samedi 27 janvier 2024

Histoire de l'esprit mauvais (Marc 1,21-28)

Marc 1

21 Ils pénètrent dans Capharnaüm. Et dès le jour du sabbat, entré dans la synagogue, Jésus enseignait.

22 Ils étaient stupéfaits par son enseignement, car il leur enseignait en ayant autorité et non pas comme les scribes.

 

23 Or, justement, il y avait dans leur synagogue un homme d’esprit impur ; il s'écria :

24 «Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth? Tu es venu pour nous ruiner. Je sais qui tu es : le Saint de Dieu ! »

25 Jésus lui ordonna : « Tais-toi et sors de lui. »

26 L'esprit impur le secoua avec violence, et poussant un grand cri, il sortit de lui.

 

27 Ils furent tous tellement saisis qu'ils se demandaient les uns aux autres : « Qu'est-ce que cela ? Un enseignement nouveau ? Avec d'autorité ? Et il commande même aux esprits impurs ? Et ils lui obéissent ? »

 

28 Et sa renommée se répandit aussitôt partout, dans toute la région de Galilée.

Prédication : 

            En lisant cet évangile, il peut nous venir à l’idée que le monde n’est pas seulement celui que nous voyons, mais qu’il y a aussi un monde des esprits, entités qui sont tout autant que nous créatures de Dieu, mais qui sont plus ou moins soumises ou pas soumise à sa majesté ; pures ou impures, elles peuvent prendre possession des gens. Lorsqu’un esprit impur prend possession de quelqu’un, cette personne ne s’appartient plus, et s’oppose donc à tout ce que Dieu veut entreprendre et à tout ce que Jésus veut dire.

 

            Mais ne simplifions pas… j’ai rencontré, s’agissant d’esprits impurs, plusieurs personnes auxquelles un ministère particulier avait été confié… et par qui ? et pour quoi ? L’un était un pasteur protestant, juste une coïncidence. Les réunions de prière qu’il conduisait étaient tellement stressantes, voire brutales, que des gens craquaient, et de grandes manifestations gesticulantes et sonores avaient lieu, esprit mauvais, c’était le diagnostique. Il avait des prières spéciales pour ça. L’autre était un prêtre exorciste catholique romain. Je n’ai dans ma vie connu que deux hommes ainsi calmes et modestes comme cet exorciste, sans peur, habité par la grâce, dont le regard de bonté savait apaiser les gens…

 

            Revenons à notre évangiles. Pourtant, Jésus reste le plus fort ; il commande aux esprits impurs et ceux-ci lui obéissent. Jésus chasse ces esprits impurs, les envoie à leur perte, et alors l’homme possédé s’apaise ; que l’homme s’apaise, c’est nous qui le supposons ; l’évangile de Marc, dans ce tout petit récit, ne le précise pas.

            Jésus commande aux esprits impurs et ils lui obéissent. Nous n’allons pas écarter cette lecture. La parole accomplit tout ce qu’elle énonce.  

 

            Nous ne pouvons pas en rester à cela. Les quelques versets que nous avons lus nous exhortent à aller plus loin. Certes Jésus commande aux esprits impurs de sortir, et ceux-ci lui obéissent. Mais à y regarder un peu finement, nous pouvons nous demander combien ils sont dans cet homme, ou si c’est cet homme qui est dans l’esprit impur, un peu comme on pourrait dire de cet homme qu’il fait du mauvais esprit. Cette question n’est pas tout à fait innocente parce qu’elle permet de mettre en jeu la responsabilité de cet homme ; et donc d’interroger les propos qu’il tient, et que voici : « Que NOUS veux-tu, Jésus de Nazareth ? TU es venu pour NOUS ruiner. Je sais qui tu es, le Saint de Dieu ! »

 

Insistons sur le NOUS. C’est étonnant, cet homme qui, en s’emportant, parle en employant le pluriel. Cette personne, il faut la prendre au mot, et demander qui est ce NOUS.

Ce n’est probablement pas un pluriel de majesté. Ni non plus l’homme plus son esprit impur. Ce peut être l’homme et ses habitudes. Se lever telle heure, toujours la même ; se rendre à la salle de culte, toujours la même, et y entendre un enseignement, toujours le même, avec les mêmes prières et les mêmes chants ; y occuper toujours la même place sur le même banc, etc. Un être humain et ses incontournables habitudes, c’est un NOUS. C’est un NOUS parce que ces habitudes, si on le regarde bien, sont extérieures à l’être humain ; et pourtant elles sont déclarées essentielles. Si ces habitudes sont mises en question, ce qui génère toujours de l’angoisse, l’être humain en prendra la défense, parfois très énergiquement ! En disant NOUS, l’être humain prend la défense de ses habitudes personnelles, et considère en plus que d’autres que lui doivent défendre ses propres habitudes. Il charge donc autrui d’une défense qui n’est pas la sienne, et peut-être bien aussi d’une souffrance qui n’est pas la sienne.

Dans le texte que nous méditons, le NOUS peut désigner aussi une assemblée de personnes qui partagent les mêmes rites, le même enseignement, les mêmes manières de faire, assemblée qui n’est pas prête, pas du tout prête à entendre quoi que ce soit de nouveau. Il faut dire que le groupe protège bien l’individu. Le NOUS est une armure, c’est un édredon d’habitudes, voire de complaisance. Nul n’a à répondre vraiment de ses habitudes, de ses actes, même les plus laids, lorsqu’un groupe, un esprit mauvais, le couvre.

 

Alors, quel est ce NOUS que notre homme met en avant ? Domination de l’un sur tous les autres ? Domination de tous les autres sur chacun ? Les deux, peut-être. Cet homme, dans l’esprit impur, redoute la ruine de quelque chose à quoi un groupe s’est soumis, et dont lui, entre autres, jouit. Il redoute la nouveauté de ce que Jésus représente, qui l’invite à dire JE, plutôt que NOUS. Il redoute d’avoir à questionner ses propres paroles et ses propres actes, d’avoir à interroger ses habitudes, ses complaisances peut-être, d’interroger tout ce qu’il dit et fait, plutôt tout ce qu’on dit et fait sans vraiment le choisir et sans jamais en répondre.

 

Si bien que, être dans l’esprit impur, c’est ainsi dire NOUS à la place de JE. Être dans l’esprit impur, c’est penser, vouloir et agir comme si ce que JE veux, pense et fais était aussi sacré qu’un texte sacré. Et puisque nous en sommes là, être dans l’esprit impur c’est aussi envisager que le texte sacré justifie, excuse, voire exonère de sa responsabilité personnelle celui qui prétend le posséder, et qui pourtant ne fait que le manipuler.

Ça n’est pas pour rien que les scribes, champions des textes sacrés, sont visés par ce texte. Car l’enseignement des scribes, ainsi mentionné, est celui qui enseigne que ce qui est écrit est écrit. L’enseignement des scribes répète ce que les générations ont institué et que l’on s’évertue à défendre, sans discernement aucun. L’enseignement des scribes, c’est ce qui ratifie que « Les parents ont mangé des raisins verts et les dents des enfants ont été gâtées. » et que c’est comme ça et NOUS n’y pouvons rien, et il ne faut rien y changer.

Mais quel est le prix d’aliénation, de mépris et de souffrance que tout cela apporte ? Est-ce que quelqu’un s’en soucie ? Est-ce que quelqu’un en répond ? Personne. Car lorsque les habitudes sont suffisamment bien en place, on les appelle fatalité et destin, et l’on s’y soumet et même mieux, on s’en fait les défenseurs. C’est ainsi qu’un homme vocifère : « Tu es venu pour NOUS ruiner… »

 

Or, l’homme dans l’esprit impur ne s’en tient pas au NOUS. Il ajoute : « JE sais qui tu es … le Saint de Dieu. » Jésus est le Saint de Dieu en ce qu’il questionne radicalement le NOUS et qu’en sa présence, l’homme dans l’esprit impur se met soudain à dire JE. Jésus ne questionne pas seulement ; sa présence bouleverse. En cela Jésus enseigne en ayant autorité, et non pas comme les scribes.

Cet homme ordinaire, Jésus, le Saint de Dieu, invite à la sainteté. Là où les scribes s’en tiennent au sacré, Jésus invite à la sainteté. Il interpelle ainsi son auditoire, homme et esprit impur : pourquoi ceci est-il sacré, indérogeable, pour toi ? Pourquoi en religion fais-tu ainsi ? Pourquoi te comportes-tu ainsi dans ton culte ? Quelle satisfaction cela t’apporte-t-il ? Et qu’est-ce que cela coûte à ton entourage ?  

Jésus interroge ainsi parce que déclarer que quelque chose est sacré, c’est toujours en faire porter le poids à autrui, alors que choisir la sainteté c’est tendre la main et ouvrir son cœur.

Notre Seigneur Jésus Christ, le Saint de Dieu, a fait, sa vie durant, le choix de la sainteté. Ce choix, le choix de la sainteté, il nous appartient de le faire, nous y sommes appelés. Nous le ferons. Amen


samedi 20 janvier 2024

Dieu, et ceux qui le prient (Jonas 3,1-10 ; 1Corinthiens 7,29-31 ; Marc 1,14-20)

Jonas 3

1 La parole du SEIGNEUR s'adressa une seconde fois à Jonas:

 2 «Lève-toi, va à Ninive la grande ville et profère contre elle l'oracle que je te communiquerai.»

 3 Jonas se leva et partit, mais - cette fois - pour Ninive, se conformant à la parole du SEIGNEUR. Or Ninive était devenue une ville excessivement grande: on mettait trois jours pour la traverser.

 4 Jonas avait à peine marché une journée en proférant cet oracle: «Encore quarante jours et Ninive sera mise sens dessus dessous»,

 5 que déjà ses habitants croyaient en Dieu. Ils proclamèrent un jeûne et se revêtirent de sacs, des grands jusqu'aux petits.

 6 La nouvelle parvint au roi de Ninive. Il se leva de son trône, fit glisser sa robe royale, se couvrit d'un sac, s'assit sur de la cendre,

 7 proclama l'état d'alerte et fit annoncer dans Ninive: «Par décret du roi et de son gouvernement, interdiction est faite aux hommes et aux bêtes, au gros et au petit bétail, de goûter à quoi que ce soit; interdiction est faite de paître et interdiction est faite de boire de l'eau.

 8 Hommes et bêtes se couvriront de sacs, et ils invoqueront Dieu avec force. Chacun se convertira de son mauvais chemin et de la violence qui reste attachée à ses mains.

 9 Qui sait! peut-être Dieu se ravisera-t-il, reviendra-t-il sur sa décision et retirera-t-il sa menace; ainsi nous ne périrons pas.»

 10 Dieu vit leur réaction: ils revenaient de leur mauvais chemin. Aussi revint-il sur sa décision de leur faire le mal qu'il avait annoncé. Il ne le fit pas.

 

1 Corinthiens 7

29 Voici ce que je dis, frères: le temps est écourté. Désormais, que ceux qui ont une femme soient comme s'ils n'en avaient pas,

 30 ceux qui pleurent comme s'ils ne pleuraient pas, ceux qui se réjouissent comme s'ils ne se réjouissaient pas, ceux qui achètent comme s'ils ne possédaient pas,

 31 ceux qui tirent profit de ce monde comme s'ils n'en profitaient pas vraiment. Car la figure de ce monde passe.

 

Marc 1

14 Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée. Il proclamait l'Évangile de Dieu et disait:

 15 «Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s'est approché: convertissez-vous et croyez à l'Évangile.»

 16 Comme il passait le long de la mer de Galilée, il vit Simon et André, le frère de Simon, en train de jeter le filet dans la mer: c'étaient des pêcheurs.

 17 Jésus leur dit: «Venez à ma suite, et je ferai de vous des pêcheurs d'hommes.»

 18 Laissant aussitôt leurs filets, ils le suivirent.

 19 Avançant un peu, il vit Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, qui étaient dans leur barque en train d'arranger leurs filets.

 20 Aussitôt, il les appela. Et laissant dans la barque leur père Zébédée avec les ouvriers, ils partirent à sa suite.

Prédication : 

            Nous commençons ici : les bêtes aussi prennent le deuil, et nous ne résistons pas au petit bonheur d’évoquer le gros et le petit bétail, ovins, bovins et caprins revêtant le sac et la cendre et invoquant Dieu avec force. Évocation encore de ces bêtes qui jeûnent et se repentent, et se convertissent de leurs mauvais chemins et de la violence qui reste attachée à leurs sabots, ou à leurs cornes.

            Les bêtes donc auraient une âme, mais pas toutes les bêtes… les chiens, les chats et les canaris… et  nous ne disons rien aujourd’hui des punaises de lit qui pêchent par excès de gloutonnerie et qui, pour autant que nous le sachions, n’éprouvent aucun repentir. Cette question du jeûne des bêtes cependant était considérée avec un peu de sérieux par un professeur que j’ai connu jadis. Il disait : vu la communauté de destin qui existait entre hommes et bêtes, il n’était pas étonnant que ces derniers se trouvent à communier dans une même piété, les animaux peut-être s’exprimant dans le langage des humains, ou les humains s’exprimant dans le langage des animaux. Cette forme de piété, des hommes dans le langage des animaux a été documentée en ce bas monde chrétien au milieu des années 90’s, mais ça n’était pas une nouveauté. En effet, l’écrivain John Steinbeck (1902-1968) l’a repérée en son temps, mise en place dans l’un de romans (A l’est d’Éden ?) ; il y a certaines formes de religion dont la pratique est réservée par Steinbeck systématiquement à des personnes méchantes. Cette histoire donc de bêtes repentantes et pieuses amène en notre esprit plus qu’un sourire. Une question : comment la piété leur vient-elle ? Comment aussi la piété vient-elle à Ninive, aux habitants de Ninive et au roi de Ninive ? Ne sont-ils pas des étrangers, des païens ? Et pourtant ils savent tout de suite quoi faire avec la malédiction proférée par Jonas. Ils savent quoi faire et comment le faire. Et comment cela se fait-il ? Nous pouvons imaginer qu’en des temps très reculés les religions n’étaient pas encore très différenciées – au moins les religions continentales – et qu’il y avait une sorte de fonds commun associé à toutes sortes de variantes avec autant de noms différents, mais une sorte de nom commun Dieu, le nom de ce qu’il fait. Ceci expliquant cela, mais sans trop répondre aux questions que nous nous posons.

            Car nous faisons le constat qu’il – Dieu – est connu des uns et des autres. Qu’il est su quand et comment l’on peut s’adresser à lui pour en obtenir ce qu’on veut. Mais comment cela vient-il aux hommes, nous ne le savons pas, les quelques versets de Jonas que nous avons lus ne nous renseignent pas. C’est là, mais quant à l’origine de ça, nous demeurons ignorants, et notre discours patine, même s’il crée un peu d’espace.

 

            Paul l’apôtre ne s’est jamais contenté de répéter ce que ses prédécesseurs avaient écrit bien avant lui. Et comme certains de ces prédécesseurs étaient déjà de grands écrivains, pas toujours faciles à comprendre, lui-même ne donne pas dans la facilité. Paul, premier écrivain chrétien. Mais qui sont donc ceux qui l’ont précédé ? Et bien, les écrivains de la Loi, des Prophètes et des Écrits, plus toutes sortes de textes hermétiques, plus sans doute des philosophes, et écrits de sagesse, etc. dans lesquels il aura su puiser de quoi produire des énoncés considérables.

            « Que ceux qui ont une femme soient comme ils n’en avaient pas » Point de départ, la condition des femmes dans le monde gréco-latin de ce temps-là… condition lamentable, et prendre une femme venant légaliser un esclavage absolu. Peut-être était-ce la même chose en Galilée et en Judée, peut-être aussi que les Romaines patriciennes avaient certains droits. Comment comprendre ? Prendre une femme, et sortir de soi les manières abominables de l’époque, émanciper donc cette femme mais aussi la garder. Toute une affaire difficile au sein même d’une culture.

            « Que ceux qui pleurent comme s’ils ne pleuraient pas » Pleurer comme ne pleurant pas ? Mais quel est l’objet des larmes ? Car il s’agit de larmes, et pas question qu’elles cessent. Il serait question qu’elles durent ? Sans parler trop vite de Paul, disons que les larmes cessent lorsqu’il en a été suffisamment versé. Mais ça n’est pas ce qui intéresse Paul. Il s’intéresse au temps pendant lequel les larmes coulent encore. Et ce qu’il invente, c’est un temps intermédiaire, pendant lequel une fécondité nouvelle prend place.

            C’est la même méditation avec la joie, mais beaucoup plus facile, la possession idem, et le profit du monde. Et tout cela, dit Paul, « car la figure de ce monde passe » Et bien, ce que dit Paul, et il doit bien avoir des détracteurs, c’est que c’est dans la joie, dans la vitalité reçue, perdue parfois, et retrouvée toujours que s’apprécie la vie. Dans les trois versets qui nous sont proposés n’apparaissent ni le nom de Dieu ni celui du Christ. Nous pouvons bien entendu les y pressentir, mais nous pouvons aussi repenser à ce que nous avons dit avec Jonas et penser à ce Dieu dont la perception première serait en quelque manière innée.

 

            Peut-être. Peut-être quelque chose d’inné mais qu’il faudrait développer afin de le mettre à disposition d’autrui, à disposition de l’Évangile. Peut-être quelque chose qui vous arriverait comme par surcroit, qu’il faudrait développer afin de le mettre à disposition d’autrui, à disposition de l’Évangile… Mais de quelle manière ?

            Des les premiers moments de l’évangile de Marc, quelques indications intéressantes sont données. Des humains seront pris au filet et suivront Jésus. Mais pris de quelle manière ? Le humains seront-ils pris comme des poissons et partageront-ils le sort de ces bestioles comestibles ? Lorsque Jésus annonce à ces gars, pécheurs de poissons de leur état, qu’ils pécheront des hommes, il leur annonce la prudence et le soin qui devront être les leurs, et l’apprentissage qui commence maintenant. Simon et André, Jacques et Jean, l’apprentissage commence là sous le regard, et avec l’exemple, du meilleur des maîtres, Jésus.

            Notre apprentissage, se poursuit aussi.

            Amen


samedi 13 janvier 2024

Facilité de Dieu (Jean 1,35-42 ; 1Corinthiens 6,13-20 ; 1Samuel 3,3-19)

Beaucoup de textes biblique aujourd'hui. Nécessaire me semble-t-il. Puis un sermon assez bref, vous verrez. Bonne lecture. A bientôt. 

Jean 1

35 Le lendemain, Jean se trouvait de nouveau au même endroit avec deux de ses disciples.

 36 Fixant son regard sur Jésus qui marchait, il dit: «Voici l'agneau de Dieu.»

 37 Les deux disciples, l'entendant parler ainsi, suivirent Jésus.

 38 Jésus se retourna et, voyant qu'ils s'étaient mis à le suivre, il leur dit: «Que cherchez-vous?» Ils répondirent: «Rabbi - ce qui signifie Maître - , où demeures-tu?»

 39 Il leur dit: «Venez et vous verrez.» Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait et ils demeurèrent auprès de lui ce jour-là; c'était environ la dixième heure.

 40 André, le frère de Simon-Pierre, était l'un de ces deux qui avaient écouté Jean et suivi Jésus.

 41 Il va trouver, avant tout autre, son propre frère Simon et lui dit: «Nous avons trouvé le Messie!» - ce qui signifie le Christ.

 42 Il l'amena à Jésus. Fixant son regard sur lui, Jésus dit: «Tu es Simon, le fils de Jean; tu seras appelé Céphas» - ce qui veut dire Pierre.

1 Corinthiens 6

13 Les aliments sont pour le ventre, et le ventre pour les aliments, et Dieu détruira ceux-ci et celui-là. Mais le corps n'est pas pour la débauche, il est pour le Seigneur, et le Seigneur est pour le corps.

 14 Or, Dieu, qui a ressuscité le Seigneur, nous ressuscitera aussi par sa puissance.

 15 Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ? Prendrai-je les membres du Christ pour en faire des membres de prostituée? Certes non!

 16 Ne savez-vous pas que celui qui s'unit à la prostituée fait avec elle un seul corps? Car il est dit: Les deux ne seront qu'une seule chair.

 17 Mais celui qui s'unit au Seigneur est avec lui un seul esprit.

 18 Fuyez la débauche. Tout autre péché commis par l'homme est extérieur à son corps. Mais le débauché pèche contre son propre corps.

 19 Ou bien ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint Esprit qui est en vous et qui vous vient de Dieu, et que vous ne vous appartenez pas?

 20 Quelqu'un a payé le prix de votre rachat. Glorifiez donc Dieu par votre corps.

1 Samuel 3

3 La lampe de Dieu n'était pas encore éteinte, et Samuel était couché dans le Temple du SEIGNEUR, où se trouvait l'arche de Dieu.

 4 Le SEIGNEUR appela Samuel. Il répondit: «Me voici!»

 5 Il se rendit en courant près d'Eli et lui dit: «Me voici, puisque tu m'as appelé.» Celui-ci répondit: «Je ne t'ai pas appelé. Retourne te coucher.» Il alla se coucher.

 6 Le SEIGNEUR appela Samuel encore une fois. Samuel se leva, alla trouver Eli et lui dit: «Me voici, puisque tu m'as appelé.» Il répondit: «Je ne t'ai pas appelé, mon fils. Retourne te coucher.»

 7 Samuel ne connaissait pas encore le SEIGNEUR. La parole du SEIGNEUR ne s'était pas encore révélée à lui.

 8 Le SEIGNEUR appela encore Samuel, pour la troisième fois. Il se leva et alla trouver Eli. Il lui dit: «Me voici, puisque tu m'as appelé.» Eli comprit alors que le SEIGNEUR appelait l'enfant.

 9 Eli dit à Samuel: «Retourne te coucher. Et s'il t'appelle, tu lui diras: Parle, SEIGNEUR, ton serviteur écoute.» Et Samuel alla se coucher à sa place habituelle.

 10 Le SEIGNEUR vint et se tint présent. Il appela comme les autres fois: «Samuel, Samuel!» Samuel dit: «Parle, ton serviteur écoute.»

 11 Le SEIGNEUR dit à Samuel: «Voici que je vais accomplir une chose en Israël, à faire tinter les oreilles de quiconque en entendra parler.

 12 Ce jour-là, je réaliserai contre Eli tout ce que j'ai dit au sujet de sa maison, de bout en bout.

 13 Je lui annonce que je fais justice de sa maison pour toujours à cause de sa faute: il savait que ses fils insultaient Dieu et néanmoins, il ne les a pas repris.

 14 Voilà pourquoi je le jure à la maison d'Eli: Rien n'effacera jamais la faute de la maison d'Eli, ni sacrifice, ni offrande.»

 15 Samuel resta couché jusqu'au matin, puis il ouvrit les portes de la Maison du SEIGNEUR. Samuel craignait de rapporter la vision à Eli.

 16 Eli appela Samuel et lui dit: «Samuel, mon fils.» Il dit: «Me voici.»

 17 Il dit: «Quelle est la parole qu'il t'a adressée? Ne me le cache pas, je t'en prie. Que Dieu te fasse ceci et encore cela si tu me caches un mot de toute la parole qu'il t'a adressée.»

 18 Alors Samuel lui rapporta toutes les paroles, sans rien lui cacher. Il dit: «Il est le SEIGNEUR. Qu'il fasse ce que bon lui semble.»

 19 Samuel grandit. Le SEIGNEUR était avec lui et ne laissa sans effet aucune de ses paroles.

Prédication 

            Je voudrais ce matin vous parler d’un Père de l’Église, écrivain chrétien des premiers siècles, un certain Tatien le Syrien, IIème siècle, qui est très connu pour avoir entrepris une – la première – Harmonie des quatre évangiles, entreprise considérable, et considérablement discutée en ce temps – et pas seulement en ce temps. La question est simple : puisqu’il n’y a qu’un seul messie, pourquoi y a-t-il quatre évangiles ? Et pourquoi ne pas produire un Diatessaron, de quatre vers un ? Tatien donc se met à l’ouvrage et produit un texte qui rencontrera un succès considérable, jusqu’au 9ème siècle au moins. Plus loin dans le 20ème siècle, en feuilletant divers ouvrages de piété, j’ai trouvé des psaumes, diverses confessions, et des harmonies des quatre évangiles. Quelle est l’utilité de ce genre de travail ? Faut-il vraiment tourner le dos à ces textes et à ce personnage unique – peut-être bien unique – qu’ils donnent à connaître ? Discussion âpre. Pour ce texte, peut-être pas seulement, mais pour d’autres aussi il est considéré comme Père de l’Église. Mais il est aussi considéré comme hérétique par les Église grecques et latines.

            Tatien, pour la fin de sa vie, aurait été  encratite, c'est-à-dire exerçant contre son propre corps une discipline extrêmement rigoureuse, ni viande, ni boisson enivrante, ni union charnelle, ni sensualité d’aucune sorte. Quelque chose de violent, comme vous le voyez, avec en plus diverses doctrines pour certaines particulièrement abstruses. L’Église a, avec ses moyens, condamné et pourchassé ce genre d’orientation.

 

            Mais nous n’allons pas plus loin. Avec les textes que nous avons lus, plus Tatien, nous avons tout ce qu’il faut pour poser une certaine question : que faut-il faire pour être proche de Dieu ? Ou : pour s’en tenir à Dieu ? Ou : pour obéir à Dieu ? C’est une question unique mais qui a besoin de plusieurs énoncés. Et 1 Samuel 3 est parfaitement explicite : (1) Dieu, c’est le rituel, (2) Dieu, c’est une certaine parole, prononcée par une personne pure et désintéressée, (3) Dieu c’est la justice rendue justement, (4) Dieu, c’est la gratuité et la liberté pour ceux qui portent leur requête, (5) Dieu, c’est la soumission à l’ordre de la parole qui vient. Ce ne sont pas des nuances de Dieu, c’est Dieu tout entier à chaque fois. Et c’est pour cette raison que la punition sur la famille du prêtre Héli s’annonce si violente. Non que Dieu soit spécialement vindicatif, mais parce qu’en violentant Dieu, c’est la condition de la vie qui disparaît. C’est cette condition et sa rupture qu’on nomme Dieu et ce qui s’ensuit.

           

            C’est ainsi en tout cas que les auteurs du 1er livre de Samuel ont envisagé qu’on s’approche de Dieu. Et vous voyez que leurs propositions sont tout à fait différentes de celles de Tatien. Mais la vie en Dieu, est-elle forcément aussi ampoulée, et aussi dangereuse ? Poursuivons nos investigations, Paul.

 

            Paul est tout un univers, et nous n’allons pas en entreprendre la visite ce matin. Ce qui nous intéresse c’est Dieu et c’est ce corps humain dont nous avons vu qu’à cause de leurs convictions, certains le mortifient jusqu’aux dernières extrémités, au point pour certains de passer leur vie entière perchés sur une colonne.

            Paul est un personnage particulier, et emporté, mais il est aussi un prédicateur pour le moins humain. Qu’on croie en Christ – ou en Dieu – est pour lui une chose, et que la foi soit compatible avec la vie personnelle, et avec la vie communautaire, c’est une autre chose, le deux étant idéalement indissociables. C’est ce qui lui fait écrire : « Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres du Christ ? » Et pour Paul ils le sont dès à présent même s’ils doivent l’être ultérieurement, et parce qu’ils le furent déjà. Paul est un écrivain génial, dans le sens où il sait parler du passé, du présent et de l’avenir de manière pertinente dans une seule phrase. Ce qui fait que sa pensée de l’homme et sa pensée de Dieu sont une seule et même pensée. Et comme il connait aussi très bien sa Bible, il peut, toujours en peu de mots, parler de l’homme de Genèse, et méditer sur l’état de maturité des écritures et des hommes de son temps.

            Et qu’est-ce que ça donne pour l’homme et pour Dieu ? Pas une ascèse, mais une prudence, un bon usage des biens et corps, un bon usage aussi de la parole. Une certaine conscience aigüe de ce que nul ne s’appartient, et que les corps – sans exception d’aucun, sont « Temple du Saint Esprit » Est-ce simple ? Oui, et il est inutile d’en faire tout un plâtras. Comme souvent avec Paul, les choses apparemment compliquées – comme on dit aujourd’hui – finissent dans la plus profonde simplicité. « 20 Quelqu'un a payé le prix de votre rachat. » C’est cadeau. « Glorifiez donc Dieu par votre corps. » C’est merci. Et c’est ainsi qu’on est proche de Dieu, si proche de Dieu qu’il est même tout en vous.

 

            Mais il reste quelque chose encore. On dit parfois qu’il est étonnant qu’avec un langage aussi simple il soit possible de dire des choses si extraordinairement profondes. S’approcher de Dieu, dans l’évangile de Jean, c’est s’approcher de Jésus – et tous les autres noms qu’il porte. Pour s’approcher de lui, il faut suivre la route balisée, il y a donc bien des balises, et les indications de tel et tel témoins, il y en a aussi. S’approcher de Dieu, cinq lignes dans ce sermon. Quelques mots dans l’évangile de Jean. « Venez et vous verrez. Ils allèrent et ils virent. » Jésus – et donc Dieu tout court et tout simplement – est là, pure et perpétuelle présence donnée en quelques  mots.

            On se dit parfois que tout, Nouveau Testament et Ancien Testament, pourrait être ramené à une seule phrase : « Et le Verbe se fait chair… » C’est justement une phrase de l’évangile de Jean. Qui, si je comprends bien, nous dit toute la profondeur, la simplicité, et la vitalité de Dieu.

samedi 6 janvier 2024

L'Epiphanie (Matthieu 2,1-12) et les épiphanies

Matthieu 2

1 Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d'Orient arrivèrent à Jérusalem

 2 et demandèrent: «Où est le roi des Juifs qui vient de naître? Nous avons vu son astre à l'Orient et nous sommes venus lui rendre hommage.»

 3 À cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui.

 4 Il assembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple, et s'enquit auprès d'eux du lieu où le Messie devait naître.

 5 «À Bethléem de Judée, lui dirent-ils, car c'est ce qui est écrit par le prophète:

 6 Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n'es certes pas le plus petit des chefs-lieux de Juda: car c'est de toi que sortira le chef qui fera paître Israël, mon peuple.»

 7 Alors Hérode fit appeler secrètement les mages, se fit préciser par eux l'époque à laquelle l'astre apparaissait,

 8 et les envoya à Bethléem en disant: «Allez vous renseigner avec précision sur l'enfant; et, quand vous l'aurez trouvé, avertissez-moi pour que, moi aussi, j'aille lui rendre hommage.»

 9 Sur ces paroles du roi, ils se mirent en route; et voici que l'astre, qu'ils avaient vu à l'Orient, avançait devant eux jusqu'à ce qu'il vînt s'arrêter au-dessus de l'endroit où était l'enfant.

 10 À la vue de l'astre, ils éprouvèrent une très grande joie.

 11 Entrant dans la maison, ils virent l'enfant avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage; ouvrant leurs coffrets, ils lui offrirent en présent de l'or, de l'encens et de la myrrhe.

 12 Puis, divinement avertis en songe de ne pas retourner auprès d'Hérode, ils se retirèrent dans leur pays par un autre chemin.

Prédication :

            Épiphanie, il y a de la lumière dans ce mot, il y a quelque chose qui apparaît, pendant peut-être un certain temps puis peut-être disparaît, ou bien apparaît d’un coup, et disparaît d’un coup… pensons à Jacques Prévert, Dans la nuit de l’hiver, Galope un grand homme blanc C’est un bonhomme de neige Avec une pipe en bois C’est un bonhomme de neige Poursuivi par le froid… Et vous savez comment, pour se réchauffer, il s’assied sur un poêle chauffé au rouge, et fond d’un coup, ne laissant que sa pipe et son vieux chapeau. Au moment où je quitte le rythme le rythme de la poésie de Prévert, quel chose s’éteint, et revient si je recolle à son texte. Entre les deux, c’est plus plat… Et au final, que reste-t-il ? Difficile de répondre. Le poème date de 1946. La chanson qui va avec – Les Frères Jacques – de 1949… pour moi, au mieux, en 1964, c'est-à-dire 60 ans de pérennité, et ça n’est pas fini. Apparaître, disparaitre, dans le récit, et dans les perceptions et la mémoire des lecteurs.

            Et ainsi, lorsque je pense au mot épiphanie, je pense à Prévert, Dans la nuit de l’hiver. Épiphanie de quoi ? Épiphanie d’une volonté qui s’accomplit à ses propres dépens. Et nous pouvons trouver à cette définition toutes sortes de variantes. Qui pourront convenir pour toutes sortes de situations, bibliques ou pas forcément bibliques. Un certain Elie qui, tout à coup, apparaît dans l’histoire des Omrides (Omri, Achab...), rois d’Israël, un certain Samson – livre des Juges, ou Pierre, qui un jour de Pentecôte acquiert une stature de grand apôtre dominant. Après ce petit assemblage d’hommes forts, qui vont plus ou moins avec notre première définition, nous marquons une pause.

            Car il y a plusieurs manières de s’accomplir à ses propres dépens. Une manière négative, c'est-à-dire en profitant soi-même de ce qu’est autrui, et même si l’on prend quelque chose, on se perd. Une manière positive, c'est-à-dire en se consacrant à autrui, consécration en laquelle on se trouve. Thématique évangélique, c’est sûr, mais nous allons y venir, juste, une fois encore, un personnage biblique dont nous avons déjà parlé, Gédéon, dont le parcours montre bien qu’il peut y avoir d’abord une épiphanie positive, puis une épiphanie négative – sa volonté s’accomplissant devint source d’aliénation pour son propre peuple…

 

            Il y a un épisode fameux que nous avons jusqu’ici évité, même si nous avons lu quelques versets importants et uniques dans les évangiles. C’est l’adoration des trois Rois Mages, qui n’étaient ni trois, ni mages et qui n’étaient pas là chacun avec un cadeau, pouvant chacun porter un part des trois… Bref si nous nous penchons sur nos crèches et si nous lisons "la marche des rois", ces rois sont superbes, et leurs noms sont connus, accompagnés par des cortèges considérables. C’est l’écart entre les deux qui est aussi considérable. Et pourquoi ?

           

            Les versets que nous lisons reçoivent usuellement pour titre "l’Épiphanie". Entendons bien le "l’", qui est mis à la place d’un "la". Cette épiphanie n’est pas l’une des épiphanies possibles dont nous avons parlé, épiphanies de personnages importants, ou encore de cités importantes – laissées de côté. L’épiphanie dont nous parlons est une épiphanie tellement importante pour l’auteur – ou les auteurs – de  l’évangile de Matthieu, qu’elle est pour lui l’unique épiphanie, l’unique événement auquel peut s’attacher le mot d’épiphanie, événement unique, pour tous, partout, et toujours.

            Mais comment peut-on être aussi ambitieux ? Nous dirons, le plus simplement possible, que quelque chose s’est passé dans la vie de ces juifs – descendants de fils d’Abraham. Pour parler de cela, ils ont mobilisé toutes – presque toutes – les traditions de leur culture. Ce dont ils voulaient parler, c’était plus qu’un superlatif, c’était le superlatif de tous les superlatifs. Une généalogie particulière d’abord puis, justement, cette rencontre dont nous parlons, avec les mages, et nous connaissons la suite, l’ange qui veille, le drame qui rode, la fuite en Égypte – figure traditionnelle par excellence… Ensemble, rassemblées, ces figures classiques de la tradition forment ce « superlatif des superlatifs », cette « épiphanie des épiphanies ». Mais si tel est bien le cas, pourquoi le fragment que nous méditons ne fait-il que 12 versets ? Pourquoi s’arrête-t-il à « puis divinement avertis en songe de ne pas retourner auprès d’Hérode, ils se retirèrent dans leur pays par un autre chemin » ?

            C’est que, pour l’Épiphanie, "la épiphanie", il est trop difficile d’aller plus loin dans l’exploration des manifestations de Dieu. Il est difficile de penser superlativement que l’ultime épiphanie de Dieu lui-même expédie sous terre et d’un coup une génération entière d’enfants. Et cette horreur aurait affaire avec la révélation ?

            Lorsqu’on parle de l’Épiphanie, nous pensons aux mages guidés deux fois par une étoile, ce qui nous fait penser par exemple à Abraham. C’est une étoile mobile, un fait rare, exceptionnel. Nous avons pris l’habitude de cela. Lorsqu’on parle de l’Épiphanie, il y a trois mages, personnages religieux sans doute, qui se prosternent – face contre terre – devant un bébé. C’est insolite – c’est plus qu’insolite, c’est le monde à l’envers, tellement que la cité à venir selon Ézéchiel en est toute renversée, elle a une maisonnette en son centre et un bébé pour souverain. Et vu le peu de temps que les enfants restent des enfants, et vu la brutalité de ce monde, ce qui marque l’affaire, c’est l’éphémère. Pourtant l’enfant demeurera, et, nous le savons, il atteindra l’âge d’une vie d’homme. Ce ne sont pourtant pas ces durées-là qui sont essentielles, mais celle de l’adoration – celle de l’Épiphanie – et celle de la résurrection – nous en reparlerons à la fin du mois de mars.

            Une fois encore, il s’agira de la durée de l’épiphanie puis de la durée de la résurrection, de la durée des instants pendant lesquels la grâce nous arrive, durée de la grâce, qui relève à bien des égards de notre responsabilité, responsabilité de lecteur – pas de la Bible seulement – Prévert aussi – responsabilité de témoin de ces épiphanies, et de la grande Épiphanie tout court. Amen