samedi 22 avril 2023

Emmaüs (Luc 24,13-35) méditation sur la forme des récits

 

Luc 24

13 Et voici que, ce même jour, deux d'entre eux se rendaient à un village du nom d'Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem.

 14 Ils parlaient entre eux de tous ces événements.

 15 Or, comme ils parlaient et discutaient ensemble, Jésus lui-même les rejoignit et fit route avec eux;

 16 mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.

 17 Il leur dit: «Quels sont ces propos que vous échangez en marchant?» Alors ils s'arrêtèrent, l'air sombre.

 18 L'un d'eux, nommé Cléopas, lui répondit: «Tu es bien le seul à séjourner à Jérusalem qui n'ait pas appris ce qui s'y est passé ces jours-ci!» -

 19 «Quoi donc?» leur dit-il. Ils lui répondirent: «Ce qui concerne Jésus de Nazareth, qui fut un prophète puissant en action et en parole devant Dieu et devant tout le peuple:

 20 comment nos grands prêtres et nos chefs l'ont livré pour être condamné à mort et l'ont crucifié;

 21 et nous, nous espérions qu'il était celui qui allait délivrer Israël. Mais, en plus de tout cela, voici le troisième jour que ces faits se sont passés.

 22 Toutefois, quelques femmes qui sont des nôtres nous ont bouleversés: s'étant rendues de grand matin au tombeau

 23 et n'ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire qu'elles ont même eu la vision d'anges qui le déclarent vivant.

 24 Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ce qu'ils ont trouvé était conforme à ce que les femmes avaient dit; mais lui, ils ne l'ont pas vu.»

 25 Et lui leur dit: «Esprits sans intelligence, coeurs lents à croire tout ce qu'ont déclaré les prophètes!

 26 Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela et qu'il entrât dans sa gloire?»

 27 Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait.

 28 Ils approchèrent du village où ils se rendaient, et lui fit mine d'aller plus loin.

 29 Ils le pressèrent en disant: «Reste avec nous car le soir vient et la journée déjà est avancée.» Et il entra pour rester avec eux.

 30 Or, quand il se fut mis à table avec eux, il prit le pain, prononça la bénédiction, le rompit et le leur donna.

 31 Alors leurs yeux furent ouverts et ils le reconnurent, puis il leur devint invisible.

 32 Et ils se dirent l'un à l'autre: «Notre coeur ne brûlait-il pas en nous tandis qu'il nous parlait en chemin et nous ouvrait les Écritures?»

 33 À l'instant même, ils partirent et retournèrent à Jérusalem; ils trouvèrent réunis les Onze et leurs compagnons,

 34 qui leur dirent: «C'est bien vrai! Le Seigneur est ressuscité, et il est apparu à Simon.»

 35 Et eux racontèrent ce qui s'était passé sur la route et comment ils l'avaient reconnu à la fraction du pain.

 

Actes 2

14 Alors s'éleva la voix de Pierre, qui était là avec les Onze; il s'exprima en ces termes: «Hommes de Judée, et vous tous qui résidez à Jérusalem, comprenez bien ce qui se passe et prêtez l'oreille à mes paroles.

 15 Non, ces gens n'ont pas bu comme vous le supposez: nous ne sommes en effet qu'à neuf heures du matin;

 16 mais ici se réalise cette parole du prophète Joël:

 17 Alors, dans les derniers jours, dit Dieu, je répandrai de mon Esprit sur toute chair, vos fils et vos filles seront prophètes, vos jeunes gens auront des visions, vos vieillards auront des songes;

 18 oui, sur mes serviteurs et sur mes servantes en ces jours-là je répandrai de mon Esprit et ils seront prophètes.

 19 Je ferai des prodiges là-haut dans le ciel et des signes ici-bas sur la terre, du sang, du feu et une colonne de fumée.

 20 Le soleil se changera en ténèbres et la lune en sang avant que vienne le jour du Seigneur, grand et glorieux.

 21 Alors quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.

 22 «Israélites, écoutez mes paroles: Jésus le Nazôréen, homme que Dieu avait accrédité auprès de vous en opérant par lui des miracles, des prodiges et des signes au milieu de vous, comme vous le savez,

 23 cet homme, selon le plan bien arrêté par Dieu dans sa prescience, vous l'avez livré et supprimé en le faisant crucifier par la main des impies;

 24 mais Dieu l'a ressuscité en le délivrant des douleurs de la mort, car il n'était pas possible que la mort le retienne en son pouvoir.

 25 David en effet dit de lui: Je voyais constamment le Seigneur devant moi, car il est à ma droite pour que je ne sois pas ébranlé.

 26 Aussi mon coeur était-il dans la joie et ma langue a chanté d'allégresse. Bien mieux, ma chair reposera dans l'espérance,

 27 car tu n'abandonneras pas ma vie au séjour des morts et tu ne laisseras pas ton saint connaître la décomposition.

 28 Tu m'as montré les chemins de la vie, tu me rempliras de joie par ta présence.

 29 «Frères, il est permis de vous le dire avec assurance: le patriarche David est mort, il a été enseveli, son tombeau se trouve encore aujourd'hui chez nous.

 30 Mais il était prophète et savait que Dieu lui avait juré par serment de faire asseoir sur son trône quelqu'un de sa descendance, issu de ses reins;

 31 il a donc vu d'avance la résurrection du Christ, et c'est à son propos qu'il a dit: Il n'a pas été abandonné au séjour des morts et sa chair n'a pas connu la décomposition.

 32 Ce Jésus, Dieu l'a ressuscité, nous tous en sommes témoins.

 33 Exalté par la droite de Dieu, il a donc reçu du Père l'Esprit Saint promis et il l'a répandu, comme vous le voyez et l'entendez.

Prédication : 

            Nous avons lu Luc 24, récit auquel on donne parfois le nom d’Emmaüs, ou des pèlerins d’Emmaüs, ou encore d’autres titres, avec le mot apparition, rarement avec le mot disparition. En fait, il est difficile de donner un titre à ce récit, parce que tout semble bien s’y bousculer, le rationnel et le merveilleux, l’histoire reçue et le déroulement du présent, un haut niveau d’incompréhension et la compréhension. C’est donc Emmaüs, de Jérusalem à Jérusalem.

            Mais il y a aussi Jérusalem tout court, Actes des Apôtres, long récit lui aussi, très didactique, moins fluide, et clairement plus contraignant que le premier.

            Les deux récits sont de la même plume. L’un est situé le plein soir du dimanche de Pâques, la résurrection vient d’avoir lieu, l’autre est situé plus tard, 50 jours, du temps a passé, et, à ce qu’il semble, certaines paroles parlant du salut, et certaines personnes, Pierre, ont pris de l’importance, ont pris un certain poids… et puis, surtout, il devient patent qu’on ne s’adresse pas à des disciples bouleversés comme on s’adresse à une grande assemblée de fidèles… Car même si le message est profondément unique, le public est divers.

            C’est une manière de comprendre les deux discours que nous avons lus, que d’évoquer les circonstances qui les différencient, mais ça n’est pas la seule manière possible. Ces deux textes peuvent avoir été voulus par leur auteur comme deux vis-à-vis critiques. Ils sont là pour s’interpeller l’un l’autre, une rude catéchèse (Luc Actes 2 – Pierre) face à un doux récit (Luc – Emmaüs) (cette réflexion pourrait être étendue aux nombreux discours qu’il y a dans Luc et dans les Actes…).

 

            Ainsi donc, ils étaient deux, quittant Jérusalem, qui se rendaient à Emmaüs. Le texte nous est bien connu, le déroulement de son intrigue aussi. C’est jour de résurrection, nous savons résurrection de qui, nous savons, à force de lectures et de méditations, comment le ressuscité est capable de se manifester. Nous savons aussi qu’il est capable de parler, de  donner des enseignements et d’accomplir un certain acte merveilleux, apparaître, et disparaître… Tout cela,  nous le savons.

            Mais il y a tout de même deux ou trois questions qui nous préoccupent – pour moi diverses vraiment anciennes préoccupations – et que voici exposée le plus simplement possible : (1) d’abord sur un plan réaliste, qu’est-ce que c’est que ces deux homme qui voyagent ; (2) ensuite sur un plan d’emblée merveilleux, qu’est-ce que c’est que cette apparition disparition de Jésus ; (3) encore dans un autre plan merveilleux (merveilleux scripturaire) la mention des prophètes ; à ce niveau il semble que nous ayons atteint une sorte de fond, et alors nous pouvons remonter vers le merveilleux de premier niveau, puis vers ce plan réaliste où il n’y a que des humains qui parlent à d’autres humains, l’échange verbal qui seul fait que l’humanité existe.

            (Ceci est peut-être un peu artificiel, d’autant que, juste après le retour et le témoignage des deux pèlerins, une apparition du ressuscité a lieu, supplémentaire et ultime. Apparition du ressuscité, l’une des plus accomplie qui soit, avec le narrateur de l’Évangile qui propose bien des choses à son lectorat, dont : « Comme, sous l’effet de la joie, ils ne croyaient pas encore et comme ils s’étonnaient… » (Luc 24,41). Et nous retenons ceci, ils ne croyaient pas encore. Après tout ce qui leur est arrivé, après des témoignages de femmes, après la vision par Pierre du tombeau vide, après tout ce qu’ils ont vécu – tout ce qu’ils ont lu aussi, car le lecteur est toujours le premier témoin de ces saintes affaires…

            …ils ne croyaient pas encore, en dépit de la joie ils ne croyaient pas encore, en dépit aussi de cette joie, ils s’étonnaient grandement. Ils ne croyaient pas, retenons cela. Et poursuivons, quelque chose, selon Luc, a été donné à cette petite population…, et il semblait que ça ne pourrait pas rater, et pourtant jusqu’ici, ça a raté, ils n’ont rien compris, ni rien appris. Ça a réussi sur quelques femmes, ça a raté sur les hommes… les hommes ont été réjouis, ils ont été étonnés aussi – pas si mal – mais, s’agissant de croire, et pour ce que nous lisons, c’est flop. Quelque chose manque encore.

            Et une proposition va nous être faite – ici, nous disons nous, il semble inévitable que nous disions nous,  il semble inévitable que notre situation de lecteurs soit très proche de la situation que celle des pèlerins, même si plusieurs niveau d’abstractions nous séparent. Il faut faire un effort d’imagination, c’est sûr, un effort au titre duquel nous allons nous retrouver dans la  situation de ceux qui croyaient voir et ne voyaient rien, qui imaginaient leur propre élévation mais qui n’ont trouvé que des ruines. Et qui vont, d’une manière ou d’une autre, se ramasser, se relever, et s’en aller. Pour aller où ? Pour aller avec qui ? Emmaüs ? Mais c’est où, Emmaüs ? Il n’y a rien à Emmaüs. Ce pourrait être absolument n’importe où. Nous sommes à Vincennes, une certaine distance de Vincennes, dans les 25km de Vincennes. Tant il est vrai ici que c’est la distance, c’est le temps de parcours à pied qui compte : six heures. Six heures, c’est le temps du voyage, et c’est surtout le temps d’un enseignement.

            Le lecteur se dit que six heures ça n’est pas bien long, et il s’en réjouit. Nous nous en réjouissons avec lui : il n’est pas le seul ou la seule qui ait eu à faire ce genre de voyage. Le lecteur sait donc bien que les durées et les distances, dans les Écritures Saintes, ont toujours quelque chose de symbolique. Il sait aussi que les promesses de Dieu ne sauraient pas faillir. Avec tout cela qu’il sait, le lecteur en sait à la fois plus et moins que les pèlerins d’Emmaüs. Il sait qu’il y a une fin, un point de retour, il sait aussi qu’il repartira vers son point de départ en emportant après lui une bénédiction concrète et partageable, une science discrète et renouvelée des Saintes Écritures. C’est beaucoup – peut être même est-ce suffisant pour une vie entière ? C’est tout ce qu’il sait. Voici aussi ce qu’il ignore : le jour et l’heure où il lui faudra partir et repartir, les moments où le Seigneur apparaitra – et sous quel aspect – et où le Seigneur disparaîtra. Il ignorera aussi ce que seront pour lui les prochains lieux de la fraternité. Tel sera donc son point de départ, tristesse, voire désespoir, et telle est la promesse qui lui aura été faite.

            Bien réelle. Puissions-nous faire nôtre cette promesse. Amen.

 



samedi 15 avril 2023

Thomas ne croit que ce qu'il voit (Jean 20,19-31) et il a bien raison

Thomas, ne croit que ce qu’il voit. Il veut aussi toucher. Ce qui lui sera donné, comme fin mot du ressuscité, comme point final même de l’Évangile. En face de cela la petite cohorte des autres disciples, peut-être un peu vantarde, n’a rien à dire que « Nous avons vu le Seigneur ! » Comme si voir le Seigneur avait une quelconque importance.

Jean 2019 Le soir de ce même jour qui était le premier de la semaine, alors que, par crainte des Juifs, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées, Jésus vint, il se tint au milieu d'eux et il leur dit: «La paix soit avec vous.»

 20 Tout en parlant, il leur montra ses mains et son côté. En voyant le Seigneur, les disciples furent tout à la joie.

 21 Alors, à nouveau, Jésus leur dit: «La paix soit avec vous. Comme le Père m'a envoyé, à mon tour je vous envoie.»

 22 Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit: «Recevez l'Esprit Saint;

 23 ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus.»

 24 Cependant Thomas, l'un des Douze, celui qu'on appelle Didyme, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint.

 25 Les autres disciples lui dirent donc: «Nous avons vu le Seigneur!» Mais il leur répondit: «Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je n'enfonce pas mon doigt à la place des clous et si je n'enfonce pas ma main dans son côté, je ne croirai pas!»

 26 Or huit jours plus tard, les disciples étaient à nouveau réunis dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vint, toutes portes verrouillées, il se tint au milieu d'eux et leur dit: «La paix soit avec vous.»

 27 Ensuite il dit à Thomas: «Avance ton doigt ici et regarde mes mains; avance ta main et enfonce-la dans mon côté, cesse d'être incrédule et deviens un homme de foi.»

 28 Thomas lui répondit: «Mon Seigneur et mon Dieu.»

 29 Jésus lui dit: «Parce que tu m'as vu, tu as cru; bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru.»

 30 Jésus a opéré sous les yeux de ses disciples bien d'autres signes qui ne sont pas rapportés dans ce livre.

 31 Ceux-ci l'ont été pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour que, en croyant, vous ayez la vie en son nom.


Prédication :

            Après la résurrection, le récit continue. Disons plutôt que les récits continuent. Chaque évangile a sa version. Et pas seulement chaque évangile. Nous avons lu quelques versets de la première épitre de Pierre : après la résurrection,  son récit continue. Nous avons aussi effleuré le livre des Actes des Apôtres, chapitre 2, et la résurrection a un prolongement connu : l’émergence d’un groupe pieux parfois - avec erreur – nommé Eglise primitive. Et nous n’avons pas parlé de Paul, pour lequel si Christ n’est pas ressuscité notre foi est vaine. Et l’on pourrait, sans trop se tromper au départ, poser qu’après la résurrection, il y a Paul, mais Paul n’est pas un fait, mais un homme, et pas n’importe quel homme : un témoin. Paul seulement, et tout autre homme.  Mais tout homme est-il témoin ?

 

            Revenons aux textes qui  nous sont proposés. Après la résurrection, que se passe-t-il ? Evangile de Jean, chap. 20. Les douze ont peur, 11 s’enferment, Jésus se montre, leur donne l’Esprit Saint, et le mode d’emploi de l’Esprit Saint. Nous n’allons pas reprendre en entier ces quelques versets, dans lesquels il y a plusieurs éléments. D’abord des éléments bien matériels, de la maçonnerie, de la menuiserie, des corps humains vivants.

            Et puis il y a un autre corps, corps qui parle, il parle de la paix, de l’Esprit Saint, et d’un envoi d’hommes vivants vers d’autres hommes vivants. Ce corps supplémentaire qui parle, c’est celui de Jésus, c’est le corps du ressuscité. Il a ces pouvoirs dont nous parlons, et en plus le pouvoir de traverser les murs et les portes closes. Mais plus intéressant encore, il a le pouvoir de faire se rencontrer l’extraordinaire et l’ordinaire. Cette rencontre entre les deux semble bien n’avoir pas duré juste le temps d’un éclair. La promesse que Jésus fait aux onze est inscrite dans la perspective d’un futur.

            Mais ça n’est pas tout, car cet autre corps se manifeste comme n’importe quel corps. Dans d’autres récits ce corps absorbera de la nourriture. Ici il est un corps meurtri, d’une part, et il est aussi un corps que l’on peut toucher. Il y a toujours une petite hésitation quant au fait que Thomas ait touché pour de vrai les plaies de Jésus…

            Ce corps donc peut être touché, et l’enjeu de ce contact n’est pas la preuve de ceci ou de cela mais la foi, ou, pour le dire au mieux, l’enjeu de ces apparitions, c’est croire (Glauben und verstehen ; Foi et compréhension ; Rudolf Bultmann). En plaçant ici le verbe croire, plutôt que le substantif la foi, nous espérons marquer que la foi – que croire est une activité de l’âme… et vous me pardonnerez de le dire en employant une formule aussi désuète. Et pas seulement une activité de l’âme.

 

            Après la résurrection, nous continuons. Les onze – et peut-être le douzième après eux – ont-ils été durablement transformés dans leur manière d’être et d’agir, après cette onction qu’ils ont reçu du souffle de Jésus ? Il y a un précédent dans le 11ème chapitre du livre des Nombres, il est question de 70 anciens : « 25 Le SEIGNEUR descendit dans la nuée et (…) parla (à Moïse) ; il préleva un peu de l'esprit qui était en Moïse pour le donner aux soixante-dix anciens. Dès que l'esprit se posa sur eux, ils se mirent à prophétiser, mais ils ne continuèrent pas. » Ce sont ces derniers mots qui nous intéressent. Ils ne continuèrent pas, pourquoi ? Et ce qu’ils avaient reçu, en fait d’esprit du Seigneur, semble bien avoir été irrémédiablement perdu, faute – si nous comprenons bien – d’avoir été utilisé, ou travaillé.

            Oui, nous l’avons vu, après la résurrection, il y a des initiatives extraordinaires. Le ressuscité franchit les murailles, rassure les hommes ordinaires, et leur insuffle son souffle, en même temps qu’il leur donne un ordre de mission, mais que font-ils de tout ces dons ?

            C’est l’affaire Thomas qui nous informe. Il y en a onze qui ont reçu la paix, qui ont reçu l’Esprit Saint, qui ont reçu l’envoi en mission, et qui ont reçu le pouvoir de pardonner… ce qui représente un sacré bagage. Mais lorsque leur frère Thomas se retrouve avec eux, Thomas qui n’a rien reçu du tout, qui doit être tourmenté, apeuré, chagriné, etc. qu’est-ce que les onze trouvent de réconfortant à lui dire ? « Nous avons vu le Seigneur ! » Il nous manque juste le ton sur lequel cela est dit… Ton ou pas ton, il nous semble que la réponse est inappropriée. Et surtout, les onze ne font aucun usage de ce que le Seigneur leur a donné. Ce qui fait que leur réponse manque absolument son but. En fait, elle n’a aucun but. Et ce qui arrive alors, c’est que Thomas s’endurcit… Il se met à être exigeant au-delà de toute mesure, et c’est alors Jésus lui-même que Thomas met au défi, au risque de laisser se tarir le témoignage de la résurrection avant même qu’il n’ait commencé.

            Cependant nous savons que Jésus relève le défi. Huit jours plus tard, Jésus apparaît de nouveau, et cette fois en présence de Thomas, avec pour tous la même salutation, portant sur la paix, avec aussi des propositions spécifiquement adressées à Thomas. Thomas donc croit. Et il est peut être bien le seul homme de toute l’histoire de l’humanité chrétienne qui reçoive du Christ ce qu’il a exigé de lui. Mais l’exaucement de Thomas ne sera pas réitéré. Il est comme les exaucements de Moïse. Bien sûr, ils accomplissent quelque chose, mais aussi et surtout ils sont là comme une pédagogie de la vie, une pédagogie de la foi. Non pas plantés dans le paysage, comme pourrait l’être de manière indélébile un monument, ou un événement. Mais bien plutôt planté dans un récit, et plus encore planté dans le langage même. Et dont l’énoncé final est, s’agissant de l’affaire Thomas : « Parce que tu m'as vu, tu as cru; bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru.» Et cet énoncé peut être raccourci encore, parce que nous le partageons, parce que nous le méditons : « bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru.»

 

            Ces mots sont un véritable programme. Le programme d’une foi qui s’installe avec ses fondements dans un récit écrit.

            Ces mots sont aussi les derniers mots de Jésus dans l’évangile de Jean (première finale – car certains changeront cette finale, rajouteront des apparitions là où il n’y en avait pas).

            Après ces mots, on vous précise que bien d’autres signes ont eu lieu et que ceux-ci ont été choisis pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le fils de Dieu, et pour que, en croyant, vous ayez la vie en son nom. Ils ont été aussi ainsi disposés pour que cesse une certaine pensée, une certaine exigence, du miracle, et pour que se construise – ça peut être long – ce que nous appellerons une fraternité chrétienne.

            A cela nous sommes appelés, puissions-nous nous consacrer.

            Amen

samedi 8 avril 2023

Pâques, quelle résurrection ? (Matthieu 28,1-10)


   Matthieu 28:1 Après le sabbat, au commencement du premier jour de la semaine, Marie de Magdala et l'autre Marie vinrent voir le sépulcre.

 2 Et voilà qu'il se fit un grand tremblement de terre: l'ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s'assit dessus.

 3 Il avait l'aspect de l'éclair et son vêtement était blanc comme neige.

 4 Dans la crainte qu'ils en eurent, les gardes furent bouleversés et devinrent comme morts.

 5 Mais l'ange prit la parole et dit aux femmes: «Soyez sans crainte, vous. Je sais que vous cherchez Jésus, le crucifié.

 6 Il n'est pas ici, car il est ressuscité comme il l'avait dit; venez voir l'endroit où il gisait.

 7 Puis, vite, allez dire à ses disciples: ‹Il est ressuscité des morts, et voici qu'il vous précède en Galilée; c'est là que vous le verrez.› Voilà, je vous l'ai dit.»

 8 Quittant vite le tombeau, avec crainte et grande joie, elles coururent porter la nouvelle à ses disciples.

 9 Et voici que Jésus vint à leur rencontre et leur dit: «Je vous salue.» Elles s'approchèrent de lui et lui saisirent les pieds en se prosternant devant lui.

 10 Alors Jésus leur dit: «Soyez sans crainte. Allez annoncer à mes frères qu'ils doivent se rendre en Galilée: c'est là qu'ils me verront.»

Prédication

             Je voudrais commencer cette méditation de Pâques en posant une question, puisqu’il est question de la fin du sabbat : quand donc est la fin du sabbat ? Un mien ami, qui n’était rabbin mais marchand de chaussures, m’avait invité un certain samedi, c’était en été et nous étions dehors, sur la terrasse à attendre le moment de la fin de sabbat. L’immobilité, et le silence dans lesquels tout se tenait avaient une couleur inquiétante. Et comme la nuit était tombée, je posai la question : « Quand est-ce que le sabbat finit ? » Mon ami eut un petit signe de la main qui signifiait silence, il regarda le ciel, et énonça le commandement : « le sabbat est fini lorsqu’il y a deux étoiles au ciel. » Je regardai donc le ciel et fit observer qu’il n’y en avait qu’une. Il me répondit ceci : « Quand il y en a une, il y en a deux ». Et là le sabbat était fini. Le mouvement, le travail de la vie pouvait recommencer. Devait recommencer : cette forme de ralentissement, voire d’extinction, qu’est le sabbat ne va pas sans une sorte de commandement d’élan complémentaire portant sur le reste de la semaine.

            Nous savons – avec Matthieu – que Jésus est un juif qui s’adresse à d’autres juifs, que l’évangile de Matthieu a visé très tôt un public qui était juif et auquel il a donné des points de repère qu’il savait partager avec eux. Tout en faisant l’effort de transmettre des choses nouvelles. Parmi ces choses, la résurrection.

 

            A vrai dire, bien des événements, dans l’ancien testament, portent le nom, la marque, de la résurrection. Ce que fait un jour le prophète Elie, à la besogne, pour le fils d’une veuve étrangère. Ce que voit Ézéchiel le prophète, et qui advient à tout une armée. L’histoire de l’exode, de la conquête, des prophètes et des rois est pleine de retournements improbables, de retours des gens et des tribus perdus, des exilés qui reviennent, de villes et de temples qui sont reconstruits. Avec interventions de la puissance divine. Et les mouvements de population sont des mouvements centripètes. Ça vient vers un centre et ce centre c’est le plus souvent, Sion… disons Jérusalem.

 

            Et là-dessus, à la fin d’un certain sabbat, et en un endroit tout proche du centre du monde, c’est à dire Jérusalem, alors que tout semble perdu dans le sommeil de la mort et du sabbat, quelque chose semble devoir revenir durablement à la vie. Le mort redevient vivant, le muet retrouve la parole, l’invisible redevient visible…

            En cette fin de sabbat, se met en place ce que l’on pourrait appeler un mouvement inverse. Il s’agit de sortir de l’extinction, d’une extinction terrorisante, d’une extinction qui serait l’inverse d’une sainte piété. Là où toute la vocation de Jésus avait été abimée dans le mensonge, la violence et dans l’hypocrisie, là aussi le meilleur se trouve être repris… repris en un instant, lorsque la terre tremble et que l’ange du Seigneur descend, roule la pierre et s’assied dessus (et je crois bien que, de tous les gestes d’hommes et d’anges que la Bible nous décrit, c’est mon préféré). Action divine. Et nous nous demandons pourquoi il en faut, de ces actions divines ? Il faut toujours du merveilleux pour rapporter sur l’extraordinaire. Il faut toujours du fantastique pour rapporter sur  ce qui est hautement improbable. Comme un tombeau scellé qui s’ouvre,  comme un ange qui apparaît, et comme un mort qui revient à la vie. Difficile à comprendre.

 

            Il est plus facile de raconter le retournement du temps des traditions, plus facile aussi de raconter le retournement de l’espace des traditions. Par exemple, c’est aux femmes que l’ange parle, c’est à elles aussi que le ressuscité parle. Pensons à cette culture est-méditerranéenne qui était plutôt masculine et, chez les Judéens, culture qui était excessivement portée sur la pureté… bien sûr, c’était souvent les femmes qui allaient vers les tombeaux pour les embaumements… lorsqu’on est impures, il est des choses qu’on peut se permettre. Là, pures ou impures, c’est à des femmes qu’échoit le premier témoignage de la résurrection. Ce qui fait que l’inouï est à charge de l’impensable (deux retournements l’un sur l’autre).

            Et  ça n’est pas tout. L’annonce qui est à faire est une annonce centrifuge. Il s’agit de quitter Jérusalem, avec la conviction que Jésus n’y est plus, n’y sera plus jamais. Destination Galilée, mais sans se tromper. Car si la Galilée devenait une nouvelle capitale pour une nouvelle religion, le mort serait mort pour rien, et surtout le ressuscité serait ressuscité pour rien.

 

            Au point où nous en sommes, il nous reste ceci : « Allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée, c’est là qu’ils me verront. » La Galilée, c’est d’abord le territoire du Nord de la Palestine dans lequel les populations avaient été si considérablement brassées qu’on l’appelait Galilée des Nations, et que ses habitants même de religion juive étaient regardés avec dédain par ceux de Judée. Jésus, lui, les regarde comme ses frères. C’est là, Galilée, qu’ils le verront, pas d’apparitions auprès d’un temple. Mais ça n’est pas tout que cette Galilée, car il faut que ça parte plus loin, vers d’autres horizons, et d’autres frères.

            Et nous voyons petit à petit se dessiner que cette résurrection que nous célébrons chaque dimanche de Pâques est une tentative religieuse qui, renonçant à une messianité dominante, espère mener les humains vers la fraternité.

            Est-ce un succès ?

            Nous pouvons assurément continuer à célébrer Pâques. 

samedi 1 avril 2023

Rameaux, le couronnement inachevé (Matthieu 21,1-11)

 Une fête, l’entrée de Jésus dans Jérusalem, il s’approche du Temple comme jamais. Mais pour quoi faire ? Prendre possession des lieux ? En un sens, oui, comme un prince, comme un  roi. Mais il n’est pas un roi ordinaire. Nous le savons, et nous le saurons de plus en plus comme passeront les jours. Et à la fin ? Rameau, en somme, un couronnement inachevé. Ce qu’il faut retenir...

Matthieu 21

1 Lorsqu'ils approchèrent de Jérusalem et arrivèrent près de Bethphagé, au mont des Oliviers, alors Jésus envoya deux disciples

 2 en leur disant: «Allez au village qui est devant vous; vous trouverez aussitôt une ânesse attachée et un ânon avec elle; détachez-la et amenez-les-moi.

 3 Et si quelqu'un vous dit quelque chose, vous répondrez: ‹Le Seigneur en a besoin›, et il les laissera aller tout de suite.»

 4 Cela est arrivé pour que s'accomplisse ce qu'a dit le prophète:

 5 Dites à la fille de Sion: Voici que ton roi vient à toi, humble et monté sur une ânesse et sur un ânon, le petit d'une bête de somme.

 6 Les disciples s'en allèrent et, comme Jésus le leur avait prescrit,

 7 ils amenèrent l'ânesse et l'ânon; puis ils disposèrent sur eux leurs vêtements, et Jésus s'assit dessus.

 8 Le peuple, en foule, étendit ses vêtements sur la route; certains coupaient des branches aux arbres et en jonchaient la route.

 9 Les foules qui marchaient devant lui et celles qui le suivaient, criaient: «Hosanna au Fils de David! Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient! Hosanna au plus haut des cieux!»

 10 Quand Jésus entra dans Jérusalem, toute la ville fut en émoi: «Qui est-ce?» disait-on;

 11 et les foules répondaient: «C'est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée.»

Prédication :

            C’est un texte qui me fait me ressouvenir d’un film de 1987, Noce en Galilée, histoire dans laquelle un très beau cheval avait une certaine importance. Dressé par le père du marié, l’animal devait porter sur son dos le fiancé, jusqu’à l’entrée de la salle de la noce, et c’est dans cette salle que le fiancé devait recevoir sa promise… Je ne vous raconte pas ce qui venait avant, ni ce qui vient après.

            Le film reçut quelques distinctions, et il est encore disponible, semble-t-il, sous divers formats et supports…

            Le jeune homme donc, dans ce film, vient à cheval, en plus de ce cheval il est équipé de quelques autres objets symboliques indispensables à la reconnaissance communautaire du mariage. Ça n’est pas littéralement dans la Bible. Mais cela répète en somme deux millénaires plus tard ce qui fut accompli un jour à Jérusalem, par un certain prophète Jésus, de Nazareth en Galilée… mais pas seulement par lui, car si nous reculons de quelques siècles encore, nous rencontrerons plusieurs rois d’Israël et de Juda, ainsi que l’Arche d’alliance, que nous verrons processionner, avec telle ou telle monture, et parfois sans monture, tel David précédant l’Arche d’Alliance (2 Samuel 6), « il sautait et tournoyait devant le Seigneur ».

            Ce qui se joue là-dedans, dans le fait d’observer l’événement, et de le reconnaitre pour ce qu’il est, ça n’est rien que moins qu’une légitimité. Précisons, avec David, qu’une certaine Mikal, fille du roi Saül, femme de David, se penchant à sa fenêtre, vit le roi son mari occupé dans ses danses religieuses, et elle le méprisa, et le lui fit savoir. Alors David, vêtu de sa seule légitimité de roi-prêtre, la maudit : elle n’eut ensuite jamais d’enfants.

            A la suite de quoi David prit possession de l’Arche, objet très saint qui avait entre autres propriétés de bénir généreusement celui sous le toit duquel elle séjournait. David commença à envisager de donner à l’Arche un temple qui en serait digne… mais il était écrit que David ne serait pas bâtisseur. Nanti de sa légitimité de roi-prêtre-danseur – c’est ce qui nous intéresse – David repartit faire ce qu’il savait bien faire, roi-prêtre-danseur-général, il repartit faire la guerre (ça fait quelques mois que je ne vous avais pas suggéré une possible série d’études bibliques, quelque chose comme les livres de Samuel…).

 

            Jésus de Nazareth, quelques siècles plus tard. J’ai longtemps cru qu’il y avait comme un élément magique dans cette subite présence d’un ânon et d’une ânesse devant une maison prise au hasard dans la banlieue de Jérusalem. Puis j’ai appris que l’affaire se passe à Jérusalem en temps de grande fête – c’est la Pessah – la Pâque – et qu’en temps de grande fête il se vit de grands débordements. Et surtout la ville est pleine de pèlerins qui ne sont pas venus avec l’équipement nécessaire, à commencer par une salle où tenir le repas de la fête ; ils n’ont pas non plus de quoi se nourrir, ni de quoi se véhiculer. Tout cela existe à Jérusalem, et est à vendre, et à louer. Il y a même des agents pour s’occuper de tout. Certains donc, soucieux de ne pas aller à pieds jusqu’au lieu de culte, ou au lieu de recueillement – mont des Oliviers – ou soucieux de rejouer les anciennes processions royales, affrètent un taxi à quatre pattes. Mais pourquoi une ânesse escortée de son ânon ? Tous les autres avaient déjà été loués (on ne vous dit rien sur chercher un taxi à Paris) Et pourquoi monter sur l’ânon, que nous pensons un peu frêle, plutôt que sur l’ânesse ? Peut-être est-ce une question de pureté rituelle, l’ânon étant préférable à l’ânesse (même Zacharie 9,9 peut devoir être expliqué). Et ainsi, tout est prêt, prêt et lu comme au ras du sol, comme une affaire dont nous souhaitons qu’elle soit ‘le plus possible’ une affaire d’homme, une affaire humaine qui ne requiert pas d’emblée un recours obligatoire à l’imaginaire et au merveilleux, parce qu’il faut toujours laisser de la place à l’intelligence.

            7Les disciples s’en allèrent et, comme Jésus le leur avait prescrit, ils amenèrent l’ânesse et l’ânon ; puis ils disposèrent sur eux leurs vêtements et Jésus s’assit dessus. Et c’est là que commence à se former un cortège. Les historiens de cette époque donnent peu de crédit à l’idée de grande foule, peu de crédit à l’idée d’une capitale entière secouée par l’évènement. La renommée du prophète Jésus de Nazareth en Galilée ne devait pas être bien grande. Et si la capitale entière s’était trouvée secouée par sa venue,  la force romaine aurait ramené le calme à la manière romaine.

            Bien sûr, Matthieu l’évangéliste voit l’affaire tout en grand, pendant que nous nous efforçons de la rende modeste, voire discrète, avec en nous la conviction que lorsqu’il s’agit de l’Évangile, l’acuité et la pertinence requièrent une certaine forme de modestie.

 

            Et donc, voilà, grande ou petite, la procession commence, foule ou pas dans la réalité. Il y a des gens devant Jésus, et il y en a aussi derrière. Cette indication suggère qu’une partie de ces gens vient de l’extérieur de la ville sainte pour rejoindre le cortège, et que l’autre partie de ces gens quitte les lieux saints centraux et fait volte-face au moment où elle rencontre la royale procession. Il y a donc, dans l’évangile de Matthieu, une partie des fidèles, une partie des futurs convertis, ou futurs disciples de Jésus, dont l’origine est le temple – origine judéenne – avec ses usages et rituels savants et une autre partie de fidèles dont la provenance  peut être plus modeste, paysanne, ou Galiléenne, et eux viennent de l’extérieur des lieux saint, et c’est la prédication de Jésus qui les y introduit. Et l’épisode des Rameaux est donc l’une des premières méditations que nous avons sur ce qu’est la communauté chrétienne. Une méditation simple et qui, s’agissant de la communauté, et rien que d’elle, semble se présenter en harmonie. Une harmonie assez bruyante, nous l’avons remarqué, mais harmonique tout de même : « C’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée ! » Ce que les foules qui processionnent donnent comme témoignage à ceux qui sont au bord du chemin. D’un chemin qui s’achève, ce jour-là, à la porte du Temple, qui est le lieu des bénédictions possibles, et le lieu de bien des horreurs possibles. Le lieu où l’on dit que tout est figé pour toujours, mais où Jésus dira en substance qu’un renouveau est toujours possible.

            Harmonie, disons-nous. Le texte proposé à notre méditation s’arrête précisément sur cette harmonie, dans la foule, et avec celui qui mène cette foule. Il y a là un moment de ferveur évangélique, et d’harmonie – nous l’avons déjà dit. Et, dans notre méditation, nous espérons que ce moment puisse être autre chose qu’un instant, puisse être un moment qui dure. Ne faisons pas semblant, nous savons qu’il n’en sera rien… notre méditation ne peut donc pas porter sur l’instant qui dure, mais sur l’instant qui passe, et passent avec lui nos espérance. Nous le savons. Mais nous vivons.