jeudi 27 juin 2024

Jésus enseignait - encore (Marc 4,26--34)

Excuses : Ce billet est presque le même que celui qui le précède.>> C'est une affare de coier coller qi     a, selon toute évidence, mal tourné. Et un texte original a été perdu. Mille excuses. Et bonne lecture.

 Marc 4

26 Il disait: «Il en est du Royaume de Dieu comme d'un homme qui jette la semence en terre:

 27 qu'il dorme ou qu'il soit debout, la nuit et le jour, la semence germe et grandit, il ne sait comment.

 28 D'elle-même la terre produit d'abord l'herbe, puis l'épi, enfin du blé plein l'épi.

 29 Et dès que le blé est mûr, on y met la faucille, car c'est le temps de la moisson.»

 

 30 Il disait: «À quoi allons-nous comparer le Royaume de Dieu, ou par quelle parabole allons-nous le représenter?

 31 C'est comme une graine de moutarde: quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences du monde;

 32 mais quand on l'a semée, elle monte et devient plus grande que toutes les plantes potagères, et elle pousse de grandes branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leurs nids à son ombre.»

 

 33 Par de nombreuses paraboles de ce genre, il leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils pouvaient la comprendre.

 34 Il ne leur parlait pas sans parabole, mais, en particulier, il expliquait tout à ses disciples. 

Prédication

                Ainsi donc, Jésus parlait de deux manières différentes. Il annonçait la Parole publiquement, et toujours avec des paraboles. Mais, en particulier, à ses propres disciples, il expliquait tout. Et nous allons méditer sur cette seconde situation : il expliquait tout.

            Tout d’abord, nous pouvons nous interroger sur ces explications. Mais nous risquons de nous interroger longtemps. Car, dans l’Évangiles de Marc, nous trouvons les paraboles, mais pas les explications. Les disciples, qui ont parlé, puis, plus tard, ceux qui ont écrit les Évangiles, ont laissé de côté ces explications, et ils ont transmis les paraboles.

            Nous pouvons regretter de n’avoir que des paraboles. Nous pouvons même déplorer le manque d’explications. Parce que, faute d’explications, nous ne savons pas vraiment ce qu’est le Royaume de Dieu. Mais pourquoi nous faudrait-il des explications ?

 

            Nous appartenons à une société qui a remplacé d’abord  ses chamans par des prêtres puis par des tragédiens, puis par des romanciers par des experts. Nous appartenons à une culture  du pourquoi et du comment, une culture qui a espéré, et espère encore, que la raison pourrait tout prévoir et tout résoudre. Alors nous voulons des modes d’emploi, des certitudes et des preuves établies. Tout cela est à notre disposition. Mais quelque chose semble manquer.

            Ce qui semble manquer, c’est les explications dont parle l’évangéliste, source de justice et de sagesse, peut-être. Ces explications des paraboles du Royaume de Dieu auraient-elles été les modes d’emploi de la vie bonne et heureuse ? Nous pouvons l’imaginer. Mais nous n’avons pas ces explications. Alors il nous est seulement possible de lire ce que nous avons, et de le méditer sérieusement.

 

            Ces paraboles, si jolies, ne correspondent pas à la vraie vie. La vraie vie, parfois, se moque bien de nos plans et de nos explications. Nous savons qu’en matière d’agriculture, il n’y a pas de récoltes si personne ne sème, la parabole dit là-dessus la vérité. Mais nous savons aussi qu’il ne suffit pas toujours d’avoir semé pour récolter en fin de saison, et la parabole ne le dit pas... Est-ce pour nous mentir qu’elle ne le dit pas ? Est-ce pour nous endormir, pour nous donner l’ivresse et l’oubli ?

            Il ne suffit pas toujours d’avoir semé pour récolter en fin de saison, nous le savons tous. Et ce que nous faisons avec application et avec amour est parfois balayé par l’orage, l’accident ou la maladie. Est-il nécessaire de raconter une parabole pour exprimer cela ? La dureté de la vie n’a pas besoin de paraboles. La dureté de la vie est sans paraboles et elle est sans pourquoi.

            Mais alors, pourquoi les paraboles ? Et pourquoi ces deux-là, justement, la semence en terre, la moindre des semences. Qu’y a-t-il de commun entre elles ? Il y a de commun entre ces paraboles l’acte de semer, ou plutôt la situation d’avoir semé. A la racine commune de ces deux paraboles, il y a le fait d’avoir semé, et le fait que sans ce geste inaugural, il n’y a rien, mais rien d’autre qui soit possible. Alors, s’il y a une vérité possible de ces paraboles du Royaume de Dieu, une vérité qui soit aussi une vérité de la vie, c’est bien d’avantage dans les semailles qu’elle se lit plutôt que dans la moisson. Le geste de semer n’est jamais annulé, même si la récolte ne revient pas finalement au semeur mais à l’oiseau, même si elle est finalement dévastée par l’orage ou ravagée par les criquets…

 

            Ceci étant dit, nous lisons bien qu’à ses propres disciples, en privé, il expliquait tout. Nous n’allons rien supputer sur ces explications : Nous n’avons en guise d’explications qu’un simple verbe : expliquer. Les traducteurs de la Bible ont choisi ce verbe or, en langue grecque, ce verbe désigne d’abord l’action de délier, comme on délie un animal captif, comme on relâche un prisonnier. Ainsi, lorsque Jésus explique les paraboles à ses disciples, il délie ses disciples, il les libère comme on libère un prisonnier. Mais de quoi les libère-t-ils ?

 

            Pour répondre à cette question, il nous faut bien nous souvenir que les explications des paraboles n’ont pas été transmises. Il n’y a qu’une explication possible. Jésus n’expliquait pas les paraboles, mais il libérait ses disciples du besoin d’expliquer toute la vie, de maîtriser, de contrôler ceux à qui l’on parle. Il libérait ses disciples de l’idée que la parole d’un maître, ou d’un livre saint, est le secret de la vie heureuse. A ses disciples il désapprenait l’illusion du pouvoir, il leur apprenait l’ouverture. En privé donc, il leur transmettait tout

            Mais n’aurait-il pas pu faire cela publiquement ? Et bien, non. Parce que ce qui lie quelqu’un ne lie pas forcément un autre. Et ce qui délie quelqu’un ne délie pas forcément quelqu’un d’autre. Alors il faut qu’alors on soit en petit comité, voire en tête à tête pour que cela advienne. L’explication que le maître donnera à tel disciple vaudra pour ce disciple, à cet instant. Et ce disciple trouvera dans l’explication reçue du maître un surcroît de liberté, de vie, par quoi il vivra plus librement, plus largement Nous savons aussi que les explications collectives – sur la liturgie – livrées au public, peuvent elles aussi devenir un lieu, un modèle, une aliénation

            Même des explications personnelles, de la bouche du maître, si on les livre à certain public, risquent de dégénérer. Raison pour lesquelles, en public, Jésus ne parle qu’en paraboles, jamais sans paraboles, pour préserver la liberté de ses auditeurs.

 

            Car il s’agit bien de cela, de libération, et de liberté. L’Évangile, bonne nouvelle, enseignement de Jésus-Christ, n’apporte rien de nouveau s’il se contente de remplacer une aliénation par une autre aliénation. La parole du maître, tant publique que privée, n’a donc d’autre but que de laisser à son auditeur la possibilité de faire un chemin de liberté qui soit le sien propre tout en n’aliénant le moins possible ses semblables. Que le disciple fasse savoir quel maître il sert, mais qu’il ne contraigne en rien ceux auxquels il prêchera. C’est pourquoi, lorsque les disciples seront envoyés en mission, ils le seront dans l’extrême dépouillement qui sera le leur.

 

            Quant au maître, vous savez quelle sera l’ultime de ses paraboles. Lorsque vous confessez sa résurrection, vous affirmez que rien de ce qu’il a entrepris ne l’a été en vain. Lorsque vous confessez la résurrection de la chair, vous affirmez, contre les pourquoi, les comment, contre la dureté de la vie, contre l’absurde, contre la sottise des humains, qu’il faut semer, et qu’il faut vivre, tant qu’on est vivant.

        Le royaume de Dieu est ainsi plus qu’une espérance, infiniment plus. Il est votre vie. Amen