dimanche 18 novembre 2018

Veillez! (Marc 13,1-2 et 22-37) Deux méditations sur le temps


Marc 13
1 Et comme il sortait du temple, un de ses disciples lui dit: Maître, regarde, quelles pierres et quels bâtiments!
2 Et Jésus, répondant, lui dit: Tu vois ces grands bâtiments? il ne sera point laissé pierre sur pierre qui ne soit jetée à bas!
(…)
22 Car il ressuscitera de faux christs et de faux prophètes; et ils montreront des signes et des prodiges, pour séduire, si possible, même les élus.
23 Mais vous, soyez sur vos gardes! Voici, je vous ai tout dit à l'avance.
24 Mais en ces jours-là, après cette tribulation, le soleil sera obscurci, et la lune ne donnera pas sa lumière,
25 et les étoiles du ciel tomberont, et les puissances qui sont dans les cieux seront ébranlées.
26 Et alors ils verront le fils de l'homme venant sur les nuées avec une grande puissance et avec gloire:
27 et alors il enverra ses anges, et il rassemblera ses élus des quatre vents, depuis le bout de la terre jusqu'au bout du ciel.
28 Mais apprenez du figuier la parabole qu'il vous offre: Quand déjà son rameau est tendre et qu'il pousse des feuilles, vous connaissez que l'été est proche.
29 De même aussi vous, quand vous verrez arriver ces choses, sachez que cela est proche, à la porte.
30 En vérité, je vous dis que cette génération ne passera point que toutes ces choses ne soient arrivées.
31 Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point.
32 Mais quant à ce jour-là, ou à l'heure, personne n'en a connaissance, pas même les anges qui sont dans le ciel, ni même le Fils, mais le Père.
33 Prenez garde, veillez et priez, car vous ne savez pas quand ce temps sera.
34 -C'est comme un homme allant hors du pays, laissant sa maison, et donnant de l'autorité à ses esclaves, et à chacun son ouvrage...; et il commanda au portier de veiller.
35 Veillez donc; car vous ne savez pas quand le maître de la maison viendra, le soir, ou à minuit, ou au chant du coq, ou au matin;
36 de peur qu'arrivant tout à coup, il ne vous trouve dormant.
37 Or ce que je vous dis, à vous, je le dis à tous: Veillez.
Veillez (1)

Prédication :
            Veillez ! Tel est l’impératif qui clôt le 13ème chapitre de l’évangile de Marc, chapitre qui comporte un long discours de Jésus sur des thèmes apocalyptiques, dans un langage apocalyptique. C’est tout plein de prédictions qui portent sur le comportement des humains, et qui portent aussi sur des bouleversements cosmiques catastrophiques, tout ce qui doit arriver... Jésus assène tout cela à ses disciples, et finit par cet impératif : « Veillez ! »
Et nous nous demandons ce que signifie cet impératif. Veillez ! Veillez de peur qu’arrivant tout à coup, il ne vous trouve dormant… Cet impératif sera l’objet de notre méditation.

            Mais revenons d’abord au début du chapitre. Disputes et polémiques n’ont pas cessé depuis que Jésus est entré dans Jérusalem. Jésus a déclaré qu’une pauvre veuve avec des pièces de cuivre minuscules donne d’avantage au trésor du Temple que tous les riches donateurs… Puis, comme il sort du Temple, un disciple dit ceci : « Maître, regarde, quelles pierres et quels bâtiments ! » Et Jésus de répondre : « Tu vois ces grands bâtiments. Il ne sera point laissé pierre sur pierre qui ne soit jeté à bas. » Cela signifie destruction, bien sûr. Mais on sait qu’après certaines destructions on peut reprendre les pierres, l’une après l’autre, et reconstruire. On sait que des pierres bien taillées gardent la mémoire de l’emplacement qu’elles occupaient. Et l’on peut, en somme, après la destruction, réassembler le puzzle. Mais dans ce qu’annonce Jésus, il s’agit d’une destruction si radicale, si terrible, que même les gravats n’auront plus de sens. Les édifices sacrés seront irrémédiablement détruits.
Ainsi Jésus s’exprime-t-il en prophète qui annonce la destruction du Temple, mais pas seulement de l’édifice. Il annonce, en plus de la destruction du Temple, que tout ce qui va avec le Temple sera également ravagé. Ravagées la promesse, ravagée l’alliance… ravagé le culte, ravagées toutes les traditions qui allaient avec le culte, et donc ravagé le rythme du retour des fêtes qui rappelait incessamment l’Alliance, qui en rappelait constamment l’ancienneté et la perpétuité…
Veillez ! (2)
            Les auteurs des évangiles ont tous écrit au moins un chapitre appartenant au genre apocalyptique. Ce doit être parce qu’ils ont tous eu à connaître d’assez près des temps apocalyptiques. Et qu’ils ont écrit pour des gens qui avaient eu à connaître aussi ces temps.
            Mais qu’est-ce qu’un temps apocalyptique ? Avec les deux versets que nous avons lus, et qui sont décrits comme une parabole, nous pouvons essayer quelque chose.
            Il y a l’inlassable retour des saisons, dont les signes avant-coureurs, toujours identiques à eux-mêmes, donnent aux humains une capacité de prédiction. Les signes du retour des saisons sont constitués, par leur répétition même, en un langage compréhensible. Puis l’été passe, et l’on recommence un cycle de la vie. Cette première partie de la parabole (le verset 28) lie ainsi étroitement – on pourrait dire naturellement – le temps linéaire et le temps cyclique. Il y a là une “construction du temps” qui permet de se repérer, d’être assuré, voire rassuré. La vie est là parce que le temps est régulièrement construit. Mais la seconde partie de la parabole (le verset 29 – référée aux versets précédents) décrit une dislocation de cette architecture du temps. Parce que ces choses qui vont arriver arriveront on ne sait quand, et seront si violentes que le temps cyclique et le temps linéaire seront disloqués. Le temps cyclique – celui du retour des saisons et du retour concomitant du culte – deviendra inhabitable, quand au temps linéaire, celui dont les moments successifs sont totalement imprévisibles, inédits, et donc indescriptibles, recouvrira tout.
            Le temps apocalyptique est donc caractérisé par une “destruction du temps”. Il est donc un temps particulièrement pénible à vivre ; c’est un temps sans points de repère, sans répétitions, et donc un temps dans lequel la durée n’est absolument pas mesurable, c’est donc un temps qui semble ne jamais devoir finir.
             En deux versets – on peut difficilement être plus concis – l’auteur de l’évangile de Marc décrit la situation de tous ceux que la vie éprouve. Et en deux versets, il donne un commencement d’espérance : la saison qu’il choisit d’évoquer, c’est l’été ; il ne fait que l’évoquer, il en parle un peu de loin. Dans la destruction du temps propre à l’apocalypse il aperçoit les signes et la promesse de l’été. Ça ne sera donc pas toujours l’hiver.

Veillez ! (3)
Mais ça n’est pas tout. Parce que ce premier ravage n’est qu’une première étape de la destruction opérée par son discours.

Pour ne pas que notre lecture soit trop longue, nous avons laissé de côté 20 versets au fil desquels Jésus, sans grande originalité, prophétise sur les signes bien connus de la fin des temps. Tous ces signes constituent un langage, et donc un savoir, le savoir de la fin des temps, qui, pour ceux qui le connaissent, permet qu’ils demeurent paisibles lorsque certaines catastrophes ont lieu et les atteignent. Connaissant les signes de la fin, et la fin elle-même, ils ne perdent pas confiance…
Or, à cette classique connaissance de la fin, Jésus ajoute : « quant à ce jour-là, ou à l’heure, personne n’en a connaissance, pas même les anges qui sont dans le ciel, ni même le fils, mais le Père » ? Cet ajout opère un second ravage, il est la seconde étape de la destruction opérée par son discours. Si nul ne sait ni le jour ni l’heure, cela signifie que la longue liste des signes de la fin des temps n’a aucune portée prédictive. La fin des temps dont Jésus parle est la fin même du savoir de la fin des temps. Il ne restera pas pierre sur pierre, cela signifie que le Temple disparaît, que les traditions attachées au Temple disparaissent, et que la pensée du Temple disparaît elle aussi. Il n’y a plus de lieu pour prier Dieu, il n’y a plus de moyens de prier Dieu, il n’y a plus de langage pour penser Dieu… Si nous devons faire référence à une situation qui pourrait évoquer celle de la fin des temps selon Jésus, ce serait le chaos, le tohu-bohu du second verset de la Genèse, avec des êtres humains dedans, exposés nus à la pire des tempêtes…

Mais alors, à ces humains, que reste-t-il ? Entendons-nous bien : à ses disciples, Jésus délivre un enseignement en forme de prophéties, d’une parabole, et d’un commandement. Ce commandement, c’est : « Veillez ! » Un impératif tout seul, sans dire sur qui l’on doit veiller, ou sur quoi l’on doit veiller, non, rien  de tout cela, juste : « Veillez ! » C’est un impératif présent, c’est dès à présent, dès la fin de l’enseignement de Jésus qu’il s’agit de veiller. Veiller, soit, mais de quelle veille s’agit-il ?
Il s’agit d’abord de ne pas s’endormir. Ce qui ne signifie pas se priver de sommeil et de repos de peur que le Seigneur ne revienne pendant la nuit. Le disciple de Jésus Christ peut dormir, comme on dit, du sommeil du juste. Mais avec tout ce savoir qu’il a, toute cette connaissance que la Bible lui confère, sans parler de révélations personnelles qui atteignent certains… le disciple de Jésus Christ peut s’endormir sur son savoir : c’est dans la Bible, Dieu l’a dit, Dieu me l’a fait savoir ! Et il en oublie de veiller ; il ne fait plus que surveiller, mais il ne veille pas. Il surveille, il vérifie que c’est bien conforme à ce qui est écrit, il est heureux de cette conformité qui ne fait que renforcer son savoir. Mais il oublie que rien ne peut limiter l’agir de Dieu, rien, ni la volonté des humains ni même les Saintes Ecritures. Il croit qu’il sait parce que c’est écrit là, mais il oublie que le savoir biblique est un savoir ne sachant pas, et, oubliant cela, il s’endort, sur son savoir, et ne veille pas.
 
Ayant ainsi parlé, nous pouvons maintenant dire que la veille qui correspond au commandement de Jésus est d’abord un renoncement à tout savoir de la fin des temps, puis une constante ouverture des oreilles, des yeux et du cœur, prête à voir la main de Dieu à l’œuvre là où même la Bible ne le dit pas, prête à voir la main de Dieu à l’œuvre même au milieu de la tempête, au sein même du chaos. Comprenons-nous bien, cela ne signifie pas que Dieu est ou serait l’auteur du chaos, mais que le disciple de Jésus, même exposé au pire, même atteint par le pire, par l’incompréhensible, par le non-sens absolu, reste éveillé, reste prêt. Il obéit au commandement de son maître. Il veille.


Puissions-nous, sœurs et frères, veiller ainsi. Amen
Veillez ! (4)

dimanche 11 novembre 2018

Le véritable trésor du temple (Marc 12,38-13,2)



38 Dans son enseignement, il disait: «Prenez garde aux scribes qui tiennent à déambuler en grandes robes, à être salués sur les places publiques,
39 à occuper les premiers sièges dans les synagogues et les premières places dans les dîners.
40 Eux qui dévorent les biens des veuves et affectent de prier longuement, ils subiront la plus surabondante condamnation.»

41 Assis en face du tronc, Jésus regardait comment la foule mettait de l'argent dans le tronc. De nombreux riches mettaient beaucoup.
42 Vint une veuve pauvre qui mit deux petites pièces, quelques centimes.
43 Appelant ses disciples, Jésus leur dit: «En vérité, je vous le déclare, cette veuve pauvre a mis plus que tous ceux qui mettent dans le tronc.
44 Car tous ont mis en prenant sur leur surabondance; mais elle, elle a pris sur sa misère pour mettre tout ce qu'elle possédait, tout ce qu'elle avait pour vivre.»

1 Comme Jésus s'en allait du temple, un de ses disciples lui dit: «Maître, regarde: quelles pierres, quelles constructions!»
2 Jésus lui dit: «Tu vois ces grandes constructions! Il ne restera pas pierre sur pierre; tout sera détruit.»



Prédication :
            Je ne sais pas comment se finissent les guerres. Par des traités de paix, ou par des armistices comme cela à été le cas il y a aujourd’hui 100 ans dans la clairière de Rethondes en forêt de Compiègne. Des hommes de chaque partie, investis de pouvoir spéciaux par leurs gouvernements, ou par leurs princes, signent un même document dans lequel il est stipulé que  c’est fini, qu’on n’utilisera plus désormais la force des armes pour imposer sa volonté à l’adversaire. Le 11 novembre 1918, à 5h15 du matin, l’armistice était signé. La guerre était finie.
            Cette fin est une fin cérémonielle, symbolique… nécessaire. Mais une autre fin est tout aussi nécessaire : la fin des hostilités sur le front lui-même. Les ordres de cesser le feu partent des états majors, arrivent aux postes de commandement, et parviennent à la fin, tout à la fin, aux troupes. Alors quelque part la poudre parle pour la dernière fois. Et on peut enfin se présenter à découvert sans risquer d’être pris pour cible.

            Nous ne savons évidemment pas où a été tiré le dernier coup de feu de la Grande Guerre. Mais comme il existe un monument du soldat inconnu, on pourrait avoir quelque part symboliquement un monument du dernier coup de feu. Ce monument parlerait ainsi du moment où les hommes cessent de compter sur la violence armée pour parvenir à leurs fins. Il est aisé de dire ce qui cesse lorsque la guerre est finie. Mais peut-être est-il moins aisé de dire ce qui commence. La paix ? Il ne suffit pas toujours que les armes se taisent pour que la paix soit établie. Ici  commence notre méditation de l’évangile de Marc.
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            Les scribes d’une part et les pauvres d’autre part, l’ostentation des uns et la discrétion des autres, les dons qui sont vraiment des dons et les dons qui ne sont pas des dons, la grandeur, la beauté des édifices religieux et les tragédies de l’histoire… il y a dans le texte que nous venons de lire toutes les platitudes possibles qu’on peut rencontrer sur les sujets de culte, d’offrande et de foi. Toutes les évidences et toutes les banalités possibles, en si peu de mots, c’est une performance qui devrait nous suggérer d’être prudents, prudents dans notre choix de texte, prudents dans notre méditation et prudents dans nos commentaires.

Nous allons donc commencer par une première prudence, une prudence qui nous a fait choisir d’élargir un peu le texte qui nous était proposé. Deux versets de plus, Marc 13,1-2. Il faut toujours se rappeler que le découpage du texte biblique en chapitres et en versets, tel que nous le connaissons, n’est qu’une commodité. Rien ne dit que ce qui est en jeu avec cette veuve pauvre finit en Marc 12,44. En fait, quelqu’un a choisi, au 13è. siècle de notre ère, que le chapitre 12 aurait telle fin, et le chapitre 13 tel début. Vous n’êtes jamais obligé de vous en tenir à cela. Sentez-vous libres, toujours, de lire quelques versets de plus.
Deux versets de plus : Comme Jésus s’en allait du temple, un de ses disciples lui dit : « Maître, regarde : quelles pierres, quelles constructions ! » Jésus lui dit : « Tu vois ces grandes constructions ! Il ne restera pas pierre sur pierre qui ne soit renversée. »
Cela a-t-il à voir avec l’offrande de la veuve pauvre ? Nous allons y venir. Cela a à voir en tout cas avec la forme du culte, avec la forme de ce culte à Dieu qui fut célébré à Jérusalem jusqu’à l’été de l’an 70, lorsque le temple fut détruit ; le culte cessa, cessèrent avec le culte les offrandes, celles des riches, et celles des pauvres. Mais Dieu, que devint-il  dans tout ce chaos ? Le temple de Jérusalem était le seul lieu où on lui rendait un culte… Que deviennent les dieux lorsque leurs temples sont saccagés ? Les historiens des religions ont peur de se poser cette question ; une récente étude que j’ai eu le bonheur de lire s’ouvrait sur ce constat : les historiens des religions s’intéressent très volontiers à l’apparition de nouveaux cultes, mais ne se penchent jamais sur les cultes qui disparaissent… Pourquoi ? 

Revenons à la prédiction que fait Jésus – alias Marc – « il ne restera pas pierre sur pierre qui ne soit renversée ». Qu’en est-il et qu’en serra-t-il de l’offrande de la veuve pauvre, de l’offrande des riches, et du temple ?
Pour avoir un beau temple, il faut de riches donateurs, c’est entendu. Et il semble que le temple de Jérusalem n’en manquait pas. Notez bien d’ailleurs que Jésus ne fait aucun reproche aux riches d’être riches. Il constate seulement – mais comment le sait-il ? – que les riches donnent de leur superflu – entendons bien que ces riches donateurs ne se privent de rien d’important, ne mettent pas leur statut ni leur survie en danger. S’agissant par contre de la veuve pauvre, Jésus – mais comment le sait-il – déclare qu’elle a pris sur sa misère, entendons bien qu’une fois ce don fait, il ne lui reste aucun moyen de subsistance. Il ne lui reste rien d’autre que sa misérable vie. Si elle revient au temple, elle n’aura rien à mettre dans le tronc.
Les riches reviendront donner encore… Pour avoir un beau temple, il faut de riches donateurs. Nous n’avons rien contre les riches donateurs, et nous ne faisons pas de la misère noire un état béatifique. Et puis nous ne savons pas les uns des autres si  nous donnons comme les donateurs riches ou comme la veuve pauvre ;  nous n’avons pas à le savoir. Dieu sait qui nous sommes.
Il y a pourtant une question que nous pouvons nous poser en lisant ce texte élargi : quelle était la véritable richesse du temple de Jérusalem ? L’idée que nous avons ici est qu’une fois le temple détruit si quelque chose subsiste, c’est là qu’est la véritable richesse du temple. Or, que subsista-t-il après la destruction du temple, que subsista-t-il qui existait déjà avant ?
Ni tronc, ni belles pierres, ni sacrifices, ni ornements… Les historiens nous disent que les partis les plus pieux, ceux qui vivaient du temple, disparurent avec le temple. Ils nous décrivent une Jérusalem en ruine dans laquelle circulent quelques ombres, celles et ceux qui n’ont pas eu les moyens de partir. Les plus pauvres, sans doute. Alors que subsista-t-il ? Que subsiste-t-il d’une maison de prière lorsque cette maison de prière est détruite ? Il reste… la prière, la prière des plus pauvres. Il reste la foi en IHVH, sous sa forme la plus simple, la plus dépouillée, la plus hasardeuse et, peut-être bien, si elle demeure, la plus croyante. Il reste la prière d’une veuve pauvre, sa prière, sa foi. Et telle est la véritable richesse du temple de Jérusalem.
C’est pour cela qu’il nous semble pouvoir dire que la prière de cette veuve pauvre anticipe la réalité de ce que sera pratiquement la foi en IHVH une fois que tout aura été détruit. Des gens qui n’auront plus rien à donner s’adresseront à un Dieu qui n’aura plus rien à leur offrir.  Ils lui confieront tout, c'est-à-dire leur propre vie – ils n’auront rien d’autre à lui remettre que leur misérable vie.

Mais cela se produit-il seulement lorsque tout s’écroule ? Retour au texte : l’offrande que la veuve pauvre fait de toute sa vie n’a pas lieu après la destruction du temple, mais avant. Et il n’est pas dit non plus dans notre texte qu’il faille absolument se mettre sur la paille. Et encore moins qu’il faille le faire savoir.
Les croyants peuvent donner, et donner toute leur vie à Dieu, à n’importe quel moment de leur existence. Tout lui donner et tout recevoir de lui.
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Cette prédication sur l’offrande de la veuve pauvre pouvait bien s’achever sur « tout lui donner et tout recevoir de lui. »
Mais aussi vrai que notre méditation s’ouvrait sur le centième anniversaire de l’armistice, 11 novembre 1918 – 11 novembre 2018, et que nous pouvons tout recevoir de Dieu, y compris le silence des armes, il y avait à 24 heures près un autre anniversaire, un 80ème anniversaire, l’anniversaire de cette nuit maudite qu’on appelle en allemand Reichskristallnacht.
Tout donner à Dieu et tout recevoir de lui… ce ne peut pas être seulement une phrase pieuse. Cette nuit maudite, prélude à tellement d’horreur, pouvait-on, et pouvons-nous seulement, même 80 ans plus tard, la recevoir de Dieu ?

Nous laissons là la question. Puisse le Tout-Puissant avoir pitié de nous. Amen.