samedi 30 janvier 2021

Appelés à la liberté (Deutéronome 18:15-20 ; 1Corinthiens 7:32-35 ; Marc 1:21-28)

 Cette semaine, je ne puis vous donner pour ce samedi et ce dimanche, qu'une prédication écrite. Je tâcherai de vous poster une vidéo demain après-midi, peut-être seulement lundi.


Marc 1

21 Ils pénètrent dans Capharnaüm. Et dès le jour du sabbat, entré dans la synagogue, Jésus enseignait. 22 Ils étaient frappés de son enseignement, car il les enseignait en homme qui a autorité et non pas comme les scribes. 23 Justement il y avait dans leur synagogue un homme possédé d'un esprit impur; il s'écria: 24 «Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth? tu es venu pour nous perdre. Je sais qui tu es: le Saint de Dieu.» 25 Jésus lui commanda sévèrement: «Tais-toi et sors de cet homme.» 26 L'esprit impur le secoua avec violence et il sortit de lui en poussant un grand cri. 27 Ils furent tous tellement saisis qu'ils se demandaient les uns aux autres: «Qu'est-ce que cela? Voilà un enseignement nouveau, plein d'autorité! Il commande même aux esprits impurs et ils lui obéissent!» 28 Et sa renommée se répandit aussitôt partout, dans toute la région de Galilée.

1 Corinthiens 7

32 Je voudrais que vous soyez exempts de soucis. Celui qui n'est pas marié a souci des affaires du Seigneur: il cherche comment plaire au Seigneur. 33 Mais celui qui est marié a souci des affaires du monde: il cherche comment plaire à sa femme, 34 et il est partagé. De même, la femme sans mari et la jeune fille ont souci des affaires du Seigneur, afin d'être saintes de corps et d'esprit. Mais la femme mariée a souci des affaires du monde: elle cherche comment plaire à son mari. 35 Je vous dis cela dans votre propre intérêt, non pour vous tendre un piège, mais pour que vous fassiez ce qui convient le mieux et que vous soyez attachés au Seigneur, sans partage.

Deutéronome 18

15 c'est un prophète comme moi que le SEIGNEUR ton Dieu te suscitera du milieu de toi, d'entre tes frères; c'est lui que vous écouterez. 16 C'est bien là ce que tu avais demandé au SEIGNEUR ton Dieu à l'Horeb, le jour de l'assemblée, quand tu disais: «Je ne veux pas recommencer à entendre la voix du SEIGNEUR mon Dieu, je ne veux plus regarder ce grand feu: je ne veux pas mourir!» 17 Alors le SEIGNEUR me dit: «Ils ont bien fait de dire cela. 18 C'est un prophète comme toi que je leur susciterai du milieu de leurs frères; je mettrai mes paroles dans sa bouche, et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai. 19 Et si quelqu'un n'écoute pas mes paroles, celles que le prophète aura dites en mon nom, alors moi-même je lui en demanderai compte. 20 Mais si le prophète, lui, a la présomption de dire en mon nom une parole que je ne lui aurai pas ordonné de dire, ou s'il parle au nom d'autres dieux, alors c'est le prophète qui mourra.»

Prédication :

            Le livre du Deutéronome, dont nous venons de lire quelques versets importants – peut-être même capitaux – se présente comme une sorte de "testament de Moïse". Ainsi, au moment où Moïse va disparaître, au moment où Les Hébreux s’apprêtent à entrer en terre promise, la Loi leur est rappelée.

            Les circonstances du don de la Loi leurs sont rappelées aussi, ainsi que leurs réactions aux manifestations de Dieu : « Je ne veux pas recommencer à écouter la voix du Seigneur mon Dieu, je ne veux pas regarder ce grand feu, je ne veux pas mourir. »

            Ainsi le peuple hébreu se prononça-t-il sur les manifestations de Dieu. Et Dieu écouta son peuple, et l’exauça. C’est sur la demande expresse de son propre peuple que Dieu mit fin pour toujours à l’âge de la révélation directe.

            Dieu ne parlerait plus que de manière indirecte, ce qui signifie que, ce jour-là, le peuple hébreu entra d’un coup dans l’âge de raison, c'est-à-dire dans l’âge du discernement et de l’interprétation.

            Ce dont nous sommes en train de parler est si important qu’une histoire juive raconte qu’un jour, un rabbin (Eliezer ben Hyrcanos) pourtant maître incontesté en manière juridique fut impitoyablement excommunié, pour en avoir appelé à une révélation directe…  

              Avec cet extrait de Deutéronome 18, de 1Corinthiens 7, et de Marc 1, nous tenons un florilège de textes extrêmement intéressant, devant lequel nous allons nous poser une question : comment Dieu parle-t-il aux hommes ? Nous disposons, d’emblée, de cinq réponses scripturaires.

  1. Directement, en face à face ;
  2. Par la médiation d’un prophète ;
  3. Par le ministère épistolaire d’un apôtre ;
  4. Par l’enseignement de scribes ;
  5. Par l’enseignement de Jésus.

            Cette liste n’est pas exhaustive, il faudrait y ajouter (6) les adages de la Sagesse, (7) le ministère oral d’un apôtre, (8) le miracle ou l’acte de puissance, (9) le saisissement par l’Esprit Saint, (10) la poésie des psaumes et cantiques, (11) la réflexion critique… Et sans doute oublions-nous tel ou tel autre moyen, dont tout ce qui touche à l’art.

            Comme le cantique le dit : « Tout chemin qu’on t’impose peut devenir le sien. Chaque jour Il dispose de quelque autre moyen. » Il n’est pas du tout nécessaire de tenter une classification de ces moyens. Mais il est extrêmement intéressant de voir que, par moments, ils ont été discutés, et que parfois même ils ont été en conflit.

            Revenons quelques instants au Deutéronome. Il est bien entendu que la contemplation et l’audition directes de Dieu vont cesser, c’est une demande du peuple de Dieu, que Dieu exauce. Et en lieu et place de ce contact direct, il y aura des prophètes, issus du peuple, et nous lisons – parole de Dieu – « Je mettrai mes paroles dans (leur) bouche. »

             Le prophète, issu du peuple, échappera-t-il au sort commun ? Verra-t-il Dieu face à face et recevra-t-il de Dieu directement ses paroles, ou devra-t-il comme tout le monde observer, réfléchir, puis prendre la parole ? La question est posée, le débat commence dès le Deutéronome… et ne s’arrêtera plus. Dans des périodes troublées, avant, et pendant l’Exil, chaque camp, chaque faction aura son propre prophète délivrant un message divin propre à son camp. Et se posera toujours la question de l’authenticité du message, et la question de l’inspiration de ces messieurs. Pour ne mentionner que deux noms, voici Hananya, et voici Jérémie, dont l’affrontement nous est connu (Jérémie 28). Lequel des deux était "le bon", lequel des deux fallait-il écouter ? Il nous est si facile de prendre position dans leur querelle, puisque nous connaissons la suite de l’histoire. Mais qu’en aurait-il été, pour nous, en situation ?

             Nous poursuivons cette réflexion. Jésus enseignait dans la synagogue de Capharnaüm. Quel était son enseignement ?

            Dans le premier chapitre de l’évangile de Marc, s’agissant de la prédication de Jésus, nous n’avons que ceci : « Le temps est accompli, et le Règne de Dieu est infiniment proche : convertissez-vous et croyez à l'Évangile » (Mar 1:15). Nous n’avons rien de plus sur le contenu de l’enseignement de Jésus, mais ce que nous apprenons, c’est qu’il enseignait avec autorité et non pas comme les scribes.

            Dans le contexte biblique, enseigner avec autorité signifie précisément accomplir ce qu’on enseigne.

            Et ce que Jésus accomplit est une libération. Lisons-le juste pour ce que c’est : Jésus libère un homme d’un esprit impur, d’un esprit qui force cet homme à vociférer, qui le force à se convulser… Que cet homme retrouve une certaine paix somatique est au moins un soulagement, une libération. Pourtant, cet homme – l’esprit impur – disait des choses intéressantes, disait la vérité. Jésus est le Saint de Dieu – l’appellation n’est pas courante mais elle n’est pas fausse – et Jésus est bien venu pour perdre, pour dégager les esprits impurs, ceux qui possèdent et qui aliènent… Jésus n’est pas venu que pour ça, mais pour ça aussi ; et peut-être, si nous voulons parler en cela de  libération et de liberté, Jésus n’est-il venu que pour ça.

            Alors ? Alors, dans le régime de pensée propre à la prédication de Jésus, il est indispensable que ce soit librement et dans l’intelligence de sa situation qu’un être humain confesse sa foi au Christ sauveur.

            C’est probablement là, sur la question de la liberté et de la responsabilité, que l’enseignement de Jésus entre en conflit avec l’enseignement des Scribes. Entendons bien ici que les Scribes enseignent des choses écrites, tenues pour véritables, immuables et obligatoires. Mais dans l’opposition avec l’enseignement de Jésus, les Scribes enseignent certainement que croire c’est se soumettre, que croire c’est répéter, en opposant répéter à comprendre. C’est donc sans autorité, sans autorité libératrice, qu’ils enseignent, dans le sens où ce qu’ils construisent autour de leurs auditeurs est une sorte de muraille dont leurs auditeurs sont captifs, et absolument incapables de se libérer par eux-mêmes.

            Ainsi cet homme si agité fut-il libéré par l’autorité opérationnelle et libératrice de Jésus de Nazareth. Quelle fut ensuite la destinée de cet homme ? Nous n’avons pas à le savoir. Notre joie est qu’il fut libéré.

           Ce sont donc des hommes libres que désire et recherche notre Seigneur. Raison peut-être pour laquelle il appelle des pêcheurs de poissons, plutôt que des religieux, pour en faire des pêcheurs d’homme… Et ces pêcheurs répondent favorablement, et librement, rien ne les y obligeait.

            Raison pour laquelle aussi il libère cet homme dans la synagogue de Caphernaüm.

            Raison pour laquelle il en libérera tant d’autres, sans jamais en obliger aucun.

             Il nous libère, et, sans nous obliger en aucune manière, il nous appelle à vivre librement, et à répondre fraternellement de cette liberté. Amen



lundi 25 janvier 2021

Amis du Seigneur (Jonas 3,1-10 ; 1 Corinthiens 7,29-31 ; Marc 1,14-20)

Ce dimanche, le 24 janvier, dans le cadre de la semaine de prière pour l'unité des chrétiens, le Père Stéphane Aulard, curé de Vincennes, était accueilli au Temple de l'Eglise Protestante Unie de Vincennes.

Voici les textes bibliques et le sermon qu'il nous a apportés. 

Jonas 3,1-5

1 La parole du SEIGNEUR s'adressa une seconde fois à Jonas: 2 «Lève-toi, va à Ninive la grande ville et profère contre elle l'oracle que je te communiquerai.»  3 Jonas se leva et partit, mais - cette fois - pour Ninive, se conformant à la parole du SEIGNEUR. Or Ninive était devenue une ville excessivement grande: on mettait trois jours pour la traverser.  4 Jonas avait à peine marché une journée en proférant cet oracle: «Encore quarante jours et Ninive sera mise sens dessus dessous», 5 que déjà ses habitants croyaient en Dieu. Ils proclamèrent un jeûne et se revêtirent de sacs, des grands jusqu'aux petits. 6 La nouvelle parvint au roi de Ninive. Il se leva de son trône, fit glisser sa robe royale, se couvrit d'un sac, s'assit sur de la cendre, 7 proclama l'état d'alerte et fit annoncer dans Ninive: «Par décret du roi et de son gouvernement, interdiction est faite aux hommes et aux bêtes, au gros et au petit bétail, de goûter à quoi que ce soit; interdiction est faite de paître et interdiction est faite de boire de l'eau. 8 Hommes et bêtes se couvriront de sacs, et ils invoqueront Dieu avec force. Chacun se convertira de son mauvais chemin et de la violence qui reste attachée à ses mains. 9 Qui sait! peut-être Dieu se ravisera-t-il, reviendra-t-il sur sa décision et retirera-t-il sa menace; ainsi nous ne périrons pas.» 10 Dieu vit leur réaction: ils revenaient de leur mauvais chemin. Aussi revint-il sur sa décision de leur faire le mal qu'il avait annoncé. Il ne le fit pas.

1 Corinthiens 7,29-31

29 Voici ce que je dis, frères: le temps est écourté. Désormais, que ceux qui ont une femme soient comme s'ils n'en avaient pas, 30 ceux qui pleurent comme s'ils ne pleuraient pas, ceux qui se réjouissent comme s'ils ne se réjouissaient pas, ceux qui achètent comme s'ils ne possédaient pas, 31 ceux qui tirent profit de ce monde comme s'ils n'en profitaient pas vraiment. Car la figure de ce monde passe.

Marc 1,14-20

14 Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée. Il proclamait l'Évangile de Dieu et disait: 15 «Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s'est approché: convertissez-vous et croyez à l'Évangile.» 16 Comme il passait le long de la mer de Galilée, il vit Simon et André, le frère de Simon, en train de jeter le filet dans la mer: c'étaient des pêcheurs. 17 Jésus leur dit: «Venez à ma suite, et je ferai de vous des pêcheurs d'hommes.» 18 Laissant aussitôt leurs filets, ils le suivirent. 19 Avançant un peu, il vit Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, qui étaient dans leur barque en train d'arranger leurs filets. 20 Aussitôt, il les appela. Et laissant dans la barque leur père Zébédée avec les ouvriers, ils partirent à sa suite.

Sermon

Frères et sœurs puisqu’il m’est donné de venir prêcher devant votre communauté en cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens je voudrais souligner ce qui, à mon sens, se dégage des trois lectures bibliques qui sont offertes à notre méditation en ce dimanche.

Il y a une grande cohérence en effet entre ces trois textes bibliques qui pourtant relèvent d’auteurs bien différents :

La première lecture est un extrait d’un petit prophète, Jonas. Petit quant au nombre de chapitres que comporte son livre : quatre et nous lisons le chapitre 3.

La première lettre de Saint Paul aux Corinthiens nous transporte dans un autre univers : celui des païens de Grèce vivant dans une cité industrieuse où une jeune communauté chrétienne est née et qui se débat entre la foi à laquelle elle se rend et les pratiques païennes tellement éloignées de la foi biblique auxquelles elle semble attachée durablement.

L’Evangile selon Saint Marc dans ses débuts met en scène le prophète de Galilée, Jésus, ses premiers disciples et les premiers mots de sa prédication.

En lisant et en relisant ces courts extraits si denses il me semble que trois fils se dégagent :

Le premier est une urgence : celle du temps qu’il ne faut pas perdre car quelque chose de nouveau et d’essentiel, comme on dit aujourd’hui, est en train d’advenir.

Le second est le motif de l’invitation à la conversion.

Le troisième est celui des fruits de cette conversion.

Je développe chacun de ces fils maintenant.

1-Parce que le livre de Jonas est court on comprend que la succession des événements rapportés a pour fond l’urgence du temps dans lequel se trouve Jonas d’abord rebelle à l’invitation de Dieu à aller prêcher dans la ville païenne de Ninive symbole de la puissance et de l’orgueil des païens totalement rebelles eux aussi à la Parole du Seigneur parce qu’ils sont sûrs de leur civilisation puissante, organisée, guerrière, imbue d’elle-même, idolâtre…

On retrouve cela dans les propos de Paul aux Corinthiens : il s’adresse à des gens qui ont découvert la foi en Jésus Christ mais qui restent extrêmement attachés à leur mode de vie dominé par l’art du commerce et du profit primant sur celui de la fraternité qui pourtant les a déjà attirés.

Le passage de l’Evangile de Marc nous dépeint un Christ qui n’a pas de temps à perdre parce que sa venue en ce monde est le signe de l’accomplissement du temps et de l’histoire biblique qui précède.

Nous vivons actuellement un temps, un moment, un kaïros  inédit : une pandémie s’est développée et semble continuer à se développer inexorablement. Il faut agir vite pour que les choses ne s’enveniment pas davantage. Les décideurs sont acculés, nos journées sont abrégées parce qu’il faut se protéger. Et c’est dans ce contexte que nous n’imaginions pas il y a un an qu’il faut entendre nos lectures bibliques. Dieu lui aussi n’a pas de temps à perdre pour toucher nos cœurs. Jésus, le nouveau Jonas, Jésus comme plus tard Paul aux Corinthiens nous presse de prendre conscience de la brièveté et de la fragilité de nos vies. Le Christ ne veut pas nous assommer certes mais nous presse dans ce temps court à nous mettre à l’écoute de sa Parole. Comme à Jonas la « Parole de Dieu « nous est adressée  (cf. Jon 3,1), celle que nous venons d’entendre. Combien de temps nous faudra-t-il  pour l’écouter et l’entendre ? Trois jours ou une vie qui ne serait pas futile ? Le verset de Paul passé dans les proverbes de notre langue peut nous paraître rude à moins qu’il ne nous invite à une introspection : « Car il passe ce monde, tel que nous le voyons. » (1 Co, 7,31) : Sic transit gloria mundi… N’avons-nous pas entendu ces derniers temps toutes ces réflexions de nos politiques et de nos débatteurs sur le « monde d’avant » et le « monde d’après » ?Et si nous commencions déjà à nous intéresser au monde présent, notre monde tel qu’il est complexe et fascinant, rude et riche de tout un potentiel et à en découvrir le lieu où Dieu peut et veut aujourd’hui comme hier avec nos devanciers s’accomplir en nous…

2-Le second fil qui est considérable pour un chrétien, c’est l’appel à la conversion. On nous parle sans cesse de la transition et de la conversion écologique. Nos Eglises qui ne sont d’ailleurs pas insensibles à ces appels ont même inventé un « label » comme on  dit : le label « Eglise verte ». Bien d’autres conversions doivent être à l’ordre du jour comme celle de la renonciation aux violences, aux emprises subtiles en particulier sur les consciences, les appels à une autre gestion du pouvoir et de l’autorité, la découverte que notre humanité ne saurait se passer des charismes des hommes et des femmes. Et que dire de notre humanité encore si souvent dominée par le mode de vie occidental alors que des pays émergents demandent à se faire entendre. Nos Eglises souvent fatiguées en Occident ne doivent-elles pas faire place aux jeunes Eglises en croissance et dynamiques d’Asie et d’Afrique en particulier ?

Vous me direz : mais qu’est-ce que cette analyse rapide a à voir avec la conversion dont il est question dans les lectures bibliques de ce jour ? J’aurais envie de répondre que nous avons fait du motif de la conversion une affaire tellement spiritualisée et intérieure que nous ne voyons pas dans les appels à la conversion entendus aujourd’hui quelque chose de puissant révélant combien se convertir ne concerne pas que l’adhésion de son être à la personne du Christ. Il s’agit, si je puis dire,d’une conversion radicale, intégrale. Les ninivites avaient besoin d’entendre parler du Dieu unique révélé par ce prophète Jonas qui avait d’ailleurs eu du mal à se mette en route et à obéir à la Parole de Dieu ! Les ninivites sont une figure de ce que nous sommes : des gens pressés et idolâtres de leur puissance guerrière comme les corinthiens étaient une figure de la puissance des affaires économiques qui semble tout dominer y compris nos meilleures intentions. Et l’Evangile en terre juive ne nous dit pas autre chose : « Les temps sont accomplis, le règne de Dieu est tout proche ; convertissez-vous et croyez à l’Evangile ! » (Marc 1,15  Ceux-là même qui sont officiellement déjà sous la Parole de Dieu ont à se convertir d’urgence ! Pourquoi ? Parce que Dieu en Jésus Christ vient toujours remettre le monde à l’endroit et pour cela il nous requiert encore et toujours ! Parce que le monde livré à lui-même est à l’envers assurément il nous faut accepter de nous mettre face à Jésus Christ dans notre culte comme dans notre prière la plus personnelle et l’entendre nous dire que le monde de Dieu est ce qu’il faut à ce monde pour qu’il devienne enfin humain et entre dans le projet divin de la création sans cesse nouvelle qui s’accomplira dans la Jérusalem nouvelle.

3-Le troisième fil est le résultat déjà tangible de l’appel à la conversion : le fruit. Voilà bien un mot de la prédication de Jésus, le fruit, les fruits (cf. Jn 15,8).

Cela apparaît déjà très nettement dans la prédication de Jonas qui, en très peu de temps, atteignit son objectif –en trois jours- : la population de Ninive se convertit et se détourna de « sa conduite mauvaise » (Jon 3,10). Juste auparavant le texte nous précise que non seulement les humains mais aussi hommes et bêtes (versets 7 et 8) jeûnèrent et renoncèrent à leur conduite mauvaise marquée par l’adhésion à la violence.

Cela est exprimé autrement mais dans le même sens dans la prédication de Paul aux corinthiens qui leur indique le chemin à parcourir pour embrasser en somme le règne de Dieu. Il s’agit d’entrer dans un régime de sobriété et de refus des accaparements de toute sorte. Cela ne résonne-t-il pas à nos oreilles cet appel à la sobriété qui aura encore un long chemin sans doute à parcourir pour que nous en découvrions la joie !

Et l’Evangile dans la séquence que nous venons d’entendre, qu’en est-il ? L’appel de Jésus à la conversion se concrétise et c’est un véritable fruit par l’appel des quatre premiers disciples qui quittent  très concrètement ce qu’ils étaient en train d’accomplir : le travail de la pêche pour se dévouer entièrement à  la suite du Christ et à l’exercice de la prédication  comme leur maître, le Christ.

Je termine sur ces trois fruits qui ont de quoi nous faire tous réfléchir si nous acceptons d’entrer dans la proximité de Jésus Christ en nous convertissant les uns et les autres aujourd’hui comme hier :

·        La libération de la violence et de la mainmise sur autrui,

·        La découverte d’une vie choisissant la sobriété et le refus des excès,

·        La participation à l’œuvre du Christ en se faisant compagnon, disciple, ami du Seigneur et en invitant joyeusement nos frères et sœurs à cette rencontre.

 

Amen.

samedi 23 janvier 2021

La bénédiction, la tentation, et le partage (Marc 1,12-13)

Marc 1

 2 Ainsi qu'il est écrit dans le livre du prophète Esaïe, Voici, j'envoie mon messager en avant de toi, pour préparer ton chemin.  3 Une voix crie dans le désert: Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.  4 Jean le Baptiste parut dans le désert, proclamant un baptême de conversion en vue du pardon des péchés.  5 Tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui; ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en confessant leurs péchés.  6 Jean était vêtu de poil de chameau avec une ceinture de cuir autour des reins; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.  7 Il proclamait: «Celui qui est plus fort que moi vient après moi, et je ne suis pas digne, en me courbant, de délier la lanière de ses sandales.  8 Moi, je vous ai baptisés d'eau, mais lui vous baptisera d'Esprit Saint.»

 9 Or, en ces jours-là, Jésus vint de Nazareth en Galilée et se fit baptiser par Jean dans le Jourdain.  10 À l'instant où il remontait de l'eau, il vit les cieux se déchirer et l'Esprit, comme une colombe, descendre sur lui.  11 Et des cieux vint une voix: «Tu es mon Fils bien-aimé, il m'a plu de te choisir.»

 12 Aussitôt l'Esprit pousse Jésus au désert.  13 Durant quarante jours, au désert, il fut tenté par Satan. Il était avec les bêtes sauvages et les anges le servaient. 

 14 Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée. Il proclamait l'Évangile de Dieu et disait:  15 «Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s'est approché: convertissez-vous et croyez à l'Évangile.»


Méditation

C’est après que Jean le Baptiste eut été livré que Jésus commença à annoncer publiquement l’Évangile. Avant cela, Jésus était dans le désert, tenté par Satan. Contrairement à Matthieu et Luc, l’évangile de Marc ne rapporte pas trois tentations. Mais pour autant, la tentation y est décrite, en deux images : Jésus était avec les bêtes sauvages et les anges le servaient (Marc 1,13).

            Jésus n’est pas le seul à être dans le désert. Avant lui, Jean le Baptiste y survit en se nourrissant de sauterelles et de miel sauvage. Un menu pour le moins frugal, plus allégé encore que le menu du prophète Élie (1 Rois 17), buvant l’eau d’un torrent, et ravitaillé en pain et en viande par les corbeaux…

            Élie donc, était avec les corbeaux et les corbeaux le servaient. Les corbeaux ne sont d’ailleurs pas les seuls animaux, prédateurs et proies, à fréquenter ces déserts. Depuis toujours, certains humains ont su s’adapter à la vie dans ces déserts. Les littératures anciennes – 1000 ans avant la Bible – ont même fait de l’homme vivant seul au désert en harmonie avec les bêtes sauvages l’image d’un homme heureux.

            C’est cette image que l’évangile de Marc reprend et amplifie. Jésus est avec les bêtes sauvages, il vit au milieu d’elles, elles ne le menacent pas, et elles lui fournissent sans doute une part de sa pitance. Et il est servi par les anges, servi comme on est servi à table par une personne dévouée, et nous ajoutons que les anges, à son service, lui apportent toute la compagnie dont il peut avoir envie. Nous devons imaginer Jésus, dans le désert, comme un homme absolument heureux.

            Ce bonheur lui vient à la suite d’une bénédiction reçue lors de son baptême. « À l'instant où il remontait de l'eau, il vit les cieux se déchirer et l'Esprit, comme une colombe, descendre sur lui. Et des cieux vint une voix : Tu es mon Fils bien-aimé, en toi est toute ma joie. » La plus belle des déclarations divines, la plus haute des bénédictions, le plus grand des bonheurs… Et pour Jésus la plus profonde des tentations : garder pour soi tout seul ce que Dieu a donné.

            Ce qu’il fit, pendant 40 jours, si nous comprenons bien Marc, avant de renoncer à sa solitude parfaite, avant de choisir la proximité des humains, avant de commencer le grand partage que fut son ministère public.

            A la suite de ce partage, nous pouvons dire que toutes nos bénédictions sont faites pour être partagées.



mercredi 20 janvier 2021

Lettre pastorale du 20 janvier 2021 : les pauvres de cœur


« Heureux les pauvres de cœur, le royaume des cieux est à eux »

 

            Ceux qui chantent les Béatitudes en s’aidant par exemple du recueil Alléluia, trouveront ceci : « Bienheureux les pauvres en esprit… » Pauvres en esprit ? Pauvres de cœur ? Pourquoi un tel écart entre les traductions ? Voici une troisième possibilité : « Vous êtes bénis, lorsque vous êtes tout au bout de votre corde… » Cette proposition de traduction, que j’emprunte à une Bible en anglais, nous renvoie d’emblée à une expérience de vie.

            Il est possible d’imaginer la vie comme un espace que nous avons à parcourir, un espace qui s’agrandit chaque jour que nous vivons, et que nous parcourons en tenant dans nos mains une corde, une corde d’assurage, solidement ancrée dans le bloc solide et stable du langage, de notre intelligence et de nos certitudes. Et puis, un jour, quelque chose arrive et nous voici tout au bout de notre corde… et même un peu plus loin. La corde nous a été arrachée, ou nous l’avons lâchée. En conséquence de quoi nous ne savons que penser de ce qui nous arrive, ni n’en savons que dire. Nous voici alors réellement exposés, immergés, dans l’inconnu.

            Nous pouvons penser à un malheur sans nom. Osera-t-on jamais proclamer bienheureux ceux que l’horreur éprouve et démembre ? Prononcer la première des Béatitudes devant un malheur sans nom est impensable, sauf si cette Béatitude est l’engagement de celui qui la prononce, engagement en faveur de l’éprouvé,  engagement de l’accompagner dans sa marche dans l’inconnu, dans sa quête de sens, tout en sachant qu’on ne dispose pas soi-même pour cet accompagnement de moyens reconnus et efficaces. C’est dans ce plus profond engagement, si on le tient, et avec infiniment de précautions qu’on parlera du royaume des cieux.

            Nous pouvons aussi penser au bonheur. L’immersion dans un paysage d’une beauté à couper le souffle, le ciel constellé d’étoiles, l’aurore boréale, l’immensité de l’océan, ou celle de la banquise… L’amour, la première fois qu’on le ressent, la première fois qu’on le déclare, et on ne sait pas que c’est lui. La floraison des coquelicots, l’enfant qui accède au langage. La liste est infinie, et elle n’est qu’une liste de causes possibles. Mais le sentiment, qu’est-il ? Le bonheur, le véritable bonheur, se reconnaît à ce que rien ne vous y prépare, qu’il advient quand il veut, et comme un d’au-delà de l’intelligence et des sentiments. Le bonheur n’advient qu’à ceux qui ont lâché la corde ; ceux qui ne l’on pas lâchée ne connaissent que la satisfaction.  Seuls les plus grands, seuls les plus purs, savent parler du bonheur. La plupart de ceux qui l’éprouvent ne parleront jamais que de ses causes.

            Nous avons évoqué le bonheur sans nom, le malheur sans nom, et l’audace de Jésus de Nazareth qui, dans le sermon sur la montagne, unit en une seule réalité ces deux au-delà de l’expérience humaine. Cette unification est-elle un scandale ? Est-elle un scandale pour les heureux et pour les malheureux, un mépris pour les uns et un rabat-joie pour les autres ? Elle le serait vraiment si celui qui parle n’avait pas tant fait pour les uns comme pour les autres, pour les ramener à la vie.

            Pour le lecteur, cette unification qui ne va absolument pas de soi peut être l’occasion, justement, de lâcher sa propre corde, pendant quelques instants, le temps d’une méditation sur la vie et la mort, sur le plus grand des malheurs possibles et le plus grand des bonheurs possibles, sur la pauvreté de la parole et des sentiments, et, au-delà de cette méditation, sur le royaume des cieux.

                       

Pasteur Jean DIETZ, 20 janvier 2021


L’image de la corde est empruntée au théologien Eugene H. PETERSON (1932-2018) The Message //REMIX

Culte dominical vidéo : https://www.youtube.com/channel/UCLEihGwqDjzHjWjmYnP2_2Q

Offrande en ligne : https://www.eglise-protestante-unie.fr/vincennes-montreuil-p71320/don

Bulletin paroissial en ligne : https://www.eglise-protestante-unie.fr/vincennes-montreuil-p71320



samedi 16 janvier 2021

Formation de la première communauté chrétienne (Jean 1,35-43)


 Jean 1
35 Le lendemain, Jean se tenait là, de nouveau, avec deux de ses disciples. 36 Regardant Jésus qui passait, il dit : " Voici l'agneau de Dieu. " 37 Les deux disciples entendirent ses paroles et suivirent Jésus.

38 Jésus se retourna et, voyant qu'ils le suivaient, leur dit : " Que cherchez-vous ? " Ils lui dirent : "Rabbi - ce qui veut dire Maître -, où demeures-tu ? " 39 Il leur dit : " Venez et voyez. " Ils vinrent donc et virent où il demeurait, et ils demeurèrent auprès de lui de jour-là. C'était environ la dixième heure.

40 André, le frère de Simon-Pierre, était l'un des deux qui avaient entendu les paroles de Jean et suivi Jésus. 41 Il rencontre en premier lieu son frère Simon et lui dit : " Nous avons trouvé le Messie " - ce qui veut dire Christ. 42 Il l'amena à Jésus. Jésus le regarda et dit : " Tu es Simon, le fils de Jean ; tu t'appelleras Céphas " - ce qui veut dire Pierre.

43 Le lendemain, Jésus résolut de partir pour la Galilée ; il rencontre Philippe et lui dit : " Suis-moi ! "

Prédication

            « Le lendemain, Jean (le Baptiste) se tenait là, de nouveau, avec deux de ses disciples. Et voyant Jésus qui passait, il dit : « Voici l’agneau de Dieu. » Les versets de l’évangile de ce dimanche commencent par le lendemain ; et notre curiosité nous fait nous demander ce qu’il en est de la veille.

            En lisant ce qui a trait à la veille, nous tombons sur : « Le lendemain, il (Jean le Baptiste) voit Jésus venir à lui et il dit : « Voici l’agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. » Et c’est ainsi que nous apprenons qu’à partir de l’avant-veille tout « cela se passait à Béthanie, au-delà du Jourdain, où Jean le Baptiste baptisait.

            Pendant ces trois jours, c’est là que ça se passe, là où se tient Jean le Baptiste, là où se tiennent aussi ses disciples. Ils se tiennent en ce lieu-là.

           

            Ils se tiennent, fixement, en ce lieu-là ; or (nous lisons), « voyant Jésus qui passait », Jean le Baptiste dit "Voici l’Agneau de Dieu". Prêtons attention à ceci : « Voyant Jésus qui passait… » Cela fait contraste avec ce que nous venons justement de voir : des hommes qui se rassemblent sur le même lieu avant-hier, hier, et aujourd’hui, et un autre homme qui, lui, passe. Il y a donc ici un contraste fort entre Jean le Baptiste et Jésus : le contraste qu’il y a entre l’immobile et le mouvement… Même si, dans ce tableau très simple que nous dépeignons, Jean le Baptiste et ses disciples représentent l’immobile, Jean le Baptiste trouve en lui  ce qu’il faut d’énergie, et peut-être de courage, pour une prise de parole et il dit : « Voici l’agneau de Dieu. »

            Laissons quelques instants Jean le Baptiste et projetons-nous quelques siècles plus tôt, lorsqu’un petit gars de rien du tout appelé Samuel faisait son apprentissage d’homme de Dieu auprès d’un vieux prêtre du nom d’Éli, au sanctuaire de Silo. A Silo, très ancien site où se pratiquait le culte et où se rendait la justice, tout s’était figé, puis gâté. Les fils du vieux prêtre étaient décadents, leur père était un faible, et Dieu n’allait pas tarder à parler. Dieu n’allait pas tarder à parler, mais qui allait authentifier la divine parole ? Lorsque Dieu appelle enfin Samuel, c’est le vieux prêtre Éli qui saura authentifier la divine parole, et, avec un courage inouï, il exigera que l’enfant fasse connaître exactement tout ce que Dieu aura dit… et ce que Dieu dit ce jour-là condamnait sans pitié aucune Éli le prêtre et ses vauriens de fils. Il y a souvent, dans la Bible, une association pleine de vérité entre la douceur de l’appel et l’exigence de la mission…

            Revenons à Jean le Baptiste et à ses disciples qui sont là, et à Jésus qui passe. Bien qu’immobile, Jean trouve en lui l’inspiration et la force de dire : « Voici l’agneau de Dieu. » Et il s’ensuit sans délai que « les disciples (de Jean le Baptiste), entendant ces paroles, suivirent Jésus ». Pour Jésus, deux disciples de plus, ses premiers disciples, et pour Jean le Baptiste, deux disciples de moins… Retenons ici que la parole inspirée, la parole de vérité, celle qui dit le Christ et montre le Christ, rapproche du Christ ceux qui l’entendent, et les éloigne en même temps de ceux qui la disent. Et ainsi, de fixes qu’ils étaient, les deux disciples de Jean le baptiste deviennent mobiles : ils suivent Jésus.

            Nous nous réjouissons de ce que ces deux premiers disciples, entendant ce que dit leur maître, se mettent en mouvement, et suivent Jésus. Ils suivent donc Jésus, et nous lisons : « Jésus se retourna et, voyant qu’ils le suivaient, leur dit : "Que cherchez-vous ?" » Et ils répondent : « Rabbi, où demeures-tu ? » Cette question vient alimenter notre réflexion sur l’immobile et le mouvement. Ces deux disciples se sont certes mis en mouvement pour suivre Jésus, mais la demande qu’ils adressent à leur nouveau maître est une demande de demeurer, de rester là quelque part. C’est comme s’ils changeaient de maître comme on change de maison. Et les voici, ces deux disciples, prêts à une nouvelle immobilité. C’est leur faiblesse qui se manifeste là, faiblesse d’une foi trop jeune, qui certes veut bien suivre le Christ, mais qui ne saisit pas encore que suivre le Christ est une aventure de chaque jour, et qui préfère donc le certain à l’incertain, le je sais au je crois

            Ceci dit, même Jésus demeure quelque part. « Vous voulez savoir où je demeure ? Venez et vous verrez. » Nous n’avons aucune idée de ce lieu où Jésus demeurait ce jour-là. Nous pouvons dire que c’était assez grand pour trois. Nous ne savons pas ce qui s’y est dit. Mais nous savons que, immédiatement après, les deux premiers disciples appelèrent d’autres disciples. Même Jésus demeure quelque part, avons-nous dit. Mais nous allons ajouter que Jésus ne demeure jamais longtemps au même endroit. Lisons encore : « Le lendemain, Jésus voulut s’en aller vers la Galilée ; il trouve Philippe et lui dit : "Suis-moi !" » Et Philippe, qui semble n’avoir été disciple de personne avant d’être appelé par Jésus est projeté d’emblée dans ce mouvement sans fin, dans cette aventure de la foi qu’est de suivre Jésus.

 

            Arrivé à ce moment de la lecture de l’évangile de Jean, nous pouvons voir une petite communauté : Jésus, et quatre hommes. N’hésitons pas à appeler Eglise cette première communauté. Est-elle unie ? Deux de ces hommes sont porteurs d’une confession de foi particulière, qu’ils tiennent de Jean le Baptiste : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. » Comment les deux autres hommes vont-ils recevoir cette confession de foi ? Nous ne le savons pas. Nous voyons seulement quatre hommes qui suivent Jésus en direction de la Galilée. Ils n’ont pas tous été appelés de la même manière, mais tous ils ont choisi de suivre Jésus. Et de ce point de vue, ils sont unis.

            Cette petite première Église est unie. Nous savons que son unité va être mise à l’épreuve… Mais pour l’heure, elle est unie dans une forme très essentielle de l’unité. Tous ont choisi de suivre Jésus, même si tous n’ont pas reçu le même appel, et même si tous n’ont pas reçu le même appel, c’est ensemble qu’ils vont le suivre.

           

            Sœurs et frères, nous sommes juste un peu plus de quatre et nous n’avons pas tous reçu le même appel. Cependant le Christ, l’Agneau de Dieu, celui dont il est écrit dans la Loi et les Prophètes, l’unique Fils de Dieu et Messie, Jésus de Nazareth en Galilée, nous appelle tous à ne pas rester sur place, nous appelle à marcher à sa suite. Ensemble suivons-le donc ! Amen



samedi 9 janvier 2021

L'évangile, Jean Baptiste, la discontinuité (Marc 1,1-15)

Marc 1 : 1 Commencement de l'Évangile de Jésus Christ Fils de Dieu:

2 Ainsi qu'il est écrit dans le livre du prophète Esaïe, Voici, j'envoie mon messager en avant de toi, pour préparer ton chemin. 3 Une voix crie dans le désert: Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.

4 Jean le Baptiste parut dans le désert, proclamant un baptême de conversion en vue du pardon des péchés. 5 Tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui; ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en confessant leurs péchés. 6 Jean était vêtu de poil de chameau avec une ceinture de cuir autour des reins; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. 7 Il proclamait: «Celui qui est plus fort que moi vient après moi, et je ne suis pas digne, en me courbant, de délier la lanière de ses sandales. 8 Moi, je vous ai baptisés d'eau, mais lui vous baptisera d'Esprit Saint.»

 9 Or, en ces jours-là, Jésus vint de Nazareth en Galilée et se fit baptiser par Jean dans le Jourdain. 10 À l'instant où il remontait de l'eau, il vit les cieux se déchirer et l'Esprit, comme une colombe, descendre sur lui. 11 Et des cieux vint une voix: «Tu es mon Fils bien-aimé, il m'a plu de te choisir.» 12 Aussitôt l'Esprit pousse Jésus au désert. 13 Durant quarante jours, au désert, il fut tenté par Satan. Il était avec les bêtes sauvages et les anges le servaient.

14 Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée. Il proclamait l'Évangile de Dieu et disait :15 «Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s'est approché: convertissez-vous et croyez à l'Évangile.»

Prédication

Pour toute ma vie je me rappellerai l’ordre des gares entre Charleville-Mézières et Paris, trajet du premier train que je pris tout seul – je devais avoir 8 ans – sans discontinuité – c'est-à-dire sans changement ni correspondance – le voyage durait trois heures 30. C’était un train direct, sur une ligne directe.

Une ligne directe est une ligne jalonnée par un ensemble de gares qui sont de même nature… On ne pense jamais à ces choses-là, à la nature d’une gare, à ce à quoi une gare tient sa nature de gare…

Dans notre recueil de cantiques, Alléluia, la référence 32/31 porte le titre "Écoutez ! Un saint cantique". C’est un chant de Noël dont la première strophe finit ainsi : « La Loi conduit à la grâce, Et Moïse à Jésus Christ. »

Y a-t-il une ligne directe, et des trains directs, pour aller de la Loi à la grâce, et aussi pour aller de Moïse à Jésus Christ ? Pour qu’il y ait des lignes directes, il faudrait que la Loi soit de même nature que la grâce, et que Moïse soit de même nature que Jésus Christ. Et nous pressentons que ça n’est pas le cas, il doit y avoir quelque chose de discontinu.

Mais alors, comment peut-on parler de la grâce, si l’on a toujours parlé de la Loi ? Et comment peut-on parler de Jésus Christ, si l’on a toujours parlé de Moïse et des prophètes ?

 

Avec ces questions simples, nous sommes projetés au cœur du problème posé par les versets que nous venons de lire dans l’évangile de Marc. Et ce problème est : comment peut-on parler de Jésus Christ ?

En fait, ce doit être LE problème posé par l’évangile de Marc, dans toute sa totalité, du 1er au 16ème chapitre. Un problème vraiment difficile.

C’est un problème tellement difficile, celui de devoir parler de quelque chose de tellement inédit, que Marc a inventé un genre littéraire nouveau pour parler d’un homme – de cet homme-là, Jésus, de son message, et de la transmission de son message. Ce genre littéraire porte le même nom que le message qu’il véhicule, et ce nom c’est évangile.

Plus encore qu’un problème, la rédaction d’un évangile est un défi : peut-on parler de quelque chose d’inouï, de sorte que cela soit compréhensible, et que cela ne cesse pas pour autant d’être inouï ? L’auteur de l’évangile de Marc a relevé le défi. 

Nous nous intéressons à quelques versets de ce défi, ceux dans lesquels Jean le Baptiste parle de Jésus. Sous nos yeux, dans nos oreilles, Jésus, et Jean Baptiste, Jean Baptiste avant Jésus, ce que Jean Baptiste annonce, et comment il parle de Jésus…

CONTINUITE

Parlons d’abord de continuité. Jean le Baptiste est vêtu comme un prophète, vit comme un prophète et prêche d’abord comme un prophète : l’urgence des temps à venir appelle une conversion et un pardon des péchés, un baptême est le moyen de ce pardon. Il n’y a rien d’original à cette étape, l’on est juste en régime de continuité. Mais c’est le discontinu qui nous intéresse.

DISCONTINUITES

            Là où les autres prophètes ou prédicateurs annonceraient le jugement de Dieu puis s’arrêteraient, Jean le Baptiste continue. Il parle d’un autre homme, et de cet autre homme il dit quatre choses que nous allons tâcher de comprendre comme des discontinuités :

  1. De celui qui vient, Jean le Baptiste dit : Il est plus fort que moi

Si l’on pensait ici en termes de continuité, cela signifierait par exemple que Jésus est plus fort comme orateur, et plus fort aussi comme faiseur de miracles. Il y a, dans notre patrimoine biblique, des textes qui rapportent des concours de miracles entre prophètes. Le prophète de Dieu, Élie, est plus fort que les prophètes de Baal, et nous savons comment ça finit… Ce genre de comparaison en plus fort que finit toujours par des assassinats.

Jésus est plus fort que Jean le Baptiste, soit, il est plus fort en prédication, en enseignements et en miracles, mais c’est d’une autre force qu’il s’agit, une force sans laquelle prédication, enseignements et miracles ne sont que compétitions stériles. Comment appellerons-nous cette force ? La force du serviteur ? La force de l’amour ? En laquelle il n’y a  nulle comparaison parce qu’en elle, tout est don.

  1. De celui qui vient, Jean le Baptiste dit : Il vient après moi

N’allons pas penser que Jean le Baptiste arrive à 18h45 et que Jésus n’arrive qu’à 20h. C’est peut-être effectivement une question de chronologie, mais pas d’une manière essentielle.

Jésus ne vient pas seulement après, il vient aussi comme dans le sillage du Baptiste. Cette image est encore trop marquée par la continuité. Imaginons que le Baptiste, par ses paroles et par son baptême, fait des sortes de trous dans le langage habituel, et dans les idées reçues… et Jésus peut ainsi venir par ces sortes de trous.

Faites droits ses sentiers, avons-nous lu aussi, mais ça n’est pas vraiment droits qu’il faut comprendre. Imaginez un chemin bien large et redressé, et un autre chemin, une piste à peine visible, perpendiculaire au grand chemin, avec une intersection à peine visible… Repérez ces petites intersections, car c’est de là qu’il peut venir ; mais ces intersections sont si peu repérables que vous serez toujours surpris qu’il vienne.

Alors, oui, il vient après, dans le sens où une sorte de quête et de défrichage préalables sont nécessaires, et il vient aussi toujours tout autrement qu’on l’imagine.

  1. De celui qui doit venir, Jean le Baptiste dit : Je ne suis pas digne, en me baissant, de délier la lanière de ses sandales.

Rituel d’accueil pour les voyageurs de ce temps-là, ôter les sandales du voyageur et lui laver les pieds. Ce n’était sans doute pas le maître de maison qui s’en chargeait. Une femme, ou un esclave… Entre un maître et un esclave, l’écart était réellement un écart de nature. Les notions de mérite, de volonté et de liberté ne concernaient absolument pas les esclaves.

Jean le Baptiste se voit, par rapport à celui qui doit venir, comme moins encore qu’un esclave, il se voit comme esclave d’un esclave.

En même temps, si nous voyons Jean le Baptiste comme un homme, humain comme nous le sommes, alors celui qui doit venir est plus qu’un maître, plus que le maître d’un maître ; celui qui doit venir est un maître dont la qualité ne se remarque pas à la condescendance avec laquelle il s’adresserait à ses contemporains, il est maître de l’enseignement et des actes de puissance, mais sa qualité est essentiellement d’être maître de la bonté.

  1. De celui qui doit venir – de celui qui vient – Jean le Baptiste dit à ses auditeurs qu’il les baptisera d’Esprit Saint.

Du baptême de Jean le Baptiste, nous pouvons dire qu’il s’accompagnait d’un engagement à ne plus pécher : appel à un amour du prochain tel qu’expliqué dans les cinq premiers livres de la Bible, un amour du prochain plutôt ethnique, et orienté dans une perspective égalitaire, et dans une perspective de justice, surtout en matière de commerce. Et on est bien là dans la continuité.

Nous ne savons pas vraiment dire ce qu’est le baptême d’Esprit Saint, et nous ne voulons pas nous hâter vers Luc et les Actes pour y acquérir un certain savoir. Il est plus intéressant ici, avec Marc, d’imaginer une sorte de première communauté ethnique plus ou moins incapable de s’ouvrir à des femmes, à des esclaves et à des païens. Nous imaginons la résistance à cette ouverture, résistance très forte parce qu’elle concerne des êtres de nature différente.

Et nous imaginons un autre baptême, que seul donnerait celui qui vient, un baptême qui serait suffisamment puissant et profond pour que  ces gens deviennent égaux, deviennent frères…

Ce baptême, affirment Jean le Baptiste, et Marc l’auteur de l’évangile, seul le donnera celui qui vient, seul le donne celui qui vient. Et nous pouvons penser que c’est en vivant comme il a vécu, et en invitant à vivre comme il a vécu que Jésus indique le sens de ce baptême.

Le baptême du Saint Esprit est toujours présenté par Jésus, proposé par Jésus et à recevoir de Jésus.


            Pour parler d’une rupture, d’une discontinuité, nous avons toujours besoin du langage de la continuité. Et nous n’y pouvons rien. Ainsi en va-t-il du langage, ainsi en va-t-il de la vie, il n’existe pas d’écriture structurée de la discontinuité.

En va-t-il ainsi de la foi ? Nous pourrions méditer sur chacun des moyens que nous avons pour dire notre foi. La liturgie, la prédication, l’étude, l’engagement fraternel… Tout cela contribue-t-il à la compréhension, à la réception et à la  manifestation de l’Évangile ?

Même si la réponse pressentie est volontiers positive, nous ne pouvons pas être trop certains, ni trop sûrs de nous-mêmes.

Car l’évangile dont nous vivons, et que nous prêchons, est toujours l’aiguillon qui nous éprouve et nous stimule, et tout en même temps il est la parole qui nous comble. Amen



samedi 2 janvier 2021

Seulement les mages (Matthieu 2:1-10)

Matthieu 2

1 Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d'Orient arrivèrent à Jérusalem 2 et demandèrent: «Où est le roi des Juifs qui vient de naître? Nous avons vu son astre à l'Orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui.»

3 À cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui. 4 Il assembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple, et s'enquit auprès d'eux du lieu où le Messie devait naître. 5 «À Bethléem de Judée, lui dirent-ils, car c'est ce qui est écrit par le prophète : 6 Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n'es certes pas le plus petit des chefs-lieux de Juda: car c'est de toi que sortira le chef qui fera paître Israël, mon peuple.»

7 Alors Hérode fit appeler secrètement les mages, se fit préciser par eux l'époque à laquelle l'astre apparaissait, 8 et les envoya à Bethléem en disant: «Allez vous renseigner avec précision sur l'enfant; et, quand vous l'aurez trouvé, avertissez-moi pour que, moi aussi, j'aille me prosterner devant lui.»

9 Sur ces paroles du roi, ils se mirent en route; et voici que l'astre, qu'ils avaient vu à l'Orient, avançait devant eux jusqu'à ce qu'il vînt s'arrêter au-dessus de l'endroit où était l'enfant. 10 À la vue de l'astre, ils éprouvèrent une très grande joie. 11 Entrant dans la maison, ils virent l'enfant avec Marie, sa mère, et, étant tombés  à genoux, ils se prosternèrent devant lui ; ouvrant leurs coffrets, ils lui offrirent en présent de l'or, de l'encens et de la myrrhe.

12 Puis, divinement avertis en songe de ne pas retourner auprès d'Hérode, ils se retirèrent dans leur pays par un autre chemin.

Prédication

            Dans l’évangile de Matthieu, qui est allé à Bethléem se prosterner devant le Roi des Juifs qui venait de naître ? Les mages… et eux seulement. Le texte biblique ne précise aucunement quel était le nombre des mages venus d’Orient pour se prosterner devant l’enfant Jésus. Eux seuls y sont allés. Étonnant.

Étonnant, car lorsque les mages sont arrivés à Jérusalem en sachant que le Roi des Juifs venait de naître, ils ne savaient pas où il venait de naître. Par contre, ils ont trouvé là des gens qui savaient où le Roi des Juifs devait naître, mais qui ne savaient pas quand. Il s’est produit, après la mise en commun de ces savoirs, que tous savaient où et quand le Roi des Juifs était né : à Bethléem (10km au sud de Jérusalem, moins de deux heures de marche, moins d’une heure si l’on est pressé…).

Tous ont su, c'est-à-dire les mages, le roi Hérode, les grands prêtres et les scribes du peuple, et tout Jérusalem… La capitale juive tout entière est au courant, et personne alors n’entreprend de marcher deux heures pour aller se prosterner devant le Roi des Juifs qui vient de naître, personne que ces mages, étrangers. Nous pouvons légitimement nous demander pourquoi.

Nous allons tâcher de répondre à ce pourquoi.

 

Pour que quelqu’un aille se prosterner devant le Roi des Juifs, il faut qu’il ait parcouru un certain nombre d’étapes. Ces étapes sont autant de conditions que nous examinons. Pour aller se prosterner devant le Roi des Juifs, il faut :

  1. Savoir que les Juifs existent avec des traditions et des textes sacrés qui leurs sont propres ; et c’est un savoir que tous partagent dans notre texte, Juifs et mages. Nous retenons un mot, pour cette étape : existence.
  2. Il faut savoir aussi que le Dieu des Juifs est différent de tous les autres dieux, et qu’il est même toujours différent de tous les dieux possibles. Il ne peut être représenté, ne peut être réduit à une image, et son nom ne peut être prononcé… Ce qui est un savoir que les mages peuvent posséder autant que les Juifs, pourvu qu’ils soient lecteurs des Saintes Écritures. Et nous retenons un autre mot : différence.
  3. Il faut comprendre que cette différence radicale invite nécessairement à une ouverture vers l’universel. Le Dieu des Juifs ne peut pas être seulement un dieu national ou ethnique, moteur d’une espérance nationale... Sa différence radicale invite à une éthique particulière, une éthique qui ne peut pas être une éthique de possession et de domination, mais une éthique qui, même si elle est capable de s’affirmer face aux dominations et aux puissances, doit être faite de modestie et être orientée vers le partage, une éthique qui fonde une espérance pour le monde. Cela, tant les Juifs que les mages peuvent aussi le savoir, s’ils méditent les Saintes Écritures. Nous retenons maintenant le mot : ouverture.
  4. Avoir compris qu’il y aura un homme qui sera Roi des Juifs, c'est-à-dire que quelqu’un, un Juif, accomplira les Écritures. Et avoir compris aussi que par cet homme le Judaïsme s’ouvrira totalement aux Païens (et les mages sont Païens). C’est aussi une conviction que Juifs et Païens peuvent posséder, du fait toujours de leur lecture des Saintes Écritures. Et c’est encore un autre mot que nous retenons : accomplissement.
  1. Pour aller se prosterner devant le Roi des Juifs, il faut que toutes ces conditions soient réunies. Mais il faut aussi que le Roi des Juifs soit né, et qu’on sache qu’il soit né. Au début de notre récit, seuls les Mages venus d’Orient le savent. Et comment l’ont-ils su ? Les Mages d’Orient observent les étoiles et, comme nous l’avons lu, ils disent : « Nous avons vu son astre à l’Orient... », ou encore « Nous avons vu son astre se lever… ». Ce n’est pas le mouvement répété des astres qui a signalé aux Mages la naissance du Roi des Juifs, mais une singularité dans le cortège des astres, une singularité qu’ils ont su repérer et interpréter. Nous pouvons imaginer que leur science des astres couplée à leur science des Saintes Écritures a permis cette identification. Peut-être cela signifie-t-il qu’il faut toujours qu’un savoir en interroge un autre, qu’un savoir en féconde un autre, pour qu’un événement singulier et significatif soit identifié pour ce qu’il est… La discussion qui peut s’ouvrir ici pourrait être passionnante, mais nous la laissons là. Les Mages apportent à Jérusalem le savoir qu’ils ont : le Roi des Juifs vient de naître. Et dès lors, ce savoir sera partagé par tous. Mais seuls les Mages se décideront à faire le trajet restant. Et retenons enfin le mot : décision.

C’est ainsi que les Mages d’Orient se sont mis en route, et se sont trompé de lieu. Ils connaissaient le moment, mais pas l’endroit.

L’aventure de la foi en Dieu – le Dieu d’Israël – ou la quête du Roi des Juifs pour aller se prosterner devant Lui – est une aventure : la décision de se mettre en chemin y est essentielle. Pour arriver où ? On ne le sait. On ne le sait pas d’avantage qu’Abraham ne savait où était la terre promise lorsqu’il répondit à l’appel de Dieu et se mit en chemin.

Et c’est en chemin que les Mages reçurent le reste des informations, de la part d’Hérode… Ceux qui sont en quête du Roi des Juifs pour aller se prosterner devant Lui peuvent avoir confiance : il peut arriver que même les ennemis du Roi des Juifs leur montrent le bon chemin. Retenons alors le mot : providence.

Pourquoi les Mages d’Orient ont-ils été seuls à se rendre à Bethléem ? La réponse est à la fois simple et terrible : parce qu’ils étaient Païens. Étant Païens, leur espérance, rapport au Roi des Juifs, n’était pas celle d’une restauration nationale, d’une libération politique, du retour d’une grandeur passée. Nulle nostalgie, aucune attente précise d’une réponse précise et conforme à des aspirations trop formatées, juste l’espérance nue. Espérance !

Puisse notre espérance être toujours l’espérance de ces Païens.

Et puissions-nous demeurer toujours en chemin vers Bethléem, et en montrer aussi le chemin. Amen

Quelque part, une étoile !