samedi 22 mai 2021

Pentecôte, les structures de l'Eglise et puis le Saint Esprit

 

Actes 2 

1 Quand le jour de la Pentecôte arriva, ils se trouvaient réunis tous ensemble. 2 Tout à coup il y eut un bruit qui venait du ciel comme le souffle d'un violent coup de vent: la maison où ils se tenaient en fut toute remplie; 3 alors leur apparurent comme des langues de feu qui se partageaient et il s'en posa sur chacun d'eux. 4 Ils furent tous remplis d'Esprit Saint et se mirent à parler d'autres langues, comme l'Esprit leur donnait de s'exprimer.

5 Or, à Jérusalem, résidaient des Juifs pieux, venus de toutes les nations qui sont sous le ciel. 6 À la rumeur qui se répandait, la foule se rassembla et se trouvait en plein désarroi, car chacun les entendait parler sa propre langue. 7 Déconcertés, émerveillés, ils disaient: «Tous ces gens qui parlent ne sont-ils pas des Galiléens? 8 Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle? 9 Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, du Pont et de l'Asie, 10 de la Phrygie et de la Pamphylie, de l'Égypte et de la Libye cyrénaïque, ceux de Rome en résidence ici, 11 tous, tant Juifs que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons annoncer dans nos langues les merveilles de Dieu.»

Prédication :

            7 semaines se sont écoulées depuis Pâques. Et pendant les dimanches qui ont ponctué ces 7 semaines, nous avons été invités à lire des textes issus des Actes des Apôtre, des textes de l’évangile de Jean, et de la première épitre de Jean. Que retenons-nous de ces textes ? Nous retenons (je retiens) que ces textes proposaient une mise en place, la mise en place d’une structure d’Eglise, fondée sur le Christ, habitée par l’amour, évidemment, mais dominée par les Douze, et surtout dominée par Pierre.

            Nous avons bien repéré que Luc, l’auteur d’un évangile et des Actes, interrogeait cette structure. Mais son interrogation n’est pas une contestation ouverte (Luc est un écrivain trop avisé pour mettre en place une telle contestation ; si d’ailleurs il l’avait fait, ses livres ne seraient simplement pas dans la Bible).

            Quoi qu’il en soit, après 6 dimanches, la structure apostolique étant bien en place, nous sommes invités à lire ce récit tellement connu : des Galiléens, autant dire des ploucs, pris d’une émotion considérable, se mettent à produire des sons qui s’avèrent être des énoncés des merveilles de Dieu exprimés dans toutes les langues, dialectes et idiomes parlés à Jérusalem par une foule cosmopolite de pèlerins. Ces Galiléens, compagnons de route de Jésus, et certainement aussi ses Apôtres attitrés, sont « remplis du Saint Esprit », ou encore « revêtus de puissance » (Luc 24:49).

            Comment ne pas se réjouir de l’accomplissement d’une promesse faite par Jésus Christ Ressuscité ? Réjouissons-nous.

            Réjouissons-nous, et réfléchissons un peu. Nous venons de lire 11 versets des Actes des Apôtres qui célèbrent en quelque manière la venue du Saint Esprit et l’étonnement que provoque cette venue. Et juste après ces 11 versets, va venir un enseignement de Pierre qui dure 22 versets, deux fois plus que l’événement. Ce discours est très sophistiqué, très démonstratif, voire normatif, et semble n’avoir été prononcé qu’une une seule langue. Peu importe aujourd’hui le contenu de ce discours.

            Car ce qui importe, c’est la fonction de discours : c’est un discours qui unit. Autant l’onction de Saint Esprit était une manifestation qui individualisait à l’extrême les uns et les autres, autant le discours de Pierre collectivise, met chacun et chacune en totale égalité. Autant l’onction d’Esprit Saint conduisait à la production d’un florilège d’expressions des merveilles de Dieu, autant le discours de Pierre se donne comme premier, seul, originaire… énoncé de la foi chrétienne.

            Que nous faut-il penser de cela, c'est-à-dire de ces deux formes si extraordinairement différentes d’expression ?

             De la première d’abord, celle correspondant à l’expérience de Pentecôte, nous dirons qu’elle a l’immense avantage de mettre tous les croyants exactement à égale proximité de Dieu, et à égale compétence s’agissant de parler de Lui. Mais nous devons voir tout de même un inconvénient assez grave. C’est que cette expérience a une dimension collective, mais qu’elle n’est pas une expérience communautaire. Chacun vit sa propre émotion, celle de parler ou celle d’entendre, mais sans dialogue possible. Il faudrait du langage commun mais, à cette étape, celle du commencement de la formation de la communauté, il n’a pas de langage commun. Et supposons qu’il n’y ait rien d’autre qui se passe à Pentecôte, une fois l’émotion passée, une fois que les uns seraient essoufflé, et les autres las, chacun rentrerait chez soi retrouver celles et ceux de son ethnie…

            Il manque du langage commun ; au comblement de ce manque Pierre va pourvoir. Le langage commun, en religion, peut porter divers noms, comme liturgie, ou catéchisme, ou étude biblique... Pierre, le jour de Pentecôte, donne, nous l’avons déjà dit, un catéchisme de 22 versets ; Pierre, si j’ose dire, parle plus longtemps que le Saint Esprit. Et le discours qu’il fait, dans une langue commune, va permettre de commencer à constituer et à structurer la première communauté chrétienne. De cela nous pouvons nous réjouir. Mais – car il y a un mais – ce premier catéchisme qui structure si bien la première communauté, ne risque-t-il de devenir un discours unique, obligatoire, propriété exclusive du collège des Apôtres et surtout de Pierre ?

            Il sera clair, dans la suite des Actes des Apôtres, que le plus souvent, le Saint Esprit débordera certaines des structures mises en place... Mais il sera clair aussi que, parfois, ce sont des groupes structurés qui sauveront des messagers de la nouveauté.

            Et tout ceci nous interdit d’être pessimistes. Il n’y a pas seulement deux modèles d’Église possible, l’Église nébulisée, celle de l’expérience de Pentecôte, et l’Église bétonnée, celle du discours de Pierre. Il n’y a pas deux impasses, il n’y a que des éléments contingents, et des chemins possibles. Ni les Églises, ni les gens, ne sont tout l’un ou tout l’autre. Il y a  toujours des changements possibles.

            Oui, dans l’histoire des Églises, il a pu y avoir des temps de sclérose, des temps de confiscation de la parole, des temps où Christ n’était plus l’unique Seigneur de l’Eglise. Mais dans d’autres temps, il y a eu des réformateurs, c'est-à-dire des hommes, et des femmes, capables de retrouver le dynamisme de la parole première et de traduire ce dynamisme en des catéchismes nouveaux.

             Nous arrivons aujourd’hui à la fin de quelque chose, à la fin d’une méditation sur l’Église, ses discours, ses structures. Ceux qui ont choisi les textes que nous avons médités nous ont proposé de construire les structures de l’Église avant que vienne l’Esprit. Ces gens-là appartiennent à de grosses Églises, des Églises avec d’importantes structures, avec d’importants clergés. Et c’est ainsi que font ces grosses et grandes Églises… Tout se passe comme s’il fallait dire que les structures précèdent le message. Alors qu’un homme seul tendra toujours à dire que le message précède les structures ; c’est ce qu’affirmait Luther au tout début de son parcours de Réformateur, mais qu’il n’affirma plus lorsque la Réforme eut pris un peu d’ampleur.

           

            Où en est l’Église, au sens le plus large, celle que Dieu seul connaît ? Dieu le sait. Où en est notre Église ? Elle en est à Pentecôte, moment d’étonnement, et moment aussi de consolidation. Moment pour considérer qu’en même temps le Seigneur est parti, et qu’en même il nous accompagne par son esprit. Moment de creusement et moment de plénitude. Amen