jeudi 17 octobre 2024

Méditation proverbiale (Marc 10,17-31)


 Proverbes 3

13 Heureux qui a trouvé la sagesse, qui s'est procuré la raison!

 14 Car sa possession vaut mieux que possession d'argent et son revenu est meilleur que l'or.

 15 Elle est plus estimable que le corail, et rien de ce que l'on peut désirer ne l'égale.

 16 Dans sa droite, longueur de jours, dans sa gauche, richesse et gloire.

 17 Ses voies sont des voies délicieuses et ses sentiers sont paisibles.

 18 L'arbre de vie c'est elle pour ceux qui la saisissent, et bienheureux ceux qui la tiennent!

 19 Le SEIGNEUR a fondé la terre par la sagesse, affermissant les cieux par la raison.

 20 C'est par sa science que se sont ouverts les abîmes et que les nuages ont distillé la pluie.

 Hébreux 4

12 Vivante, en effet, est la parole de Dieu, énergique et plus tranchante qu'aucun glaive à double tranchant. Elle pénètre jusqu'à diviser âme et esprit, articulations et moelles. Elle passe au crible les mouvements et les pensées du coeur.

 13 Il n'est pas de créature qui échappe à sa vue; tout est nu à ses yeux, tout est subjugué par son regard. Et c'est à elle que nous devons rendre compte.

 Marc 10

17 Comme il se mettait en route, quelqu'un vint en courant et se jeta à genoux devant lui; il lui demandait: «Bon Maître, que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle en partage?»

18 Jésus lui dit: «Pourquoi m'appelles-tu bon? Nul n'est bon que Dieu seul.

19 Tu connais les commandements: Tu ne commettras pas de meurtre, tu ne commettras pas d'adultère, tu ne voleras pas, tu ne porteras pas de faux témoignage, tu ne feras de tort à personne, honore ton père et ta mère.»

20 L'homme lui dit: «Maître, tout cela, je l'ai observé dès ma jeunesse.»

21 Jésus le regarda et se prit à l'aimer; il lui dit: «Une seule chose te manque; va, ce que tu as, vends-le, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel; puis viens, suis-moi.»

 

Jésus le regarda et se prit à l'aimer; il lui dit : «Après (tout cela) il reste une chose ; va, ce que tu as, vends-le, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel; puis viens, suis-moi.»

22 Mais à cette parole, il s'assombrit et il s'en alla tout triste, car il avait de grands biens.

 

23 Regardant autour de lui, Jésus dit à ses disciples: «Qu'il sera difficile à ceux qui ont les richesses d'entrer dans le Royaume de Dieu!»

24 Les disciples étaient déconcertés par ces paroles. Mais Jésus leur répète: «Mes enfants, qu'il est difficile d'entrer dans le Royaume de Dieu!

25 Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu.»

26 Ils étaient de plus en plus impressionnés; ils se disaient entre eux: «Alors qui peut être sauvé?»

27 Fixant sur eux son regard, Jésus dit: «Aux hommes, c'est impossible, mais pas à Dieu, car tout est possible à Dieu.»

 

28 Pierre se mit à lui dire: «Eh bien! nous, nous avons tout laissé pour te suivre.»

29 Jésus lui dit: «En vérité, je vous le déclare, personne n'aura laissé maison, frères, sœurs, mère, père, enfants ou champs à cause de moi et à cause de l'Évangile,

30 sans recevoir au centuple maintenant, en ce temps-ci, maisons, frères, sœurs, mères, enfants et champs, avec bien des poursuites, et dans le monde à venir la vie éternelle.

31 Beaucoup de premiers seront derniers et les derniers seront premiers.»

Dialogue des Carmélites Bernanos (1888-1948) (Poulenc 1899-1963)

(La Prieure et Blanche se parlent de part et d’autre de la double grille. Madame de Croissy, la Prieure, est une vieille femme, visiblement malade. Au lever du rideau, elle essaie maladroitement de rapprocher son fauteuil de la grille.)

LA PRIEURE

N’allez pas croire que ce fauteuil soit un privilège de ma charge, comme le tabouret des duchesses ! Hélas ! par charité pour mes chères filles qui en prennent si grand soin, je voudrais m’y sentir à mon aise. Mais il n’est pas facile de retrouver d’anciennes habitudes depuis trop longtemps perdues, et je vois bien que ce qui devrait être un agrément ne sera jamais plus pour moi qu’une humiliante nécessité.

BLANCHE

Il doit être doux, ma Mère, de se sentir si avancée dans la voie du détachement qu’on ne saurait plus retourner en arrière.

LA PRIEURE

Ma pauvre enfant, l’habitude finit par détacher de tout. Mais à quoi bon, pour une religieuse, être détachée de tout, si elle n’est pas détachée de soi-même, c’est-à-dire de son propre détachement ?

prédication : Autun, 11 octobre 2015 – Vincennes 13 octobre 2024

            Pierre a tout quitté, et l’homme riche n’a rien quitté. De ce point de vue, ils semblent tout à fait différents l’un de l’autre. Pourtant, il y a quelque chose qui fait que l’un et l’autre sont extraordinairement ressemblants. Nous allons nous mettre en quête de cette chose.

 

Nous nous intéressons au 21ème verset. Jésus dévisagea l’homme qui était venu pour l’interroger, et l’aima ; il lui dit « Une seule chose te manque… » Sans doute avons-nous toujours lu que quelque c       hose manquait à cet homme ; presque tous les traducteurs le comprennent ainsi. Manquer, cela signifie qu’il y a quelque chose en moins, un vide, et une autre chose qu’on ajouterait viendrait combler ce vide. Et nous savons ce qu’il conviendrait que cet homme ajoute à sa vie.

            Si cet homme, dont la liste des bonnes actions est déjà considérablement longue, ajoutait à cette liste le fait de tout vendre, de tout donner aux pauvres, et de suivre Jésus, il atteindrait dès ici-bas cette forme de béatitude à laquelle il n’aspire pourtant que pour l’au-delà. Cet homme deviendrait alors le modèle parfait du disciple de Jésus Christ, un modèle qu’il nous faudrait suivre, qu’il nous faut suivre, pour notre bonheur, présent, et à venir.

 

            C’est assez tentant, n’est-ce pas, de le prendre ainsi. Mais cela pose deux problèmes.

Le premier, c’est que ce modèle de pauvreté volontaire n’est pas celui que nous avons suivi. Nous ne sommes pas devenus pauvres, pèlerins et vagabonds sur la terre à cause de Jésus Christ Fils de Dieu ; nous sommes restés propriétaires de nos maisons, de nos autos, nous touchons nos salaires et nos pensions et nous sommes sédentaires. Pour la vie éternelle, nous sommes déjà fichus…

Le second problème, c’est que les disciples de Jésus, et Pierre, l’ont fait, ils ont tout laissé et que, s’agissant au moins de Pierre, cela produit une sorte de « Nous nous l’avons fait-euh, nananère ! » qui est du plus mauvais aloi. Il laisse à présager un « nous nous l’avons fait » qui servira tôt ou tard de fondement à des exigences considérables, « vous, vous devez le faire, sinon vous ne serez jamais sauvés, ni estimés, ni reconnus… ».

L’homme qui interroge Jésus en a encore trop, c’est bien ce qu’on entend dire, mais rien ne dit que s’il laissait tout il n’en aurait pas encore de trop ; nous voyons bien que Pierre qui a tout laissé, en a manifestement encore beaucoup trop en trop. Pierre et l’homme riche en sont, de ce point de vue, exactement au même point.

 

            Est-il approprié de parler de manque lorsqu’on en a encore tant en trop ? Peut-on parler de manque, lorsque ceux qui accomplissent toutes les prescriptions, même les plus abrasives, ont encore manifestement quelque chose en trop ? Peut-on parler de manque si chaque bonne action accomplie charge son auteur d’un poids supplémentaire de satisfaction orgueilleuse ? Si l’homme qui interroge Jésus accomplissait ce que Jésus lui commande, vendre, donner, partir, il en aurait certes beaucoup moins, mais il en aurait encore de reste, de ce même reste qui encombre Pierre.

 

            Que faut-il conclure ? En nous appuyant sur ce qui précède, en nous appuyant aussi sur la langue grecque de l’évangile, nous relisons le 21ème verset, celui par lequel nous avons commencé. Jésus le dévisagea et l’aima ; il lui dit : « Une chose te reste… » Et nous allons méditer sur ce reste.

Quel est ce reste, qui concerne finalement autant Pierre que l’homme qui interrogeait Jésus ? Quel est ce reste dont la disparition du bagage de cet homme, serait le commencement réel si ce n’est de la vie éternelle du moins d’une certaine félicité (celle que Jésus appelle Royaume de Dieu) ? S’agissant de cet homme, le reste est assez évident, et même colossal : ses biens ! Mais nous avons vu que, même après avoir laissé ses biens, s’agissant de Pierre, il y a encore du reste, un reste sans doute immatériel, puisque Pierre et les autres disciples ont déjà tout laissé, mais un reste tout de même.

Ce qui caractérise ce reste, c’est que Pierre se met en avant ; il se met en avant comme quelqu’un qui a fait quelque chose, commandé par Jésus, quelque chose que les autres, l’homme riche, les riches, auraient dû faire, et n’ont pas fait. Cette chose ? Souvenons-nous de l’appel des disciples… oui, sur un appel de Jésus, ils ont laissé leurs filets, tout ce qu’ils avaient, et l’ont suivi. Mais ce choix, et la manière de vivre qui va avec ce choix, peut-il être mis en avant, par celui qui l’a fait, comme un choix supérieur, voire le seul choix possible ? L’appel à une vie particulière, que Jésus adresse à tel ou tel, peut-il être mis en avant par celui qui l’entend et y répond, comme seul appel possible à la seule vie bénie possible ?

L’appel du Christ est adressé à chacun par le Christ, et il appartient à chacun d’y répondre, ou de ne pas y répondre. S’agissant de Pierre, c’est un appel au détachement, à un détachement radical. Jusqu’où ce détachement doit-il aller ? Lorsque Pierre met en avant son détachement, il rend évident qu’il est détaché de tout, sauf de son détachement. Son détachement est encore ce qu’on pourrait appeler une œuvre, quelque chose dont il se prévaut. Alors nous nous disons au sujet de Pierre : A quoi bon être détaché de tout, si l’on met ainsi en avant son propre détachement ? Oui, en reprenant Bernanos, « à quoi bon, pour un disciple de Jésus Christ, être détaché de tout, s’il n’est pas détaché de soi-même, c’est-à-dire de son propre détachement ? »

Ce qui apparaît clairement, c’est que ce détachement parfait porte, dans le texte que nous méditons, les superbes noms de « trésor dans le ciel »,  et de « vie ». Mais est-il possible aux êtres humains de gagner eux-mêmes ce trésor, d’atteindre ce détachement par leurs propres forces ? Pour Pierre, à l’évidence, ça n’est pas gagné. Pour Jacques et Jean, qui vont, quelques instants plus tard, réclamer à Jésus des places de faveur, ça n’est pas gagné non plus. Tant qu’un disciple de Jésus Christ accomplit quoi que ce soi, au titre de sa foi, en espérant de ce qu’il accomplit une certaine rétribution personnelle, ça n’est pas gagné. Tant qu’il ne remet pas entièrement et totalement à Dieu le fruit de ses actes, ça n’est pas gagné.

Est-ce jamais gagné ? En a-t-on jamais fini avec ce reste ? Lorsque le crucifié crie vers le ciel son désespoir et son abandon, ça n’est pas gagné. Jésus Christ est un homme et, comme nous le lisons, aux hommes cela est impossible… aux hommes cela est impossible et pourtant cela est possible, car à Dieu cela est possible.

 

Qu’est-ce donc que ce reste dont nous parlons, qui reste à Pierre et qui semble bien devoir toujours rester ? C’est le contraire de la foi, ce que parfois les textes bibliques appellent la « non-foi », dont nous lisons ici que cela colle si fort à la pâte humaine qu’il est impossible à un être humain de s’en débarrasser par ses propres forces. « Aie pitié de ma non-foi ! », criera à Jésus l’homme dont le fils allait si mal, ce fils que nul n’avait pu soulager.

Nous n’allons pas dire que seule la mort délivrera un être humain de ce reste. L’on ne sait rien de la suite de la vie de l’homme riche. Et presque rien de la suite de la vie de Pierre. Car qui un jour a refusé de suivre Jésus Christ choisira peut-être de le suivre demain. Qui a un jour mis en avant sa personne et ses mérites, demain peut-être n’en fera plus aucun cas. Le Dieu qui peut tout ne laissera pas sans soutien un cœur qui, dans un élan, un moment, ne fut-ce qu’un instant, de foi, se tournera vers lui. Et il se peut, le Seigneur venant à notre secours, nous prenant en pitié, il se peut qu’il nous soit donné, de notre vivant, de nous en remettre totalement à lui.

Que le Seigneur nous fasse cette grâce. Amen

 


samedi 5 octobre 2024

2 Corinthiens 3, 1-6 (et compléments dans le chapitre en question) Cœur de chair


 2 Corinthiens 3

1 Est-ce que nous recommençons à nous recommander nous mêmes ? Ou n’avons-nous pas besoin, comme certains, de lettres de recommandation auprès de vous, ou de votre part ?

 2 Notre lettre à nous, c’est vous qui l’êtes ; elle a été écrite dans nos coeurs, connue et reconnue par tous les hommes.

 3 Il apparaît clairement que vous êtes une lettre de Christ, que nous avons servie, qui a été écrite non pas avec de l’encre, mais avec l’esprit du Dieu vivant, non pas sur des tables de pierre, mais sur les tables du cœur, sur la chair.

 4 Une telle confiance, nous l’avons de par le Christ, auprès de Dieu.

 5 nous ne sommes pas capable de sortir quoi que ce soit de nous-mêmes ; au contraire, notre capacité sort de Dieu

 6 qui nous a rendus capables d’être serviteurs de la nouvelle alliance, non de la lettre, mais de l’esprit ; c’est que la lettre tue, mais l’esprit fait vivre.


Méditation

 

Le texte que nous venons de lire, est un texte difficile... du moins, je le croyais, parce qu’il me semble, au fond, dans le fond, tout à fait simple... C’est un texte qui met en branle une histoire de nouvelle alliance, et l’on ne devrait pas croire trop vite qu’on est dans la nouvelle alliance, et que d’autres sont dans l’ancienne... qui sont ces autres ?

 

C’est - de mémoire, et j’y tiens - Calvin qui suggère, au sujet de ce texte, que s’agissant de la nouvelle alliance, il s’agit qu’elle ne devienne pas une nouvelle ancienne alliance...

 

mais se peut-il qu’il y ait toujours du neuf ?

 

ou, encore, comment peut-on dire quelque chose de neuf ?

je m’éveille ce matin, nouvelle journée... une journée neuve... facile à dire parce que possible à dire... mais demandez-vous comment vous pouvez nommer un sentiment que vous éprouvez pour la première fois ? En quoi cette journée qui commence est-elle différente de toutes les autres ?

Ou en quoi mon sentiment dans ce début de journée est-il nouveau ? Je ne peux pas le dire... ou alors j’écris des poèmes... ou bien je lis la bible... et peut-être qu’elle me prêtera des mots nouveaux...

 

Partons de Paul, apôtre... mais de quel droit est-il apôtre ?

c’est une question qui va souvent être posée... Paul, un parmi sans doute beaucoup d’autres, est un itinérant, un voyageur de commerce, voyageur de la prédication, passant d’une communauté à l’autre et vivant, souvent de la charité - ou de la crédulité - de ceux à qui il prêche... tout flatteur vit au dépend de celui qui l’écoute... la phrase est sans doute déjà sur les lèvres il y a deux mille ans...

 

sans doute que certains des concurrents de Paul avaient sur eux des lettres d’on ne sait quel notable : « Chers Corinthiens, nous recommandons à votre meilleure générosité le sieur Untel dont l’éloquence nous a ravis ! Sa doctrine est brillante, son phrasé parfait... »

 

sans doute aussi que bien des communautés isolées ont pu voir arriver Untel doté de lettres dithyrambiques provenant d’autres communautés qu’elles ne connaissaient pas, Untel s’installant parmi eux... un loup se faisant passer pour berger, ça existe de tout temps...

 

 

Paul, qui est un grand bonhomme, pose cette question, pour lui-même : « Ai-je besoin de lettres de recommandation ? mes actes ont-ils besoin d’être recommandés par d’autres ? ai-je besoin qu’on me fasse de la pub ? »

 

 

La  question des lettres de recommandation, telle que Paul la pose hier, c’est la question de la compétence de tous ceux dont la profession ne se limite pas à l’application d’une procédure ou à l’observation d’un règlement... c’est à dire, je l’espère, tous...

 

c’est qu’il est bien clair que chacun a des qualités universitaires reconnaissables et reconnues pour accomplir la tâche qu’il a à accomplir...

par exemple personne de sensé ne me confierait de conduire un pelle mécanique... ou ne me confierait son corps pour l’opérer d’une appendicite...

 

nous sommes des gens compétents et diplômés, ou, du moins, reconnus... mais est-ce suffisant ?

 

telle est la question, peut-être pas trop importante dans telle ou telle de nos activités, mais capitale dès lors qu’il s’agit de mettre en jeu des relations entre les personnes...

pas suffisant d’être un éminent virtuose pour donner le goût de la musique !

pas suffisant d’être un bon théologien pour être un pasteur honnête...

et on pourrait le décliner de toutes les manières, dans toutes les professions...

 

le geste technique - et le diplôme - ne suffisent pas !

 

voilà quelle est la question que Paul pose, dans des circonstances bien particulières, et à sa manière bien particulière aussi...

quelle qualité ai-je pour parler comme je le fais... telle est sa question, et il pourrait bien mettre en avant un lettre, un papier... il pourrait... mais il préfère renverser le problème et dire « ma recommandation auprès de vous, c’est vous ! »

 

c’est ce renversement qu’il convient d’essayer d’apprécier... et d’essayer de vivre... et d’expliquer...

pour ce qui en est de l’explication, c’est assez simple, nous avons presque tout dit...presque seulement... parce qu’il y a quelque chose de très difficile, et, aussi, de très précieux !

 

D’abord ce qui est très difficile :

si les diplômes, les lettres de recommandation ne sont que lettre morte, que du vent, de quoi pouvons-nous être certains, sur quoi pouvons-nous nous appuyer pour prendre la parole ?

 

s’il n’y a pas de diplôme, de lettre de recommandation, ou de droit à parler - à qui que ce soit -, que reste-t-il à faire, ou à dire ?

 

il faut mesurer le caractère vertigineux de ces interrogations... mais pas trop longtemps, parce qu’autrement, on va passer son temps à interroger, à s’interroger, et à angoisser ceux qui nous côtoient... sans rien d’ailleurs leur transmettre que notre propre angoisse...

 

on est ainsi ramené au problème précédent... celui qui, au nom de l’incertitude de toutes choses, refuse de se réclamer de ce qui est écrit, diplôme ou lettre de recommandation, ne se réclame finalement que de sa propre angoisse qu’il propage partout où il peut...

 

alors, passons, et gageons que le fait qu’il y ait un interlocuteur en face de vous est un raison suffisante pour engager le dialogue avec lui, avec confiance

 

Ensuite ce qui est très précieux

c’est cela qui est précieux  : il y a quelqu’un qui est là...

Paul ne s’y trompe pas...

ça n’est pas au nom d’une lettre qu’il vient, mais au nom de la communauté qui le reçoit...

 

ça n’est pas au nom de l’histoire qui a déjà été écrite, mais au nom de celle qui reste à écrire entre lui et la communauté...

 

avec la confiance qu’il reste quelque chose à vivre, de différent de ce qui a déjà été vécu... ce que Paul énonce en opposant la lettre et l’esprit !

 

tout ce qui peut être écrit noir sur blanc, qui sépare le blanc du noir, c’est lettre morte, et prétendre considérer quelqu’un comme déjà tout écrit, c’est le réduire, c’est le tuer...

 

pour autant, Paul sait bien qu’il y a toujours quelque chose de déjà écrit, et qui résiste au changement... il y a toujours de la mort qui se refuse à vivre...

 

et Paul sait bien aussi, c’est le cœur de sa foi - et j’espère aussi le cœur de la notre - Paul sait bien qu’il y a une espérance pour la vie...

 

mais cette vie, d’où viendra-t-elle ? Elle viendra, Paul en est certain,

c’est à dire qu’il vient vers ces gens avec qui il a une histoire, en affichant que ce qui se passera est peut-être un peu déterminé par ce qui s’est passé, mais pas complètement...

 

il peut, il y aura du nouveau... entre eux : du nouveau pour Paul, et du nouveau pour la communauté... du nouveau dont ils bénéficieront, sans pour autant s’en croire propriétaires, ni en se croyant propriétaires les uns des autres...

 

c’est, selon Paul, un souffle d’esprit, un souffle de vie qui souffle sur ce qu’on croyait définitivement écrit, figé, et acquis, peut-être même dû... de la vie soufflant sur ce qui est écrit - et pas à la place de ce qui est écrit - pour que là où tout semble écrit il arrive quelque chose de juste, bon et nouveau...

 

juste, bon, et nouveau...

tout à l’heure, il était question de recevoir des mots nouveaux... il en est un qui pourrait résumer notre propos : alliance...

 

loin de toutes considérations de diplômes, loin de l’inertie du passé, et de la pesanteur des souvenirs, lorsque l’alliance existe entre les humains et leur Dieu, chacun reçoit son identité comme un présent nouveau que lui fait l’autre...

appelez ça être aimé... c’est probablement juste, et c’est toujours nouveau. La communauté se construit toujours de cet amour...

 

Que Dieu nous soit en aide pour le construire et le vivre ensemble.

 

Amen