samedi 27 novembre 2021

Apprendre à n'être pas prêt (Luc 21,25-36)

Luc 21

25 «Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles, et sur la terre les nations seront dans l'angoisse, épouvantées par le fracas de la mer et son agitation, 26 tandis que les hommes défailliront de frayeur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde; car les puissances des cieux seront ébranlées. 27 Alors, ils verront le Fils de l'homme venir entouré d'une nuée dans la plénitude de la puissance et de la gloire. 28 «Quand ces événements commenceront à se produire, redressez-vous et relevez la tête, car votre délivrance est proche.» 29 Et il leur dit une comparaison: «Voyez le figuier et tous les arbres: 30 dès qu'ils bourgeonnent vous savez de vous-mêmes, à les voir, que déjà l'été est proche. 31 De même, vous aussi, quand vous verrez cela arriver, sachez que le Règne de Dieu est proche. 32 En vérité, je vous le déclare, cette génération ne passera pas que tout n'arrive. 33 Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. 34 «Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que vos cœurs ne s'alourdissent dans l'ivresse, les beuveries et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l'improviste, 35 comme un filet; car il s'abattra sur tous ceux qui se trouvent sur la face de la terre entière. 36 Mais restez éveillés dans une prière de tous les instants pour être jugés dignes d'échapper à tous ces événements à venir et de vous tenir debout devant le Fils de l'homme.»

Prédication

            Il y a peu de temps, les textes qui étaient proposés à notre méditation du dimanche étaient déjà des textes de fin des temps. Et c’est sous l’apparence d’une fin des temps qu’était évoquée la fin de l’année liturgique. La fête du Christ Roi approchait. Ainsi évoquée, elle ne serait pas la fin d’un cycle avant un recommencement, mais la fin. Ce serait fini. Car lorsque le Christ se manifeste dans la plénitude de sa royauté, c’est, pour toujours, la fin de la liturgie, car la liturgie est devenue inutile.

            Mais ce moment n’est pas encore venu. Et nous revoilà donc, un dimanche plus tard, avec des textes assez semblables à ceux que nous avons déjà lus, essayant de nous préparer à une autre manifestation de la royauté du Christ : Noël. C’est bien vers Noël que nos regards se portent.

            Mais le temps présent reste chargé du temps d’avant. Le temps d’avant ne passe pas, il colle, il ne nous lâche pas : et revoici alors encore la soi-disant connaissance des signes de la fin des temps, revoici les catastrophes, revoici aussi les arbres qui bourgeonnent, et voici pour nous les ordres auxquels obéir : tenez-vous sur vos gardes de peur que… et surtout restez éveillés dans une prière de tous les instants pour être jugés dignes d'échapper à tous ces événements à venir et de vous tenir debout devant le Fils de l'homme. Nous avons déjà vu presque tout cela.

            Nous disons presque tout. Car ici toute une vigilance est proposée au titre de laquelle, si vous la mettez en œuvre, vous serez jugés dignes d’échapper aux horreurs à venir, et dignes aussi de regarder Dieu face à face et droit dans les yeux… ce qui semble être une sacrée récompense. Sacrée récompense, liée à une tâche considérable, une tâche de tous les instants, et à durée illimitée. Et à la fin, si l’on a tenu, on est trouvé dignes, d’une dignité qu’on ne doit qu’à ses propres efforts.

            Ce genre de mérite n’est pas vraiment ce que nous prêchons dans nos sermons ni que nous proclamons dans nos liturgies… Pourtant l’évangile de ce jour vient là nous parler d’efforts méritoires…

            Il pourrait – vous me connaissez un peu maintenant – y avoir là un problème de texte et une difficulté de traduction. Et oui, il y a… la Traduction Œcuménique de la Bible, que nous avons lue, donne là (v.36) une traduction qu’elle est bien la seule à donner dans le concert des traductions françaises. Cette traduction, nous pourrions juste la mettre de côté. Plutôt que de le faire, nous allons méditer sur la préparation, sur notre préparation. Suis-je prêt, suis-je prête ? Prêt, prête, à quoi ?

           

            Et bien, ces dernières semaines, nous avons eu à évoquer la fin des temps, présente ici et là dans la Bible. Et devant les collections d’événements prédits nous pouvions – nous pouvons encore – nous demander : sommes-nous prêts ? Et nous pouvions – nous pouvons encore – faire remarquer aux auteurs bibliques que les signes de la fin dont ils nous font part ne sont pas des signes de la fin de quoi que ce soit, mais plutôt des signes d’un présent momentanément devenu fou. Ces listes de signes stimulent notre imagination. Si bien que nous pouvons considérer que, oui, cela prépare. Par ce travail  de l’imagination les esprits se préparent. Mais ils ne se préparent qu’à ce qui peut être imaginé. Mais peut-on être prêt à ce qui ne peut pas être imaginé ? Prêt à l’inimaginable, qu’est-ce que cela signifie ?

            Être prêt à l’inimaginable. Nous pouvons nous souvenir des attentats qui eurent lieu aux USA le 11 septembre 2001. Le premier impact avait eu lieu le matin, à 8h46. Mais tard dans la soirée, devant le petit écran, sidérés, nous voyions et revoyions toujours les mêmes images qui tournaient en boucle. Sans le savoir, nous prenions la mesure de ce que nous n’étions pas prêts à ce qui arrivait. Un de mes fils, quatre ans à l’époque, nous le fit savoir en nous disant, avec une certaine véhémence : « Les images, on les a vues. Maintenant on va manger. » Et on est allés manger.

            La mesure de notre impréparation était prise : nous avions négligé des tâches vitales. Quant à être prêt, cela apparaissait ainsi : être prêt, c’est être trouvé capable de persister dans ce qui est vital, quoi qu’il arrive. L’enfant nous l’avait plutôt bien dit. Il était mieux que nous campé dans la parole, première perspective vitale, et il était mieux que nous resté campé dans l’idée de manger, deuxième perspective vitale. Parler, et manger : être prêt, n’est-ce pas aussi simple que cela ? Seras-tu prêt ? Serons-nous prêts ?  Nous n’étions pas prêts. Quelque chose aurait-il pu contribuer à notre préparation ?

            Vient le temps de l’Avent. Nous lisons dans la Bible des extraits bien choisis, et revoilà sous nos yeux des listes d’événements et autres cataclysmes que la lecture et la méditation nous ont rendus presque familiers. Peut-être bien que nous serions prêts si cela venait à s’abattre sur nous. Peut-être même que la lecture et la méditation approfondies de ces textes auraient pu nous rendre prêts à l’avènement du Fils de l’homme. De sorte que s’il arrivait maintenant, nous pourrions nous tenir debout, face à Lui, les yeux dans les yeux. Alors s’accompliraient ces versets que nous méditons, qui n’apparaissent que dans Luc : « être jugés dignes d’échapper à tous ces événements à venir… »

            Qu’on veuille ou pas parler de dignité, et que cette dignité nous soit donnée d’en-haut, ou résulte de notre persistance dans la prière et dans l’écoute de la prédication, c’est tout un. Cette dignité est là. Et là aussi est l’avènement du Fils de l’homme : on est prêt.

           

            A la fin du temps de l’Avent, c’est l’avènement du Fils de l’homme. A quoi va-t-on reconnaître cet avènement ? A de grands prodiges dans le ciel et sur la terre ? Nous pouvons faire les savants et réciter l’évangile de Luc. Mais une récitation passe à côté de ce qui est annoncé, à savoir que c’est dans la prière et dans la méditation que l’on se prépare. On attend, et il s’agit bien de continuer toujours à nourrir cette attente. En plus, une récitation passerait à côté de ce que l’évangile de Luc veut proposer : il veut que ce qu’il annonce reste pour toujours sans préparation possible. Aussi, lorsque le Fils de l’homme advient (Luc 2), même lorsque nous célébrons Bethléem, il nous faut nous en tenir aux questions de notre préparation et de notre impréparation. Être prêts à reconnaître en l’enfant Jésus de la crèche celui qui est le Fils de l’homme ne nous est pas bien difficile : nous y sommes préparés, nous y sommes entraînés…

            Mais pour l’impréparation, c’est autre chose. Considérons la rupture qu’il y a entre le Prince du Ciel et l’enfant de Bethléem, et imaginons une même rupture entre l’enfant de Bethléem et… et quoi ?

            Ceci : l’avènement du Fils de l’homme se produit aujourd’hui dans la mise au monde d’un petit mâle de l’espèce humaine. En plus si notre monde est moins un monde masculin, qu’il ne le fut jadis, le Fils de l’homme pourrait bien être une fille.

            Et ainsi, l’avènement du Fils de l’Homme ne signe pas la fin de l’espèce humaine mais son infini recommencement, une génération après l’autre. Revient la question que nous posons depuis tout à l’heure : « A cela seras tu prêt ? ». « Seras-tu prêt à ce à quoi tu n’es pas prêt ? »

 

            Je crois qu’à cette question nous pouvons répondre : « Je serai prêt, je serai prête », tout en persistant dans nos engagements. Amen


samedi 13 novembre 2021

Il fut question, mais une dernière fois, d'Apocalypse (Marc 13:24-32)

Marc 13

24 «Mais en ces jours-là, après cette détresse, le soleil s'obscurcira, la lune ne brillera plus, 25 les étoiles se mettront à tomber du ciel et les puissances qui sont dans les cieux seront ébranlées. 26 Alors on verra le Fils de l'homme venir, entouré de nuées, dans la plénitude de la puissance et dans la gloire. 27 Alors il enverra les anges et, des quatre vents, de l'extrémité de la terre à l'extrémité du ciel, il rassemblera ses élus. 28 «Comprenez cette comparaison empruntée au figuier: dès que ses rameaux deviennent tendres et que poussent ses feuilles, vous reconnaissez que l'été est proche. 29 De même, vous aussi, quand vous verrez cela arriver, sachez que le Fils de l'homme est proche, qu'il est à vos portes. 30 En vérité, je vous le déclare, cette génération ne passera pas que tout cela n'arrive. 31 Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. 32 Mais ce jour ou cette heure, nul ne les connaît, ni les anges du ciel, ni le Fils, personne sinon le Père.

Prédication :

            C’était la semaine dernière, et, souvenez-vous, dans l’évangile proposé à notre méditation, il était question du tronc destiné à recueillir les offrandes des fidèles au Temple de Jérusalem. « Beaucoup de riches mettaient beaucoup. Vint une veuve pauvre qui mit deux pièces minuscules… » Et Jésus y alla de son commentaire, expliquant que la veuve avait mis, en fait, plus que tous les autres (Marc 12,41-ss).

            Puis Jésus quitta le Temple. L’un de ses disciples lui dit : « Maître regarde : quelles pierres, quelles constructions ! » La réponse de Jésus fut cinglante.

            Cette réponse dure un chapitre entier (Marc 13), qui est un chapitre ultime. 

            Et donc, dit Jésus, « Il ne restera pas pierre sur pierre, tout sera détruit. » Que viennent faire les textes de révélation – les textes d’apocalypse dans l’évangile, c'est-à-dire dans la bouche de Jésus ?

            Nous avons l’habitude de voir apparaître dans l’évangile toutes sortes de discours bien typés. Discours des Baptistes, celui des Pharisiens, celui des Scribes, celui des Grands-Prêtres et des Anciens, celui des Foules, celui des Riches… Et nous avons l’habitude de voir Jésus répondre aux interpellations spécifiques de chacun de ces groupes. Que fait Jésus, dans toutes ces circonstances ? Il annonce l’Évangile. Bien sûr, il annonce l’Évangile. Mais l’Évangile n’est pas un discours abstrait qui volerait au-dessus du monde et se poserait ici ou là sans considérations aucune d’événements et de circonstances. L’Évangile, qui est Évangile de Jésus Christ Fils de Dieu, a vocation à être une bonne nouvelle – la proposition d’une bonne nouvelle – pour chacune et chacun. Seulement chacune et chacun est toujours d’abord – il en va ainsi de l’humanité – habité et déterminé par les discours bien ficelés des groupes dans lesquels il est né et qu’il n’a pas choisis ; chacun est toujours aussi habité par les discours aussi bien ficelés qu’il s’est choisis en grandissant.

            Comment Jésus pourrait-il s’adresser à chacun de ses contemporains, ami ou ennemi, disciples où détracteurs, s’il ne s’exprimait pas d’une manière qu’ils puissent comprendre ?

            Le langage que Jésus emploie dans les quelques versets du 13ème chapitre de Marc est celui de la fin des temps, on l’appelle apocalyptique, ce qui signifie dévoilement. Quelque chose est voilé qui va être dévoilé, ou, plus précisément, quelque chose est dévoilé, là, maintenant, pendant que je parle – propos caractéristique des prédicateurs de la fin des temps.

            Et tout au long du 13ème chapitre de Marc, Jésus, répondant à l’exclamation d’un disciple – Maître, regarde : quelles pierres, quelles constructions ! – va se transformer en prédicateur d’apocalypse et donner sa version de la fin des temps. Disons-le, dans cet exercice, Jésus n’est guère original. Il n’est guère original parce que le genre littéraire ne se prête guère à l’originalité. Lorsqu’il s’agit de mettre tout sens dessus dessous, les éléments de la narration ne vont qu’en petit nombre, et toujours les mêmes. Ce qui est en haut tombe en bas, et ce qui est en bas est pulvérisé. Et puisque les lois du genre imposent que les gens meurent en grand nombre, il en va de conquêtes brutales, d’épidémies cruelles et de catastrophes naturelles voraces… Les signes de l’imminence de la fin des temps sont les mêmes depuis toujours. Depuis seulement presque toujours, car un ou deux siècles avant Jésus Christ, des pensées religieuses orientales – disons Perses – capables d’accueillir dans leurs discours toutes sortes de personnages divins, insuffleront dans le monothéisme des Israélites quantité d’anges dont un ange Michel, capable de terrasser le dragon (Apocalypse 12,7) et d’un ange Gabriel... pour ne parler que des deux plus connus.

            L’apocalypse selon Jésus Christ, telle que la présente l’évangile de Marc, est extrêmement sobre. Elle obéit bien entendu aux lois du genre. Mais elle ne pèse pas lourd, 1 seul chapitre de 37 versets, en face de l’apocalypse selon Jean, 22 chapitres, en face aussi d’œuvres comme celle de Daniel.

            Dans Marc, donc, ce qui peut être détruit est détruit, tout ce qui peut guerroyer guerroie, le tout avec des propos trompeurs et quelques oracles sibyllins, le tout sans aucune originalité. Et Jésus – Marc – a dû avoir une conscience claire de ce qu’il entendait faire, puisqu’il affirme ceci : « Prenez garde ; je vous ai prévenus de tout. » (Marc 13,23). Cette mise en garde typiquement apocalyptique est pour ainsi dire démolie par l’affirmation « Je vous ai prévenus de tout. » Prendre garde suppose un regard soutenu, suppose aussi une attention permanente ; qui peut aller jusqu’à l’obsession. Alors qu’il n’y a nulle inquiétude qui tienne, ni aucun besoin de conversion, pour ceux qui, marchant à la suite de Jésus Christ, voient bien que les signes des temps sont depuis toujours accomplis, en train de s’accomplir et entendent dire « je vous ai prévenus de tout. »

            Et ainsi donc encore, ayant été prévenus de tout, les auditeurs – lecteurs – de l’apocalypse selon Jésus ne ressentiront ni trouble grave de l’humeur ni jubilation excessive lorsqu’arriveront de grandes catastrophes cosmiques censées inaugurer la fin de la fin des temps. 

            Mais tout ceci étant dit, nous pouvons encore imaginer que la prédication apocalyptique de Jésus, nettoyée pourtant de quantité de propos merveilleux, et modérée dans son fond par des phrases comme « je vous ai prévenus de tout »… même ainsi modérée, cette prédication peut être reçue et proposée comme une révélation, comme un texte ésotérique, comme le propos que ceux qui savent adressent, du haut de leur chaire, à ceux qui ignorent et craignent. Toute prédication, même celle de Jésus Christ, peut être détournée de ses fins.

            Raison pour laquelle la prédication de Jésus rebondit encore. Après qu’il ait été abondamment question de ce qui va se passer, il reste une question évidente : « Quand cela va-t-il se passer ? » Nous avons déjà eu un élément de réponse tout à l’heure : cela s’est toujours passé et cela se passe maintenant. Oui, disons-nous, mais, quand donc cela va-t-il finir ? Des signes, encore des signes de la fin, toujours les mêmes dans les mêmes énumérations. Sauf que, ceci :

            (1) signe des temps : et puis des figuiers qui bourgeonnent. Signes de la fin ? Les figuiers bourgeonnent chaque année. Certains figuiers sont très fantaisiste. Et si l’on veut bien voir dans ce bourgeonnement un signe de la fin des temps, c’est une fin des temps heureuse qu’il nous faut imaginer, les figues sont délicieuses et la boukha enivrante. Cette année ? L’année prochaine ? Tant que dureront les saisons ?

            (2) promesse : et quand bien même les saisons cesseraient de passer, « mes paroles ne passeront pas. » Et donc, s’agissant d’une méditation évangélique de la fin des temps, elle pourra toujours être recommencée : la perpétuité de la parole de Jésus Christ, la perpétuité de l’Évangile, est une promesse pour toutes les générations.

            (3) promesse pour qui ? Nous avons lu : « cette génération ne passera pas que tout cela n’arrive ». Las, nous savons que cela n’est pas arrivé pour cette génération, ni pour les 80 générations environ qui se sont suivies jusqu’à nous. Jésus parlait sans doute en araméen, mais l’auteur de l’évangile, lui, parlait en grec. Alors voici une autre promesse, avec les mêmes mots : « cette engeance ne passera pas que tout cela n’arrive. » Engeance est souvent utilisé en mal… Ce genre, le genre humain, ne passera pas. La promesse est perpétuelle. Et elle est pour chacune et chacun.

            (4) Et quant aux prédicateurs de l’imminence de la fin des temps, ceux qui savent quoi, comment et quand, il leur est proposé ceci – grande, si ce n’est définitive – modération de leurs ardeurs : « Mais ce jour et cette heure, nul ne les connaît, ni les anges du ciel, ni le Fils, personne, si ce n’est le Père. »


            Dieu sait. Et nous ignorons. C’est sur cette ignorance que nous allons clore ce sermon. Au titre de cette ignorance, nous remettons toutes choses à Dieu. En le priant de nous mener où il veut nous mener, et que sa volonté s’accomplisse. Amen


samedi 6 novembre 2021

Pour deux petites pièces de moins (Marc 12,38-44)

 

Marc 12 :

38 Dans son enseignement, il disait: «Prenez garde aux scribes qui tiennent à déambuler en grandes robes, à être salués sur les places publiques, 39 à occuper les premiers sièges dans les synagogues et les premières places dans les dîners. 40 Eux qui dévorent les biens des veuves et affectent de prier longuement, ils subiront la plus rigoureuse condamnation.»

41 Assis en face du tronc, Jésus regardait comment la foule mettait de l'argent dans le tronc. De nombreux riches mettaient beaucoup. 42 Vint une veuve pauvre qui mit deux petites pièces, quelques centimes. 43 Appelant ses disciples, Jésus leur dit: «En vérité, je vous le déclare, cette veuve pauvre a mis plus que tous ceux qui mettent dans le tronc. 44 Car tous ont mis en prenant sur leur superflu; mais elle, elle a pris sur sa misère pour mettre tout ce qu'elle possédait, tout ce qu'elle avait pour vivre.»

Prédication : 

            Avant de commencer à méditer les quelques versets de l’évangile de Marc que nous venons de lire, souvenons-nous de quelques autres versets, qui étaient proposés dimanche dernier par le lectionnaire Dimanches et fêtes. Il était question d’un dialogue entre Jésus et un Scribe. C’était d’abord un dialogue technique, portant apparemment sur les deux grands commandements de la Loi ; c’était aussi un dialogue philosophique portant profondément sur les diverses formes possibles de la pensée ; et surtout – le plus important – ce dialogue fut un dialogue fraternel. « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu », dit finalement Jésus à ce scribe ; où nous devons entendre Tu es, toi – nous sommes, ensemble – dans le royaume de Dieu.

            Pourquoi ce retour ? Parce que nous venons de lire cette mise en garde de Jésus : « Prenez garde aux scribes … » Mise en garde qui met tous les scribes dans le même panier, et qui les voue tous à la plus rigoureuse des condamnations.

            Tous les scribes ? Tous les scribes seraient identiquement soucieux de leur apparence, voraces et voleurs ? Mais qu’en est-il du scribe avec lequel Jésus vient de parler ? Ce scribe qui sait reconnaître le bien, doit-il être châtié avec tous les autres scribes ?

            La traduction de Marc que nous venons de lire rend compte de cet épisode tout comme si elle lisait Matthieu. Jésus, dans l’évangile de Matthieu (23,1-12) condamne sans appel et collectivement Scribes et Pharisiens, tous. Alors qu’ici, dans l’évangile de Marc, il serait plus juste de considérer que Jésus en appelle au discernement de ses auditeurs : « Prenez garde à ceux des scribes qui tiennent à déambuler en grandes robes, etc. »

            Nous insistons, parce qu’à l’ancienne question, posée à Dieu par Abraham, « feras-tu périr le juste avec le méchant ? » (Genèse 18,23), Jésus – de l’évangile de Marc – semble répondre par la négative. Le regard de Jésus sur les gens ne tient compte ni du peuple, ni d’ethnie, ni du sexe, ni de l’appartenance à telle famille religieuse, ni d’autres qualités ou handicaps personnels. Jésus dans l’évangile de Marc revendique, pour lui-même et pour chaque être humain l’universalité de Dieu et du salut de Dieu. On pourrait presque oser faire de l’évangile de Marc un double récit d’apprentissage : pour Jésus apprendre à être Messie, et pour ceux qui suivent Jésus, sans oublier les lecteurs, apprendre à être disciple. Qu’il soit Messie, disciple, ou lecteur, l’homme est fondamentalement seul, et c’est à cette profondeur insondable de chaque être que Marc entend s’adresser. Et c’est pourquoi il fallait, avant de parler de l’homme seul, montrer l’inanité fondamentale de tout jugement porté sur un groupe, ou sur une caste, indistinctement. C’est ce que Jésus – Marc – fait avec ces premiers versets.

 

            Lorsqu’on venait au Temple – à Jérusalem – c’est individuellement qu’on s’avançait vers le tronc pour y déposer son offrande. Ce tronc était, semble-t-il, exposé à la vue de tous. En tout cas, si nous lisons bien, des places assises étaient disponibles à proximité de ce tronc, qui permettaient d’observer la procession des donateurs. « Beaucoup de riches mettaient beaucoup » et vint une pauvre veuve qui mit là-dedans deux petites pièces de rien du tout (les plus petites pièces ayant cours à cette époque).          

            Que peut-on se procurer avec ces tout petits sous, avec deux pièces d’un centime d’Euro ? A nous, ces pièces servent de monnaie pour de petits achats. Mais si nous n’avions que deux d’entre elles, c’est comme si nous n’avions rien. Données par la pauvre veuve, elles augmentent le trésor du Temple. Mais ce qui nous intéresse n’est pas que le trésor du Temple augmente ; ce qui nous intéresse c’est de comprendre ce que cette femme donne. Car, pour la quantité monétaire, c’est clair, elle ne donne rien. Et pourtant, selon Jésus, elle donne plus que tous les autres.

            Que donne-t-elle ? Elle donne tout ce qu’elle a pour vivre. Mais qu’a-t-elle donc pour vivre ? Elle a sa misère. Elle prend sur sa misère. Mais qu’est-ce que cela signifie ? Avec ces expressions étranges, nous comprenons que ce qui est en question n’a rien à voir, pour cette pauvre veuve, avec quoi que ce soit de matériel. Cette femme prend sur son « rien » et le donne. Elle aura, ensuite, moins encore que rien. Mais moins que rien est une expression qui semble un peu légère…

            Toutes ces tentatives pour comprendre finissent par faire penser à Paul Tillich (1886-1965), pour qui Dieu correspond à une implication et un engagement ultimes (ultimate concern) du croyant. La foi en Dieu est alors un état dans lequel on éprouve la plus ultime dépendance de Dieu.

            Que reste-t-il donc à cette femme, une fois qu’elle a donné toute sa petite monnaie et qu’elle a donné aussi ce qu’elle a pu prendre sur sa misère ? Il ne lui reste rien, il lui reste moins que rien, il ne lui reste même pas de quoi vivre ; il lui reste sa foi en Dieu ; il ne lui reste rien d’autre que sa foi en Dieu.

            Et encore, c’est nous qui disons cela, c’est nous qui le faisons arriver dans notre méditation. Contrairement à nous, l’auteur de ce chapitre de l’évangile de Marc ne s’est permis aucune introspection s’agissant de cette femme. Jésus y va de son commentaire, mais pas plus.

            Dans le silence de cette femme, qui est un véritable silence évangélique, nous devons comprendre combien personnels, combien intimes, sont les chemins de la foi dans chaque conscience humaine.


            Et les riches, alors ? « Beaucoup de riches mettaient beaucoup », et, affirme Jésus, ce qu’ils mettaient était pris sur leur surabondance, sur leur superflu. C’est une définition possible de la richesse : peut donner beaucoup, peut tout donner, sans risquer de manquer de quoi que ce soit. Nous savons que la question du salut des riches est discutée dans l’évangile de Marc. « Qu’il sera difficile à ceux qui ont les richesses d’entrer dans le Royaume de Dieu » (Marc 10:23 – qui ne vise au demeurant pas seulement les riches).

            Jésus dit que ce que la femme met dans le tronc est infiniment plus que ce que les riches y mettent eux-mêmes. Ce qu’ils y mettent n’est en fait pas de même nature. Ce qui nous fait nous demander si la qualité de veuve pauvre est une condition nécessaire à l’expérience de la foi.

            Et comme nous pressentons que nous devons répondre que non, il nous faut nous demander si la foi en Dieu comme nous en avons parlé il y a quelques instants, peut être expérimentée par un riche. Un riche peut-il faire l’expérience, peut-il éprouver au fond de lui-même le sentiment d’une radicale dépendance de Dieu ? Le riche peut-il ressentir l’urgent besoin de donner ce qui serait beaucoup pour lui ? Et puis, nous aurions dû commencer par ça, un riche a-t-il un for intérieur, une intimité en laquelle se dénoue et se noue sa foi en Dieu ? Un riche est un être humain, une créature de Dieu… pouvant avoir  foi en Dieu, vivre avec cette foi et vivre de cette foi. Et ce qu’il verse dans le tronc, avec sa grosse offrande, peut être exactement de même nature que ce qu’y verse la pauvre veuve.

 

            Si bien que, du point de vue de la foi, riches et pauvre, il n’y a pas de différence qui nous soit perceptible. C’est l’intimité des gens, c’est là où ils parlent à Dieu, et si c’est là le lieu de leur tourment, c’est là aussi le lieu de leur possible consolation. Dieu le sait.

            Mais ce que nous savons, nous, c’est qu’au sortir du Temple, après avoir donné chacun son offrande, ils s’en retournèrent lui dans sa maison de riche où l’attendait un bon repas, elle à son coin de ruelle où elle finirait peut-être par avoir de quoi s’acheter un bout, peut-être, ou peut-être quelqu’un lui jetterait une vieille croute qu’elle mangerait, ou partagerait avec plus pauvre encore qu’elle. Et personne ne saurait qu’elle revenait du Temple avec, au fond d’elle-même, le sentiment d’avoir été bénie. Amen


mardi 2 novembre 2021

Dans le Royaume de Dieu (Marc 12,28-34)

Marc 12

28 Un scribe s'avança. Il les avait entendus discuter et voyait que Jésus leur avait bien répondu. Il lui demanda: «Quel est le premier de tous les commandements?»  

29 Jésus répondit: «Le premier, c'est: Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur;  30 tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force.  31 Voici le second: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n'y a pas d'autre commandement plus grand que ceux-là.»  

32 Le scribe lui dit: «Très bien, Maître, tu as dit vrai: Il est unique et il n'y en a pas d'autre que lui, 33 et l'aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, cela vaut mieux que tous les holocaustes et sacrifices.»

 34 Jésus, voyant qu'il avait répondu avec sagesse, lui dit: «Tu n'es pas loin du Royaume de Dieu.» Et personne n'osait plus l'interroger. 

Prédication

            Tu n’es pas loin du royaume de Dieu, déclaration de Jésus à un scribe – un spécialiste des Saintes Écritures.

            Mais où est donc le Royaume de Dieu ? Au ciel (pour ceux qui prient le Notre Père) ? Et qu’est-ce que le Royaume de Dieu ? Là où Dieu règne, soit. Mais encore ? Peut-on en savoir d’avantage ? Et enfin, quand donc arrivera-t-il, ce Royaume, de notre vivant, ou au-delà de notre mort ?

            La liste de questions que nous venons de poser peut s’allonger encore et, ça serait peut-être pire, peut se transformer à n’importe quel moment en une liste de réponses autorisées, et données pour certaines...

            Il est dans le Royaume de Dieu celui qui … Cette phrase  va trouver autant de fins possibles que de questions préalablement posées. Surtout si questions et réponses sont élaborées par des spécialistes des Saintes Écritures – un scribe – clairement amical – mais aussi par d’autres spécialistes – Hérodiens, Pharisiens – dont les intentions vis-à-vis de Jésus sont, elles, clairement hostiles.

            Il est dans le Royaume de Dieu celui qui … Parmi ces réponses possibles, il y en a qui mettent en jeu la spéculation sur après la mort, et la soumission à l’occupant romain. Cette dernière peut avoir des conséquences mortelles. De plus, qui donc si ce n’est Dieu peut décider qu’untel ou tel autre est, ou sera, dans le Royaume de Dieu ? Affirmer qu’untel ou tel autre y sera, c’est se mettre à la place de Dieu, c’est  blasphémer, et donc mériter la mort. Jésus sera un jour ainsi interrogé. Mais en suivant le récit de l’évangile de Marc, au chapitre 12, il est trop tôt pour l’ultime interrogatoire de Jésus, qui aura lieu pendant la Passion.

            Avec ces premiers faisceaux de questions, et de réponses, nous allons retenir que, même si Jésus fait attention à la manière de le dire, il signifie ceci au Scribe venu l’interroger : tu es dans le Royaume de Dieu.

            Et c’est avec ce résultat que nous allons nous demander, en lisant le dialogue qui nous est proposé, ce que peut bien signifier que le Scribe est dans le Royaume de Dieu. Nous allons faire cela en quatre points.

 

            Premier point (Marc 12,28 et 32), le scribe voit que Jésus a bien répondu. Qu’est-ce que bien répondre ? Jésus avait fait à ses autres interlocuteurs le procès d’être égarés, d’être des faussaires, voire des fossoyeurs… Ils se trompent, et ils trompent…Voici la fin de l’entretien précédant, parole de Jésus « Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Vous êtes absolument dans l’erreur. »

            Le Scribe – nous dit le narrateur – considéra que Jésus avait bien répondu. Or, bien répondre, qu’est-ce que cela signifie ? Est-ce faire une réponse conforme au catéchisme, ou au dogme du mouvement auquel on appartient ? Peut-être. Mais cela peut être aussi faire une réponse à la hauteur d’une forme concrète de l’espérance, une réponse dont l’audition vous donne – ou vous rend – un certain regard sur le réel, un regard renouvelé, voire éclairci. Et donc une réponse qui a à voir avec la consolation, avec la joie retrouvée, joie de croire, en somme, en Dieu qui est le Dieu des vivants.

            Nous allons donc affirmer, en revenant vers le Scribe, que celui qui est capable de reconnaître, de saluer et d’accueillir une bonne réponse venant d’un autre, réponse portant la distinction entre Dieu des morts et Dieu des vivants, est dans le Royaume de Dieu.

 

            Deuxième point (Marc 12,30 et 33), le commandement d’aimer Dieu de toutes les manières possibles peut recevoir plusieurs formulations – la langue grecque est assez riche en vocabulaire abstrait, notamment pour parler d’intelligence.

            « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur… de toute ta pensée… » C’est le premier commandement, énoncé par Jésus en réponse à la question du Scribe. Et c’est le mot pensée qui doit retenir notre attention (du grec dianoïa - διανοία), qui nous suggère une activité intellectuelle plutôt continue, une activité intellectuelle qui traverse et perfore le réel.

            Mais, bien qu’en accord parfait avec Jésus, le Scribe va ajouter ceci « … (aimer Dieu) de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force… » Et le mot que le scribe emploie pour parler d’intelligence (cette fois sunésis - σύνεσις) évoque l’association en une sorte d’assemblage d’élément différents les uns des autres. Comme un bouquet de fleurs des champs au printemps est composé d’une grande variété d’essences.

            La pensée de Dieu selon le Scribe, et la pensé de Dieu selon Jésus, reposent sur des propositions différentes, mais elles ne sont pas concurrentes. Elles ne sont pas l’enjeu d’un enseignement magistral, mais bien plutôt l’occasion d’un véritable partage.

            Ces deux pensées mises côte à côte nous permettent de suggérer que ceux dont la pensée de Dieu est consistante, bibliquement fondée, et ne fait pas obstacle à un dialogue fraternel, sont ensemble dans le Royaume de Dieu.

 

            Troisième point (Marc 12,33), dans la seconde réplique du Scribe, nous recueillons ceci : « … (aimer Dieu) de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, cela vaut mieux que tous les holocaustes et sacrifices.» Que signifie donc ce « cela vaut mieux » ?

            A Jérusalem, la dispute entre le Temple et les prophètes est tellement ancienne qu’on peut dire qu’elle a commencé avant même l’existence du Temple. A l’époque de Jésus, elle prend la forme que nous voyons ici, celle d’un antagonisme. Le Temple et ses sacrifices d’un côté, et, en face, l’amour de Dieu et du prochain. Le rituel réputé ancien et inamovible, contre l’actualité toujours nouvelle de l’amour de Dieu et du prochain. Mais à le considérer trop schématiquement, on ferait comme si aucune sincérité n’était possible au Temple, et comme si aucune hypocrisie n’était possible dans l‘amour. Or, nous savons bien qu’il peut y avoir partout des gens sincères, partout des hypocrites, mais nous ne savons pas forcément a priori qui est qui et à qui nous avons affaire... Alors nous devons tenir compte de cette observation lorsque nous lisons « cela vaut mieux que tous les holocaustes et les sacrifices. »

            Aimer Dieu et le prochain, c’est le superlatif du culte sacrificiel. Entendons l’immense différence, entendons aussi la continuité.

            Et concluons, sur ce point, en disant qu’il est dans le Royaume de Dieu, celui qui, dans tout ce qu’il entreprend en matière de religion, reste aussi profondément modéré qu’il est profondément engagé.

 

            Quatrième point (Marc 12,34) Par deux fois, nous avons lu que, selon le Scribe, Jésus avait bien parlé, non pas convenablement, mais bien, au sens du bon, au service de la vie. Au tour de Jésus, maintenant, de se prononcer : « Jésus voyant que le scribe avait répondu avec sagesse… » Ou avec intelligence, (encore un autre terme, nounékos - νουνεχῶς) ou plein de sens, ou prudemment, ou judicieusement, selon les traducteurs. La diversité des traductions signale souvent un certain enjeu, et cet enjeu, nous l’avons discerné dès le début de notre méditation, c’est la déclaration : Tu es dans le Royaume de Dieu. Cet enjeu nous contraint à éliminer sans hésitation tout propos qui ferait de ce Scribe un homme sûr de son fait et de ses droits en matière de religion. C’est pourquoi, parmi les traductions possibles du mot qui caractérise cet homme, le mot de sagesse est peut-être le plus indiqué. Mais la sagesse est bien trop souvent portée aux nues par des gens qui négligent que l’une de ses caractéristiques essentielles est précisément de ne pas se connaître comme sage.

            Alors, ce scribe anonyme, unique interlocuteur de choix pour Jésus Christ Fils de Dieu, nous allons le dire lucide. Il est lucide sur ce qu’il entend dire par les ennemis de Jésus, lucide sur ce qu’il dit lui-même, et lucide enfin sur ce que Jésus dit. « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » Tu n’en es pas loin, et, en fait, tu y es. Tu y es dans tes méditations personnelles, tu y es dans notre dialogue, même si tu n’y es pas selon les canons et selon les personnes autorisées. Telle est la lucidité : les affirmations les plus belles qui puissent être formulées, parce qu’elles appartiennent au langage humain, ont toutes sortes d’ébréchures, toutes sortes de significations possibles, pour maudire, et aussi pour bénir.

 

            Mais qu’en est-il, à la fin, nous demandons-nous ? Même si nous sommes très certains de ce que nous avançons, très certains de la pertinence de nos propos et de la puissance de nos rituels, il nous faut, croyants que nous sommes, rendre gloire à celui en qui nous croyons et nous en tenir à la foi.

            Comment allons-nous le faire ? Aujourd’hui, fête de la Réformation, nous allons le faire en nous souvenant d’un verset biblique que Jean Calvin (1509-1564) a jugé essentiel alors qu’il méditait sur les marques de l’Église visible : Dieu seul connaît ceux qui sont les siens (d’après 2 Timothée 2,19 et Institution de la Religion Chrétienne IV-I-8).

            Puissions-nous nous en souvenir, dans toutes nos situations de face à face avec nos frères.  Et que Dieu nous soit en aide. Amen