Dieu, où est-il ?
Lorsque
Jésus mourut, le voile du Lieu Très Saint se déchira en deux, du haut en bas (Marc 15,38).
Dieu était chez lui dans ce lieu qu’on appelait tout simplement Le Lieu.
Mais
Dieu était-il vraiment présent dans ce seul Lieu et nulle part ailleurs ?
La question de sa présence dans Le Lieu a longtemps – et peut-être même
toujours – agité les esprits. Pendant le temps de l’Exil, lorsque le premier Temple
avait été détruit, où Dieu était-il ? La plupart des dignitaires religieux
de Jérusalem ayant été déportée en Babylonie, Dieu s’y était-il rendu
aussi ? Et avant que l’Arche d’Alliance ne soit déposée dans ce premier
Temple, où Dieu habitait-il ? Les écrits de l’Ancien Testament nous font
témoins de discussions difficiles à ce sujet, et parfois de condamnations et de
ruptures. L’installation exclusive de Dieu au cœur du premier Temple ne s’est
pas faite sans querelles ni sans violence.
Au temps de Jésus, il y avait des synagogues dans tout le
pays, tout autour de la Méditerranée, et jusqu’en Babylonie ; Dieu y
était-il présent ? Puis, lorsque la destruction du deuxième Temple a eu
lieu, en l’an 70 après Jésus Christ, où Dieu est-il passé ?
Lorsque
Jésus meurt et que le voile du Lieu Très Saint se déchire du haut en bas, c’est
l’intimité de Dieu qui est exposée, simultanément en deux lieux : dans le
Temple, où plus rien n’est dissimulé, et à la Croix, où tout est exhibé,
l’incarnation de Dieu dans sa brutale nudité. Telle est la croix ! L’auteur
de l’évangile de Marc a la conviction qu’à partir de la mort de Jésus, Dieu
n’est plus à rechercher dans des Lieux Saints ou Très Saints, ni dans aucun
lieu de pèlerinages, ni dans aucun lieu de dévotions. Dieu doit être recherché
là où Jésus se manifeste. C'est-à-dire là où Jésus souffre et meurt, mais aussi
là où Jésus prêche, enseigne, accompagne et soulage la souffrance.
La pâte humaine, la vie humaine, le corps humain abîmé, le
corps humain dévoué au service de ses semblables, tel devient alors le Temple
de Dieu, et telle sera désormais, et pour toujours sa demeure. Cette pensée a
connu de multiples expressions. Elle a été mise en musique par Bach, un peu
avant la fin de la Passion selon Matthieu : « Purifie-toi, mon cœur.
Je veux ensevelir Jésus moi-même. Car il doit, dès maintenant et pour toujours,
avoir en moi son doux repos. Monde, va-t-en ! Laisse Jésus
entrer ! »
Dieu, où est-il ? Nul n’a
attendu le commencement de la pandémie de Covid-19 pour se poser la question. Dieu,
depuis que nous sommes confinés, depuis que la pandémie s’est installée, n’est
pas parti ailleurs. Il est là où il a toujours été. Les lieux où il est présent
se sont même multipliés. Il est là où des équipes médicales travaillent
d’arrache-pied pour la guérison de leurs semblables. Il est là où le moindre
geste est accompli qui soulage, qui aide. J’aime à l’imaginer présent là où
l’on tire l’aiguille pour la confection de masques. Là où l’on maintient
possible le ravitaillement de la population.
Dieu
est là aussi où l’on pleure ceux-là qui ne sont plus. Discrète présence divine,
et sérieux accompagnement humain se sont unis pour cheminer dans la tristesse,
avec les modestes moyens qui sont à notre disposition en ce moment.
Lorsque les temps en seront venus, nous pourrons organiser
des cérémonies pour dire, une fois encore, notre reconnaissance à Dieu. Il sera
temps aussi de revenir à la célébration publique du culte. Mais, pour l’heure,
il nous faut encore un peu attendre.
Pasteur Jean DIETZ, 6 mai 2020