samedi 25 mars 2023

Un mort ressuscite (Jean 11) mais ça n'est peut-être pas ce qu'on croit

Jean 11

1 Il y avait un homme malade; c'était Lazare de Béthanie, le village de Marie et de sa sœur Marthe.

 2 Il s'agit de cette même Marie qui avait oint le Seigneur d'une huile parfumée et lui avait essuyé les pieds avec ses cheveux; c'était son frère Lazare qui était malade.

 3 Les soeurs envoyèrent dire à Jésus: «Seigneur, celui que tu aimes est malade.»

 4 Dès qu'il l'apprit, Jésus dit: «Cette maladie n'aboutira pas à la mort, elle servira à la gloire de Dieu: c'est par elle que le Fils de Dieu doit être glorifié.»

 5 Or Jésus aimait Marthe et sa sœur et Lazare.

 6 Cependant, alors qu'il savait Lazare malade, il demeura deux jours encore à l'endroit où il se trouvait.

 7 Après quoi seulement, il dit aux disciples: «Retournons en Judée.»

 8 Les disciples lui dirent: «Rabbi, tout récemment encore les Juifs cherchaient à te lapider; et tu veux retourner là-bas?»

 9 Jésus répondit: «N'y a-t-il pas douze heures de jour? Si quelqu'un marche de jour, il ne trébuche pas parce qu'il voit la lumière de ce monde;

 10 mais si quelqu'un marche de nuit, il trébuche parce que la lumière n'est pas en lui.»

 11 Après avoir prononcé ces paroles, il ajouta: «Notre ami Lazare s'est endormi, mais je vais aller le réveiller.»

 12 Les disciples lui dirent donc: «Seigneur, s'il s'est endormi, il sera sauvé.»

 13 En fait, Jésus avait voulu parler de la mort de Lazare, alors qu'ils se figuraient, eux, qu'il parlait de l'assoupissement du sommeil.

 14 Jésus leur dit alors ouvertement: «Lazare est mort,

 15 et je suis heureux pour vous de n'avoir pas été là, afin que vous croyiez. Mais allons à lui!»

 16 Alors Thomas, celui que l'on appelle Didyme, dit aux autres disciples: «Allons, nous aussi, et nous mourrons avec lui.»

 17 À son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau; il y était depuis quatre jours déjà.

 18 Comme Béthanie est distante de Jérusalem d'environ quinze stades,

 19 beaucoup de Juifs étaient venus chez Marthe et Marie pour les consoler au sujet de leur frère.

 20 Lorsque Marthe apprit que Jésus arrivait, elle alla au-devant de lui, tandis que Marie était assise dans la maison.

 21 Marthe dit à Jésus: «Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort.

 22 Mais maintenant encore, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te le donnera.»

 23 Jésus lui dit: «Ton frère ressuscitera.»

 24 - «Je sais, répondit-elle, qu'il ressuscitera lors de la résurrection, au dernier jour.»

 25 Jésus lui dit: «Je suis la résurrection et la vie: celui qui croit en moi, même s'il meurt, vivra;

 26 et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela?»

 27 - «Oui, Seigneur, répondit-elle, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde.»

 28 Là-dessus, elle partit appeler sa sœur Marie et lui dit tout bas: «Le Maître est là et il t'appelle.»

 29 À ces mots, Marie se leva immédiatement et alla vers lui.

 30 Jésus, en effet, n'était pas encore entré dans le village; il se trouvait toujours à l'endroit où Marthe l'avait rencontré.

 31 Les Juifs étaient avec Marie dans la maison et ils cherchaient à la consoler. Ils la virent se lever soudain pour sortir, ils la suivirent: ils se figuraient qu'elle se rendait au tombeau pour s'y lamenter.

 32 Lorsque Marie parvint à l'endroit où se trouvait Jésus, dès qu'elle le vit, elle tomba à ses pieds et lui dit: «Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort.»

 33 Lorsqu'il les vit se lamenter, elle et les Juifs qui l'accompagnaient, Jésus frémit intérieurement et il se troubla.

 34 Il dit: «Où l'avez-vous déposé?» Ils répondirent: «Seigneur, viens voir.»

 35 Alors Jésus pleura;

 36 et les Juifs disaient: «Voyez comme il l'aimait!»

 37 Mais quelques-uns d'entre eux dirent: «Celui qui a ouvert les yeux de l'aveugle n'a pas été capable d'empêcher Lazare de mourir.»

 38 Alors, à nouveau, Jésus frémit intérieurement et il s'en fut au tombeau; c'était une grotte dont une pierre recouvrait l'entrée.

 39 Jésus dit alors: «Enlevez cette pierre.» Marthe, la soeur du défunt, lui dit: «Seigneur, il doit déjà sentir... Il y a en effet quatre jours...»

 40 Mais Jésus lui répondit: «Ne t'ai-je pas dit que, si tu crois, tu verras la gloire de Dieu?»

 41 On ôta donc la pierre. Alors, Jésus leva les yeux et dit: «Père, je te rends grâce de ce que tu m'as exaucé.

 42 Certes, je savais bien que tu m'exauces toujours, mais j'ai parlé à cause de cette foule qui m'entoure, afin qu'ils croient que tu m'as envoyé.»

 43 Ayant ainsi parlé, il cria d'une voix forte: «Lazare, sors!»

 44 Et celui qui avait été mort sortit, les pieds et les mains attachés par des bandes, et le visage enveloppé d'un linge. Jésus dit aux gens: «Déliez-le et laissez-le aller!»

Prédication

            Déliez-le et laissez-le aller ! Et c’est si évident que nous nous demandons pourquoi il faut que Jésus donne cet ordre. Est-ce que les villageois, et les sœurs de Lazare, auraient oublié qu’au sortir du tombeau il a besoin d’un minimum d’assistance ? En fait, l’ordre de Jésus est plus fort que ce qu’il semble. C’est quelque chose comme lâchez-le, et qu’il parte ! C’est donc plus fort, plus impératif. Vous pouvez imaginer que Lazare va prendre de la distance, qu’il va quitter son village. Pourquoi ? Pourquoi faut-il qu’il y ait de la distance entre Lazare et le miracle ?

            Que se passe-t-il lorsqu’arrive un miracle, ou seulement même un événement très étonnant ? Les évangiles Matthieu, Marc, Luc, en relatent de très grandes quantités, tellement qu’il semble que plus il y en a, plus les gens se précipitent pour en voir d’autres et parfois, s’il n’y en a pas d’autres, ils sont prêts à tuer Jésus. Alors Jésus, lorsqu’il accomplit quelque chose comme ça d’important et de spectaculaire, interdit absolument qu’on en parle, et les gens n’obéissent absolument pas… vous avez compris ce que ça donne.

            Dans l’évangile de Jean, ça ne se passe pas de la même manière. Il ne se passe que 7 événements qui ne sont pas appelés miracles, mais signes. Et à chaque fois, c’est l’occasion de discussions, de réflexions, longues, parfois étranges, et l’on pourrait bien dire que ce qui est important c’est les discussions, les réflexions, plus, ou presque plus que le signe lui-même. Ainsi vous avez lu, et nous avons lu cet épisode très étonnant, la résurrection de la Lazare. Qu’y a-t-il d’important ? Bien sûr, pour Lazare, ce qui est important c’est la résurrection de Lazare. Pour Jésus, c’est la résurrection de son ami. C’est important aussi pour ses sœurs. Mais dès avec ses sœurs, il y a quelque chose de différent, car il apparaît un dialogue sur la résurrection, sur la vie, sur la foi. Jésus : « Je suis la résurrection et la vie ; celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra, et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » Et il attend une réponse, il attend sans violence, sans impatience. Si bien que même si nous savons déjà qu’un miracle va avoir lieu, nous sommes aussi déjà invité à nous demander ce qui, dans cette affaire, est le plus important… nous tournons un peu en rond, ici.

            Alors interrogeons. Pourquoi Lazare ? Ami de Jésus ? Jésus n’a-t-il qu’un seul ami ? Et ceux qui ne sont pas ses amis, n’y en avait-il pas d’autres qui étaient mort ce jour-là, et que Jésus aurait pu ressusciter ? Et au-delà de la petite province où ça se passe, Jésus ne peut-il pas ramener tous les morts à la vie ? Les morts de 4 jours, comme Lazare ? Et pourquoi 4 jours seulement, et pourquoi pas 5, et 6, et plus… C’est très sérieux.

            Car les questions posées sont : (1) le super pouvoir de Jésus, il va jusqu’où ? et (2) le super pouvoir de Jésus, est-ce que je peux l’avoir ?

            Traduisons ces questions : avec les forces, que j’ai, les forces d’un simple être humain, que puis-je faire de bon pour mes amis, que puis-je faire de bon pour mon prochain ?

           

            Alors vous allez répondre que vous n’êtes pas Jésus, et que c’est à lui, et non pas à vous, que se pose la question de la résurrection de Lazare… ou une autre résurrection.

            Mais j’aimerais partager quelques versets de plus avec vous. Au commencement de l’évangile de Jean, il est affirmé que le Verbe était Dieu. Dieu, on vous en parle assez, il sait tout, il voit tout, il peut tout, pour le dire vite, il est tout puissant. Tellement que, par exemple, pour ressusciter Lazare, c’est Dieu qui est à  l’œuvre. Il y a aussi le Verbe. Le Verbe est Dieu, le même, mais plutôt quand il parle, et donc nous allons penser à celui qui parle, excellemment de Dieu, et qui agit excellemment aussi en Dieu, avec Dieu. Le Verbe était Dieu… il était ? et il ne l’est plus ? Une autre affirmation, extrêmement belle, et audacieuse : « Et le verbe est devenu chair. » On dit aussi parfois que Dieu est devenu un homme, et vous saurez dire que cet homme, c’est Jésus. En lisant les premiers versets de l’évangile de Jean, vous pouvez penser que la transformation s’est faite d’un coup d’un seul. Mais en lisant plus loin et plus tranquillement, vous pourrez vous demander si la transformation  est si brutale que ça, et s’il n’y a pas plutôt une sorte d’apprentissage, qui commence avec la puissance, et qui évolue vers toujours plus faiblesse.

           

            Nous avons lu ici qu’il est capable de ressusciter un mort, mais plus tard, quelques chapitres plus tard, il n’aura plus aucune puissance à proposer, seulement un commandement, « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » On ne peut pas plus faible. On peut en réalité plus faible encore.

            A ce point, nous revenons vers Lazare, on l’a délié de tout son appareil mortuaire, linges et bandelettes, et il s’en va, nous ne connaissons pas sa destination, mais nous l’imaginons libre. Dans Béthanie, le village où il vivait avec ses sœurs, les esprits se calment et, pour ceux qui le souhaitent, la réflexion, la prière et l’action peuvent commencer.          

samedi 18 mars 2023

Un aveugle est guéri (Jean 9,1-7) Et le lecteur, alors ?

Jean 9 :

1 En passant, Jésus vit un homme aveugle de naissance.

 2 Ses disciples lui posèrent cette question: «Rabbi, qui a péché pour qu'il soit né aveugle, lui ou ses parents?»

 3 Jésus répondit: «Ni lui, ni ses parents. Mais c'est pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui!

 4 Tant qu'il fait jour, il nous faut travailler aux œuvres de celui qui m'a envoyé: la nuit vient où personne ne peut travailler;

 5 aussi longtemps que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde.»

 6 Ayant ainsi parlé, Jésus cracha à terre, fit de la boue avec la salive et l'appliqua sur les yeux de l'aveugle;

 7 et il lui dit: «Va te laver à la piscine de Siloé» - ce qui signifie Envoyé. L'aveugle y alla, il se lava et, à son retour, il voyait.

 

Prédication : Vincennes 19 mars 2023 – AG de l’ACEPVIM

            Pourquoi ?  Pourquoi cet homme était-il né aveugle ? Le lecteur recevra une réponse. Nous laissons momentanément de côté cette réponse. Et nous prêtons attention à la question, à ce pourquoi qui appelle, peut-être même qui exige, une réponse nette et précise.

            Ce genre de question et le genre de réponse qui va avec n’est absolument pas rare dans les Saintes Écritures.

 

            Qui donc a péché pour que le roi Josias, souverain saint et en tous points exemplaire, meure soudainement alors que la protection de Dieu lui était assurée ?

            Quand et comment donc les parents ont-ils péché pour que les dents de leurs enfants se soient trouvées gâtées ?

            Qui donc avait péché pour qu’à la fin Abel fût trouvé mort ?

            Qui a péché pour que meure le premier fils de Bethsabée et de David ?

            Pourquoi 70.000 hommes durent-ils mourir de la peste après que David ait dénombré l’armée dont il disposait ?

            Pourquoi la tour de Siloé s’écroula-t-elle et tua-t-elle 25 personnes ?

            Qui donc avait péché pour que le cœur de Pharaon soit tellement endurci ?

            Qui donc avait péché pour que Moïse, après l’épisode du veau d’or, ordonne un massacre dans le peuple hébreu ?

            Qui donc avait péché pour que la fille de Jephté soit sacrifiée ?

 

            Avec tout cela, nous avons 10 questions. C’est un tout petit échantillon. Il y a quantité de questions dans les Saintes Écritures. Nous avons laissé de coté presque tout. Ce qui peut nous laisser penser que plusieurs plusieurs dizaines de questions pourraient être posées, certaines résultant directement du début d’un travail de lecture, certaines autres étant inscrites directement dans le texte. Comme la fameuse question : « Rabbi, qui a péché pour qu'il soit né aveugle, lui ou ses parents ? » Ces dernières étant en général plus prisées des lecteurs parce que la réponse suit la question… La réponse alors peut être composée d’un élément verbal : « Ni lui ni ses parents… » et d’un élément opérationnel : « il fit de la boue avec sa salive… » Ainsi, la réponse suit la question, de manière efficace, et le lecteur est content.

            Le lecteur est content, durablement satisfait, pourvu qu’il considère que l’intervention de Jésus est l’intervention d’un thérapeute compétent. Mais est-ce le cas ? L’intervention de Jésus serait celle d’un thaumaturge, d’un faiseur de miracle ? Si oui, une question se poserait de savoir d’où ce pouvoir lui viendrait-il ? Et nous – le lecteur – serions ramenés à cette liste par laquelle nous avons commencé, et dont il semble bien que nous ne puissions pas nous défaire. Et nous nous retrouvons devant nos dix question qui sont un échantillon, mais échantillon de quoi ?

 

            D’abord nous disons que, s’agissant de Dieu, nous ne pouvons pas imaginer qu’il existe toujours une réponse à ces questions que nous avons effleurée, même si c’est dans la Bible. Nous ne pouvons pas remplir les vides que Dieu – et les textes qui parlent de lui – creusent dans nos réflexions et dans nos vies. Autrement dit, lorsque nous lisons, étudions et méditons, nous ne cherchons pas à vérifier nos points de vue. Même s’il se peut qu’une vérification nous soit donnée, ça n’est pas l’objectif… cela vient par surcroit.

            Ensuite, je partage avec vous quelque chose qui est pour moi assez précieux. Dans le temple de Saint-Agrève (Ardèche) il y a, sur le mur du fond, une très belle représentation des Dix Commandements. Ça n’est pas un alignement de phrases, comme une liste de course, mais un buisson. Chaque commandement est une branche du buisson, et les branches toutes emmêlées forment ensemble les dix commandements avec – c’est essentiel – de l’espace. Ou, encore, si l’on veut, il n’y a pas de différence, entre le buisson et les Dix Commandements, mais infiniment d’espace ainsi qu’un dynamisme renouvelé.

 

 

Nous revenons à une réponse, qui va avec une question, début de notre méditation.

3 Jésus répondit: «Ni lui, ni ses parents. Mais c'est pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui!

 4 Tant qu'il fait jour, il nous faut travailler aux œuvres de celui qui m'a envoyé: la nuit vient où personne ne peut travailler;

 5 aussi longtemps que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde.»

 6 Ayant ainsi parlé, Jésus cracha à terre, fit de la boue avec la salive et l'appliqua sur les yeux de l'aveugle;

 7 et il lui dit: «Va te laver à la piscine de Siloé» - ce qui signifie Envoyé. L'aveugle y alla, il se lava et, à son retour, il voyait.

 


samedi 11 mars 2023

La première évangéliste du pays de Samarie (Jean 4)

Jean 4

1 Quand Jésus apprit que les Pharisiens avaient entendu dire qu'il faisait plus de disciples et en baptisait plus que Jean,

 2 - à vrai dire, Jésus lui-même ne baptisait pas, mais ses disciples -

 3 il quitta la Judée et regagna la Galilée.

 4 Or il lui fallait traverser la Samarie.

 5 C'est ainsi qu'il parvint dans une ville de Samarie appelée Sychar, non loin de la terre donnée par Jacob à son fils Joseph,

 6 là même où se trouve le puits de Jacob. Fatigué du chemin, Jésus était assis tout simplement au bord du puits. C'était environ la sixième heure.

 7 Arrive une femme de Samarie pour puiser de l'eau. Jésus lui dit: «Donne-moi à boire.»

 8 Ses disciples, en effet, étaient allés à la ville pour acheter de quoi manger.

 9 Mais cette femme, cette Samaritaine, lui dit: «Comment? Toi, un Juif, tu me demandes à boire à moi, une femme samaritaine!» Les Juifs, en effet, ne veulent rien avoir de commun avec les Samaritains.

 10 Jésus lui répondit: «Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit: ‹Donne-moi à boire›, c'est toi qui aurais demandé et il t'aurait donné de l'eau vive.»

 11 La femme lui dit: «Seigneur, tu n'as pas même un seau et le puits est profond; d'où la tiens-tu donc, cette eau vive?

 12 Serais-tu plus grand, toi, que notre père Jacob qui nous a donné le puits et qui, lui-même, y a bu ainsi que ses fils et ses bêtes?»

 13 Jésus lui répondit: «Quiconque boit de cette eau-ci aura encore soif;

 14 mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif; au contraire, l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissant en vie éternelle.»

 15 La femme lui dit: «Seigneur, donne-moi cette eau pour que je n'aie plus soif et que je n'aie plus à venir puiser ici.»

 16 Jésus lui dit: «Va, appelle ton mari et reviens ici.»

 17 La femme lui répondit: «Je n'ai pas de mari.» Jésus lui dit: «Tu dis bien: ‹Je n'ai pas de mari›;

 18 tu en as eu cinq et l'homme que tu as maintenant n'est pas ton mari. En cela tu as dit vrai.»

 19 - «Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu es un prophète.

 20 Nos pères ont adoré sur cette montagne et vous, vous affirmez qu'à Jérusalem se trouve le lieu où il faut adorer.»

 21 Jésus lui dit: «Crois-moi, femme, l'heure vient où ce n'est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père.

 22 Vous adorez ce que vous ne connaissez pas; nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs.

 23 Mais l'heure vient, elle est là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité; tels sont, en effet, les adorateurs que cherche le Père.

 24 Dieu est esprit et c'est pourquoi ceux qui l'adorent doivent adorer en esprit et en vérité.»

 25 La femme lui dit: «Je sais qu'un Messie doit venir - celui qu'on appelle Christ. Lorsqu'il viendra, il nous annoncera toutes choses.»

 26 Jésus lui dit: «Je le suis, moi qui te parle.»

 27 Sur quoi les disciples arrivèrent. Ils s'étonnaient que Jésus parlât avec une femme; cependant personne ne lui dit «Que cherches-tu?» ou «Pourquoi lui parles-tu?»

 28 La femme alors, abandonnant sa cruche, s'en fut à la ville et dit aux gens:

 29 «Venez donc voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait. Ne serait-il pas le Christ?»

 30 Ils sortirent de la ville et allèrent vers lui.

 31 Entre-temps, les disciples le pressaient: «Rabbi, mange donc.»

 32 Mais il leur dit: «J'ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas.»

 33 Sur quoi les disciples se dirent entre eux: «Quelqu'un lui aurait-il donné à manger?»

 34 Jésus leur dit: «Ma nourriture, c'est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et d'accomplir son oeuvre.

 35 Ne dites-vous pas vous-mêmes: ‹Encore quatre mois et viendra la moisson›? Mais moi je vous dis: levez les yeux et regardez; déjà les champs sont blancs pour la moisson!

 36 Déjà le moissonneur reçoit son salaire et amasse du fruit pour la vie éternelle, si bien que celui qui sème et celui qui moissonne se réjouissent ensemble.

 37 Car en ceci le proverbe est vrai, qui dit: ‹L'un sème, l'autre moissonne.›

 38 Je vous ai envoyés moissonner ce qui ne vous a coûté aucune peine; d'autres ont peiné et vous avez pénétré dans ce qui leur a coûté tant de peine.»

 39 Beaucoup de Samaritains de cette ville avaient cru en lui à cause de la parole de la femme qui attestait: «Il m'a dit tout ce que j'ai fait.»

 40 Aussi, lorsqu'ils furent arrivés près de lui, les Samaritains le prièrent de demeurer parmi eux. Et il y demeura deux jours.

 41 Bien plus nombreux encore furent ceux qui crurent à cause de sa parole à lui;

 42 et ils disaient à la femme: «Ce n'est plus seulement à cause de tes dires que nous croyons; nous l'avons entendu nous-mêmes et nous savons qu'il est vraiment le Sauveur du monde.»

Prédication

 

            Brèves rencontres à Sychar, tel pourrait être le titre de ce chapitre de l’évangile de Jean. Rencontres – au pluriel – il y en a plusieurs. Toutes sont plutôt inattendues. Et toutes sont décisives même si ça n’est pas de la même manière.

            S’agissant de ce texte, nous l’entendons souvent nommer Jésus et la Samaritaine. Ça n’est pas faux. Mais il est plus juste, pour commencer, de l’intituler l’Évangile en Samarie.

            Nous savons bien que, en ce temps-là, les Juifs ne veulent rien avoir de commun avec les Samaritains (vieille affaire de pureté rituelle). Mais Juifs et Samaritains sont voisins, qu’ils le veuillent ou pas, Galilée au nord, Judée au sud, Samarie au milieu, sur moins d’une centaine de kilomètres… Ces peuples pourraient-ils un jour se réconcilier ?

            Mais la question qui se pose dans ce texte n’est pas celle de la réconciliation de ces peuples frères, pas directement, mais celle de l’évangile et de l’évangélisation. Et pour qui ?

            Pour qui est la bonne nouvelle ? Pour des Samaritains ? Ça ne va pas de soi, pas du tout ! Car c’est dans l’évangile de Jean que l’on entend ceci : De Nazareth il ne sort rien de bon, phrase prononcée par un gars qui est de Capharnaüm, 40 kilomètres, de la Galilée à la Galilée, la distance de la haine et du mépris. Alors, s’ils en sont là entre Galiléens, qu’en sera-t-il entre Galiléens et Samaritains ?

            Il en sera selon que les Juifs ne veulent rien avoir de commun avec les Samaritains. Et l’histoire, notre méditation, se finit là, chacun rentre chez soi, et heureux si l’on ne se sépare pas avec toutes sortes d’insultes et toutes sortes de jets de pierres.

            Conclusions, les Juifs, ça ne veut rien dire de constructif, et les Samaritains ça ne veut rien dire de constructif, surtout s’il s’agit de transmettre l’Évangile. Le paysage de l’humanité est morcelé au point qu’il n’y a plus qu’un homme, une femme, un individu en somme, un individu qu’aucun groupe, qu’aucune communauté ne soutient et qui d’ailleurs n’en éprouve pas le besoin.

            Cependant il y a quand même une sorte de hiérarchisation des personnes. Nous allons nous intéresser à ce qui est… tout en bas.

 

            Lorsqu’il s’agit de transmettre l’Évangile, ce sont des affaires qui se transmettent d’homme à homme. En fait, dans ce chapitre 4 de l’évangile de Jean, d’homme à femme. Et quelle femme ! 1. Une femme 2. Samaritaine 3. Qui mène une mauvaise vie 4. Qui connait ses classiques 5. Qui est dotée d’un bon sens de la répartie. 6. Qui se moque des conventions… Tout ce qu’il faut pour déplaire, des acquis qui la rendent probablement insupportable dans son milieu samaritain. Mais acquis qui la rendent unique, et surtout capable d’entrer aussi en relation avec cet homme, étranger, qui lui fait une demande finalement très simple : Donne-moi à boire. Et, curieusement, nous trouvons en cet étranger les caractéristiques que nous avons trouvées en elle. 1. Cet homme 2. Juif 3. (on ne sait pas quelle vie il a menée – mais il est un homme libre, libre de parler avec cette femme-là, avec toutes et tous les autres 4. Il connait ses classiques, Ô combien il les connaît 5. Il sait mener une conversation 6. Et il se moque bien – on l’a vu dès le début – des conventions, à un point tel que même ses propres disciples ne comprennent pas ce qui se joue à cet instant (Horreur, horreur, mon maître cause et se commet avec une femme impure, indigne !)

 

            Ce qui se joue, c’est le commencement de l’Évangile. Il ne se joue pas entre un groupe ethnique et un prédicateur brillant. Bien sûr, Jésus s’adressera tantôt à des groupes, et la parole y circulera, mais ici, maintenant il s’agit du commencement de l’Évangile, voire même des conditions de possibilité du commencement de l’Évangile (évangélisation transcendantale). Ce commencement qui se joue entre une cette femme et cet homme, dont l’un est plus fort que l’autre. Jésus est plus fort que la femme, spirituellement s’entend. Le lecteur de l’évangile de Jean le sait parfaitement. Mais cet homme, Jésus de Nazareth, se tient toujours à disposition d’elle. Nous aimerions bien le dire plus simplement, essayons : il est infiniment supérieur à elle, mais il s’abaisse infiniment aussi pour qu’elle puisse s’élever. Nous dirons sans biaiser que sans ce mouvement, sans cet abaissement infiniment profond, il n’est pas possible qu’il y ait de commencement de l’Évangile, rien n’est transmis, tout se perd.

 

            Et c’est ce que, peut-être, nous voyons se produire, lorsque les disciples de Jésus reviennent après avoir fait des achats de nourriture. Et lorsqu’ils s’étonnent – s’étonner n’est pas assez fort – ils sont subjugués – il faut trouver ici un mot qui aura la force de la surprise et en même temps le poids du scandale. Ils sont des Galiléens, et pensent mal des Samaritains. Et si vous rajoutez qu’il s’agit d’une femme, comme nous l’avons déjà vu, et le reste, que peut-il se passer ? Elle, qui est rien, qui est tout en bas de tout, pourrait-elle commencer d’entreprendre d’annoncer l’Évangile à ces messieurs ? Après sa conversation avec Jésus, elle est assez équipée…

            Or, rien ne se produit entre elle et eux. Dans ce texte, l’Évangile qui pourtant est à fleur de peau et passe de Jésus à la femme, ne va pas passer de la femme aux disciples… au point que nous pourrions dire que les disciples de Jésus sont les derniers à accepter l’Évangile. Et c’est ainsi que les disciples de Jésus sortent du récit d’évangélisation, et demeurent auprès de Jésus pour l’une de ces controverses à laquelle ils – les disciples -  n’ont pas dû comprendre grand-chose (peut-être d’ailleurs que nous devrions voir dans ces controverses une seconde voie menant à l’Évangile).

           

            L’évangélisation continue, une autre voie encore, car les Juifs ne sont pas les seuls à attendre un messie. Les Samaritains ont un Saint Livre (Genèse, Exode Lévitique Nombre, Deutéronome), ils ont un Temple (Garizim), ils y rendent un culte à Dieu, il y a parmi eux des gens qui pensent. Le messie attendu par les Samaritains est un homme qui a une parfaite connaissance des âmes. Ce messie aussi semble devoir être un homme du genre indulgent

            Savoir comment les Samaritains peuvent le rencontrer leur messie ? Nous qui avons médité sur les conditions de possibilité d’une rencontre, nous pouvons essayer de dire qu’il y a quelque chose d’universel. Peut-être en nous avançant un peu. Mais nous pouvons voir que deux choses peuvent avoir lieu en fait de rencontre du messie : 1. La rencontre de quelqu’un qui l’a rencontré 2. La rencontre directe.

            Une préférence tout de même, pour ceux qui l’ont rencontré, à cause de cette femme, première évangéliste au pays de Samarie, les autres autour d’elle ne l’aiment guère comme nous l’avons vu. Elle a parlé d’abord, Jésus a parlé ensuite, et certains préfèrent Jésus à la femme… un peu comme ces messieurs les disciples de Jésus, et beaucoup pour les mêmes raisons, ça les flatte, constante humaine.

           

Faut-il être pessimiste avec cela ? Au fond, à part les bribes que nous avons entrevues, nous ne savons rien des chemins secrets de l’Évangile. Mais ils existent, l’Évangile fait toujours son chemin. Grâces en soient rendues à Dieu.

samedi 4 mars 2023

Matthieu, la Transfiguration et les images (Matthieu 17,1-9)

Matthieu 17 :

1 Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et les emmène à l'écart sur une haute montagne.

 2 Il fut transfiguré devant eux: son visage resplendit comme le soleil, ses vêtements devinrent blancs comme la lumière.

 3 Et voici que leur apparurent Moïse et Elie qui s'entretenaient avec lui.

 4 Intervenant, Pierre dit à Jésus: «Seigneur, il est bon que nous soyons ici ; si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, une pour Elie.»

 5 Comme il parlait encore, voici qu'une nuée lumineuse les recouvrit. Et voici que, de la nuée, une voix disait: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu'il m'a plu de choisir. Écoutez-le!»

 6 En entendant cela, les disciples tombèrent la face contre terre, saisis d'une grande crainte.

 7 Jésus s'approcha, il les toucha et dit : « Relevez-vous! soyez sans crainte!»

 8 Levant les yeux, ils ne virent plus que Jésus, lui seul.

 9 Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur donna cet ordre: «Ne dites mot à personne de ce qui s'est fait voir de vous, jusqu'à ce que le Fils de l'homme soit ressuscité des morts.» 

Prédication :

            Voici une suggestion. Jésus donne un ordre très précis à Pierre, Jacques et Jean, ne parler à personne de ce qu’ils ont vu, sa transfiguration et tout l’appareillage qui va avec, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité des morts. Autrement, c’est nous qui ajoutons, la transfiguration serait toxique, serait un poison pour la foi. Explorer cette affirmation – explorer une toxicité – c’est la suggestion de ce jour. Une suggestion qui va nous amener – le texte nous y conduit sans détour – à regarder à la croix.

            Mais, tout d’abord, l’histoire d’une ascension douce. Et d’événements confidentiels – nous dirons pourquoi.

            Pour ces événements, vous avez bien repéré qu’il est le seul à recevoir la lumière et à resplendir. Quant à ce dont discutent Moïse, et Elie, et Jésus, rien n’est dit. On aimerait bien savoir, mais on ne saura rien. Ce qui signifie que, dans cet épisode, ce qui est dit par Jésus, Moïse et Elie est absolument sans importance. Cet épisode n’est pas un épisode vocal, mais pictural. C’est une affaire d’image.

            Les enfants d’Israël ont eu des relations passionnelles avec les images. Par image il faut entendre bien d’avantage qu’une représentation plate. Il faut entendre toute représentation bidimensionnelle, et tridimensionnelle. Et il y a là-dessus un commandement bien fort, bien lourd, le deuxième, tout proche du premier, tout proche de Dieu : « 4 Tu ne te feras pas d'idole, ni rien qui ait la forme de ce qui se trouve au ciel là-haut, sur terre ici-bas ou dans les eaux sous la terre. 5 Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux et tu ne les serviras pas, car c'est moi le SEIGNEUR, ton Dieu, un Dieu jaloux, poursuivant la faute des pères chez les fils sur trois et quatre générations - s'ils me haïssent - 6 et prouvant sa fidélité à des milliers de générations - si elles m'aiment et gardent mes commandements. » L’enjeu est de taille. Mais pourquoi ? Les enfants d’Israël ont eu des relations passionnelle avec les images parce qu’ils ont compris mieux, et plus vite que d’autres qu’il faut toujours moins d’une génération pour que le dynamisme de la révélation, la créativité de l’orateur prophète, soient captés et deviennent une chose, un instrument de domination, de possession une idole, en fait, avec ce qui vient toujours alors de violence (2 Rois 22 ss.) C’est le devenir du texte donc, objet en deux dimensions, et le devenir aussi de toutes sortes d’autres objets. Peut-on inventer un commandement divin pour détruire toutes les idoles possibles, est-ce seulement possible ? Il y a des manières absolument idolâtres de mettre en œuvre les commandements divins.            

            Violence de l’image – nous n’en avons pas fini. Toute cette violence est-elle inévitable ? En tout cas, là où nous venons de la regarder, et comme nous l’avons regardée, cela semble assez ficelé. Et l’épisode de la transfiguration que nous venons de lire en rajoute, avec notre doux Seigneur qui se met à crépiter plus que ses prédécesseurs, qui va être ainsi portraituré, et dont les témoins oculaires véridiques vont devenir les cadors de la révélation. Mais avant cela, que font Moïse et Elie dans ce tableau ? La Loi et les Prophètes sont illuminés par l’Évangile, ce qui est déjà en soi un considérable sujet. Mais nous méditons sur l’image et la violence propre de l’image, et l’on nous propose trois noms ; qu’ont-ils fait de violent ? Élie ? Il y a un épisode de la vie d’Élie dans lequel on l’envoie chercher pour une certaine raison, en l’appelant Homme de Dieu, et ça ne lui plait pas. « Moi, homme de Dieu ? Que le ciel le dise ! » Et le feu tombe, et 51 hommes sont grillés sur place… puis 51 autres (2 Rois 1). Et il y a d’autres épisodes, plus saignants, on n’y compte pas les dizaines de victimes, mais les centaines. Et c’est cet homme que nous avons à la Transfiguration, nous avons aussi Moïse. Nous ne connaissons pas Moïse comme un sujet doux et tendre, petit bébé dans un couffin. Oui, Moïse est vu implorant Dieu qu’il fasse miséricorde à son peuple. Mais il est vu aussi s’associant à des éléments radicaux de la tribu de Lévi, et il leur commande  de perpétrer un massacre aveugle, pour ramener le peuple à d’avantage d’obéissance à la Loi, à Dieu, et à Moïse lui-même  (Exode 32,25)...

            Moïse donc, et Elie, les deux grands hommes de la transfiguration, Dieu et l’humain, la terre et le ciel, se rencontrent en eux, nous pouvons même parler d’incarnation, ce qui importe le plus étant de repérer le considérable potentiel de violence qui est stocké là. Ce qu’il en est de Moïse et d’Elie, nous l’avons vu. Qu’en sera-t-il de Jésus ? La question est importante, voire urgente. Jésus est hautement distingué par la luminosité crépitante de sa mise ; les vêtements de Moïse et d’Elie restant ce qu’ils sont, gris, sales et poussiéreux ; Jésus est aussi distingué verbalement par ce que le ciel dit, alors que les deux autres restent reconnaissables, mais pas plus. La transfiguration, superlatif de la rencontre du ciel et de la terre, prépare-t-elle un superlatif du débordement de la violence religieuse ? Pour le savoir, il faudrait entendre ce que Moïse, Elie, et Jésus se disent. Mais nous ne le savons pas. Nous voyons Pierre proposer de dresser trois tentes, peut-être pour éterniser le bel instant, peut-être pour mettre une barrière de sécurité entre ces grands hommes et les gens ordinaires (les motivations de Pierre nous sont obscures ; celle, hypothétique, de protéger la terre du ciel me semble d’une justesse appréciable.        

            Et puis l’épisode continue, et la question de la violence du voir demeure. Il est très important de repérer que ce qui suit – le ciel parle – n’est pas du tout destiné à être vu, mais à être écouté. Si ceux qui ont précédé Jésus s’intéressaient à ce qui ce voit, se fige, et s’adore sur un mode idolâtre, ceux qui annoncent Jésus Christ à la manière de Matthieu, s’intéressent à une parole, qui s’entend, se digère, et se redonne. La foi selon Matthieu est toujours l’interprétation d’une interprétation.

 

            Mais Matthieu a dû penser qu’il fallait en dire d’avantage. Il a dû penser que même après la Transfiguration telle qu’il l’avait contée, image et parole, la violence pouvait de nouveau émerger. Alors il a dû chercher quelque chose qui pourrait désamorcer cette violence, peut-être la désamorcer à jamais. Qui disqualifierait les images de Jésus – et de Dieu – pour toujours.

            Réponse possible, et qui devra être explorer minutieusement Passion, avec Croix, la Résurrection. Qui donc voudrait, et voudra jamais se réclamer – avec véhémence et violence – d’un crucifié, summum de l’humiliation ? Et qui voudrait jamais se réclamer d’un Dieu qui s’abaisserait si bas  , à ramasser un crucifié ?

            Nous revenons ainsi à la violence des images, au début de notre méditation. Matthieu, avec toutes les opérations qu’il accomplit sur le sens, espère sortir du cycle infernal de la violence. Y parvient-il ? Chacun peut s’interroger avec Matthieu, sur Jésus, sur la Transfiguration, la Passion, et Dieu. Et se demander : y a-t-il là un apaisement possible, durable, réitérable ?

            Pour ma part, je dis oui. Amen