samedi 17 avril 2021

Liberté de l'homme, souveraineté de Dieu (Luc 24:35-48 ; Actes 3:13-19 ; 1Jean 2:1-5)

Luc 24 

35 Et eux racontèrent ce qui s'était passé sur la route et comment ils l'avaient reconnu à la fraction du pain.

36 Comme ils parlaient ainsi, Jésus fut présent au milieu d'eux et il leur dit: «La paix soit avec vous.» 37 Effrayés et remplis de crainte, ils pensaient voir un esprit. 38 Et il leur dit: «Quel est ce trouble et pourquoi ces objections s'élèvent-elles dans vos cœurs? 39 Regardez mes mains et mes pieds: c'est bien moi. Touchez-moi, regardez; un esprit n'a ni chair, ni os, comme vous voyez que j'en ai.» 40 À ces mots, il leur montra ses mains et ses pieds. 41 Comme, sous l'effet de la joie, ils restaient encore incrédules et comme ils s'étonnaient, il leur dit: «Avez-vous ici de quoi manger?» 42 Ils lui offrirent un morceau de poisson grillé. 43 Il le prit et mangea sous leurs yeux.

44 Puis il leur dit: «Voici les paroles que je vous ai adressées quand j'étais encore avec vous: il faut que s'accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes.» 45 Alors il leur ouvrit l'intelligence pour comprendre les Écritures, 46 et il leur dit: «C'est comme il a été écrit: le Christ souffrira et ressuscitera des morts le troisième jour, 47 et on prêchera en son nom la conversion et le pardon des péchés à toutes les nations, à commencer par Jérusalem.

48 C'est vous qui en êtes les témoins.

 1 Jean 2

1Mes petits enfants, je vous écris cela pour que vous ne péchiez pas. Mais si quelqu'un vient à pécher, nous avons un défenseur devant le Père, Jésus Christ, qui est juste; 2 car il est, lui, victime d'expiation pour nos péchés; et pas seulement pour les nôtres, mais encore pour ceux du monde entier. 3 Et à ceci nous savons que nous le connaissons: si nous gardons ses commandements. 4 Celui qui dit: «Je le connais», mais ne garde pas ses commandements, est un menteur, et la vérité n'est pas en lui. 5 Mais celui qui garde sa parole, en lui, vraiment, l'amour de Dieu est accompli; à cela nous reconnaissons que nous sommes en lui.

Actes 3 

13 «Le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères, a glorifié son Serviteur Jésus que vous, vous aviez livré et que vous aviez refusé en présence de Pilate décidé, quant à lui, à le relâcher. 14 Vous avez refusé le Saint et le Juste, et vous avez réclamé pour vous la grâce d'un meurtrier. 15 Le Prince de la vie que vous aviez fait mourir, Dieu l'a ressuscité des morts - nous en sommes les témoins. 16 Grâce à la foi au nom de Jésus, ce Nom vient d'affermir cet homme que vous regardez et que vous connaissez; et la foi qui vient de Jésus a rendu à cet homme toute sa santé, en votre présence à tous. 17 «Cela dit, frères, c'est dans l'ignorance, je le sais, que vous avez agi, tout comme vos chefs. 18 Dieu, lui, avait d'avance annoncé par la bouche de tous les prophètes que son Messie souffrirait et c'est ce qu'il a accompli. 19 Convertissez-vous donc et revenez à Dieu, afin que vos péchés soient effacés:

Prédication

            Aujourd’hui, de nouveau, le choix des textes du lectionnaire dimanches et fêtes nous propose un récit d’apparition du Ressuscité, et un discours d’Apôtre.

            Le discours, c’est une partie du discours tenu par Pierre au Temple de Jérusalem, après Pentecôte, et après la guérison accomplie par Pierre sur le chemin du Temple.

            L’apparition, c’est celle qui advient dans l’évangile de Luc juste après que deux disciples soient revenus d’Emmaüs à Jérusalem pour annoncer aux Onze leur rencontre avec le Ressuscité. Au sujet d’ailleurs de cette apparition, lorsque les deux disciples retrouvent les Onze, avant même qu’ils fassent leur récit, on leur dit : « C’est vrai, le Seigneur est ressuscité, et il a été vu par Pierre » (ici, je ne peux pas suivre la traduction de la TOB qui propose il s’est montré à Pierre, traduction qui fait de Pierre quasiment l’élu du Seigneur).

            Pourquoi ces choix de textes ? Le Ressuscité ne cesse d’apparaître aux Onze, et l’on parvient à distinguer qu’il apparaît préférentiellement à Pierre. Quant aux discours de Pierre, qui dans les Actes des Apôtres trouvent leur place après la Pentecôte, ils sont ici ramenés dans le temps des apparitions du Ressuscité. Le tout pour marquer que, dès l’origine, c'est-à-dire dès la résurrection, le Seigneur ressuscité voulait que son Eglise soit apostolique, et que Pierre joue le rôle prééminent dans cette Eglise. L’insistance sur le nom de Pierre prend quasiment l’allure d’un commandement, et le petit fragment de la première épître de Jean précise, d’une manière impérieuse, ce que nous devons faire de ce commandement : l’observer, le garder, le mettre en pratique, sous peine d’être déclaré menteur.

            Tout choix de texte est porteur de son intention propre. Et s’agissant des évangiles et des Actes des Apôtres, la primauté de Pierre apparaît clairement. Est-ce pour proclamer sa primauté, sans autre forme de discussion ? Ou est-ce pour la constater et pour la mettre en perspective ? Ou encore est-ce pour en montrer les failles et aider les générations à répondre à la question de la succession de Pierre ?

            Nous affirmons que nous sommes tous successeurs de Pierre et témoins du Ressuscité. Et nous allons maintenant méditer sur certains éléments de ce témoignage. 

            Nous commençons par revenir au Temple de Jérusalem, là où Pierre tient le discours dont nous avons lu un fragment. Le Temple de Jérusalem était un lieu où l’on sacrifiait à Dieu pour toutes sortes de raisons dont une, le pardon des péchés. Si le Temple de Jérusalem était le seul lieu où, moyennant un sacrifice, on pouvait obtenir de Dieu le pardon des péchés, c’était déjà discuté en ce temps-là. Ça l’était au moins depuis le temps de l’Exil, au moins quatre siècles plus tôt. Nous pouvons même penser que, dès qu’il y a eu quelque part un Temple dédié à Dieu, la question de savoir si ce lieu était, ou pas, le seul lieu… a été posée et discutée. Une discussion intéressante déjà, puisqu’elle revient un peu à poser la question du lieu où Dieu est présent. Mais ce n’est pas encore le plus important. Car le plus important est de savoir si Dieu pardonne, et pourquoi il le fait. Dieu a-t-il besoin d’un sacrifice accompli parfaitement selon les règles pour pardonner ? La première réponse que nous donnons, c’est oui. La forme des sacrifices est inscrite dans la Loi, elle a été donnée par Moïse et procède donc de Dieu. Le sacrifice doit avoir lieu afin que Dieu efface les péchés.

            Évidemment, il s’est toujours trouvé des prophètes, pour interroger la probité des prêtres, la sincérité des fidèles et la souveraineté divine. Et pour affirmer donc, que Dieu ne subordonne jamais son pardon à la réalisation d’une action humaine, et que ce qui compte de manière suréminente c’est ce qu’il y a dans le cœur de l’homme. Mais qui sait ce qu’il y a dans le cœur de l’homme ? Il reste donc que pour l’homme, pour le fidèle, Dieu pardonne comme et quant il veut ; ce qui ne signifie absolument pas que le fidèle soit dispensé de s’interroger. Le Temple et ses traditions ont bien sûr une fonction… mais pas un pouvoir – pas ce pouvoir là en tout cas. Si pardon il y a, il relève de la seule volonté de Dieu.

            (1) Dans son rapport au Temple de Jérusalem, Jésus aura été du côté des prophètes, il aura discuté la nécessité du Temple, la probité de ceux qui en vivaient. Une fois ressuscité, et après avoir mangé, il leur dit « Voici les paroles que je vous ai adressées lorsque j’étais encore avec vous : "il faut que soit accompli tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes." » Quoi donc ? Où est-il dit ceci, et cela ? Et sans doute les disciples, comme nous probablement, de rechercher le nom de Jésus dans les écrits anciens, de rechercher des chaînes de correspondances, des listes de versets qui seraient, en somme, contraignantes comme peut l’être une démonstration, contraignantes pour les fidèles, pour le Messie, et pour Dieu.

            (2) « Alors il ouvrit leur esprit à l’intelligence des Écritures » (Bible de Jérusalem). Nous aimerions, bien entendu, connaître les propos qui sont sous cette expression. Mais nous ne les connaitrons jamais. Ce qui est en question ici ne relève pas d’une science des Écritures mais de l’intelligence des Écritures, de l’appréhension au long fil du texte du grand projet divin dont parlent les Écritures, d’une humanité destinée à être libérée des servitudes religieuses, d’un messager toujours vivant de cette promesse toujours actuelle, promesse pour les peuples et pour les personnes…

            (3) Et nous continuons la lecture : « C’est comme il a été écrit : le Christ souffrira et ressuscitera des morts le troisième jour, et, en son nom, sera proclamée la conversion en vue du pardon des péchés à toutes les nations, à commencer par Jérusalem (…). » Ici, nous devons être prudents. Dans ce que Jésus dit, nous risquons de retrouver un lien de nécessité entre conversion et pardon des péchés. Jésus, envoyant en mission ses disciples, n’aurait-il rien d’autre à leur dire que ce qui est dit déjà par le Temple ? Non. La conversion dont parle Jésus, conversion qui vient avec l’intelligence des Écritures, ne peut pas être une conversion à l’arithmétique du Temple, et le pardon dont il parle ne peut pas non plus être le pardon des fidèles offrant des sacrifices. L’objet de la conversion n’est pas un pardon personnel, mais un pardon universel et personnel. Un pardon qui ne peut pas être expliqué sans contradiction ruineuse ; un pardon dont il est possible de témoigner pour autant qu’on vive librement, et qui ne peut être que proclamé, et jamais démontré. 

            Avec ceci, nous revenons à Pierre, Actes 3, parlant aux fidèles du Temple de Jérusalem. Pierre y accumule les titres divins et christologiques, il parle de la puissance du Nom comme on le fait encore aujourd’hui en Judaïsme, pour éviter de prononcer à tort le nom de Dieu… Il explique à ces gens que c’est par ignorance qu’ils sont rejeté Jésus. Et les appelle à la conversion et à revenir à Dieu, afin que leurs péchés soient effacés.

            Après tout ce que nous avons dit sur les effets, les causes, et le bon vouloir de Dieu, nous nous retrouvons, avec le discours de Pierre, comme au point de départ. Et en consultant quelques traducteurs, nous trouvons même que la conversion et le retour à Dieu sont nécessaires pour que Dieu puisse pardonner… Le discours de Pierre aux fidèles du Temple, même s’il supprime les sacrifices nécessaires pour apporter le pardon divin, maintient en l’état l’arithmétique du Temple. Pierre, c’est le Temple moins les sacrifices. Mais où est l’Évangile ? Où sont la liberté de Dieu et la liberté de l’homme, qui sont si proches de l’Évangile ? Ce qui arrive à Pierre, est-ce propre à Pierre, ou est-ce le signe que l’Évangile est fragile, qu’il est toujours menacé d’être repris par des formes contraignantes de pensée et de religion ?

            Arrivés à ce point de notre méditation, il nous faudrait reprendre, un à un, les discours de Pierre, et regarder si les discours de Pierre évoluent, si la question de la liberté de Dieu et de la liberté de l’homme est traitée d’une manière différente lorsque du temps aura passé.

            Il y a une chose aussi que nous pouvons faire, mais pas maintenant, en tout cas pas pendant ce sermon, et pas publiquement, c’est réfléchir à cette liberté, la nôtre vis-à-vis de Dieu et ce qu’on dit de lui, et la sienne dans notre relation avec lui.

Amen.