samedi 31 octobre 2020

Sur l'usage de la toute puissance, invectives et béatitudes (Matthieu 23:1-24 et Matthieu 5:1-9)

            Depuis la fin du mois de septembre, dimanche après dimanche, nous avons rendez-vous avec Jésus de Nazareth dans les parvis du Temple de Jérusalem, où nous nous sommes tenus à son écoute. Nous avons vu comment il a pris la parole d’abord simplement pour enseigner, puis pour répondre à ses contradicteurs. Et nous savons où il en est arrivé : « à partir de ce jour-là, plus personne n’osa l’interroger. » (Matthieu 22:46).

            Jésus donc n’a plus de contradicteurs. C’est une situation bien particulière que celle-ci. Cette situation me rappelle une question qui m’avait été posée par l’un de mes fils, il y a au moins vingt ans de cela : « A ta connaissance, est-il arrivé que des religieux se trouvent disposer de tous les pouvoirs sans abuser de ces pouvoirs ? » C’est sur les religieux et les religions qu’il m’avait interrogé, mais la question ne se limite pas au champ des religions, elle concerne aussi le champ politique, le champ de l’entreprise, ou encore celui du soin, et parfois aussi le champ familial. Si personne ne s’oppose à quelqu’un, que se passe-t-il ? Plus aucun contradicteur ne s’oppose à Jésus, que va-t-il se passer ?

Matthieu 23

1 Alors Jésus s'adressa aux foules et à ses disciples: 2 «Les scribes et les Pharisiens siègent dans la chaire de Moïse: 3 faites donc et observez tout ce qu'ils peuvent vous dire, mais ne vous réglez pas sur leurs actes, car ils disent et ne font pas. 4 Ils lient de pesants fardeaux et les mettent sur les épaules des hommes, alors qu'eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt. 8 Pour vous, ne vous faites pas appeler ‹Maître›, car vous n'avez qu'un seul Maître et vous êtes tous frères. 9 N'appelez personne sur la terre votre ‹Père›, car vous n'en avez qu'un seul, le Père céleste. 10 Ne vous faites pas non plus appeler ‹Docteurs›, car vous n'avez qu'un seul Docteur, le Christ. 11 Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. 12 Quiconque s'élèvera sera abaissé, et quiconque s'abaissera sera élevé.

13 Malheureux êtes-vous, scribes et Pharisiens hypocrites, vous qui fermez devant les hommes l'entrée du Royaume des cieux! Vous-mêmes en effet n'y entrez pas, et vous ne laissez pas entrer ceux qui le voudraient!

15 Malheureux êtes-vous, scribes et Pharisiens hypocrites, vous qui parcourez mers et continents pour gagner un seul prosélyte, et, quand il l'est devenu, vous le rendez digne de la géhenne, deux fois plus que vous!

23 Malheureux êtes-vous, scribes et Pharisiens hypocrites, vous qui versez la dîme de la menthe, du fenouil et du cumin, alors que vous négligez ce qu'il y a de plus grave dans la Loi: la justice, la miséricorde et la fidélité; c'est ceci qu'il fallait faire, sans négliger cela.

24 Guides aveugles, qui arrêtez au filtre le moucheron et avalez le chameau! (...)

Prédication :

           A sept reprises, Jésus adresse à ses contradicteurs absents un « Malheureux êtes-vous… » et se répand en paroles amères et violentes. D’abord il invective, puis il menace. Le voici qui prononce des imprécations que les anciens prophètes n’auraient pas reniées. Par anciens prophètes nous pensons au royaume d’Israël, florissant sous le règne d’Achab, roi dont le contradicteur était le prophète Élie.

Si nous pensons à Élie, c’est qu’il fut un prophète qui ne se limitait pas à la parole. Jugez-en : « 9 Le roi envoya vers Élie un chef de cinquantaine avec ses cinquante hommes. Ce dernier monta vers lui. En effet, Élie était assis au sommet de la montagne. L'officier lui dit: "Homme de Dieu, le roi l'a dit: Descends!" 10 Mais Élie répondit au chef de cinquantaine : "Si je suis un homme de Dieu, que le feu descende du ciel et qu'il te dévore, toi et tes cinquante hommes! " Le feu descendit du ciel et le dévora, lui et ses cinquante hommes » (2Rois 1). Cet épisode est moins connu que le concours de prophétisme auquel Élie participa contre des prophètes de dieux étrangers et qui se finit ainsi : « 38 Le feu de l’Eternel tomba et dévora l'holocauste, le bois, les pierres, la poussière, et il absorba l'eau qui était dans le fossé. 39 À cette vue, tout le peuple se jeta face contre terre et dit: "C'est l’Eternel qui est Dieu ! C'est l’Eternel qui est Dieu !" 40 Élie leur dit : "Saisissez les prophètes du Baal ! Que pas un ne s'échappe !" Et on les saisit. Élie les fit descendre dans le ravin du Qishôn où il les égorgea » (1Rois 18:38-40).

Élie donc, est l’un de ces hommes de Dieu qui, faute peut-être d’avoir en face de lui des contradicteurs, pousse ses violents propos jusqu’aux actes les plus extrêmes, actes dans lesquels certaines vies humaines n’ont aucune valeur.

Une fois encore, est-ce fatal ? La puissance, pour le peu qu’on en a, est-elle toujours en quête de toute puissance ? La possession d’une forme de toute puissance conduit-elle toujours à de cruels débordements ?

Jésus n’ayant plus de contradicteurs ne va plus cesser de parler, pendant trois chapitres. Il va parler avec violence de la destruction de la ville et du Temple, il va parler avec violence aussi de la fin des temps… et ne fera plus autre chose que parler. Dans cette dernière partie de l’évangile, les actes de puissance et autres miracles sont tout à fait absents. Le Fils de l’homme va être livré pour être crucifié (Matthieu 26:2). Il renonce à la puissance d’en bas, « Rengaine ton épée ; car tous ceux qui prennent l’épée périront par l’épée » (Matthieu 26:52), et à la puissance d’en haut, « Penses-tu donc que je ne peux pas faire appel à mon Père, qui me fournirait sur-le-champ plus de douze légions d'anges ? (Matthieu 26:53). En Jésus Christ, donc, la toute puissance n’est pas synonyme de débordement. Nous l’affirmons.

Un maître plein de douceur

Nous voulons l’affirmer, même si nous avons conscience que, dans l’histoire du christianisme, il a pu arriver que les Églises, censément pourtant servantes et épouses du Christ, ont fait œuvre de violence plus que de miséricorde, ont fait œuvre d’obscurantisme plutôt que d’illumination… Cela a pu arriver, il est vrai, mais notre méditation des gestes et des paroles de notre Seigneur nous pousse à affirmer que l’outrance, la violence, la théocratie totalitaire, ne sont pas des fatalités.

 Comment cela se fera-t-il ? Que fera-t-on pour que cela n’arrive pas ? Nous méditons maintenant sur ce mot qui revient à six reprises dans le discours adressé aux Scribes et Pharisiens : le mot malheureux. « Malheureux êtes-vous, Scribes et Pharisiens, hypocrites… ». Cela sonne comme une malédiction, cela annonce un grand malheur qui va arriver aux Scribes et aux Pharisiens, et à eux seuls, une malédiction pour eux seuls. Mais pas seulement. Le mot employé ne permet pas d’isoler Scribes et Pharisiens du reste de la population. Nous pourrions dire : Hélas, Scribes et Pharisiens, hypocrites…

Le petit mot hélas associe dans la douleur, ceux qui agissent et ceux qui subissent. « 23 Hélas, scribes et Pharisiens hypocrites, vous versez la dîme de la menthe, du fenouil et du cumin, mais vous négligez ce qu'il y a de plus grave dans la Loi: la justice, la miséricorde et la fidélité (…) », et encore, « 13 Hélas, scribes et Pharisiens hypocrites, vous fermez devant les hommes l'entrée du Royaume des cieux ! Vous-mêmes en effet n'y entrez pas, mais vous ne laissez pas entrer ceux qui le voudraient ! » On comprend ici que Scribes et Pharisiens font des choix de vie, des choix religieux, que ces choix, rigoureux, apportent à la vie leur poids d’incertitude et de tourments. Qui doit porter le poids d’un choix de vie ? Si quelqu’un choisit de jeuner quatre jours par semaine, est-ce que tous doivent se priver de nourriture ? Et si quelqu’un choisit le radicalisme… Nous y voilà. Il était inévitable que nous arrivions à cette question, et à cette actualité. Hélas, certains payent de leur vie les choix que des religieux radicaux ont faits, alors que les choix de ces religieux radicaux ne les concernent absolument pas… un prédicateur énervé comme Jean le Baptiste n’a jamais contraint quiconque à vivre comme lui quasi tout nu dans le désert ni à manger des sauterelles ; et son baptême, Jean le Baptiste l’administrait gratuitement.

Un monde sans radicalisme est-il possible ? Lisons encore quelques versets de l’évangile de Matthieu.

 Matthieu 5

1 À la vue des foules, Jésus monta dans la montagne. Il s'assit, et ses disciples s'approchèrent de lui. 2 Et, prenant la parole, il leur enseigna ceci : 3 «Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux. 4 Heureux les doux : ils auront la terre en partage. 5 Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés. 6 Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés. 7 Heureux les miséricordieux : il leur sera fait miséricorde. 8 Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu. 9 Heureux ceux qui font œuvre de paix: ils seront appelés fils de Dieu.

 Prédication  :

            Cette collection de bienheureux êtes vous nous rappelle l’autre collection, celle que nous avons explorée à l’instant, celle des malheur à vous.

            Autant la liste des malheurs à vous est ciblée, autant celle des bienheureux semble générale. Certains apparaissent passifs, d’autres actifs, certains peuvent être désignés juste par leur état d’esprit, d’autres juste par leurs engagements. Qu’ont-ils en commun, en plus d’être déclarés bienheureux, qui puisse faire contraste, voire s’opposer à malheur à vous ? L’idée que nous voulons partager est que ces Bienheureux ne rendent personne redevable de leur état ni de leurs engagements.

Nous ne pouvons pas imaginer que ces gens-là sont libres et épanouis, car certains pleurent, car certains sont des pauvres de cœur, mais ils n’appellent personne, et ils n’obligent personne. On peut passer à côté d’eux sans les voir ; si on les voit, on peut passer à côté d’eux sans se trouver forcé en quelque manière. Si l’on s’engage à la manière de certains d’entre eux, c’est un engagement qui ne réclamera ni reconnaissance ni rétribution.

Comment pourrions-nous qualifier un monde qui serait le monde des Bienheureux ? C’est un monde qui ne serait pas indemne du mal ni exempt de souffrance, mais il serait un monde de compassion, de don et de liberté.

Un tel monde est-il possible ? Notre Seigneur a vécu comme si ce monde était possible. Alors nous y croyons nous aussi. Que Dieu nous donne la force de réaliser un peu au moins ce en quoi nous croyons. Amen



dimanche 25 octobre 2020

Tu n'es pas mon prochain (Lévitique 19, 15-18 et 33-37) (Matthieu 22,34-46), plus un communiqué de la Fédération protestante de France

 Lévitique 19

15 Tu ne commettras point d'iniquité dans tes jugements: tu n'auras point égard à la personne du pauvre, et tu ne favoriseras point la personne du grand, mais tu jugeras ton prochain selon la justice. 16 Tu ne répandras point de calomnies parmi ton peuple. Tu ne t'élèveras point contre le sang de ton prochain. Je suis l'Éternel. 17 Tu ne haïras point ton frère dans ton cœur; tu auras soin de reprendre ton prochain, mais tu ne te chargeras point d'un péché à cause de lui. 18 Tu ne te vengeras point, et tu ne garderas point de rancune contre les enfants de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis l'Éternel. (…)

33 Si un étranger vient séjourner avec vous dans votre pays, vous ne l'opprimerez point. 34 Vous traiterez l'étranger en séjour parmi vous comme un indigène du milieu de vous; vous l'aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été étrangers dans le pays d'Égypte. Je suis l'Éternel, votre Dieu. 35 Vous ne commettrez point d'iniquité ni dans les jugements, ni dans les mesures de dimension, ni dans les poids, ni dans les mesures de capacité. 36 Vous aurez des balances justes, des poids justes, des épha justes et des hin justes. Je suis l'Éternel, votre Dieu, qui vous ai fait sortir du pays d'Égypte. 37 Vous observerez toutes mes lois et toutes mes ordonnances, et vous les mettrez en pratique. Je suis l'Éternel.

Matthieu 22

34 Les pharisiens, ayant appris qu'il avait réduit au silence les sadducéens, se rassemblèrent, 35 et l'un d'eux, docteur de la loi, lui fit cette question, pour l'éprouver : 36 Maître, quel est le grand commandement de la loi ? 37 Jésus lui répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. 38 C’est le premier et le grand commandement. 39 Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. 40 A ces deux commandements sont suspendus toute la loi et les prophètes.

 41 Comme les pharisiens étaient assemblés, Jésus les interrogea, 42 en disant: Que pensez-vous du Christ ? De qui est-il fils ? Ils lui répondirent: De David. 43 Et Jésus leur dit: Comment donc David, animé par l'Esprit, l'appelle-t-il Seigneur, lorsqu'il dit : 44 Le Seigneur a dit à mon Seigneur: Assieds-toi à ma droite, Jusqu'à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied ? 45 Si donc David l'appelle Seigneur, comment est-il son fils ? 

46 Nul ne put lui répondre un mot. Et, depuis ce jour, personne n'osa plus lui proposer des questions.

Prédication

            C’est aujourd’hui notre cinquième rendez-vous dans les parvis du Temple de Jérusalem. Et c’est tout à fait par hasard que nous aurons à méditer dans quelques instants sur deux commandements, celui de l’amour de Dieu et celui de l’amour du prochain, qui sont en fait un seul et même commandement, un seul commandement auquel sont suspendus toute la Loi et tous les Prophètes. Nous ne décidons ni des choix des textes du jour ni des événements de l’actualité. Nous disons tout de suite aux croyants que l’indissociable unicité de ces deux commandements est une impérieuse nécessité.

            Mais avant de développer cela, nous pensons qu’il faut consacrer quelques minutes au premier verset que nous venons de lire… Jésus, nous dit-on, avait cloué le bec aux sadducéens. Ces gens-là affirmaient qu’il n’y avait pas de résurrection, et pour démontrer ce qu’ils affirmaient, ils avaient imaginé que les structures coutumières de la parenté ne pouvant pas être reconduites à la résurrection, la résurrection était donc impossible. Si une femme se trouvait veuve sans avoir eu d’enfants, le frère du défunt devait la prendre pour femme et susciter une descendance à son frère, c’est la structure ordinaire de la parenté de ce pays. Mais une femme ayant eu successivement six frères pour mari car n’ayant eu d’enfants d’aucun d’entre eux, ayant été six fois veuve, de qui serait-elle la femme, à la résurrection ? Ces gens-là, qui avaient été capables d’inventer une si sinistre histoire, Jésus les avait traités en substance de fossoyeur de l’espérance, de passionnés de la mort, et leur avait bien rappelé que Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants. Là où l’on joue la mort gagnante, il ne saurait être question de Dieu.

             L’offensive des Sadducéens était la seconde offensive organisée dans le Temple contre Jésus. Troisième offensive donc, offensive pharisienne menée par un spécialiste de la Loi. La question posée, à savoir quel est le grand commandement de la Loi, est bien un piège, car (Matthieu 5,17-19), car la Loi s’accomplit entièrement en chaque commandement autant qu’en tous les commandements, car chacun des 613 commandements donne lieu à plusieurs interprétations canoniques qui peuvent être de nature théologique, anthropologique, juridique et éthique. La Loi, c’est la Loi et tous les commentaires canoniques de la Loi. Au temps de Jésus, on aurait parlé de Loi écrite et de Loi orale. Lorsque cette Loi orale fut mise par écrit (IVè siècle ap. J.-C.), elle s’avéra être 100 fois plus conséquente que la Loi écrite… Négliger un seul de ces commandements, un seul commentaire de ces commandements, c’est mutiler la Loi toute entière.

            Celui qui interroge Jésus le sait, et Jésus le sait aussi. Qu’il y ait une part d’hypocrisie dans la question posée, cela va sans dire. Et que les circonstances de l’interrogation soient mortellement dangereuses pour Jésus, nous le savons. Mais s’agissant de la réponse que Jésus fait, elle semble si simple qu’il est étonnant que, en tant que telle, elle puisse jamais déstabiliser un spécialiste de la Loi. Sauf si, pour ce spécialiste, la lettre de chaque commandement ait formellement une valeur propre et suréminente ; il y aurait alors une collection de commandements individuels considérée sans aucune connexion entre commandements, et sans processus interprétatif lié à leur mise en œuvre… Pour essayer de le dire le plus simplement possible, avec dix commandements seulement, ces dix commandements ne sont pas séparables les uns des autres, jamais ! Cinq parlent apparemment de Dieu et de l’amour de Dieu, cinq parlent apparemment du prochain et de l’amour du prochain, tous sont référés à une seule en-tête, et chacun des dix commandements ne peut être interprété qu’en lien de subordination critique avec les neuf autres. C’est ainsi que l’amour de Dieu et l’amour du prochain sont une seule et même réalité. C’est assez compliqué déjà avec seulement dix commandements ; imaginons ce que c’est avec 613… Et tout ça pour quoi ? Tout ça pour quelque chose qui tient en un petit nombre de mots, parmi lesquels se trouvent miséricorde, justice et équité. Si nous souhaitons parler sérieusement de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain, il nous faut parler de, et mettre en œuvre, miséricorde, justice et équité. Et sinon ? Il s’agira d’idolâtrie.        

Il nous faut maintenant essayer de comprendre de quoi Matthieu veut parler lorsque, dans le Temple de Jérusalem et confronté à des maîtres de la Loi, Jésus évoque l’amour du prochain.

C’est dans le livre du Lévitique (troisième des cinq livres de la Torah – la Loi) – qu’apparaît la notion d’amour du prochain, précisément au chapitre 19. Aimer son prochain, dans ce chapitre, cela se passe d’abord entre indigènes ; le prochain est d’abord un prochain rigoureusement ethnique, c’est un Hébreu fils d’Hébreu vivant au pays des Hébreux. 

L’aimer comme soi-même signifie le traiter en tout points comme un égal, signifie que la justice doit être la même pour lui et pour vous, que les poids et les mesures doivent être les mêmes pour tous, que si vous êtes son employeur, vous lui devez chaque jour le salaire de sa journée de travail, que vous êtes franc avec lui, et que vous attendez de lui la même franchise, que vous ne cultivez à son égard ni haine ni rancune, que vous ne vengerez pas de lui… « Et c’est ainsi, dit le texte, que tu aimeras ton prochain comme toi-même, c’est moi le Seigneur ». Le petit mot hébreu utilisé pour parler ainsi du prochain [רֵעַ]  signifie tout à la fois proximité et réciprocité. C’est plus qu’un voisin, c’est un égal, c’est un frère… Et ce qu’il y a de commun entre vous est une véritable communauté de destin et de foi, communauté ethnique, redisons-le.

Mais dans le même chapitre, il est question des étrangers, des émigrés, c’est selon les traducteurs, de ceux qui, n’étant pas des enfants d’Israël, vivent, et la raison importe peu, parmi les enfants d’Israël. Il y a un autre petit mot hébreu pour les désigner, le mot [גֵּר] guèr, un petit mot qui décrit tout à la fois l’origine étrangère de l’étranger et son désir de vivre parmi et comme les enfants d’Israël ; ce petit mot est aussi utilisé pour parler de ceux qui, ayant un temps abandonné la foi de leurs pères, se convertissent et y reviennent ; il peut aussi désigner ceux qui, ayant tout ignoré de cette Torah et de ce Dieu, choisissent un jour de vivre de cette foi et de prier ce Dieu – et Dieu sait qu’ils étaient assez nombreux  au temps où Jésus enseignait dans le parvis du Temple. Et bien, l’amour du prochain concerne aussi l’étranger. L’étranger est un prochain, dans toutes ses dimensions que nous avons évoquées pour les nés natifs. Et c’est au point même qu’aujourd’hui encore, dans certaines dénominations du judaïsme, il est interdit de rappeler publiquement à un ex-étranger qu’il fut un étranger… « Vous traiterez l'étranger en séjour parmi vous comme un indigène du milieu de vous; vous l'aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été étrangers dans le pays d'Égypte. Je suis l'Éternel, votre Dieu » (Lévitique 19,34).

Et, avec cela, la question de savoir ce qu’est l’amour du prochain trouve une réponse que nous saurons incarner, que nous saurons mettre en œuvre dans la vie que nous menons. C’est un amour, vous l’avez compris, qui est un amour pratique, sans mièvrerie, sans passion romantique. Alors, être prochain, c’est partager un destin, c’est appartenir à une même communauté diversifiée et en laquelle on a foi ; ça n’est pas, ça ne peut absolument pas être un communautarisme. Et si, ici, la présence du mot foi était insupportable aux oreilles de certains, la devise de la République serait un credo satisfaisant. Mais, tous le savent bien, l’amour du prochain est, dans son déploiement concret, au-delà de toutes les manières de dire.

 Nous revenons à notre texte du jour. Jésus avait cloué le bec les Sadducéens en leur rappelant que Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais qu’il est le Dieu des vivants. Il nous reste à comprendre comment il allait clouer aussi le bec aux Pharisiens. Certainement pas seulement en rappelant que l'amour de Dieu et l'amour du prochain sont un seul et même commandement pratique. Ni d'ailleurs en rappelant que le Christ est fils de David : tout le monde le sait.

Mais si le Christ est fils de David, comment se fait-il que David l'appelle Seigneur? Comment David peut-il appeler Seigneur celui qui est son descendant ? Pour la généalogie, le Christ descend de David. Mais il existe une autre filiation que la filiation du sang. Il existe une filiation spirituelle, une filiation selon la foi en Dieu.

Et dans cette filiation-là, le Christ - le Messie de Dieu - existe de toute éternité. Ce que David, « animé par l'esprit » et présumé auteur des Psaumes, a pressenti : « Le Seigneur - Dieu - a dit à mon Seigneur - Christ - « assieds-toi à ma droite, jusqu'à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied. » David appelle donc bien Seigneur celui qui existe avant lui et depuis toujours. Mais cette phrase exprime aussi que la posture de Christ est d'attendre que Dieu agisse selon sa promesse. Le Christ lui-même attend que Dieu agisse. Et même si nous le voyons, dans l'évangile, agir tout comme il agit, il est aussi dans l'attente. Et même lorsqu'il prend la parole et agit de lui-même, tout exaucement, tout accomplissement, ne relève que de Dieu. C'est Lui, Dieu, et Lui seul, qui fera des ennemis du Christ le paillasson sur lequel le Christ essuiera ses pieds. Mais Il le fera dans le temps qu'il aura choisi.

Prétendre accélérer ce processus c'est empiéter sur le domaine qui n'appartient qu'à Dieu. C'est une profanation, voire un blasphème. Et c’est en leur disant bien cela que le Christ cloua le bec aussi aux Pharisiens.

On est Christ, Fils de Dieu, et aussi disciple, par la foi uniquement ; et la forme que prend la foi, au-delà des formes coutumières de la piété, c'est l'obéissance pratique au commandement unique de l'amour de Dieu et du prochain.

Au-delà de cette obéissance pratique, Dieu, qui est Dieu, et parce qu'il est Dieu, veille lui-même à l'exaucement de ses promesses.

A lui soit la gloire. Soli Deo gloria

Amen


Communiqué de la Fédération protestante de France

Suite à l’attentat perpétré contre Samuel Paty, Professeur d’histoire géographie : l’enseignement de la liberté ne saurait être mis en cause par quiconque.

Face à l’assassinat odieux et barbare dont a été victime Samuel Paty le 16 octobre, la Fédération protestante de France (FPF) tient à exprimer son indignation et son horreur. La défense de la liberté d’expression est l’honneur de la République. L’Education nationale en est l’un des vecteurs les plus significatifs.

Le bien précieux gagné puis transmis qu’est la liberté d’expression, de conscience et de la presse n’a rien d’abstrait bien au contraire : il s’agit du cœur battant de la République

Le protestantisme se bat depuis toujours pour cette liberté imprenable et réaffirme sa conviction que l’Evangile aussi en est l’un des fondements.

L’assassinat perpétré à l’encontre de Samuel Paty pour avoir transmis à ses élèves les fondements de la liberté et donc de la République est odieux.

La FPF exprime sa compassion à l’égard de la famille, des proches et des élèves de la victime.

L’enseignement de la liberté ne saurait être mis en cause par quiconque.

La défense de la liberté et de la République contre l’agression de l’extrémisme radical politique qui se réclame de l’Islam doit être le combat de chacun et de tous.

samedi 17 octobre 2020

A César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu (Matthieu 22:15-22)

Matthieu 22

15 Alors les Pharisiens allèrent tenir conseil afin de le prendre au piège de ses propres paroles.

 16 Ils lui envoient leurs disciples, avec les Hérodiens, pour lui dire : « Maître, nous savons que tu es tout de vérité, et que tu enseignes les chemins de Dieu en toute vérité, sans te laisser influencer par qui que ce soit, car tu ne tiens pas compte du faciès des gens. 17 Dis-nous donc ton avis: Est-il permis, oui ou non, de payer le tribut à César ? » 18 Mais Jésus, s'apercevant de leur malice, dit: «Hypocrites! Pourquoi me tendez-vous un piège? 19 Montrez-moi la monnaie qui sert à payer le tribut.» Ils lui présentèrent une pièce d'argent. 20 Il leur dit: «Cette effigie et cette inscription, de qui sont-elles?» 21 Ils répondent: «De César.» Alors il leur dit: «Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.»

 22 À ces mots, ils furent tout étonnés et, le laissant, ils s'en allèrent.

Prédication

            Dans le Temple de Jérusalem allaient et venaient toutes sortes de gens qui n’étaient pas forcément là seulement pour les sacrifices. Une partie du Temple était une sorte de forum où il était possible de prendre assez librement la parole et d’enseigner. Assez librement, cela signifie que des oreilles trainaient, mêlées au public, oreilles qui pouvaient très rapidement rapporter aux maîtres des lieux.

            C’est la quatrième fois que nous avons rendez-vous dans le Temple de Jérusalem où Jésus enseigne. Pendant les trois premières fois, Jésus choisissait son enseignement, et il interagissait en direct avec les maîtres des lieux, lesquels prenaient pour eux-mêmes, ou plutôt contre eux-mêmes, ce que Jésus disait : la parabole des deux fils invités par leur père à aller travailler dans la vigne, la parabole des vignerons meurtriers, et la parabole des invités à la noce… Parmi les thèmes abordés, l’élection et ce à quoi elle engage, le repentir et ce à quoi il invite, la connaissance de Dieu et ce à quoi elle appelle…

            Avec notre quatrième rendez-vous, nous pénétrons dans une autre dimension. Comme nous l’avons lu, les détracteurs de Jésus organisent un colloque dont l’unique objectif est d’étudier l’enseignement de Jésus, afin de parvenir à le prendre au piège de ses propres paroles.

            Le colloque ayant eu lieu, la première offensive est menée par des disciples de Pharisiens, alliés pour la circonstance aux Hérodiens. Cette première offensive porte sur des questions d’argent.

            Pour ce qu’il en est des Hérodiens, nous comprenons qu’il s’agit du parti du roi Hérode. Ce roi étant un souverain fantoche, ses partisans ont intérêt à ce qu’il reste très longtemps sur le trône. Leur intérêt est la paix romaine. Ce ne sont pas des gens pieux. Ils ne s’interrogent pas fondamentalement sur les raisons d’être du Temple ni sur la volonté de Dieu. Ce sont essentiellement des opportunistes. Riches, ils ont tout intérêt à ce que les impôts soient collectés : ils en sont collecteurs…

S’agissant des Pharisiens, nous savons que Matthieu donne d’eux un portrait vraiment peu flatteur. Il les dépeint comme des religieux très observants, très soucieux de leur apparence et de leur statut, et très conservateurs. Plutôt laïcs – entendons qu’ils ne sont pas nécessairement prêtres – ils ont des intérêts dans tous les commerces liés à l’existence du Temple, dont le commerce de la monnaie sacrée. Ils affirment volontiers que la domination romaine est une punition divine. Étant riches, ils ont les moyens d’acheter des charges de collecteurs d’impôts. Ils ne touchent certainement pas l’argent impérial, mais disposent de toutes sortes de subalternes qui travaillent pour eux. S’ils envoient leurs disciples vers Jésus, c’est pour ne pas risquer de se compromettre ou de se souiller.

                        Nous pouvons imaginer que les Pharisiens regardent de très haut les Hérodiens, comme des gens apostats et des impurs. Et nous pouvons imaginer que les Hérodiens regardent les Pharisiens comme des hypocrites et des clowns.

Point commun entre Pharisiens et Hérodiens : L’argent. La nature du piège ? D’abord, la flatterie : « Maître, nous savons que tu es vrai et que tu enseignes les chemins de Dieu en toute vérité, sans te laisser influencer par qui que ce soit, car tu ne tiens pas compte de la condition supposée des gens. » Puis la question : « Est-il permis, ou pas, de payer l’impôt à César ? » S’il répond oui, les Pharisiens lui tombent dessus, avec pour motif l’apostasie. S’il répond non, les Hérodiens lui tombent dessus, avec pour motif la rébellion. Quelle que soit la réponse de Jésus, le oui, ou le non, quels que soit ceux qui lui tombent dessus, les autres évidemment acquiesceront.           

Ceci étant dit, que signifie la réponse de Jésus ? Que signifie, dans ce contexte-là, « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » ?

            Il y a Dieu, et il y a César. Côté César, il y a les Hérodiens, côté Dieu, il y a les Pharisiens. Mais dans la réponse que Jésus fait nous entendons les noms César et Dieu, et nous n’entendons plus les mots Pharisien et Hérodien. C’est comme si ces derniers n’existaient plus.

Que seraient-ils, ces Pharisiens, s’ils rendaient à Dieu ce qui est à Dieu ? Et que seraient-ils, ces Hérodiens, s’ils rendaient à César ce qui est à César ? Ils ne seraient plus rien, ils n’existeraient tout simplement plus en tant que personnages influents et fortunés. Il ne subsisterait d’eux que la simple humanité, celle en laquelle toutes et tous sont égaux. Leur disparition ne priverait personne.

Mais la réponse de Jésus est plus forte, plus accablante encore. Car les Pharisiens s’entendent dire qu’ils doivent rendre à César ce qui est à César, et les Hérodiens s’entendent dire qu’ils doivent rendre à Dieu ce qui est à Dieu. Autrement dit ils s’entendent tous accuser de jouer au fond même jeu, le jeu de l’hypocrisie, qui est le jeu de leur propre fortune, fortune dont le prix est l’aliénation politique et spirituelle de leurs semblables. Et le texte nous dit que, stupéfaits, ils laissèrent là Jésus et s’en allèrent.

 Ce qui fait que, dans le paysage du texte, après l’effacement des Pharisiens et des Hérodiens, ne demeurent symboliquement que Dieu, César, et comme entre les deux, Jésus de Nazareth. Qu’est-ce à dire ?

Jésus enseigne les chemins de Dieu en tout vérité, ce qui signifie a minima sans contribuer à l’aliénation religieuse de quiconque, plus, en contribuant à la simplicité, à l’universalité et à la gratuité du salut, encore, en laissant à chacun la possibilité de son propre repentir, et enfin, en ne dissociant pas le religieux du profane. Cela signifie que Jésus ne fait aucune distinction entre les personnes. Il n’accorde aucune faveur ni aucun privilège à qui que ce soit ; comme nous l’avons lu, il ne tient pas compte du faciès des gens. Et cela suppose de la part de Jésus une grande lucidité sur ce que sont ses interlocuteurs, auditeurs, compagnons et disciples, lucidité associée l’absence de toute compromission, un refus constant de se soucier de soi-même, et une franchise totale.

Avec tout cela, Jésus était-il contre le Temple ? Réponse négative. Pour Jésus de Nazareth, homme libre qui n’avait besoin de rien ni de personne pour être en étroite relation avec Dieu, les formes collectives de la religion n’attentent pas nécessairement à la liberté des croyants.

Jésus était-il contre Rome ? Jésus ne considère pas que le pouvoir de l’occupant romain soit une dictature à abattre, il ne prêche jamais la révolte.

Lorsqu’il commande à ses contemporains de rendre simultanément à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, Jésus se pose comme le trait d’union entre Dieu et César, le trait qui unit mutuellement et réciproquement César à Dieu et Dieu à César. Qui que l’on soit, et où qu’on soit, il y a toujours un Dieu et des choses d’en haut, un César et des choses d’en bas, et ces choses sont inséparables. Jésus apparaît, comme le chiffre de l’impossibilité de séparer les choses d’en-haut et les choses d’en bas.

            Prendre conscience de tout cela était sans doute chose aisée pour les Pharisiens et pour les Hérodiens. Mais en tenir compte concrètement dans le fil de leur vie était, ce jour-là, hors de leur portée. Ils se turent donc puis s’en allèrent. Ils s’en allèrent en emportant avec eux ce qu’ils avaient entendu. Cela ferait peut-être son chemin en eux.

            Puisse cela faire son chemin en nous. Amen



dimanche 11 octobre 2020

Celui qui n'avait pas mis la robe (Matthieu 22,1-14)

Matthieu 22

1 Et Jésus se remit à leur répondre en disant en paraboles:

2 «Il en va du Royaume des cieux comme d'un homme roi qui fit des noces pour son fils. 3 Il envoya ses serviteurs appeler à la noce ceux qui y avaient été invités. Mais eux ne voulurent pas venir. 4 Il envoya encore d'autres serviteurs chargés de dire aux invités: ‹Voici, j'ai apprêté mon banquet; mes taureaux et mes bêtes grasses ont été tués, tout est prêt, venez aux noces.› 5 Mais certains d’entre eux, sans y prêter attention, s'en allèrent, l'un à son champ, l'autre à son commerce; 6 d’autres, saisissant les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent. 7 Pris de fureur, le roi envoya ses troupes, fit périr ces assassins et incendia leur ville.

8 Alors il dit à ses serviteurs: ‹La noce est prête, mais les invités n'étaient pas dignes. 9 Allez donc aux places d'où partent les chemins qui s’éloignent de la ville, et appelez à la noce tous ceux que vous trouverez.› 10 Ces serviteurs s'en allèrent par les chemins et rassemblèrent tous ceux qu'ils trouvèrent, mauvais et bons. Et la salle de noce fut remplie de convives.

11 Entré pour regarder les convives, le roi vit un homme qui n’avait pas revêtu le vêtement de noce. 12 ‹Mon ami, lui dit-il, comment es-tu entré ici sans avoir de vêtement de noce?› Celui-ci garda le silence. 13 Alors le roi dit aux servants: ‹Jetez-le, pieds et poings liés, dans les ténèbres du dehors: là seront les pleurs et les grincements de dents.› 

14 Certes, la multitude est appelée, mais peu sont élus.»

15 Alors les Pharisiens allèrent tenir conseil afin de le prendre au piège de ses propres paroles.

Prédication :

            Nous voici bien embarrassés, n’est-ce pas, avec ce texte ? Cet embarras que nous éprouvons, d’où nous vient-il ?           

Il vient, cet embarras, de ce que notre esprit est bien formé : nous lisons Royaume des cieux, père, fils, noce, et nous pensons à Dieu, à Jésus, et à un au-delà de la vie et la mort auquel toutes et tous participeront, bons et mauvais, parce que toutes et tous sauvés par la pure grâce d’un Dieu juste, bon, et bienveillant. C’est à cela que nous pensons, à cela que nous aimerions penser… Or, devant ce texte, nous ne pouvons pas penser ce que nous avons l’habitude de penser, et nous ne pouvons pas non plus croire ce que nous avons l’habitude de croire.

            Par exemple, cet homme – ce roi – Dieu… est autoritaire, vindicatif, et violent : il ordonne et si l’on ne se soumet pas, il extermine et incendie ; puis, bien que les invités aient été par lui gratuitement conviés à la fête, il vient passer l’inspection, et si ces invités n’ont pas revêtu le vêtement de noce et qu’ils ne peuvent s’en justifier, il les fait brutalement jeter dehors.

Avec ce texte, qui est dans nos esprits censé parler du Royaume des cieux, nous ne pouvons pas parler du Royaume des cieux. Et notre embarras demeure.

 Mais alors, que faire ? Bien sûr, nous pouvons retrouver un semblant de quiétude en affirmant que c’est par pure divine grâce que nous sommes entrés dans la salle des noces du Fils de Dieu, et que nous avons fait ce qu’il fallait pour pouvoir y rester.

Mais si nous faisons cela, nous justifions sans ciller l’extermination des premiers invités, et nous justifions aussi le sort réservé à celui qui n’avait pas revêtu le vêtement de noce. Alors, pouvons-nous accepter comme cause de notre salut la destruction de villes entières et l’extermination de leurs populations ? Et puis, pouvons-nous accepter que, dans la salle de noce, il n’y en a pas un qui se lève, pas un qui proteste et prenne la défense de celui qui n’a pas le bon costume ? Oui, nous pouvons retrouver un semblant de quiétude en acceptant que les réprouvés c’est les autres, en affirmant qu’ils l’ont bien cherché, et en acceptant que l’exclu de la noce, c’est un autre et c’est bien fait pour lui, il avait qu’à revêtir le vêtement, ou rester dehors.

Le prix de notre quiétude, selon ce texte, c’est d’accepter la damnation du plus grand nombre, d’accepter aussi la perversité d’un certain Dieu, et d’accepter le rejet d’autrui.

Ici, nous nous cabrons : si telle la seule perspective possible pour pouvoir parler du Royaume des cieux, nous prenons position et nous affirmons que nous ne voulons pas parler du Royaume des cieux.

N’en parlons plus ; mais notre embarras demeure, une fois encore.


 Que faire ? Nous avons ouvert la Bible, et nous avons lu ce texte. Nous ne pouvons pas faire comme si ce texte n’était pas là, et nous ne pouvons pas faire comme si nous ne l’avions pas lu. Notre embarras risque fort de demeurer… Et lorsque nous disons embarras, nous n’avons pas encore dit perplexité, ou encore révolte. Que faire ? Il nous faut recommencer, et surtout recommencer avant le commencement qui était le nôtre tantôt, c'est-à-dire avant les mots clés Royaume des cieux, père, fils, noce. Ces quatre mots ont orienté  notre lecture. Ils nous ont fait perdre de vue un cinquième mot : parabole. Peut-être l’avions-nous vu, mais nous avons réagi comme si une parabole avait pour objectif de nous délivrer une sorte de savoir secret. Or ce n’est pas le cas. Une parabole n’a pas pour objectif de nous délivrer un savoir secret, mais elle a pour objectif de nous délivrer d’un savoir trop bien cimenté.

 Ce savoir trop bien cimenté, nous l’avons rassemblé sous l’expression Royaume des cieux. Comment peut-il s’agir d’autre chose ? Il s’agit de tout autre chose, et il n’y a pas de recette que je puisse vous enseigner pour découvrir cette autre chose. Pour parvenir à situer cette autre chose, il y a un parcours personnel dont je peux témoigner.

1.       La robe. Qu’est-ce donc que ce vêtement, cette robe de noce dont le port semble bien être recommandé, si ce n’est obligatoire ? Est-ce seulement le vêtement ? Ce doit être d’avantage que le vêtement. Car ce n’est pas le vêtement en tant que tel qui fait qu’on peut se faire éjecter. Dans la parabole, ce qui déclenche l’éjection, c’est le silence, un silence absolu, obstiné. Ce silence, est-il de soumission, ou de défi ? Il est de défi. Interprété comme tel, avec la conséquence brutale que nous savons. Il y avait un code à respecter dans cette noce, et un homme, un seulement, ne respecta pas le code. Et bien, nous pouvons dire que s’il y avait un code à respecter, et des justifications à donner si l’on n’était pas conforme, le tout sous peine d’expulsion… nous pouvons dire que l’invitation n’en était pas une.

2.          L’inspection. A l’appui de ce qui vient d’être dit, nous repérons que, lorsque le roi qui donne cette noce vient à passer dans la salle des invités, le texte grec suggère que ça n’est pas juste pour voir si tout va bien, mais bien plutôt pour examiner, pour passer une sorte d’inspection. Qu’est-ce que c’est que ce roi, ou que ce Dieu qui invitant apparemment gratuitement chez lui de pauvres gens, vient vérifier qu’ils portent une tenue réglementaire ? Cette attitude est pour le moins étrange, voire tordue, si ça n’est pas perverse.

3.         Le Royaume des cieux. S’agissant de cette expression, s’agit-il du nom d’une réalité d’en-haut, lorsque le Seigneur sera tout en tous ? Ou s’agit-il d’une expression un peu générique pour désigner ces lieux où l’homme se met en quête de son Dieu en participant aux rituels d’une tradition reçue (Églises, Basiliques, Temple, Salle du Royaume…) ? Lorsque nous prions « que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel », nous prions sur la terre, et pour la terre. Et lorsqu’il est affirmé et cru que Dieu réside dans le Saint des Saints du Temple de Jérusalem, il n’est pas incohérent de parler de ce Temple comme du Royaume des cieux. Ce Temple donc, maison de prière pour toutes les nations, est bien aussi le lieu du Royaume des cieux, etc.. Autrement dit, s’agissant de cette parabole, c’est ici-bas que ça se passe, et maintenant, Jérusalem, Temple. Il en va du Temple de Jérusalem comme… et tout le reste suit.

    Notre texte commence par « Il en va du Royaume des cieux comme de… », commencement fréquent pour des paraboles. Mais il arrive qu’il soit possible de traduire par « il en est devenu… ». Il en est devenu du Royaume des cieux comme d’un roi qui fit des noces pour son fils… » Manière, nous semble-t-il, que Jésus utilise pour décrire ce qu’est devenu, de son temps, le Temple de Jérusalem, et nous savons que dans la bouche de Jésus, c’est devenu une caverne de voleurs.

5.         Le Temple, donc, unique lieu de culte à Dieu, avec le souvenir de la manière dont ce Temple acquit son statut d’unique lieu de culte (2 Rois 22 et suivants), ce fut la manière forte qui instaura le monopole. Est évoquée ici l’alliance du Temple, de la Loi et du Roi Josias, alliance au titre de laquelle tous les autres lieux de justice et  tous les autres lieux de culte de Dieu furent rasés, et les dignitaires, avec leurs familles, furent exterminés, tout comme furent aussi exterminés les premiers invités de la noce.

6.         Et ainsi, pour obtenir le pardon de ses péchés, le fidèle ne peut aller nulle part ailleurs qu’au Temple de Jérusalem, et il y doit revêtir le vêtement de noce. Quel vêtement de noce ? Le fidèle doit payer, payer pour acheter la monnaie du temple, payer la victime du sacrifice, payer le prêtre… pour que le rituel ait lieu, le rituel fixé par la tradition, tradition largement exploitée par les prêtres. S’il veut être sauvé, le fidèle doit ainsi payer, à toutes les étapes du processus, il doit se soumettre, consentir, acheter son salut dans le magasin de la religion, en somme.

7.         Et qu’en est-il alors de celui qui n’avait pas revêtu le vêtement de noce, mais qui est quand même entré dans le Temple ? Qui est-il, cet insoumis qui, devant l’interpellation, ne fait rien que garder le silence ? Qui est-il, dans cette parabole, et qui sera-t-il, plus tard, lorsque sera ourdi contre lui un simulacre de procès ? Il gardera le silence.

     Oui, Jésus de Nazareth n’a jamais revêtu le vêtement de noce, il n’a jamais porté le costume réglementaire. Jésus de Nazareth n’a jamais capitulé devant les champions du sabbat. Il n’a jamais plié devant les grands Prêtres du sacrifice payant, et s’il s’est soumis à un rituel, ça a été le baptême – gratuit – de Jean le Baptiste. Il n’a jamais donné de publicité à son ministère. Il n’a jamais contraint quelqu’un à le suivre. Et est demeuré, nous le croyons, en toutes choses, dans son Évangile, parfaitement fidèle à Dieu, lui, Jésus, tout seul, libre toujours. Il a parfaitement accompli la Loi et les Prophètes, au prix de sa vie. Lui, seul : il y a vraiment très peu d’élus. Pour ce que nous en savons, mais ce savoir est très sûr, il y en a au moins un. Et cela suffit.

Mais il y a beaucoup d’appelés. Ils sont appelés à la liberté, cette liberté dans laquelle a vécu Jésus de Nazareth.

Nous sommes tous appelés. Serons-nous élus ? C’est à la liberté que nous sommes appelés. Et puisque c’est bien à cet appel-là que nous tâchons de répondre, en suivant le chemin tracé par Jésus Christ, savoir si nous serons élus a chaque jour de moins en moins d’importance.

Suivons toujours ce chemin-là. Amen

dimanche 4 octobre 2020

Les vignerons meurtriers (Matthieu 21,33-46)

Matthieu 21

33 «Écoutez une autre parabole. Il y avait un propriétaire qui planta une vigne, l'entoura d'une clôture, y creusa un pressoir et bâtit une tour; puis il la donna en fermage à des vignerons et partit en voyage. 34 Quand le temps des fruits approcha, il envoya ses serviteurs aux vignerons pour recevoir les fruits qui lui revenaient.

35 Mais les vignerons attrapèrent ces serviteurs; l'un, ils le rouèrent de coups; un autre, ils le tuèrent; un autre, ils le lapidèrent. 36 Il envoya encore d'autres serviteurs, plus nombreux que les premiers; ils les traitèrent de même. 37 Finalement, il leur envoya son fils, en se disant: ‹Ils respecteront mon fils.› 38 Mais les vignerons, voyant le fils, se dirent entre eux: ‹C'est l'héritier. Allez! Tuons-le ! Et à nous l'héritage !› 39 Ils l’attrapèrent, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. 40 Eh bien! lorsque viendra le maître de la vigne, que fera-t-il à ces vignerons-là?»

 41 Ils lui répondirent: «Il fera périr misérablement ces misérables, et il donnera la vigne en fermage à d'autres vignerons, qui lui donneront les fruits en temps voulu.»

42 Jésus leur dit: «N'avez-vous jamais lu dans les Écritures: La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs, c'est elle qui est devenue la pierre angulaire; c'est là l'œuvre du Seigneur: Quelle merveille à nos yeux. 43 Aussi je vous le déclare: le Royaume de Dieu vous sera enlevé, et il sera donné à un peuple qui en produira les fruits. 44 Celui qui tombera sur cette pierre sera brisé, et celui sur qui elle tombera, elle l'écrasera.»

 45 En entendant ses paraboles, les grands prêtres et les Pharisiens comprirent que c'était d'eux qu'il parlait. 46 Ils cherchaient à se saisir de lui, mais ils avaient peur de la foule, car on le tenait pour un prophète.

Prédication

            Et voici que Jésus prophétise sur le destin des anciens et des grands prêtres du Temple. C’est que, après avoir envoyé moult messagers et prophètes, qui furent méprisés voire assassinés, Dieu a envoyé un dernier messager, Jésus de Nazareth, son Fils. Anciens et Grands prêtres du temple méprisent aussi ce dernier envoyé. En conséquence de quoi le royaume de Dieu leur sera enlevé, entendons – au minimum – que le culte rendu à Dieu à Jérusalem sous leur contrôle disparaîtra. La pierre qu’ils ont rejetée, entendons Jésus de Nazareth, leur retombera dessus, comme lancée par des machines de guerre romaines, et les écrabouillera. Un autre peuple de Dieu apparaîtra, une nouvelle élection remplaçant l’ancienne.

            Il est tout à fait possible que ce genre de diatribe ait eu lieu, dans le moment qui suivit la mort de Jésus, en ce temps où il n’y avait en matière d’Église qu’une secte juive de plus et que se posaient, avec violence, entre ces sectes juives, toutes sortes de questions sur leurs origines et leurs légitimités respectives.

            Il est tout à fait possible que ce genre de propos ait été tenu lorsque, en 70 après Jésus Christ, il a fallu rendre compte de cette catastrophe que fut la destruction de Jérusalem et de son Temple.

            Il est tout à fait possible que ce genre de texte ait été composé, ou repris, lorsque, après l’ultime défaite, en 135, les Romains ont finalement interdit aux Juifs de résider à Jérusalem et en terre sainte. A ce moment, ce texte aura servi aux communautés chrétiennes de paravent anti-persécution. « Nous ne sommes pas Juifs ! », ont-ils dit, en affirmant qu’entre juifs et chrétiens, il y avait une différence totale d’origine et de destin.

Il est tout à fait possible aussi que ce genre de texte ait pu nourrir, en Occident, au cours des âges ce qu’il faut bien appeler un antisémitisme.

            Il est possible, encore aujourd’hui, que certains se saisissent de ce texte et considèrent qu’ils sont, eux, de bons vignerons, qui portent devant Dieu les bons fruits que Dieu attend, alors que les autres Églises ne sont que des Églises de pacotille.

            Toutes ces manières de dire étaient possibles et sont avérées. Nous qui arrivons 20 siècles plus tard, pouvons-nous échapper à ces discours d’exclusion qui semblent être le seul destin de cet écrit ? Pouvons-nous éviter de rajouter à l’histoire un discours d’exclusion de plus ?

Il nous faut essayer. Commençons par prendre acte de ce que fut la réception de ce texte par certains de nos prédécesseurs. Et disons-nous qu’en leur temps nous n’aurions peut-être pas été meilleurs qu’eux. Puis essayons. Ces textes tellement difficiles, tellement pénibles de l’évangile de Matthieu sont là pour nous mettre notre foi à l’épreuve.

 

Le texte que nous sommes en train de méditer est, si l’on peut dire, coiffé par deux autres textes. L’un de ces textes est le 5ème chapitre du prophète Ésaïe, l’autre texte le Psaume 118.

Commençons par Ésaïe 5. « Mon bien aimé avait une vigne sur un coteau très fertile. Il retourna la terre, il la dépierra, construisit une tour, creusa un pressoir. Il en attendait de bons raisins, il n’en eut que de mauvais. » Dieu parle par la voix de son prophète, il interpelle les gens de Juda et leur propose d’être juges entre Lui et sa vigne ; mais la vigne, c’est eux-mêmes, et l’interpellation divine devient une invective. Six terribles malédictions circonstanciées sont prononcées. Voici un petit échantillon : « Malheur ! A leurs propres yeux ils sont sages, de leur point de vue ils sont intelligents. Malheur ! Ce sont des héros de beuveries, des champions du cocktail. Ils justifient le coupable pour un présent et refusent à l’innocent sa justification. » Avec ces malédictions, tombent des annonces de sanctions : « C’est pourquoi la colère du Seigneur s’enflamme contre son peuple, il étend sa main pour le frapper, les montagnes tremblent, et leurs cadavres sont comme des ordures au milieu des rues. Mais avec tout cela, sa colère ne s’est pas détournée, et sa main est encore étendue. » En plus donc de ces malédictions internes, viennent des malédictions externes, invasion, défaite, exil… « On regardera vers la terre et voici : ténèbres et détresse, et la lumière sera obscurcie par un épais brouillard ». Au terme de ce chapitre, il n’y a plus aucune perspective, plus de direction à prendre, plus de lumière, plus d’action divine. Juste cet épais brouillard dont nul ne peut seulement savoir s’il se dissipera un jour. Les malédictions divines frappent les grands de son peuple, et le peuple aussi, pour toujours.

Deuxième texte qui coiffe la parabole des vignerons meurtriers, le Psaume 118. Autant Ésaïe 5 est rythmé par l’interjection « Malheur ! », autant le Psaume 118 est rythmé par l’acclamation « Car éternel est son amour ! ». « La pierre autrefois méprisée / Par la folie des bâtisseurs / A l’angle est maintenant posée / C’est un miracle du Seigneur. » C’est le Psaume 118. L’amour de Dieu y est sans mesure et sans fin. Nul tracas n’y est durable, aucune menace ne manque d’être conjurée. Et le je de celui qui chante le Psaume devient inexorablement un nous qui concerne et engage tous les fidèles. Infinie délivrance, joie et bonheur sans limites, pour toutes et pour tous, car éternel est son amour. 

Il y a peu de points de contacts entre le Psaume 118, et le 5ème chapitre d’Ésaïe. Qu’allons-nous faire, maintenant, avec le texte de Matthieu et avec ses sources ? Matthieu a fait un choix, qui est celui d’une théologie et d’une prédication violentes. A ce moment-là du ministère de Jésus, l’ambiance est à la polémique (nous n’en sommes qu’au début) et à une certaine violence verbale.

Nous ne pouvons pas éluder cette violence. La manière dont s’exerçait le pouvoir du Temple, la manière dont les anciens et les Grands Prêtres défendaient leurs prérogatives était une manière violente, et appelait une violente dénonciation. A cette nécessité Jésus pourvoit.

Mais ne nous trompons pas ; toutes les positions ne sont pas équivalentes. Cette violence dont nous parlons fut pour le moins asymétrique. Là où Jésus vitupère, ses ennemis assassinent. Si donc, hier comme aujourd’hui, il s’agit de prendre position sur les discours que les uns et les autres peuvent tenir sur des sujets religieux, il s’agit aussi de ne pas se tromper d’ennemi, notamment en repérant bien les asymétries dans les confrontations. Pour ne prendre qu’un exemple récent, affirmons sans hésitation aucune qu’un dessin est un dessin, et un assassinat un assassinat.

Ceci étant dit, souvenons-nous que toutes les circonstances n’appellent pas de discours aussi appuyés que celui de Jésus. Nous avons l’immense chance de vivre dans un pays et à une époque qui reconnaît et préserve notre liberté de penser, de croire, et de pratiquer. Dans ce cadre privilégié, nous pourrions bien nous contenter d’une théologie se satisfaisant d’une image de Dieu correspondant au refrain du Psaume 118 : « Car éternel est son amour. » Nous pouvons le faire, nous pouvons faire ce choix. Mais si nous faisons ce choix, si nous limitons notre propos à Dieu est amour, à Dieu aime chacun tel qu’il est, etc., alors nous rompons la communion avec le Martin Luther des années 1520, avec l’Eglise Confessante (Allemagne, 1934), avec le mouvement pour les droits civiques (USA, 1960 ss., mais aussi, en 2020, avec Black Lives Matter), avec les théologiens de la libération (Amérique latine, années 60, mais leur combat, celui de l’option préférentielle pour les pauvres, est toujours d’actualité), avec les églises Coptes (Égypte), les  Églises Syriennes, Irakiennes, et certaines des Églises Chinoises… Et nous en oublions.

Tous ces gens sont nos sœurs et nos frères. Que Dieu les aient tous en sa sainte garde, qu’ils soient aussi présents à notre mémoire et dans notre prière. Que soient aussi présents dans nos pensées leurs tourmenteurs et leurs bourreaux. « Partout des pauvres pleurent, Partout on fait souffrir ; Pitié pour ceux qui meurent Et ceux qui font mourir ! »

Et que soit présente aussi à notre mémoire cette histoire qui fait de nous les chrétiens libres que nous sommes.

Rendons gloire à Dieu. Amen