dimanche 26 février 2017

Parler de Dieu (Jérémie 36)

Jérémie 36
1 En la quatrième année de Yoyaqim, fils de Josias, roi de Juda, la parole que voici s'adressa à Jérémie de la part du SEIGNEUR:
2 «Prends un rouleau, et écris dedans toutes les paroles que je t'ai adressées au sujet d'Israël, de Juda et de toutes les nations, depuis que j'ai commencé à te parler au temps de Josias jusqu'à ce jour.
3 Peut-être les gens de Juda écouteront-ils tous les maux que je pense leur infliger, en sorte que, chacun revenant de son mauvais chemin, je puisse pardonner leurs crimes et leurs fautes.»
 4 Jérémie fit appel à Baruch, fils de Nériya, et celui-ci écrivit dans le rouleau, sous la dictée de Jérémie, toutes les paroles que le SEIGNEUR lui avait adressées.
5 Puis Jérémie demanda à Baruch: «J'ai un empêchement, je ne peux pas aller dans la maison du SEIGNEUR,
6 vas-y donc toi-même en un jour de jeûne et, dans la maison du SEIGNEUR, face au peuple, proclame les paroles du SEIGNEUR dans le rouleau où tu as écrit, sous ma dictée; proclame-le à tous les Judéens qui seront venus de leurs différentes villes.
7 Il se pourrait alors que leur supplication jaillisse devant le SEIGNEUR et que chacun revienne de son mauvais chemin, car terrible est la colère, la fureur que le SEIGNEUR manifeste à l'égard de ce peuple.»

(on lira le reste du texte en se reportant au post précédent)

27 Après que le roi eut brûlé le rouleau qui contenait les paroles écrites par Baruch sous la dictée de Jérémie, la parole du SEIGNEUR s'adressa à Jérémie:
28 «Reviens ! Prends un autre rouleau et écris dedans toutes les paroles qui se trouvaient primitivement dans le premier rouleau brûlé par Yoyaqim, roi de Juda.
29 Et à Yoyaqim, roi de Juda, tu diras: Ainsi parle le SEIGNEUR: Tu as brûlé ce rouleau en me reprochant d'y avoir écrit que le roi de Babylone viendrait certainement ravager ce pays et en faire disparaître hommes et bêtes.
30 Eh bien! ainsi parle le SEIGNEUR au sujet de Yoyaqim, roi de Juda: Il n'aura personne pour lui succéder sur le trône de David; son cadavre sera exposé à la chaleur du jour et au froid de la nuit;
31 je sévirai contre lui, sa descendance, ses serviteurs, à cause de leurs crimes; et je ferai venir sur eux, sur les habitants de Jérusalem et les hommes de Juda, tous les grands malheurs dont je leur ai parlé sans qu'ils m'écoutent.»

32 Jérémie prit donc un autre rouleau et le donna au secrétaire Baruch, fils de Nériya; celui-ci y écrivit, sous la dictée de Jérémie, toutes les paroles du livre brûlé par Yoyaqim, roi de Juda. Et beaucoup d'autres paroles semblables y furent ajoutées.



Prédication : 
            Notre méditation de dimanche dernier portait déjà sur le 36ème chapitre du prophète Jérémie. Et nous avions retenu trois verbes : écouter, d’une écoute attentive et sérieuse, écouter une parole qui appelle chacun à revenir de ses mauvais chemins, et écouter aussi cette parole qui demande à être racontée, c'est-à-dire transmise, mot pour mot, sans rien omettre.  – mais on peut en rajouter…
            Sans rien omettre. Mais on peut aussi y rajouter. D’ailleurs, après que le roi Yoyaqim eût brûlé le premier rouleau, un second rouleau fut produit, avec des ajouts terrifiants : une malédiction sans plus de pardon possible… Mort infamante pour le roi, une privation éternelle de succession, et du malheur pour ses serviteurs et les habitants de la ville. Et c’est Dieu lui-même qui parle ainsi.
            Si donc, au début du chapitre 36 de Jérémie, il existe une petite chance que Dieu renverse le cours de l’histoire, sous condition de repentir de chacun des hommes de son peuple, à la fin du même chapitre, et parce que le roi a brûlé le rouleau, il n’y a plus de pardon et Dieu fera que l’histoire suivra irrémédiablement un cours funeste pour les Hébreux.

            Dieu donc, dans ce texte, punit les mauvaises actions, et rétribue les bonnes. Certaines mauvaises actions sont si mauvaises qu’elles épuisent la miséricorde de Dieu. Et Dieu les punit de la manière la plus radicale qui soit.
La plus mauvaise des actions possibles c’est brûler le rouleau. Et nous devons nous demander pourquoi c’est la plus mauvaise. Si nous imaginons qu’à terme la parole directe de Dieu disparaît et que le rouleau en demeure le seul vecteur, alors brûler le rouleau est bien la plus mauvaise action, rapport à la parole de Dieu. Mais cette idée est un peu faible, d’autant que Dieu reprend la parole juste après la destruction du premier rouleau, et ne cesse de la reprendre puisque nous lisons que d’autres paroles encore y furent ajoutées. Il y a une raison beaucoup plus simple – et moins glorieuse – pour laquelle la plus mauvaise des actions c’est brûler le rouleau. Dans le texte hébreu de l’ancien testament (celui que nous avons ici en traduction), on voit le prophète et le scribe agir de concert pour constituer le nouveau rouleau. Mais dans le texte grec de l’ancien testament, il semble que le prophète est déjà éclipsé, que c’est le scribe qui agit tout seul, et que c’est lui, le scribe, qui rajoute ces terribles malédictions sur le roi qui a brûlé le rouleau. La raison – peu glorieuse – pour laquelle la plus mauvaise des actions c’est brûler le rouleau, c’est que c’est un scribe qui se prononce sur la sacralité de son propre travail…

            Est-ce à dire que Dieu, qui punit alors le roi avec la plus extrême sévérité, est à l’image de la colère, de la rage du scribe ? Est-ce à dire que ce Dieu radical est à l’image du radicalisme des scribes qui ont considéré très vite leurs livres et surtout leurs personnes comme sacrées ? Nous pouvons le penser… et notre actualité nous informe bien : ceux qui sacralisent le texte et leur propres personnes sont toujours des gens effroyablement violents.
Mais si nous pensons cela, il nous faut penser aussi le Dieu qui, dans le livre de Jérémie, fait de brûlantes déclarations d’amour à son peuple, qui lui pardonne tout, est aussi à l’image d’autres gens qui aimaient ce peuple, leur peuple, et qui nourrissaient pour lui une indestructible espérance. Et il nous faut penser aussi que le Dieu qui, dans le livre de Josué, commande à son peuple de passer au fil de l’épée hommes, bêtes et biens, est à l’image de ceux qui ordonnent la guerre. Et ainsi, Dieu ressemble dramatiquement à ceux qui parlent de lui…
Il n’y a pas tellement de quoi s’étonner… les traditions dont nous sommes héritiers ont choisi depuis infiniment longtemps de parler de Dieu un peu comme on parle d’un homme. Dieu, dit-on chez nous, est un Dieu personnel.  Ce n’est pas la seule manière de parler de l’infini, du transcendant, de la profondeur insondable, du mystère... mais une partie de l’humanité – celle à laquelle nous appartenons – a choisi de parler de ses dieux, puis de Dieu, comme on parle d’un homme.
            Donc Dieu, selon qui parle de Lui, aime ou hait, récompense ou punit,  pardonne ou ne pardonne pas, nourrit ou affame, fait naître ou fait mourir. C’est selon le caractère, ou l’humeur de celui parle, selon que c’est Jérémie le prophète, ou Baruch le scribe, ou tel autre, qui parle de Lui. Ils utilisent tous le mot Dieu, le nom de Dieu, ils parlent tous au nom de Dieu, et l’on voit bien, notamment dans le livre du prophète Jérémie, que chaque parti, chaque clan, a son prophète qui parle au nom de Dieu, et que Dieu dit alors à chacun exactement ce que chacun a envie d’entendre. Mais est-ce de Dieu qu’ils parlent ?
Et est-ce de Dieu que nous parlons ?
 
            Une part importante de l’occident chrétien, USA compris, est en tout cas parfaitement d’accord pour parler de Dieu comme aimant chacun tel qu’il est, pardonnant tout à tous et sauvant tout le monde, et d’accord aussi pour passer sous le boisseau Dieu qui juge, punit, voire maudit. En fait, il semble que la chrétienté se divise en ses extrêmes entre ceux pour lesquels Dieu aime sans jamais condamner, et ceux pour lesquels Dieu condamne sans jamais aimer. Pourtant, nous ne parlons pas de Dieu si nous parlons seulement de Dieu qui juge et punit. Mais nous ne parlons pas de Dieu non plus si nous parlons seulement de Dieu comme quelqu’un aimant chacun tel qu’il est, pardonnant tout à tous et sauvant tout le monde.
            Peut-on donc parler de Dieu ? Notre chapitre commence ainsi : « Prends un rouleau, et écris dedans toutes les paroles que je t'ai adressées… » Le mot important, c’est toutes. Toutes sans exception, non pour donner à chacun un verset qui lui convienne pour justifier ses propres préférences, mais pour lui donner aussi, et parfois en même temps, un verset qui ne lui convienne pas. Toutes sans exception pour que la parole ne puisse jamais être réduite à un seul énoncé prononcé opportunément par une seule personne. Toutes, pour que parler de Dieu, et osons dire pour que la connaissance de Dieu soit, pour les humains, une épreuve de vérité et de lucidité, sur eux-mêmes, sur leur société, et sur l’histoire.

C’est sous cette condition que nous parlerons de Dieu. Nous en parlerons prudemment, humblement. Nos actions seront réfléchies et hésitantes. S’il arrive qu’elles portent un bon fruit, c’est à Lui seul que nous en rendrons grâce. Puissions-nous parler de Dieu. Amen


dimanche 19 février 2017

La Parole de Dieu pour écouter, revenir, raconter (Jérémie 36)

Jérémie 36
1 En la quatrième année de Yoyaqim, fils de Josias, roi de Juda, la parole que voici s'adressa à Jérémie de la part du SEIGNEUR:
3 Peut-être les gens de Juda écouteront-ils tous les maux que je pense leur infliger, en sorte que, chacun revenant de son mauvais chemin, je puisse pardonner leurs crimes et leurs fautes.»4 Jérémie fit appel à Baruch, fils de Nériya, et celui-ci écrivit dans le rouleau, sous la dictée de Jérémie, toutes les paroles que le SEIGNEUR lui avait adressées.
5 Puis Jérémie demanda à Baruch: «J'ai un empêchement, je ne peux pas aller dans la maison du SEIGNEUR,
6 vas-y donc toi-même en un jour de jeûne et, dans la maison du SEIGNEUR, face au peuple, proclame les paroles du SEIGNEUR dans le rouleau où tu as écrit, sous ma dictée; proclame-le à tous les Judéens qui seront venus de leurs différentes villes.
7 Il se pourrait alors que leur supplication jaillisse devant le SEIGNEUR et que chacun revienne de son mauvais chemin, car terrible est la colère, la fureur que le SEIGNEUR manifeste à l'égard de ce peuple.»
8 Baruch, fils de Nériya, fit tout ce que le prophète Jérémie lui avait commandé; il proclama, dans la maison du SEIGNEUR, dans le livre, les paroles du SEIGNEUR.

9 En la cinquième année de Yoyaqim, fils de Josias, roi de Juda, au neuvième mois, on convoqua pour un jeûne devant le SEIGNEUR tous les gens de Jérusalem, et tous les gens des villes de Juda qui venaient à Jérusalem.
10 Alors Baruch proclama, dans le livre, les paroles de Jérémie, dans la maison du SEIGNEUR, dans la salle de Guemaryahou, fils de Shafân, le secrétaire, dans le parvis supérieur, à l'entrée de la porte Neuve du Temple; il le proclama à tout le peuple.
11 Or Mikayehou, fils de Guemaryahou, fils de Shafân, écouta toutes les paroles du SEIGNEUR telles qu'elles étaient écrites dans le livre.
12 Il descendit au palais, entra dans la salle du secrétaire; là étaient réunis en séance tous les ministres: le secrétaire Elishama, Delayahou, fils de Shemayahou, Elnatân, fils de Akbor, Guemaryahou, fils de Shafân, Sédécias, fils de Hananyahou, et les autres ministres.
13 Mikayehou leur raconta toutes les paroles qu'il avait écoutées quand Baruch, fils de Nériya, proclamait le livre au peuple.
14 Alors le conseil des ministres envoya Yehoudi, fils de Netanyahou, fils de Shèlèmyahou, fils de Koushi, auprès de Baruch pour lui dire: «Apporte-nous le rouleau que tu as proclamé devant le peuple.» Baruch, fils de Nériya, prit le rouleau et vint vers eux.
15 Ils lui dirent: «Assieds-toi et proclame-nous ce rouleau!» Baruch s'exécuta.

16 En écoutant toutes les paroles, ils furent tous pris d'une sainte panique. Finalement ils dirent à Baruch: «Nous ne manquerons pas de raconter au roi toutes ces paroles.»
17 Et ils lui demandèrent: «Raconte-nous comment tu as écrit toutes ces paroles sous sa dictée.»
18 Baruch leur répondit: «Il m'a dicté personnellement toutes ces paroles, tandis que moi, je les écrivais avec de l'encre dans le livre.»
19 Les ministres dirent à Baruch. «Va-t'en, cache-toi, et Jérémie aussi; que personne ne sache où vous êtes!»
20 Ayant déposé le rouleau dans la salle du secrétaire Elishama, ils entrèrent chez le roi, dans ses appartements privés, et ils racontèrent au roi tout ce qui s'était passé.
21 Alors le roi envoya Yehoudi chercher le rouleau; celui-ci alla le prendre dans la salle du secrétaire Elishama et le proclama au roi et à tous les ministres qui, debout, entouraient le roi.
22 Le roi, lui, était assis au salon d'hiver - c'était le neuvième mois - , et le feu d'un brasero brûlait devant lui.
23 Chaque fois que Yehoudi avait lu trois ou quatre colonnes, le roi les découpait avec un canif de scribe et les jetait au feu du brasero, si bien que tout le rouleau finit par disparaître dans le feu du brasero.
24 Ils ne furent pas pris de sainte panique, ils ne déchirèrent pas leurs vêtements, ni le roi ni aucun de ses serviteurs qui écoutaient toutes ces paroles.
25 Même quand Elnatân, Delayahou et Guemaryahou intervenaient auprès du roi pour l'empêcher de brûler le rouleau, celui-ci ne les écoutait pas,

26 et il donna l'ordre à Yerahméel, prince du sang, à Serayahou, fils de Azriël, et à Shèlèmyahou, fils de Avdéel, d'arrêter le secrétaire Baruch et le prophète Jérémie; mais le SEIGNEUR les tenait cachés.


Prédication : 
            Ainsi donc, comme nous le lisons, il advint un jour que, sous commandement divin, la parole de Dieu fut transcrite, et cette parole devint un livre.
            Alors, au lieu qu’elle soit prononcée par un homme particulièrement  inspiré au moment que Dieu choisirait, elle allait pouvoir être infiniment reproduite et lue par toute personne compétente. Savoir lire et écrire, cela se transmet d’homme à homme, ça s’apprend à l’école… mais l’esprit de Dieu, lui, souffle où il veut.
            En matière donc de transmission de la parole de Dieu, dans ce chapitre, la compétence vient l’emporter sur l’inspiration. Et ce que le prophète faisait, proclamer la parole de Dieu, un scribe le fera, puis un autre scribe après le premier, et ils recopieront le rouleau, à l’infini. Ainsi, même lorsque Dieu se sera tu à jamais et que les prophètes auront disparu, la parole de Dieu demeurera. 

            Mais la parole de Dieu, c’est pour quoi faire ? Il y a trois verbes qui sont répétés tout au long du texte : écouter, revenir, et raconter.

            La parole de Dieu, c’est fait pour écouter. Il y a toujours une ambiguïté entre écouter et entendre. Lorsque l’un de ces verbes signifie que ça entre par une oreille et que ça sorte par l’autre verbe signifie que, entrée par les oreilles, la parole produit un effet. Le parti pris de notre traduction, c’est de n’utiliser qu’un seul verbe : écouter.
            Et une chose est claire, ça entre par les oreilles et, s’agissant du peuple, ça ne produit apparemment rien. Cela signifie juste que, dans ce chapitre, les réactions collectives ne sont pas l’objet de la réflexion. Ça entre donc par les oreilles de tous, mais tous n’écoutent pas. Car écouter devrait produire quelque chose.

            Ce que ça devrait produire, c’est le deuxième verbe, et c’est revenir. L’écoute de la parole de Dieu devrait produire ceci : « que chacun revienne de son mauvais chemin ». Il est ici question de changer, de se convertir… dans une perspective toute individuelle.
La parole de Dieu a été proclamée aux oreilles de tout le peuple, elle est entrée dans les oreilles de chacun. Chacun a-t-il un mauvais chemin ? Lequel ? Le texte que nous méditons ne dit rien de cela… Que chacun donc de ceux qui écoutent s’examine, et revienne de son mauvais chemin, c'est-à-dire se corrige.
            Mais on peut en dire d’avantage sur ce qu’est un mauvais chemin. Certains ont écouté la parole, et ils ont réagi de manière appropriée, en mettant à l’abri la source de la parole, et en allant tout raconter fidèlement au roi. Ainsi, par une sorte de mouvement centripète et ascendant, cette parole va être proclamée jusque dans les oreilles du roi. Le roi est évidemment l’un de ces chacun dont on parle dès le début, mais sa responsabilité n’est peut-être pas tout à fait la même, n’a peut-être pas tout à fait le même poids que celle d’un anonyme au sein du peuple. Ce n’est pas faire de la haute théologie que de rappeler qu’un petit roi vassal comme Yoyaqim porte une responsabilité considérable s’il refuse de payer le tribut à son puissant suzerain… le peuple tout entier en pâtira. Qu’est-ce alors donc qu’un mauvais chemin ? C’est un choix qu’on fait, un acte qu’on commet, et dont les conséquences délétères sont payées par autrui, par plus faible que soi, par ceux qui ont mis en vous leur confiance. Et ainsi, chacun, au niveau qui est le sien, peut méditer sur « son mauvais chemin » et, écoutant la parole de Dieu, en revenir.  La parole de Dieu, c’est donc fait pour écouter, et pour revenir.

            La parole de Dieu, enfin, c’est fait pour raconter. C’est un verbe clé, un verbe très important, qui est peut-être même le plus petit « bon chemin » possible,  Raconter c'est, mot pour mot, relire et redire les paroles de la prophétie de Jérémie, donc restituer mot pour mot la parole de Dieu, pas moins, pas plus. Raconter, c’est, à la limite, juste remettre une Bible à un lecteur éventuel.
Il y a là une première conviction : la parole de Dieu écrite est perpétuellement actuelle. C’est un principe d’inspiration littérale. Et il faut ici, dans ce texte, le reconnaître comme tel. Le discuter sera pour une autre prédication.
Il y a là aussi une deuxième conviction : la parole de Dieu agit par elle-même en ceux qui choisissent de l’écouter. Qu’ils reviennent de leurs mauvais chemins, tant mieux, mais ce que sont ou furent leurs mauvais chemin n’est guère intéressant et, d’ailleurs, notre chapitre n’en parle même pas et puis, dans l’histoire de l’humanité, les mauvais chemins sont à peu près les mêmes pour tous. Ceci dit, ce qui est ici commandé n’est pas que quelqu’un rende témoignage de la transformation de sa misérable vie ; ce qui est commandé, c’est de raconter, rapporter mot pour mot, lettre pour lettre, la parole de Dieu.
Puisse-t-elle alors, cette parole de Dieu, être écoutée.

            Et on est ramené ainsi à ce par quoi l’on avait commencé, l’impératif d’écouter. Certains écouteront, d’autres pas. Certains écouteront et reviendront, d’autres ne reviendront pas de leurs mauvais chemins… Mais la parole sera recopiée et recopiée encore, racontée et racontée encore…
Et qui sait si, un jour, ceux qui n’écoutaient pas écouteront, et qui sait si, un jour, ceux qui ne revenaient pas reviendront de leurs mauvais chemins ?
Dieu seul le sait, et Lui seul connaît ceux qui lui appartiennent.

            Nous ne faisons ici pas grand-chose d’autre que ce que fit le scribe Baruch. Lire la parole de Dieu, écouter la parole de Dieu, revenir peut-être de nos mauvais chemins – et cela appartient à notre intimité – et raconter la parole de Dieu.
            Puissions-nous le faire toujours. Amen


dimanche 12 février 2017

La loi et les prophètes (Matthieu 5,17)

Mais pas seulement un verset de Matthieu, comme on va le voir, et, surtout pas directement un prédication, mais une méditation donnée lors de l'ouverture d'une session de conseil presbytéral.
Deutéronome 15
14 Oui, la parole est toute proche de toi, elle est dans ta bouche et dans ton coeur, pour que tu la fasses.
15 Vois: je mets aujourd'hui devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur,
16 moi qui t’ordonne aujourd'hui d'aimer le SEIGNEUR ton Dieu, de suivre ses chemins, de garder ses commandements, ses lois et ses coutumes.

1 Corinthiens 2
Moi-même, quand je suis venu chez vous, frères, ce n'est pas avec le prestige de la parole ou de la sagesse que je suis venu vous annoncer le mystère de Dieu.
2 Car j'ai décidé de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié.
3 Aussi ai-je été devant vous faible, craintif et tout tremblant:
4 ma parole et ma prédication n'avaient rien des discours persuasifs de la sagesse, mais elles étaient une démonstration faite par la puissance de l'Esprit,
5 afin que votre foi ne soit pas fondée sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu.
6 Pourtant, c'est bien une sagesse que nous enseignons aux chrétiens adultes, sagesse qui n'est pas de ce monde ni des princes de ce monde, voués à la destruction.
7 Nous enseignons la sagesse de Dieu, mystérieuse et demeurée cachée, que Dieu, avant les siècles, avait d'avance destinée à notre gloire.
8 Aucun des princes de ce monde ne l'a connue, car s'ils l'avaient connue, ils n'auraient pas crucifié le Seigneur de gloire.
Prélude à une discussion fraternelle, Corinthe
Matthieu 5
17 Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir.

Méditation :
Ce qui m’intéresse le plus, dans ce verset, c’est l’arrimage opéré par Jésus entre la loi les prophètes. Tout comme on vient de le lire, c’est le verbe « abolir » qui est utilisé, mais ce verbe a aussi le sens de délier. En plus, le petit mot « ou » ne marque pas une séparation entre la loi et les prophètes. Ce n’est pas la loi « ou bien » les prophètes. Utilisé dans la même phrase avec le verbe délier et surtout ensuite avec le verbe accomplir, ce « ou » prend presque la valeur d’un « et ».
Il y a un lien essentiel entre loi et prophètes, un lien tellement essentiel qu’on peut dire que la loi sans les prophètes est nocive, et qu’il est de même pour les prophètes sans la loi.

La loi est nocive sans les prophètes, presque la moitié de l’ancien testament ne parle pas d’autre chose que de cela – et une bonne partie du nouveau testament aussi : dès qu’une parole de Dieu est reçue et qu’elle vient s’incarner dans une forme sociale suffisamment stable (place de justice, Royauté, Temple…), ceux qui gèrent cette forme sociale risquent d’oublier – oublient – le message initial et essentiel. Alors ce qui était parole de Dieu – nous conservons l’expression sans trop l’expliciter – dégénère en une forme dominante, contraignante, et parfois oppressive…
Alors, en face de cela, se dresse parfois un prophète, un homme seul qui conteste, rappelle le message et tâche de corriger ce qui peut l’être… Trois noms, pour illustrer cela : Samuel, face à la vieille dynastie corrompue des juges à Silo (1 Samuel 2,12-4,1) ; Nathan, face à un David plus occupé à satisfaire ses royales pulsions qu’à servir le Seigneur (2 Samuel 12) ; Jérémie, face à des prêtres plus occupés à sauver leurs privilèges qu’à rendre un culte à Dieu (Jérémie 36)…
Dieu est grand de susciter des Prophètes lorsque sa parole est corrompue par ceux à qui elle avait été adressée… 

Mais, puisque Jésus rappelle un arrimage essentiel entre la loi et les prophètes, on peut se demander si les prophètes ne sont pas déjà présents dans la loi. Pour le dire autrement, n’y a-t-il pas une sorte de principe prophétique qui est indiqué même dans la lettre de la loi ?

Le 30ème chapitre du Deutéronome donne ceci :
14 Oui, la parole est toute proche de toi, elle est dans ta bouche et dans ton coeur, pour que tu la fasses.
15 Vois: je mets aujourd'hui devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur,
16 moi qui t’ordonne aujourd'hui d'aimer le SEIGNEUR ton Dieu, de suivre ses chemins, de garder ses commandements, ses lois et ses coutumes.

            Lors du culte de Pentecôte 2016, il était question alors de Lévitique 20, avec sa collection hallucinante de commandements extrêmes, mais au cœur de cette liste, il y a les stupéfiants versets 7 et 8 : le verbe garder, garder la lettre des commandements, des lois, des coutumes, et le verbe faire, garder la lettre n’est pas la même chose que faire, c'est-à-dire mettre en œuvre… (culte de Pentecôte:
http://predicationdejeandietz.blogspot.fr/2016/05/sur-la-sanctification-et-lobservance.html)

            On a ici quelque chose d’un peu semblable, avec le doublet suivre (les chemins du Seigneur) et garder ses commandements, lois et coutumes. Ce n’est pas parce qu’on garde les commandements avec une vigilance de dogue qu’on suit les chemins du Seigneur. Garder, c’est un verbe statique, suivre, un verbe de mouvement…

Le principe prophétique, avec ce verbe suivre est bien présent à l’intérieur même du commandement.

L’arrimage entre loi et prophètes, c’est ce que nous méditons. La loi sans les prophètes peut être totalement nocive et, en quelque manière, notre Seigneur a payé de sa vie de s’être confronté à une loi qui s’était figée, sédimentée, dans l’observance rituelle et surtout dans le pouvoir des prêtres du Temple…

            Paul aura eu à traiter le problème inverse, c'est-à-dire le problème d’un prophétisme oublieux de la loi. Le Saint Esprit avait été répandu fort généreusement sur l’Eglise de Corinthe. Mais les très abondantes bénédictions du Saint Esprit aboutirent là à des conflits destructeurs, sans règles et sans fin… (1 Corinthiens 12-13 et 14), conflits si dramatiques que Paul, mettant en jeu tout son génie d’écrivain, produira cet hymne unique sur l’amour.
Corinthe, c’est l’inspiration sans la règle, c’est le prophétisme sans la loi, la folie sans la sagesse. Paul toutefois, lucide – et un peu fou dans sa foi – grand penseur et grand écrivain – aura l’idée étrange et géniale de parler d’une sagesse, mais comme toute sagesse peut devenir le radotage de gens aigris, amers, voire vindicatifs, Paul parlera d’une sagesse qui n’est pas humaine, il parlera de la sagesse de Dieu.

            « N’imaginez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. »
Loi et prophètes : pas l’un sans l’autre, toujours l’un avec l’autre, l’un dans l’esprit de l’autre, d’un accomplissement toujours espéré, et toujours excessivement fragile…


Puissions-nous être fous et sages, vivre avec la loi et dans l’esprit des prophètes.