samedi 20 janvier 2024

Dieu, et ceux qui le prient (Jonas 3,1-10 ; 1Corinthiens 7,29-31 ; Marc 1,14-20)

Jonas 3

1 La parole du SEIGNEUR s'adressa une seconde fois à Jonas:

 2 «Lève-toi, va à Ninive la grande ville et profère contre elle l'oracle que je te communiquerai.»

 3 Jonas se leva et partit, mais - cette fois - pour Ninive, se conformant à la parole du SEIGNEUR. Or Ninive était devenue une ville excessivement grande: on mettait trois jours pour la traverser.

 4 Jonas avait à peine marché une journée en proférant cet oracle: «Encore quarante jours et Ninive sera mise sens dessus dessous»,

 5 que déjà ses habitants croyaient en Dieu. Ils proclamèrent un jeûne et se revêtirent de sacs, des grands jusqu'aux petits.

 6 La nouvelle parvint au roi de Ninive. Il se leva de son trône, fit glisser sa robe royale, se couvrit d'un sac, s'assit sur de la cendre,

 7 proclama l'état d'alerte et fit annoncer dans Ninive: «Par décret du roi et de son gouvernement, interdiction est faite aux hommes et aux bêtes, au gros et au petit bétail, de goûter à quoi que ce soit; interdiction est faite de paître et interdiction est faite de boire de l'eau.

 8 Hommes et bêtes se couvriront de sacs, et ils invoqueront Dieu avec force. Chacun se convertira de son mauvais chemin et de la violence qui reste attachée à ses mains.

 9 Qui sait! peut-être Dieu se ravisera-t-il, reviendra-t-il sur sa décision et retirera-t-il sa menace; ainsi nous ne périrons pas.»

 10 Dieu vit leur réaction: ils revenaient de leur mauvais chemin. Aussi revint-il sur sa décision de leur faire le mal qu'il avait annoncé. Il ne le fit pas.

 

1 Corinthiens 7

29 Voici ce que je dis, frères: le temps est écourté. Désormais, que ceux qui ont une femme soient comme s'ils n'en avaient pas,

 30 ceux qui pleurent comme s'ils ne pleuraient pas, ceux qui se réjouissent comme s'ils ne se réjouissaient pas, ceux qui achètent comme s'ils ne possédaient pas,

 31 ceux qui tirent profit de ce monde comme s'ils n'en profitaient pas vraiment. Car la figure de ce monde passe.

 

Marc 1

14 Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée. Il proclamait l'Évangile de Dieu et disait:

 15 «Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s'est approché: convertissez-vous et croyez à l'Évangile.»

 16 Comme il passait le long de la mer de Galilée, il vit Simon et André, le frère de Simon, en train de jeter le filet dans la mer: c'étaient des pêcheurs.

 17 Jésus leur dit: «Venez à ma suite, et je ferai de vous des pêcheurs d'hommes.»

 18 Laissant aussitôt leurs filets, ils le suivirent.

 19 Avançant un peu, il vit Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, qui étaient dans leur barque en train d'arranger leurs filets.

 20 Aussitôt, il les appela. Et laissant dans la barque leur père Zébédée avec les ouvriers, ils partirent à sa suite.

Prédication : 

            Nous commençons ici : les bêtes aussi prennent le deuil, et nous ne résistons pas au petit bonheur d’évoquer le gros et le petit bétail, ovins, bovins et caprins revêtant le sac et la cendre et invoquant Dieu avec force. Évocation encore de ces bêtes qui jeûnent et se repentent, et se convertissent de leurs mauvais chemins et de la violence qui reste attachée à leurs sabots, ou à leurs cornes.

            Les bêtes donc auraient une âme, mais pas toutes les bêtes… les chiens, les chats et les canaris… et  nous ne disons rien aujourd’hui des punaises de lit qui pêchent par excès de gloutonnerie et qui, pour autant que nous le sachions, n’éprouvent aucun repentir. Cette question du jeûne des bêtes cependant était considérée avec un peu de sérieux par un professeur que j’ai connu jadis. Il disait : vu la communauté de destin qui existait entre hommes et bêtes, il n’était pas étonnant que ces derniers se trouvent à communier dans une même piété, les animaux peut-être s’exprimant dans le langage des humains, ou les humains s’exprimant dans le langage des animaux. Cette forme de piété, des hommes dans le langage des animaux a été documentée en ce bas monde chrétien au milieu des années 90’s, mais ça n’était pas une nouveauté. En effet, l’écrivain John Steinbeck (1902-1968) l’a repérée en son temps, mise en place dans l’un de romans (A l’est d’Éden ?) ; il y a certaines formes de religion dont la pratique est réservée par Steinbeck systématiquement à des personnes méchantes. Cette histoire donc de bêtes repentantes et pieuses amène en notre esprit plus qu’un sourire. Une question : comment la piété leur vient-elle ? Comment aussi la piété vient-elle à Ninive, aux habitants de Ninive et au roi de Ninive ? Ne sont-ils pas des étrangers, des païens ? Et pourtant ils savent tout de suite quoi faire avec la malédiction proférée par Jonas. Ils savent quoi faire et comment le faire. Et comment cela se fait-il ? Nous pouvons imaginer qu’en des temps très reculés les religions n’étaient pas encore très différenciées – au moins les religions continentales – et qu’il y avait une sorte de fonds commun associé à toutes sortes de variantes avec autant de noms différents, mais une sorte de nom commun Dieu, le nom de ce qu’il fait. Ceci expliquant cela, mais sans trop répondre aux questions que nous nous posons.

            Car nous faisons le constat qu’il – Dieu – est connu des uns et des autres. Qu’il est su quand et comment l’on peut s’adresser à lui pour en obtenir ce qu’on veut. Mais comment cela vient-il aux hommes, nous ne le savons pas, les quelques versets de Jonas que nous avons lus ne nous renseignent pas. C’est là, mais quant à l’origine de ça, nous demeurons ignorants, et notre discours patine, même s’il crée un peu d’espace.

 

            Paul l’apôtre ne s’est jamais contenté de répéter ce que ses prédécesseurs avaient écrit bien avant lui. Et comme certains de ces prédécesseurs étaient déjà de grands écrivains, pas toujours faciles à comprendre, lui-même ne donne pas dans la facilité. Paul, premier écrivain chrétien. Mais qui sont donc ceux qui l’ont précédé ? Et bien, les écrivains de la Loi, des Prophètes et des Écrits, plus toutes sortes de textes hermétiques, plus sans doute des philosophes, et écrits de sagesse, etc. dans lesquels il aura su puiser de quoi produire des énoncés considérables.

            « Que ceux qui ont une femme soient comme ils n’en avaient pas » Point de départ, la condition des femmes dans le monde gréco-latin de ce temps-là… condition lamentable, et prendre une femme venant légaliser un esclavage absolu. Peut-être était-ce la même chose en Galilée et en Judée, peut-être aussi que les Romaines patriciennes avaient certains droits. Comment comprendre ? Prendre une femme, et sortir de soi les manières abominables de l’époque, émanciper donc cette femme mais aussi la garder. Toute une affaire difficile au sein même d’une culture.

            « Que ceux qui pleurent comme s’ils ne pleuraient pas » Pleurer comme ne pleurant pas ? Mais quel est l’objet des larmes ? Car il s’agit de larmes, et pas question qu’elles cessent. Il serait question qu’elles durent ? Sans parler trop vite de Paul, disons que les larmes cessent lorsqu’il en a été suffisamment versé. Mais ça n’est pas ce qui intéresse Paul. Il s’intéresse au temps pendant lequel les larmes coulent encore. Et ce qu’il invente, c’est un temps intermédiaire, pendant lequel une fécondité nouvelle prend place.

            C’est la même méditation avec la joie, mais beaucoup plus facile, la possession idem, et le profit du monde. Et tout cela, dit Paul, « car la figure de ce monde passe » Et bien, ce que dit Paul, et il doit bien avoir des détracteurs, c’est que c’est dans la joie, dans la vitalité reçue, perdue parfois, et retrouvée toujours que s’apprécie la vie. Dans les trois versets qui nous sont proposés n’apparaissent ni le nom de Dieu ni celui du Christ. Nous pouvons bien entendu les y pressentir, mais nous pouvons aussi repenser à ce que nous avons dit avec Jonas et penser à ce Dieu dont la perception première serait en quelque manière innée.

 

            Peut-être. Peut-être quelque chose d’inné mais qu’il faudrait développer afin de le mettre à disposition d’autrui, à disposition de l’Évangile. Peut-être quelque chose qui vous arriverait comme par surcroit, qu’il faudrait développer afin de le mettre à disposition d’autrui, à disposition de l’Évangile… Mais de quelle manière ?

            Des les premiers moments de l’évangile de Marc, quelques indications intéressantes sont données. Des humains seront pris au filet et suivront Jésus. Mais pris de quelle manière ? Le humains seront-ils pris comme des poissons et partageront-ils le sort de ces bestioles comestibles ? Lorsque Jésus annonce à ces gars, pécheurs de poissons de leur état, qu’ils pécheront des hommes, il leur annonce la prudence et le soin qui devront être les leurs, et l’apprentissage qui commence maintenant. Simon et André, Jacques et Jean, l’apprentissage commence là sous le regard, et avec l’exemple, du meilleur des maîtres, Jésus.

            Notre apprentissage, se poursuit aussi.

            Amen