dimanche 12 février 2017

La loi et les prophètes (Matthieu 5,17)

Mais pas seulement un verset de Matthieu, comme on va le voir, et, surtout pas directement un prédication, mais une méditation donnée lors de l'ouverture d'une session de conseil presbytéral.
Deutéronome 15
14 Oui, la parole est toute proche de toi, elle est dans ta bouche et dans ton coeur, pour que tu la fasses.
15 Vois: je mets aujourd'hui devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur,
16 moi qui t’ordonne aujourd'hui d'aimer le SEIGNEUR ton Dieu, de suivre ses chemins, de garder ses commandements, ses lois et ses coutumes.

1 Corinthiens 2
Moi-même, quand je suis venu chez vous, frères, ce n'est pas avec le prestige de la parole ou de la sagesse que je suis venu vous annoncer le mystère de Dieu.
2 Car j'ai décidé de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié.
3 Aussi ai-je été devant vous faible, craintif et tout tremblant:
4 ma parole et ma prédication n'avaient rien des discours persuasifs de la sagesse, mais elles étaient une démonstration faite par la puissance de l'Esprit,
5 afin que votre foi ne soit pas fondée sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu.
6 Pourtant, c'est bien une sagesse que nous enseignons aux chrétiens adultes, sagesse qui n'est pas de ce monde ni des princes de ce monde, voués à la destruction.
7 Nous enseignons la sagesse de Dieu, mystérieuse et demeurée cachée, que Dieu, avant les siècles, avait d'avance destinée à notre gloire.
8 Aucun des princes de ce monde ne l'a connue, car s'ils l'avaient connue, ils n'auraient pas crucifié le Seigneur de gloire.
Prélude à une discussion fraternelle, Corinthe
Matthieu 5
17 Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir.

Méditation :
Ce qui m’intéresse le plus, dans ce verset, c’est l’arrimage opéré par Jésus entre la loi les prophètes. Tout comme on vient de le lire, c’est le verbe « abolir » qui est utilisé, mais ce verbe a aussi le sens de délier. En plus, le petit mot « ou » ne marque pas une séparation entre la loi et les prophètes. Ce n’est pas la loi « ou bien » les prophètes. Utilisé dans la même phrase avec le verbe délier et surtout ensuite avec le verbe accomplir, ce « ou » prend presque la valeur d’un « et ».
Il y a un lien essentiel entre loi et prophètes, un lien tellement essentiel qu’on peut dire que la loi sans les prophètes est nocive, et qu’il est de même pour les prophètes sans la loi.

La loi est nocive sans les prophètes, presque la moitié de l’ancien testament ne parle pas d’autre chose que de cela – et une bonne partie du nouveau testament aussi : dès qu’une parole de Dieu est reçue et qu’elle vient s’incarner dans une forme sociale suffisamment stable (place de justice, Royauté, Temple…), ceux qui gèrent cette forme sociale risquent d’oublier – oublient – le message initial et essentiel. Alors ce qui était parole de Dieu – nous conservons l’expression sans trop l’expliciter – dégénère en une forme dominante, contraignante, et parfois oppressive…
Alors, en face de cela, se dresse parfois un prophète, un homme seul qui conteste, rappelle le message et tâche de corriger ce qui peut l’être… Trois noms, pour illustrer cela : Samuel, face à la vieille dynastie corrompue des juges à Silo (1 Samuel 2,12-4,1) ; Nathan, face à un David plus occupé à satisfaire ses royales pulsions qu’à servir le Seigneur (2 Samuel 12) ; Jérémie, face à des prêtres plus occupés à sauver leurs privilèges qu’à rendre un culte à Dieu (Jérémie 36)…
Dieu est grand de susciter des Prophètes lorsque sa parole est corrompue par ceux à qui elle avait été adressée… 

Mais, puisque Jésus rappelle un arrimage essentiel entre la loi et les prophètes, on peut se demander si les prophètes ne sont pas déjà présents dans la loi. Pour le dire autrement, n’y a-t-il pas une sorte de principe prophétique qui est indiqué même dans la lettre de la loi ?

Le 30ème chapitre du Deutéronome donne ceci :
14 Oui, la parole est toute proche de toi, elle est dans ta bouche et dans ton coeur, pour que tu la fasses.
15 Vois: je mets aujourd'hui devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur,
16 moi qui t’ordonne aujourd'hui d'aimer le SEIGNEUR ton Dieu, de suivre ses chemins, de garder ses commandements, ses lois et ses coutumes.

            Lors du culte de Pentecôte 2016, il était question alors de Lévitique 20, avec sa collection hallucinante de commandements extrêmes, mais au cœur de cette liste, il y a les stupéfiants versets 7 et 8 : le verbe garder, garder la lettre des commandements, des lois, des coutumes, et le verbe faire, garder la lettre n’est pas la même chose que faire, c'est-à-dire mettre en œuvre… (culte de Pentecôte:
http://predicationdejeandietz.blogspot.fr/2016/05/sur-la-sanctification-et-lobservance.html)

            On a ici quelque chose d’un peu semblable, avec le doublet suivre (les chemins du Seigneur) et garder ses commandements, lois et coutumes. Ce n’est pas parce qu’on garde les commandements avec une vigilance de dogue qu’on suit les chemins du Seigneur. Garder, c’est un verbe statique, suivre, un verbe de mouvement…

Le principe prophétique, avec ce verbe suivre est bien présent à l’intérieur même du commandement.

L’arrimage entre loi et prophètes, c’est ce que nous méditons. La loi sans les prophètes peut être totalement nocive et, en quelque manière, notre Seigneur a payé de sa vie de s’être confronté à une loi qui s’était figée, sédimentée, dans l’observance rituelle et surtout dans le pouvoir des prêtres du Temple…

            Paul aura eu à traiter le problème inverse, c'est-à-dire le problème d’un prophétisme oublieux de la loi. Le Saint Esprit avait été répandu fort généreusement sur l’Eglise de Corinthe. Mais les très abondantes bénédictions du Saint Esprit aboutirent là à des conflits destructeurs, sans règles et sans fin… (1 Corinthiens 12-13 et 14), conflits si dramatiques que Paul, mettant en jeu tout son génie d’écrivain, produira cet hymne unique sur l’amour.
Corinthe, c’est l’inspiration sans la règle, c’est le prophétisme sans la loi, la folie sans la sagesse. Paul toutefois, lucide – et un peu fou dans sa foi – grand penseur et grand écrivain – aura l’idée étrange et géniale de parler d’une sagesse, mais comme toute sagesse peut devenir le radotage de gens aigris, amers, voire vindicatifs, Paul parlera d’une sagesse qui n’est pas humaine, il parlera de la sagesse de Dieu.

            « N’imaginez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. »
Loi et prophètes : pas l’un sans l’autre, toujours l’un avec l’autre, l’un dans l’esprit de l’autre, d’un accomplissement toujours espéré, et toujours excessivement fragile…


Puissions-nous être fous et sages, vivre avec la loi et dans l’esprit des prophètes.