et que les textes en sont la preuve… ou alors il faut le dire de tous les autres récits bibliques.
b. Outre la violence qu’on transporte et que l’on impose à autrui lorsqu’on prend ce type de position, on doit aussi souffrir de ce que les textes bibliques eux-mêmes nous disent – littéralement – qu’il ne faut pas les prendre littéralement. Nous avons aujourd’hui un exemple – l’un des plus précieux exemples – de cela. « Heureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru. »
c. Aussi nous faut-il avancer et dans la vie et dans l’art de lire les textes bibliques.


2. Oui, il est vraiment apparu, mais d’où le tenons-nous ? Les récits d’apparitions figurent dans les évangiles, dont nous sommes lecteurs. Il est vraiment apparu parce que nous l’avons lu. Mais pourquoi cela a-t-il été écrit ?
a. Dans les tout premiers temps de l’ère chrétienne, avant que les évangiles ne soient écrits, il y a certainement eu quantité – une quantité considérable – de récits d’apparition du ressuscité. Et parmi ces récits, certains ont été hauts en couleur et riches en imagination. Les lecteurs des apocryphes chrétiens peuvent avoir une idée de ce foisonnement. Il n’est pas nécessaire d’attendre l’apparition d’internet pour que les fake news se portent mieux que la vérité. Le fantastique a toujours habité l’âme humaine ; contes et légendes ont toujours eu leur place dans la mémoire de chacun. Le fantastique est l’une des expressions possibles d’un certain besoin de croire (le dit besoin de croire n’est pas une machine à se bercer d’illusions).
b. La présence de récits d’apparition du ressuscité dans les évangiles, de ces apparitions-là précisément, est le fruit d’une activité réflexive et critique. Les auteurs des évangiles ont fait le tri, chacun selon son propre projet ecclésiastique, évidemment, mais chacun aussi en ayant le souci de donner à ses lecteurs une véritable nourriture spirituelle, et non pas un opium.
Mais qu’est-ce qu’une nourriture spirituelle ? C’est un propos, oral, ou écrit, pour ce qui nous concerne référé aux Saintes Écritures, et qui est propre à éveiller et inquiéter, propre aussi à rassurer et à libérer.

Jean 20  
26 Or huit jours plus tard, les disciples étaient à nouveau réunis dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vint, toutes portes verrouillées, il se tint au milieu d'eux et leur dit: «La paix soit avec vous.»
27 Ensuite il dit à Thomas: «Avance ton doigt ici et regarde mes mains; avance ta main et enfonce-la dans mon côté, cesse d'être incrédule et deviens un homme de foi.»
28 Thomas lui répondit: «Mon Seigneur et mon Dieu.»
29 Jésus lui dit: «Parce que tu m'as vu, tu as cru; bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru.»
30 Jésus a opéré sous les yeux de ses disciples bien d'autres signes qui ne sont pas rapportés dans ce livre.
31 Ceux-ci l'ont été pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour que, en croyant, vous ayez la vie en son nom.

Prédication (suite)
3. Les récits d’apparition du Ressuscité ne prouvent pas la résurrection. Ils ne peuvent être vus, au mieux, que comme une attestation de la foi de leurs auteurs en la résurrection.
a. Parmi les premiers témoins, certains ont vu, et ils ont cru. C’est par exemple le cas de Pierre, à ce que nous lisons dans l’évangile de Jean, qui entra dans le tombeau, qui vit, et qui crut. Ce fut aussi le cas, selon l’évangile de Matthieu, de certains de ceux qui le virent en Galilée. Heureux soient-ils, dirons-nous, d’avoir vu. Mais malheur à eux si, de cette vision, ils se sont octroyé autorité et pouvoir. Car, selon l’évangile de Jean, les bienheureux, dès ces premiers temps, sont ceux qui, sans avoir vu, ont cru.

b. Nous-mêmes, qui sommes lecteurs des évangiles, nous n’avons rien vu de ce que les premiers témoins ont vu. Heureux ce qui, ayant lu, ont cru.
c. Mais nous ne pouvons pas nous en tenir à cela, parce qu’il existe dans l’humanité des hommes et des femmes qui n’ont encore jamais eu l’occasion de lire. Certains mouvements font profession de répandre les évangiles aux quatre coins du monde, mais répandre le texte, et rien que lui, c’est à la foi trop, et trop peu.

4. Aussi, il nous faut aller plus loin encore, en nous en tenant à cette phrase, qui ne peut être mieux placée que dans la bouche même du ressuscité qui apparaît : « Heureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru. »
a. Ils ont cru sans avoir vu… mais sans avoir vu quoi ? Sans avoir vu le ressuscité. Mais ils peuvent avoir vu tout autre chose. Ils peuvent avoir vu des témoins du Ressuscité, des témoins du Christ vivant pour les siècles des siècles, de ces hommes et femmes libres, qui lient et qui délient…
b. Ils auront cru, c'est-à-dire qu’ils auront trouvé dans ces rencontres matière à vivre, et parfois à revivre… alors que tout semblait irrémédiablement perdu.

Heureux sommes-nous si nous avons rencontrés des témoins du ressuscité.
Heureux sommes-nous, plus encore, si nous avons été témoins du ressuscité.

Prière
Seigneur Jésus, je ne t’ai jamais vu,
Mais j’ai vu des femmes qui tenaient des mourants dans leurs bras.
Je ne t’ai jamais vu,
Mais j’ai vu des gens se mettre en danger pour soigner leurs semblables, et j’ai vu d’autres gens donner bien de leur temps pour servir des repas à ceux qui ont faim.
Je ne t’ai jamais vu,
Mais j’ai vu des hommes et des femmes visiter des prisonniers,
J’ai vu aussi des mères faire face aux dictateurs, et exiger d’eux la vérité sur le sort de leurs enfants disparus.

Je ne t’ai jamais vu, Seigneur,
Mais j’ai vu des gens rendus meilleurs par la connaissance de ton Évangile,
Des gens revenir vers les leurs après plusieurs années d’absence,
Et d’autres gens choisir la vérité dans des ères de mensonge.

Tout cela s’est passé sous mes yeux, Seigneur,
Et j’ai vu de quoi l’homme est capable.
C’est ainsi que je t’ai vu, toi,
Non pas seulement dans le profond abaissement de la croix,
Mais aussi dans la simple bienveillance dont les humains sont capables.

Pour tout cela, pour tous ces gens, Seigneur, je te rends grâce.
Puissent-ils ne jamais faiblir,
Et moi qui ai tant reçu être compté parmi eux.

C’est avec toi que je veux vivre, Seigneur, avec toi que je n’ai jamais vu,
C’est avec toi que je veux agir,
Avec toi que je veux prier ce Dieu qui est notre Dieu, ce Père qui est notre Père.

Notre Père qui es aux cieux…

Prochain post sur ce blog, lettre pastorale du mercredi 22 avril

mercredi 15 avril 2020

Lettre pastorale du 15 avril : Pour autrui



Église protestante unie Vincennes-Montreuil
Chères sœurs, chères frères, nous sommes toujours confinés, nous continuons observer les gestes barrières, et voici donc une cinquième lettre pastorale.

Pour autrui

            Si nous comprenons bien les consignes que nous devons observer, elles sont moins destinées à nous protéger nous-mêmes qu’elles ne sont destinées à protéger autrui. Elles ne sont pas pour nous, mais pour autrui. C’est l’occasion de méditer sur la foi en Dieu et le pour autrui.

Nous avons tous bien appris dans nos jeunes années qu’Abraham engendra Isaac et qu’Isaac engendra Jacob, et que Jacob eut 12 fils. L’alliance que Dieu conclut avec Abraham concernait évidemment, et  par avance, Isaac, Jacob, ses 12 fils et tous leurs descendants. Ayant un peu grandi, et commençant à lire la Bible par nous-mêmes, nous avons repéré que ça n’a pas dû être aussi simple. Joseph fut haï par ses 11 frères ; Jacob vola la bénédiction paternelle ; Isaac manqua d’être assassiné par son père ; et en Abraham nous devons voir deux hommes au moins dont les récits de vie ont été opportunément soudés par un rédacteur tardif. Tout cela nous saute aux yeux. Et si nous nous aventurons dans le livre du prophète Osée, nous trouvons (chap. 12) que s’agissant du peuple élu, quatre généalogies se disputent la légitimité, avec Osée comme juge arbitre évidemment partial.
D’où la question : la promesse faite par Dieu à Abraham est-elle aussi pour autrui, à commencer par Isaac ?
Revenons-en à nos jeunes années. Isaac fut un fils longtemps attendu et ardemment désiré. Il finit par apparaître, enfant improbable d’un couple de vieillards. On raconte volontiers cela à de jeunes enfants, mais la suite… Or, il advint que Dieu, voulut mettre à l’épreuve la foi d’Abraham, et lui demanda illico le sacrifice de l’enfant (Genèse 22). Cher lecteur, à quel âge t’a-t-on raconté cela ? Je me souviens de mes dix ans, et de la perplexité que cela a semé en moi. Ma grand-mère, femme de foi et de pasteur, était la catéchète de service. « Mais enfin, grand-maman, il n’a pas refusé ? » « Et si Dieu n’était pas intervenu, il aurait été jusqu’au bout ? » « Et grand-papa, lui, qu’aurait-il fait ? » Sur cette question, ma grand-mère avait battu en retraite, elle dont l’enfant aîné était un fils. Mais pour le reste, elle s’en était tenue au happy end biblique : Abraham va jusqu’au bout, Dieu intervient au tout dernier instant, et un bélier qui passait par là est dûment sacrifié. Ouf ! Bien plus tard, j’ai remarqué que lorsqu’Abraham redescend de la montagne, il est seul… Où est donc passé Isaac ?

Retour sur notre question. La promesse que Dieu fait à Abraham, vaut-elle aussi pour autrui, à commencer par Isaac ? Abraham a obéi, jusqu’au bout, et Dieu conclut donc qu’Abraham croit vraiment en Dieu. Mais la foi d’Abraham, celle que célèbre le texte, celle par laquelle il obéit à l’injonction de Dieu, exclut carrément son fils Isaac du périmètre de la promesse. Il est incompréhensible qu’Abraham prenne contre Dieu la défense de Sodome (Genèse 18) et obéisse sans question à l’ordre de sacrifier son fils. Aussi – avec cette perplexité qui est la mienne depuis bientôt 50 ans – je pense qu’Abraham a été dévasté : sa foi en Dieu était pour lui-même, et excluait Isaac.
Ainsi, conclurons-nous aujourd’hui : la foi en Dieu doit être pour autrui avant d’être pour soi-même.

Pasteur Jean DIETZ, 15 avril 2020




samedi 11 avril 2020

Culte de Pâques

          J'aime commencer chaque culte de Pâques par une sorte de retour sur les événements de la semaine précédente. C'est que je crois que Pâques n'éclipse rien, n'atténue rien et n'annule rien de ce qui l'a précédé. Pâques, la joie de Pâques, paisible récollection de soi au jour de Pâques, ne peut être oublieuse de rien. Le fin mot de Pâques, et dernier couplet d'un cantique célèbre est "Non, je ne crains rien !" 

Cantique d'ouverture
Hosanna, hosanna !
Chantons d’un cœur fidèle
Le plus grand des amours et la joie éternelle !
Jésus le crucifié, le roi plein de douceur,

Dans son humilité devient notre Seigneur.

Prière
Seigneur…
Comment ceci peut-il être possible ?
Comment le crucifié, humilié, bafoué, livré aux regards et au mépris de tous…
Comment peut-il devenir, et être notre Seigneur ?
Dans un si profond abaissement… comment pourrait-il
Comment peut-on revivre lorsque l’humiliation va trop loin, va jusqu’à la mort ?
Le mort peut-il revenir ?
Seigneur, c’est trop de comment pour nos petites âmes.
Nous chantons, c’est vrai, mais nos cœurs se dessèchent.
Notre foi chancelle, et il ne restera bientôt d’elle qu’un petit tas de cendres, que le vent dispersera.
Est-il possible, Seigneur, que ta douceur et ton humilité nous suffisent ?
Nous voudrions crier « Seigneur, au secours ! »
Mais qui va nous entendre ?

Matthieu 28,1-7
1 Après le sabbat, au commencement du premier jour de la semaine, Marie de Magdala et l'autre Marie vinrent voir le sépulcre.
2 Et voilà qu'il se fit un grand tremblement de terre: l'ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s'assit dessus.
3 Il avait l'aspect de l'éclair et son vêtement était blanc comme neige.
4 Dans la crainte qu'ils en eurent, les gardes furent stupéfaits et devinrent comme morts.
5 Mais l'ange prit la parole et dit aux femmes: «Soyez sans crainte, vous. Je sais que vous cherchez Jésus, le crucifié.
6 Il n'est pas ici, car il est ressuscité comme il l'avait dit; venez voir l'endroit où il gisait.
7 Puis, vite, allez dire à ses disciples: ‹Il est ressuscité des morts, et voici qu'il vous précède en Galilée; c'est là que vous le verrez.› Voilà, je vous l'ai dit.»
Cantique
A toi la gloire, O Ressuscité !
A toi la victoire Pour l’éternité !
Brillant de lumière, L’ange est descendu,
Il roule la pierre Du tombeau vaincu.
A toi la gloire, O Ressuscité !
A toi la victoire Pour l’éternité !

Méditation : Il y a voir, et voir
Ainsi donc, Marie de Magdala et l’autre Marie, une fois le sabbat passé, vinrent voir le sépulcre. Mais qu’y avait-il à voir, à cet endroit-là ?
Un petit terre-plein à flanc de colline, une garde romaine, une énorme pierre tombale, dalle de pierre circulaire, fixée avec du mortier sur l’entrée du tombeau ; les mortiers des Romains tiennent encore, plus de deux mille ans plus tard.
Qu’y avait-il à voir, à cet endroit-là ? Il y avait à voir que plus rien n’en sortirait jamais… Jésus y était, mort, mort et enterré, pour toujours. Et devant cette vérité incontournable de la mort, il n’y avait – il n’y a – rien à faire.
Deux femmes regardent donc le tombeau d’un homme qu’elles ont aimé, effarées. Spectatrices absolument impuissantes – ni projets, ni parole – les yeux secs, elles n’ont même plus de larmes. Seule la contemplation de cet épouvantable lieu leur tient lieu d’espérance, et peut-être même pas.

Il y a voir, et voir…
L’immobilité morbide des choses vient d’être troublée.
L’ange est descendu… L’ange, redoutable et spectaculaire apparition, qui rassure d’abord les femmes, les invite à voir : à voir que celui qui avait été crucifié a été ressuscité. C'est-à-dire :
-        A voir l’endroit où il gisait : à voir donc qu’il n’y gît plus…
-        Et puisque le crucifié n’y gît plus, cela signifie qu’il n’y a plus rien à voir en cet endroit-là…
-        Et s’il n’y a plus rien à voir en cet endroit-là, il est urgent d’aller voir ailleurs. Ça s’appelle encore voir, mais c’est une toute autre manière de voir : c’est un voir ailleurs, c'est-à-dire autrement, c’est aussi un voir qui se tourne vers des vivants, les disciples de Jésus, pour leur dire, justement, que leur maître qui avait été crucifié a été ressuscité des morts.
-        Et qu’il n’y a donc plus rien à voir ni à Jérusalem, ni en Judée, mais que c’est en Galilée qu’ils le verront… non pas – nous l’avons compris – de ce voir mortifère des gardiens de tombeaux – mais de ce voir vivifiant… répété cinq fois en trois versets !

Il y a voir, et voir…
Il y a le voir des gardiens de tombeaux, et lorsque l’ange paraît, lorsque Dieu se manifeste, lorsque la joie promise se manifeste enfin, ces gens-là se figent, se raidissent comme la mort.
Il y a le voir, l’autre voir, celui des cœurs qui espèrent encore un peu, des cœurs entrouverts, qui n’attendent qu’une légère poussée pour se remettre à battre, pour se remettre à vivre.
Il y a urgence, dit l’ange, il y a urgence à ne pas se tromper de voir, il y a urgence à faire connaître son espérance.
Cantique 
Pourquoi pleurer encore ?
Voici, ton Dieu confie
Les portes de la mort Au Prince de la vie.
En son amour, Chrétien, réjouis-toi,
Réjouis-toi toujours !

Matthieu 28, 8-10 et 16-20
8 Quittant vite le tombeau, avec crainte et grande joie, (les femmes) coururent porter la nouvelle à ses disciples.
9 Et voici que Jésus vint à (la) rencontre (de ces femmes) et leur dit: «Je vous salue.» Elles s'approchèrent de lui et lui saisirent les pieds en se prosternant devant lui.
10 Alors Jésus leur dit: «Soyez sans crainte. Allez annoncer à mes frères qu'ils doivent se rendre en Galilée: c'est là qu'ils me verront.»
(…)
16 Alors les onze disciples se rendirent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre.
17 Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais quelques-uns eurent des doutes.
18 Jésus s'approcha d'eux et leur adressa ces paroles: «Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre.
19 Allez donc: de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit,
20 leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin des temps.»

Cantique 
Vois-le paraître, C’est lui, c’est Jésus !
Ton sauveur, ton maître, Oh, ne doute plus !
Sois dans l’allégresse, peuple du Seigneur,
Et redis sans cesse, Que Christ est vainqueur !
A toi la gloire, O Ressuscité !
A toi la victoire, pour l’éternité !
Méditation : La Galilée, c'est où ? (ou, c'est quoi?)
Alors, les onze disciples se rendirent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre.
Si vous vous rendez un jour en Galilée en tant que pèlerins, on vous montrera certainement une colline réputée être ce mont où Jésus avait ordonné à ses disciples de se rendre. Mais, si l’on s’en réfère au texte de Matthieu, l’ordre donné par Jésus à ses disciples ne concerne pas un mont plutôt qu’un autre quelque part en Galilée, mais la Galilée, comme s’il s’agissait de la Galilée tout entière.
Peut-être est-ce pour éviter que le lieu de leur rencontre soit un lieu trop précis, un lieu qui aurait tôt fait d’être transformé en un lieu sacré, un lieu de dévotion, un lieu jalousement gardé, bref, comme un autre tombeau avec d’autres gardiens.

La Galilée tout entière aussi pour bien marquer que l’initiative d’une rencontre avec Jésus, de son vivant comme après sa résurrection, revient toujours à Jésus, au Christ, et à l’homme qui le cherche.
La Galilée tout entière encore, Galilée comme terre des possibles. En Galilée, et non pas en Judée. Et nous pouvons évoquer ici cette Judée du temps de Jésus et sa capitale, Jérusalem, extraordinairement sûre d’elle-même, sûre de son ancienneté, de sa légitimité, jusqu’à l’arrogance, jusqu’au mépris pour tout ce qui venait d’ailleurs ; cette Judée suspicieuse même à l’égard des Galiléens, Galiléens maintes fois envahis, métissés, abâtardis… Mais, justement, cette Galilée, terre ouverte, terre des possibles, là où l’enseignement de Jésus avait pu un peu fleurir, et où ses disciples ne seraient probablement pas trop mal reçus.
La Galilée, enfin, pour revisiter l’enseignement du maître puis, piste d’envol pour une mission universelle.

Sœurs et frères, où est notre Galilée à nous ? Où est notre patrie du Christ vivant ? Où est pour nous cette terre bénie, loin des tombeaux dont nous avons pu être gardiens ?
Rendez-vous en Galilée, sœurs et frères, terre d’élection de celles et ceux dont le cœur est encore ouvert, et dont l’âme attend toujours une visite de son Seigneur.

Prière
Seigneur, notre Seigneur dans l’ultime abaissement…
Est-ce bien toi, celui dont ont parlé ces femmes ?
Est-ce bien toi, celui que nous verrons en Galilée ?
Comment le croire,
Et si nous le croyons, comment peut-on le dire,
Et si nous le disons quelqu’un va-t-il le croire ?
Est-ce bien toi qui nous parles ?

Nous lisons que quelques-uns eurent des doutes…
Seigneur, n’est-ce pas pour nous ménager qu’il est écrit que quelques-uns (seulement) eurent des doutes.
Oui, ce doit être un fait de ta bonté. Une fois encore.
Pour que notre charge ne soit pas trop lourde.
Et que demeure en nous la joie de te savoir vivant.
Cette joie qui élargit les cœurs, qui affermit les jambes et fait briller les yeux.

Puisse cette joie être nôtre,
Puissions-nous la partager.
Puisse ta prière être notre prière
Et qu’ensemble, et nos voix unies à la tienne nous prions ton Père qui est notre Père, ce Dieu qui est notre Dieu.
Cantique 
Craindrai-je encore ? Il vit à jamais,
Celui que j’adore, Le Prince de paix.
Il est ma victoire, Mon puissant soutien,
Ma vie et ma gloire, Non ! Je ne crains rien !
A toi la gloire, O Ressuscité !
A toi la victoire, pour l’éternité !

Bénédiction
En ce matin de Pâques
Christ est ressuscité
Grande joie pour ceux qui croient
Plus grande joie encore pour ceux qui doutent
Que le Seigneur vous bénisse et vous garde dans cette joie

Cantique
Christ règne dans le ciel
Au sein de la lumière
Et son règne éternel
Bientôt viendra sur terre.
Dans son amour, Chrétien réjouis-toi,
Réjouis-toi toujours !


vendredi 10 avril 2020

Office du Vendredi Saint

Jésus, ou Barabbas ?
Matthieu 27

17 Pilate demanda donc à la foule rassemblée: «Qui voulez-vous que je vous relâche, Jésus Barabbas ou Jésus qu'on appelle Messie?»
 18 Car il savait qu'ils l'avaient livré par jalousie.
 20 Les grands prêtres et les anciens persuadèrent les foules de demander Barabbas et de faire périr Jésus.
 21 Reprenant la parole, le gouverneur leur demanda: «Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche?» Ils répondirent: «Barabbas.»
 22 Pilate leur demande: «Que ferai-je donc de Jésus, qu'on appelle Messie?» Ils répondirent tous: «Qu'il soit crucifié!»
 23 Il reprit: «Quel mal a-t-il donc fait?» Mais eux criaient de plus en plus fort: «Qu'il soit crucifié!»

Méditation : livré par jalousie
Les hauts dignitaires du Temple de Jérusalem avaient livré Jésus aux Romains parce qu’ils étaient jaloux.

Le jaloux est un personnage qui cultive l’illusion d’être l’origine et le centre du monde, et qui éprouve donc de la haine contre tout ce qui lui montre que c’est une illusion. La haine est un sentiment extrêmement violent, un sentiment qui incite à tuer.
Ces hauts dignitaires étaient-ils le centre du monde ? Ils régnaient sur le Temple, et, au cœur du Temple, il y avait la demeure de Dieu. Ils régnaient sur tous les hommes qui assuraient le service divin. Sans eux, pas de sacrifices. Sans sacrifices, pas de pardon de Dieu. Ces gens-là régnaient sur Dieu. Ou du moins le croyaient-ils, et ils en cultivaient-ils l’illusion.
Ceci étant posé, Dieu, en ce temps-là, agissait-il ailleurs qu’au Temple de Jérusalem ?
Lorsque Pilate, gouverneur romain, présente Jésus à la foule et aux dignitaires, en le nommant Messie, il répond très exactement à la question. Oui, on appelle Jésus Messie. On l’appelle Messie parce qu’il a reçu une divine onction. Et cette divine onction est attestée par son enseignement et par son engagement, par sa parole et ses actes. « Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et l’évangile est annoncée aux pauvres » (Mat 11:5).

Ainsi Dieu agit-il, par Jésus, ailleurs qu’au Temple de Jérusalem, c’est indéniable. Et c’est insupportable pour les jaloux. Ils veulent donc en finir avec Jésus.

Avant de poursuivre, posons-nous quelques questions simples, des questions pour aujourd’hui. « Où Dieu agit-il, aujourd’hui ? » « Par les œuvres de qui ? » « Dans quelle Église, hormis la nôtre ? » « En dehors des Églises ? » « Là où l’on ne parle pas de Lui ? »
Et qu’est-ce que cela nous fait, que Dieu agisse ailleurs que chez nous ? N’est-il pas Dieu ? Et n’avons-nous pas médité – il y a quelques semaines – sur la souveraine liberté de Dieu ?

Jalousie… Ils avaient livré Jésus par jalousie. Ils voulaient en finir avec Lui. Mais, vouloir en finir avec Jésus, n’est-ce pas, en quelque manière, vouloir en finir avec Dieu ?  
Le jaloux est quelqu’un qui prétend en finir même avec Dieu… Et il mettra tout en œuvre pour y parvenir.
Pour quel péché, Jésus, pour quelle offense
A-t-on sur toi prononcé la sentence ?
Qu’as-tu donc fait, innocente victime ?
Quel est ton crime ?

Matthieu 27
35 Quand ils l'eurent crucifié, ils partagèrent ses vêtements en tirant au sort.
 36 Et ils étaient là, assis, à le garder.
 37 Au-dessus de sa tête, ils avaient placé le motif de sa condamnation, ainsi libellé: «Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs.»
 38 Deux bandits sont alors crucifiés avec lui, l'un à droite, l'autre à gauche.
 39 Les passants l'insultaient, hochant la tête
 40 et disant: «Toi qui détruis le sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, si tu es le Fils de Dieu, et descends de la croix!»
 41 De même, avec les scribes et les anciens, les grands prêtres se moquaient:
 42 «Il en a sauvé d'autres et il ne peut pas se sauver lui-même! Il est Roi d'Israël, qu'il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui!
 43 Il a mis en Dieu sa confiance, que Dieu le délivre maintenant, s'il l'aime, car il a dit: ‹Je suis Fils de Dieu!› »
 44 Même les bandits crucifiés avec lui l'injuriaient de la même manière.
 45 À partir de midi, il y eut des ténèbres sur toute la terre jusqu'à trois heures.
 46 Vers trois heures, Jésus s'écria d'une voix forte: «Eli, Eli, lema sabaqthani», c'est-à-dire «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?»
            Et, quelques instants plus tard, Jésus meurt
51 Et voici que le voile du sanctuaire se déchira en deux du haut en bas…

Méditation
Jésus le Fils de Dieu ne s’est pas sauvé lui-même. Pas un seul Juif pour sauver le roi des Juifs. Il ne s’est trouvé personne en Israël pour sauver le Roi d’Israël. Le Fils de Dieu n’a pas été délivré, même par Dieu.
Jésus meurt, abandonné de tous. Et il meurt sur la croix. Impossible d’imaginer une fin plus infamante. Impossible d’aller plus loin dans le mépris. Pourquoi cette mort-là ? Pourquoi, précisément, cette mort-là pour le Fils de Dieu ?
Pour que soit parfaitement manifesté l’amour de Dieu pour l’humanité en Jésus Christ. Cette réponse est vraie, et nous la connaissons bien. Elle n’est qu’une réponse dans un faisceau de réponse.
La mort sur la croix manifeste aussi cette jalousie que certains éprouvent envers les justes. Certains haïssent les justes au point de vouloir les supprimer.
La mort sur la croix manifeste encore ce que c’est que la haine de Dieu : il arrive que des justes soient éliminés au nom de Dieu lui-même.

Pour ceux auxquels il reste un vague souvenir d’une expérience de bonté, un petit parfum d’espérance, la mort sur la croix manifeste que même si le juste périt, Dieu est vivant en dépit de toutes les bassesses, de toutes les trahisons, vivant en dépit de tous les amours qu’on prétend lui vouer et de toutes les haines dont il est l’objet.
Un petit parfum d’espérance, perdu dans un abîme de mauvaiseté. Non pas une nourriture solide pour la route, tout juste un viatique… peut-être.
Où trouverais-je un cœur, dans ma détresse,
Semblable au tien, plein d’amour, de tendresse ?
Car en toi seul j’ai mis ma confiance,
Mon espérance.


Prière
Seigneur,
Je n’ai pas su te secourir, et maintenant voilà :
La satisfaction de ceux qui ont fomenté ta mort,
Et l’inconsolable tristesse de tes amis.
L’effroyable bilan de ces années passées à tes côtés.

Toi, mon Seigneur,
Je voudrais t’ensevelir en moi
            Puis attendre, t’attendre,
            Toi, que j’ai si peu, si mal et tellement aimé.

            Repose en moi, Seigneur.
            Je t’attends.

De l’humaine misère, Tu t’es fait serviteur ;
De chacun de tes frères, Tu portes la douleur. 
Seigneur, de nos souffrances, Et de nos lendemains,
Garde notre espérance En tes vivantes mains !