samedi 8 juin 2024

Contre l'Esprit Saint (Marc 3 ,20-35)

Genèse 3

9 Le SEIGNEUR Dieu appela l'homme et lui dit: «Où es-tu?»

 10 Il répondit: «J'ai entendu ta voix dans le jardin, j'ai pris peur car j'étais nu, et je me suis caché.» -

 11 «Qui t'a révélé, dit-il, que tu étais nu? Est-ce que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais prescrit de ne pas manger?»

 12 L'homme répondit: «La femme que tu as mise auprès de moi, c'est elle qui m'a donné du fruit de l'arbre, et j'en ai mangé.»

 13 Le SEIGNEUR Dieu dit à la femme: «Qu'as-tu fait là?» La femme répondit: «Le serpent m'a trompée et j'ai mangé.»

 14 Le SEIGNEUR Dieu dit au serpent: «Parce que tu as fait cela, tu seras maudit entre tous les bestiaux et toutes les bêtes des champs; tu marcheras sur ton ventre et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie.

 15 Je mettrai l'hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance. Celle-ci te meurtrira à la tête et toi, tu la meurtriras au talon.»

 

Marc 3

20 Jésus vient à la maison, et de nouveau la foule se rassemble, à tel point qu'ils ne pouvaient même pas prendre leur repas.

 21 À cette nouvelle, les gens de sa parenté vinrent pour s'emparer de lui. Car ils disaient: «Il a perdu la tête.»

 22 Et les scribes qui étaient descendus de Jérusalem disaient: «Il a Béelzéboul en lui» et: «C'est par le chef des démons qu'il chasse les démons.»

 23 Il les fit venir et il leur disait en paraboles: «Comment Satan peut-il expulser Satan?

 24 Si un royaume est divisé contre lui-même, ce royaume ne peut se maintenir.

 25 Si une famille est divisée contre elle-même, cette famille ne pourra pas tenir.

 26 Et si Satan s'est dressé contre lui-même et s'il est divisé, il ne peut pas tenir, c'en est fini de lui.

 27 Mais personne ne peut entrer dans la maison de l'homme fort et piller ses biens, s'il n'a d'abord ligoté l'homme fort; alors il pillera sa maison.

 28 En vérité, je vous déclare que tout sera pardonné aux fils des hommes, les péchés et les blasphèmes aussi nombreux qu'ils en auront proféré.

 29 Mais si quelqu'un blasphème contre l'Esprit Saint, il reste sans pardon à jamais: il est coupable de péché pour toujours.»

 30 Cela parce qu'ils disaient: «Il a un esprit impur.»

 31 Arrivent sa mère et ses frères. Restant dehors, ils le firent appeler.

 32 La foule était assise autour de lui. On lui dit: «Voici que ta mère et tes frères sont dehors; ils te cherchent.»

 33 Il leur répond: «Qui sont ma mère et mes frères?»

 34 Et, parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit: «Voici ma mère et mes frères.

 35 Quiconque fait la volonté de Dieu, voilà mon frère, ma sœur, ma mère.»


Prédication : 

            Je voudrais commencer cette prédication en vous demandant ceci : ces verset de Marc, que nous venons de lire, quel effet vous ont-il fait ? Ah… fallait-il qu’ils vous fassent tel effet, ou tel autre ? Et pourquoi aussi une question aussi indiscrète ? Vous pouvez, évidemment, garder le silence.

            En tout cas, ces versets eurent sur moi – jadis – un certain effet. Le nom de cet effet c’est la peur. Les contours du péché contre le Saint-Esprit étaient mal cernés. Il faut dire que quelqu’un les déterminait pour nous – un petit groupe d’adolescents – le quelqu’un usait  de ses définitions, et aussi de l’unique sanction possible, la mort, pour calmer nos enthousiasmes ; il nous ramenait à tout propos vers un certain chemin qui nous mènerait direct à l’éternelle félicité, à moins que nous ne persistions dans nos fautes qu’il connaissait. Et alors, le châtiment promis éternel nous serait destiné. Je me souviens donc de leçons d’école du dimanche sur le blasphème contre le Saint-Esprit, leçons qui, au niveau catéchisme, prenaient une certaine ampleur, avec des travaux pratiques de prière – je vous laisse imaginer l’allure que ça pouvait prendre, et les effets que cela pouvait avoir.

            Par deux fois dans ma vie j’ai rencontré de telles personnes. Ces personnes sont rares. J’ai rencontré aussi de belles personnes, qui m’ont ramené vers Dieu et vers l’Église. Mais que de violence, et pourquoi cette violence ? Elle est juste là, c'est-à-dire dans la Bible, et peut-être est elle aussi dans les cœurs. Est-ce fatal ? Est-ce inguérissable ?

 

            Posons-nous quelques questions. Puisque nous méditons sur un texte de l’évangile, y a-t-il de la place pour ça dans l’évangile ? Y a-t-il de la place dans les Écritures pour des propos aussi définitifs, pour des jugements sans nuances, et des condamnations extrêmes ? Exemple : évangile de Marc.

            Ces catalogues de malédictions sont là dans le texte de Marc, et il y a d’autres catalogues – bien plus nourris encore – dans Matthieu, et dans Luc. En somme, les trois premiers évangiles portent des vérités qui semblent ne pouvoir être dites que sur le mode des invectives et des condamnations – mais n’oubliez pas de relire Lévitique 20 au moins jusqu’au verset 18, et en marquant une pause en 7 et 8. Ces deux versets, 7 et 8, sont une clé de lecture, ils sont une lumière sur nos chemins. Les revoici : « 7 Sanctifiez-vous donc pour être saints, car c'est moi, le SEIGNEUR, votre Dieu. 8 Gardez mes lois et mettez-les en pratique. C'est moi, le Seigneur, qui vous sanctifie. » Ces deux versets sont un baume sur l’aridité de certains de nos chemins, un baume aussi sur l’aridité de certaines pages de la Bible. C’est ici que, si l’on peut dire, que la Bible enseigne la lecture de la Bible, en Marc 3, nous l’avons déjà signalé, mais aussi en Lévitique 20, mais aussi en Actes 2, en Genèse 3 que nous venons juste d’effleurer. Bien d’autres encore… comme si la Bible toute entière était tout entière consacrée à un certain travail de prévention d’un durcissement des cœurs, ou le contraire.

 

            La question que nous posions il y a un instant, la voici de nouveau : y a-t-il de la place pour toutes ces violences dans l’évangile – ici de Marc – ? La question peut être posée au texte lui-même, qui a un statut particulier dans notre tradition. Nous sommes de tradition chrétienne et dans cette tradition, le texte biblique est canonique. Mais est-il – il n’est pas – canonique tout entier, ou canonique par morceaux ? Il n’est pas de plus grande insulte contre le texte biblique que de le canoniser par morceaux et par intérêt temporaire.

            Et nous pouvons ici avoir une pensée pour les premiers inventeurs de la grotte néandertal de Bruniquel, qui ont compris que leur découverte était trop grande pour eux, et ils l’ont simplement mise à l’abri et attendant l’occasion d’une prochaine lecture, plus recueillie peut-être, mieux équipée, plus humble... Et ainsi pouvons-nous faire, différer le travail sur l’ensemble jusqu’à de prochaines lectures, sachant toutefois – il ne faudrait jamais l’oublier – qu’il y a une solidité d’ensemble, mais qu’elle est constituée de sortes de blocs, quelques versets par-ci par-là, et ça n’est pas un empilage pourtant. Quoique… est-ce que ça peut être balayé, par tel ou tel évènement ? La réponse de vérité, c’est que ça peut tomber ; la réponse d’espérance, c’est qu’il y a toujours un reste à partir duquel il est possible de reconstruire, à partir du ras du sol – ou  plus profond – reconstruire s’entendant reconstruire autrement. Ni l’Évangile ni la vie ne reconstruisent jamais à l’identique.

            Et tout ceci portait plutôt sur la dimension collective de cette expérience. Cette dimension, cette perception, pourraient être suffisantes pour apaiser nos sanglots et réalimenter notre joie.

            Cependant il reste quelques versets qui ne traitent pas du collectif mais de l’individuel, et d’une certaine manière de pécher qui s’appelle blasphémer contre l’Esprit Saint. Appellation qui dû être ajoutée par tel scribe des temps anciens, qui n’y comprenait rien, rien qui pourrait être impardonnable, même par le Seigneur. Et l’on mettrait dans sa bouche des choses si épouvantables ?

            Ces horribles paroles seraient authentiques ? Plus elles sont horribles, plus je les crois authentiques. Et plus je les crois authentiques plus il me semble qu’elles doivent être écartées ou lues, les deux fois sans hésitation.

            Jusqu’à comprendre que pécher contre le Saint Esprit c’est – et je dis peut-être – immobiliser quelqu’un sur son chemin de foi, et parler de ce quelqu’un comme d’une chose, comme d’un cas, comme d’un Saint Esprit oui-non, alors que la vie chrétienne est une vie d’action, une vie active nourrie de trois témoignages, celui des pères, celui des frères, celui des Saintes Écritures, et nourrie aussi de cet on ne sait quoi, prenant toutes les formes possibles – Luc et les Actes en parlent d’une manière irremplaçables – ils ne font peut-être rien d’autre… Ils font !

            Ce qui fait lien entre la volonté de Dieu, le blasphème contre le Saint Esprit, la dimension collective de la foi et la dimension individuelle – intime – de la foi.

            « Quiconque fait la volonté de Dieu… »

            Amen