Avec mes excuses pour ce léger retard, voici le texte biblique et la prédication du récent dimanche de Pentecôte.
Luc 2
1 Quand le jour de la
Pentecôte arriva, ils se trouvaient réunis tous ensemble.
2 Tout à coup il y
eut un bruit qui venait du ciel comme le souffle d'un violent coup de vent: la
maison où ils se tenaient en fut toute remplie;
3 alors leur
apparurent comme des langues de feu qui se partageaient et il s'en posa sur
chacun d'eux.
4 Ils furent tous
remplis d'Esprit Saint et se mirent à parler d'autres langues, comme l'Esprit
leur donnait de s'exprimer.
5 Or, à Jérusalem, résidaient des Juifs pieux, venus de
toutes les nations qui sont sous le ciel.
6 A la rumeur qui se
répandait, la foule se rassembla et se trouvait en plein désarroi, car chacun
les entendait parler sa propre langue.
7 Déconcertés,
émerveillés, ils disaient: "Tous ces gens qui parlent ne sont-ils pas des
Galiléens?
8 Comment se fait-il
que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle?
9 Parthes, Mèdes et
Elamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, du Pont
et de l'Asie,
10 de la Phrygie et
de la Pamphylie, de l'Egypte et de la Libye cyrénaïque, ceux de Rome en
résidence ici,
11 tous, tant Juifs
que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons annoncer dans nos langues
les merveilles de Dieu."
12 Ils étaient tous
déconcertés, et dans leur perplexité ils se disaient les uns aux autres:
"Qu'est-ce que cela veut dire?"
13 D'autres
s'esclaffaient: "Ils sont pleins de vin doux."
14 Alors s'éleva la voix de Pierre, qui était là
avec les Onze; il s'exprima en ces termes: «Hommes de Judée, et vous tous qui
résidez à Jérusalem, comprenez bien ce qui se passe et prêtez l'oreille à mes
paroles.
15 Non, ces gens n'ont pas bu comme vous le supposez:
nous ne sommes en effet qu'à neuf heures du matin;
16 mais ici se réalise cette parole du prophète
Joël :
« 17
Alors, dans les derniers jours, dit Dieu, je répandrai de mon Esprit sur toute
chair, vos fils et vos filles seront prophètes, vos jeunes gens auront des
visions, vos vieillards auront des songes; 18 oui, sur mes
serviteurs et sur mes servantes en ces jours-là je répandrai de mon Esprit et
ils seront prophètes. 19 Je ferai des prodiges là-haut dans le ciel
et des signes ici-bas sur la terre, du sang, du feu et une colonne de fumée. 20
Le soleil se changera en ténèbres et la lune en sang avant que vienne le jour
du Seigneur, grand et glorieux. 21 Alors quiconque invoquera le nom
du Seigneur sera sauvé. »
22 «Israélites, écoutez mes
paroles: Jésus le Nazôréen, homme que Dieu avait accrédité auprès de vous en
opérant par lui des miracles, des prodiges et des signes au milieu de vous,
comme vous le savez,
23 cet homme, selon le plan bien
arrêté par Dieu dans sa prescience, vous l'avez livré et supprimé en le faisant
crucifier par la main des impies;
24 mais Dieu l'a ressuscité en le
délivrant des douleurs de la mort, car il n'était pas possible que la mort le
retienne en son pouvoir.
(…) 36 «Que toute la maison d'Israël le sache donc avec
certitude: Dieu l'a fait et Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous aviez
crucifié.»
37 Le cœur bouleversé d'entendre ces paroles, ils
demandèrent à Pierre et aux autres apôtres: «Que ferons-nous, frères?»
38 Pierre leur répondit:
«Convertissez-vous: que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Jésus
Christ pour le pardon de ses péchés, et vous recevrez le don du Saint Esprit.
39 Car c'est à vous qu'est destinée
la promesse, et à vos enfants ainsi qu'à tous ceux qui sont au loin, aussi
nombreux que le Seigneur notre Dieu les appellera.»
Prédication
Durant ces dernières semaines, tout en méditant
sur l’évangile de Jean, nous nous sommes demandé ce qu’allait devenir la
communauté des disciples du Fils, une fois qu’il serait définitivement retourné
auprès du Père. De plus, aggravation possible de cette première question, nous
nous sommes demandés ce qu’il adviendrait lorsqu’aurait soufflé sur ces
disciples la puissance promise de l’Esprit. Lorsque chacun a tout Dieu en soi,
l’existence d’une communauté est-elle seulement envisageable ? La réponse
de l’évangile de Jean est positive, sous réserve d’obéissance à un unique
commandement, donné à tous par le Fils : « Aimez-vous les uns les
autres comme je vous ai aimés. » Et l’on sait, à lire la fin de l’évangile
de Jean ainsi que les trois petites épîtres, combien la chose fut difficile... L’amour,
donc, telle est la réponse de la tradition de Jean.
Mais la réponse de Jean n’est pas
la seule réponse biblique possible. Et nous voilà, une semaine plus tard, avec
la même question : qu’en sera-t-il du devenir de la communauté des
disciples du Seigneur, une fois celui-ci retourné au ciel ? Nous avons lu,
selon l’usage, de larges extraits du 2ème chapitre des Actes des
Apôtres, tradition de Luc.
La réponse à la question posée va
tenir assez simplement dans un série de 5 nombres : 1, 12, 120, 3000,
infini.
La fête des moissons, l’un des
trois pèlerinages annuels du Judaïsme du temps de Jésus, rassemblait énormément
de monde à Jérusalem. Des gens venus des quatre coins de l’empire romain et
aussi des quatre coins de l’empire parthe, se rassemblaient à cette occasion.
Juifs de l’étranger, bien entendu, mais pas seulement. Se rassemblaient aussi quantité
de gens étrangers qui s’étaient trouvé suffisamment d’affinités avec les Juifs
et leur Dieu pour adopter leurs croyances, leurs cérémonies, et une certaine
manière de vivre la foi en Dieu. En période de pèlerinage, toutes les langues
de la terre connue sont parlées à Jérusalem, et tous les peuples et ethnies s’y
côtoient. L’auteur des Actes de Apôtres, Luc, fait le catalogue de ces gens,
qu’il démultiplie en mentionnant les langues les plus communes, celles que tout
le monde parle, et en mentionnant aussi des dialectes, des langues rares, voire
la langue intime de chacun, celle que personne ne sait traduire. Et Luc finit
par cette expression : « …aussi nombreux que le Seigneur notre Dieu
les appellera. » Ainsi donc et selon Luc, le devenir de la communauté est
assuré par l’appel même de Dieu, sans limitation de lieu, de nombre et de
temps… Dans la communauté croyante selon Luc, on ne choisit pas ses petits amis,
mais on accueille fraternellement ceux que le Seigneur appelle. Qu’il plaise à
Dieu d’en appeler une infinité.
Mais cette future communauté
croyante infiniment nombreuse a une histoire. Cette histoire commence avec un
certain nombre, ce nombre est de 3000, les 3000 premiers convertis, et
baptisés, de la première prédication chrétienne. Nous allons donc bien repérer
maintenant que la communauté que Luc envisage est une communauté de convertis et de baptisés. Il est même à
repérer, en Actes 2, que c’est dans un certain ordre que les choses doivent se
dérouler : prédication, conversion, baptême, réception du Saint Esprit.
De 3000, passons à 120, effectif
de ceux qui se tenaient ensemble à prier depuis l’Ascension du Ressuscité, et
qui firent les premiers à avoir reçu, à Pentecôte, le Saint Esprit. Ces gens
sont ceux qui ont célébré les merveilles de Dieu dans toutes les langues,
dialectes et idiomes de la terre. Il y a là une sorte de premier noyau mystique
de la communauté.
De 120, passons à 12 : ceux
qui ont connu et suivi Jésus Christ. Et qui, de ce fait, seront de leur vivant
les responsables exclusifs de l’intégrité de la prédication chrétienne.
Puis de 12, nous arrivons à 1, et
ce 1, c’est Pierre. Comme nous lisons : « Alors, Pierre s’étant levé
d’entre les 12, il les interpella… ». Et Pierre y va de moult
impératifs : sachez que… entendez bien que… convertissez-vous… soyez
baptisés… Mais ensuite il laisse là les impératifs, parce que Dieu répand son
Saint Esprit, quand il veut, et sur qui il veut… Pierre apparaît donc comme
celui qui sait, qui enseigne, et qui ordonne.
A partir de ce 1, nous repensons
aux 12, aux 120, aux 3000, et à l’infini. Ce qui nous permet de visualiser une
belle pyramide.
Et nous revenons à la question
que nous nous sommes posée ces dernières semaines : qu’en sera-t-il du
devenir de la communauté des disciples du Seigneur, une fois celui-ci retourné
au ciel ?
Vous vous souvenez que, selon
Jean, le devenir de la communauté était une communauté d’égaux rassemblés par
le lien de l’amour. Et bien la communauté selon Luc est une communauté
pyramidale dont les membres sont rassemblés par des liens de type hiérarchiques :
l’autorité de Pierre, l’enseignement des Apôtres, le rituel reçu – ici, le
baptême.
Amour, ou hiérarchie. Amour n’est
pas un tout gentil mot. C’est, selon Jean, un engagement que seul le Christ
aura su prendre et tenir dans le don de toute sa vie et de toute sa personne.
Hiérarchie, ça n’est pas forcément un vilain mot. Mais nous savons ce qu’en ont
pensé et dit nos chers Réformateurs, au 16ème siècle, et avec quels
effets.
Ces mots ne décrivent pas ce que
devrait être, aujourd’hui, la communauté chrétienne. Ils le décrivent d’autant
moins pour nous qui ne croyons pas que le Christ a voulu que son Église fût
structurée de telle manière ou de telle autre manière.
Ces mots sont là pour que, si
nous le voulons, nous nous interrogions sur les liens qui nous unissent. Mais deux
mots, c’est bien trop peu de nuances. C’est pourquoi ces mots seront repris,
discutés, malaxés par Jean, et par Luc. Chez Luc, dans les Actes des Apôtres,
toutes les structures et autres règles que Pierre et les Apôtres tâcheront de
mettre en œuvre seront toujours débordées, par la créativité des hommes et la
prodigalité divine. Et Jean n’est pas en reste qui affirme, dès le début de son
évangile, que l’Esprit souffle où il veut.
Alors, quels sont ces liens qui
nous unissent ? C’est sur cette question que nous laissons notre
méditation de Pentecôte. La fête d’un événement tout plein de paroles, ce
qu’est la fête de Pentecôte, peut bien donner lieu à une prédication s’achevant
dans le silence. Amen