samedi 3 avril 2021

« Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice. Lettre pastorale du 17 mars 2021 - avec mes excuses

« Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, le royaume des cieux est à eux »

 

Dans notre précédente lettre, nous avons évoqué ceux qui ont faim et soit de la justice et qui, promesse de Jésus, seront rassasiés. Quand donc le seront-ils ? A la fin des temps sans doute, lors de l’avènement du Christ en gloire, quand Dieu, établissant sa divine justice, fera toutes choses nouvelles.

Mais l’avènement du Christ en gloire ne se produit pas avant l’avènement du Christ en croix. La croix commence à l’Annonciation, selon l’évangile de Luc ; selon l’évangile de Jean, elle commence bien plus tôt encore. Renonçant à sa condition divine, renonçant à tout savoir et à tout pouvoir divins, Il choisit de vivre dans le monde concret, monde de dominants et de dominés, monde d’exploitants et d’exploités, d’hommes libres et d’esclaves, monde dans lequel certains rendent grâces à Dieu d’être aussi bien nés, et d’autres, n’osant pas même lever la tête, implorent la pitié de Dieu. Dans le monde où vivait Jésus, où était la justice ? Elle fut au moins là où Jésus la rendit, là où il guérit, là où il nourrit, là où il ne s’arrêta ni à la condition ni au faciès ; elle fut là où il contesta activement tout ce qui était réputé divin et inamovible. Et nous savons le prix qu’il paya pour cette justice. Nous pouvons dire : « Heureux Celui qui fut persécuté pour la justice, le royaume des cieux est à lui. »

Pour l’avoir vu en croix, nous le voyons aussi en gloire, même si, un jour, nous l’avons vu maudire un malheureux figuier qui, hors saison, ne portait pas de fruits (Marc 11). Nous voulons nous en souvenir, ne pas oublier que le monde de la croix, le monde dans lequel vivait Jésus et dans lequel nous vivons, est un monde complexe. Celui qui fait œuvre de justice peut aussi maudire. Que Jésus ait maudit le figuier, et les pharisiens, cela l’exclut-il du champ de la huitième Béatitude ? Nous pouvons prolonger cette réflexion en pensant à Martin Luther, à qui nous devons le Traité de la liberté du Chrétien, et l’opuscule Contre les meurtriers et les hordes de paysans voleurs ; en pensant au pasteur Martin Niemöller, figure majeure de la résistance au nazisme, et capitaine de sous-marin pendant la guerre de 14-18 ; à Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la Paix et à la défense des Rohingyas. En poursuivant dans cette veine, trouverions un seul persécuté pour la justice dont l’existence aurait été sans ombres ni détours ?

Que dit la huitième Béatitude ? Elle proclame bienheureux ceux qui sont persécutés pour la justice. Nous ne pensons pas que la béatitude soit la récompense de la persécution. Nous pensons plutôt que la quête de la justice correspond à la sanctification du nom de Dieu (première demande du Notre Père). La quête de la justice est, sur la terre comme au ciel, inséparablement associées à la béatitude. Il faut certainement de l’endurance et de la pugnacité pour œuvrer pour la justice, mais le cœur demeure en paix. A ces bienheureux il n’est pas fait promesse que le royaume des cieux sera à eux, un jour, plus tard, au moment du grand jugement, en reconnaissance de leurs mérites ; il est affirmé qu’ici et maintenant, le royaume des cieux est à eux, dans leur quête et dans leur action.

Le royaume des cieux, unité du cœur, de l’engagement et de l’action, peut-il être perdu ? Nous pensons que lorsque le combat se poursuit, il arrive que certains faiblissent. Mais en associant comme elle le fait des choses d’en bas et des choses d’en haut, la huitième des Béatitudes nous propose de considérer que la justice est créable et indestructible. La justice appelle la justice, même lorsque les mouvements de l’histoire semblent tout détruire et emporter les plus faibles dans la tourmente, la justice demeure.

    

Pasteur Jean DIETZ, 12 mars 2021

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