jeudi 27 juin 2024

Jésus enseignait - encore (Marc 4,26--34)

Excuses : Ce billet est presque le même que celui qui le précède.>> C'est une affare de coier coller qi     a, selon toute évidence, mal tourné. Et un texte original a été perdu. Mille excuses. Et bonne lecture.

 Marc 4

26 Il disait: «Il en est du Royaume de Dieu comme d'un homme qui jette la semence en terre:

 27 qu'il dorme ou qu'il soit debout, la nuit et le jour, la semence germe et grandit, il ne sait comment.

 28 D'elle-même la terre produit d'abord l'herbe, puis l'épi, enfin du blé plein l'épi.

 29 Et dès que le blé est mûr, on y met la faucille, car c'est le temps de la moisson.»

 

 30 Il disait: «À quoi allons-nous comparer le Royaume de Dieu, ou par quelle parabole allons-nous le représenter?

 31 C'est comme une graine de moutarde: quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences du monde;

 32 mais quand on l'a semée, elle monte et devient plus grande que toutes les plantes potagères, et elle pousse de grandes branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leurs nids à son ombre.»

 

 33 Par de nombreuses paraboles de ce genre, il leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils pouvaient la comprendre.

 34 Il ne leur parlait pas sans parabole, mais, en particulier, il expliquait tout à ses disciples. 

Prédication

                Ainsi donc, Jésus parlait de deux manières différentes. Il annonçait la Parole publiquement, et toujours avec des paraboles. Mais, en particulier, à ses propres disciples, il expliquait tout. Et nous allons méditer sur cette seconde situation : il expliquait tout.

            Tout d’abord, nous pouvons nous interroger sur ces explications. Mais nous risquons de nous interroger longtemps. Car, dans l’Évangiles de Marc, nous trouvons les paraboles, mais pas les explications. Les disciples, qui ont parlé, puis, plus tard, ceux qui ont écrit les Évangiles, ont laissé de côté ces explications, et ils ont transmis les paraboles.

            Nous pouvons regretter de n’avoir que des paraboles. Nous pouvons même déplorer le manque d’explications. Parce que, faute d’explications, nous ne savons pas vraiment ce qu’est le Royaume de Dieu. Mais pourquoi nous faudrait-il des explications ?

 

            Nous appartenons à une société qui a remplacé d’abord  ses chamans par des prêtres puis par des tragédiens, puis par des romanciers par des experts. Nous appartenons à une culture  du pourquoi et du comment, une culture qui a espéré, et espère encore, que la raison pourrait tout prévoir et tout résoudre. Alors nous voulons des modes d’emploi, des certitudes et des preuves établies. Tout cela est à notre disposition. Mais quelque chose semble manquer.

            Ce qui semble manquer, c’est les explications dont parle l’évangéliste, source de justice et de sagesse, peut-être. Ces explications des paraboles du Royaume de Dieu auraient-elles été les modes d’emploi de la vie bonne et heureuse ? Nous pouvons l’imaginer. Mais nous n’avons pas ces explications. Alors il nous est seulement possible de lire ce que nous avons, et de le méditer sérieusement.

 

            Ces paraboles, si jolies, ne correspondent pas à la vraie vie. La vraie vie, parfois, se moque bien de nos plans et de nos explications. Nous savons qu’en matière d’agriculture, il n’y a pas de récoltes si personne ne sème, la parabole dit là-dessus la vérité. Mais nous savons aussi qu’il ne suffit pas toujours d’avoir semé pour récolter en fin de saison, et la parabole ne le dit pas... Est-ce pour nous mentir qu’elle ne le dit pas ? Est-ce pour nous endormir, pour nous donner l’ivresse et l’oubli ?

            Il ne suffit pas toujours d’avoir semé pour récolter en fin de saison, nous le savons tous. Et ce que nous faisons avec application et avec amour est parfois balayé par l’orage, l’accident ou la maladie. Est-il nécessaire de raconter une parabole pour exprimer cela ? La dureté de la vie n’a pas besoin de paraboles. La dureté de la vie est sans paraboles et elle est sans pourquoi.

            Mais alors, pourquoi les paraboles ? Et pourquoi ces deux-là, justement, la semence en terre, la moindre des semences. Qu’y a-t-il de commun entre elles ? Il y a de commun entre ces paraboles l’acte de semer, ou plutôt la situation d’avoir semé. A la racine commune de ces deux paraboles, il y a le fait d’avoir semé, et le fait que sans ce geste inaugural, il n’y a rien, mais rien d’autre qui soit possible. Alors, s’il y a une vérité possible de ces paraboles du Royaume de Dieu, une vérité qui soit aussi une vérité de la vie, c’est bien d’avantage dans les semailles qu’elle se lit plutôt que dans la moisson. Le geste de semer n’est jamais annulé, même si la récolte ne revient pas finalement au semeur mais à l’oiseau, même si elle est finalement dévastée par l’orage ou ravagée par les criquets…

 

            Ceci étant dit, nous lisons bien qu’à ses propres disciples, en privé, il expliquait tout. Nous n’allons rien supputer sur ces explications : Nous n’avons en guise d’explications qu’un simple verbe : expliquer. Les traducteurs de la Bible ont choisi ce verbe or, en langue grecque, ce verbe désigne d’abord l’action de délier, comme on délie un animal captif, comme on relâche un prisonnier. Ainsi, lorsque Jésus explique les paraboles à ses disciples, il délie ses disciples, il les libère comme on libère un prisonnier. Mais de quoi les libère-t-ils ?

 

            Pour répondre à cette question, il nous faut bien nous souvenir que les explications des paraboles n’ont pas été transmises. Il n’y a qu’une explication possible. Jésus n’expliquait pas les paraboles, mais il libérait ses disciples du besoin d’expliquer toute la vie, de maîtriser, de contrôler ceux à qui l’on parle. Il libérait ses disciples de l’idée que la parole d’un maître, ou d’un livre saint, est le secret de la vie heureuse. A ses disciples il désapprenait l’illusion du pouvoir, il leur apprenait l’ouverture. En privé donc, il leur transmettait tout

            Mais n’aurait-il pas pu faire cela publiquement ? Et bien, non. Parce que ce qui lie quelqu’un ne lie pas forcément un autre. Et ce qui délie quelqu’un ne délie pas forcément quelqu’un d’autre. Alors il faut qu’alors on soit en petit comité, voire en tête à tête pour que cela advienne. L’explication que le maître donnera à tel disciple vaudra pour ce disciple, à cet instant. Et ce disciple trouvera dans l’explication reçue du maître un surcroît de liberté, de vie, par quoi il vivra plus librement, plus largement Nous savons aussi que les explications collectives – sur la liturgie – livrées au public, peuvent elles aussi devenir un lieu, un modèle, une aliénation

            Même des explications personnelles, de la bouche du maître, si on les livre à certain public, risquent de dégénérer. Raison pour lesquelles, en public, Jésus ne parle qu’en paraboles, jamais sans paraboles, pour préserver la liberté de ses auditeurs.

 

            Car il s’agit bien de cela, de libération, et de liberté. L’Évangile, bonne nouvelle, enseignement de Jésus-Christ, n’apporte rien de nouveau s’il se contente de remplacer une aliénation par une autre aliénation. La parole du maître, tant publique que privée, n’a donc d’autre but que de laisser à son auditeur la possibilité de faire un chemin de liberté qui soit le sien propre tout en n’aliénant le moins possible ses semblables. Que le disciple fasse savoir quel maître il sert, mais qu’il ne contraigne en rien ceux auxquels il prêchera. C’est pourquoi, lorsque les disciples seront envoyés en mission, ils le seront dans l’extrême dépouillement qui sera le leur.

 

            Quant au maître, vous savez quelle sera l’ultime de ses paraboles. Lorsque vous confessez sa résurrection, vous affirmez que rien de ce qu’il a entrepris ne l’a été en vain. Lorsque vous confessez la résurrection de la chair, vous affirmez, contre les pourquoi, les comment, contre la dureté de la vie, contre l’absurde, contre la sottise des humains, qu’il faut semer, et qu’il faut vivre, tant qu’on est vivant.

        Le royaume de Dieu est ainsi plus qu’une espérance, infiniment plus. Il est votre vie. Amen


samedi 15 juin 2024

Méditation sur plusieurs formes d'enseignement (Marc 4,26-34 + Ezéchiel...)

Marc 4

26 Il disait: «Il en est du Royaume de Dieu comme d'un homme qui jette la semence en terre:

 27 qu'il dorme ou qu'il soit debout, la nuit et le jour, la semence germe et grandit, il ne sait comment.

 28 D'elle-même la terre produit d'abord l'herbe, puis l'épi, enfin du blé plein l'épi.

 29 Et dès que le blé est mûr, on y met la faucille, car c'est le temps de la moisson.»

 

 30 Il disait: «À quoi allons-nous comparer le Royaume de Dieu, ou par quelle parabole allons-nous le représenter?

 31 C'est comme une graine de moutarde: quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences du monde;

 32 mais quand on l'a semée, elle monte et devient plus grande que toutes les plantes potagères, et elle pousse de grandes branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leurs nids à son ombre.»

 

 33 Par de nombreuses paraboles de ce genre, il leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils pouvaient la comprendre.

 34 Il ne leur parlait pas sans parabole, mais, en particulier, il expliquait tout à ses disciples.

 

Ezechiel 17

22 Ainsi parle le Seigneur DIEU: Moi, je prends à la pointe du cèdre altier - et je plante - , j'arrache à la cime de ses branches un rameau tendre; je le plante moi-même, sur une montagne haute, surélevée.

 23 Je le plante sur une montagne élevée d'Israël. Il portera des rameaux, produira du fruit, deviendra un cèdre magnifique. Toutes sortes d'oiseaux y demeureront, ils demeureront à l'ombre de ses branches.

 24 Alors tous les arbres des champs connaîtront que je suis le SEIGNEUR, qui fait ramper l'arbre élevé, élève l'arbre qui rampe, dessèche l'arbre vert, et fait fleurir l'arbre sec. Moi, le SEIGNEUR, je parle et j'accomplis.»

2 Corinthiens 5

6 Ainsi donc, nous sommes toujours pleins de confiance, tout en sachant que, tant que nous habitons dans ce corps, nous sommes hors de notre demeure, loin du Seigneur,

 7 car nous cheminons par la foi, non par la vue...

 8 Oui, nous sommes pleins de confiance et nous préférons quitter la demeure de ce corps pour aller demeurer auprès du Seigneur.

 9 Aussi notre ambition - que nous conservions notre demeure ou que nous la quittions - est-elle de lui plaire.

 10 Car il nous faudra tous comparaître à découvert devant le tribunal du Christ afin que chacun recueille le prix de ce qu'il aura fait durant sa vie corporelle, soit en bien, soit en mal.

2 Corinthiens 5

6 Ainsi donc, nous sommes toujours pleins de confiance, tout en sachant que, tant que nous habitons dans ce corps, nous sommes hors de notre demeure, loin du Seigneur,

 7 car nous cheminons par la foi, non par la vue...

 8 Oui, nous sommes pleins de confiance et nous préférons quitter la demeure de ce corps pour aller demeurer auprès du Seigneur.

 9 Aussi notre ambition - que nous conservions notre demeure ou que nous la quittions - est-elle de lui plaire.

 10 Car il nous faudra tous comparaître à découvert devant le tribunal du Christ afin que chacun recueille le prix de ce qu'il aura fait durant sa vie corporelle, soit en bien, soit en mal.

Prédication

            Ainsi donc, Jésus parlait de deux manières différentes. Il annonçait la Parole publiquement, et toujours avec des paraboles. Mais, en particulier, à ses propres disciples, il expliquait tout. Et nous allons méditer sur cette seconde situation : il expliquait tout.

 

            D'abord nous pouvons nous interroger sur ces explications. Mais nous risquons de nous interroger longtemps. Car, dans l’Evangile de Marc, nous trouvons les paraboles, mais pas les explications. Les disciples, qui ont parlé, puis, plus tard, ceux qui ont écrit les Evangiles, ont laissé de côté ces explications, et ils ont transmis paraboles.

            Nous pouvons regretter de n’avoir que des paraboles. Nous pouvons même déplorer le manque d’explications. Parce que, faute d’explications, nous ne savons pas vraiment ce qu’est le Royaume de Dieu. Mais pourquoi nous faudrait-il des explications ? Nous appartenons à une société qui a remplacé d’abord ses prêtres par des romanciers, puis ses romanciers par des experts. Nous appartenons à une culture du pourquoi et du comment, une culture qui a espéré, et espère encore, que la raison pourrait tout prévoir et tout résoudre. Nous voulons des modes d’emploi, des certitudes et des preuves établies.

            Les explications des paraboles du Royaume de Dieu auraient-elles été les modes d’emploi de la vie bonne et heureuse ? Nous pouvons l’imaginer. Mais nous n’avons pas ces explications. Alors il nous est seulement possible de lire ce que nous avons, et de le méditer sérieusement.

 

            Ces paraboles, si jolies, ne correspondent pas à la vraie vie. La vraie vie, parfois, se moque bien de nos plans et de nos explications. Nous savons qu’en matière d’agriculture, il n’y a pas de récoltes si personne ne sème, la parabole dit là-dessus la vérité. Mais nous savons aussi qu’il ne suffit pas toujours d’avoir semé pour récolter en fin de saison, et la parabole ne le dit pas... Est-ce pour nous mentir qu’elle ne le dit pas ? Est-ce pour nous endormir, pour nous donner l’ivresse et l’oubli ?

            Il ne suffit pas toujours d’avoir semé pour récolter en fin de saison, nous le savons tous. Et ce que nous faisons avec application et avec amour et parfois balayé par l’orage, l’accident ou la maladie. Est-il nécessaire de raconter une parabole pour exprimer cela ? La dureté de la vie n’a pas besoin de paraboles. La dureté de la vie est sans paraboles et elle est sans pourquoi.

Mais alors, pourquoi les paraboles ? Et pourquoi ces deux-là, justement, la semence en terre, la moindre de des semences. Qu’y a-de commun entre elles ? Il y a de commun entre ces paraboles l’acte de semer, ou plutôt la situation d’a voir semé. A la racine commune de ces deux paraboles, il y a le fait d’avoir semé, et le fait que sans ce geste inaugural, il n’y a rien, mais rien d’autre qui soit possible. Alors, s’il y a une vérité possible de ces paraboles du Royaume de Dieu, une vérité qui soit aussi une vérité de la vie, c’est bien d’avantage dans les semailles qu’elle se lit que dans la moisson. Le geste de semer n’est jamais annulé, même si la récolte ne revient pas finalement au semeur mais à l’oiseau, même si elle est finalement dévastée par l’orage ou ravagée par les criquets…

 

            Ceci étant dit, nous lisons bien qu’à ses propres disciples, en privé, il expliquait tout. Nous n’allons rien supputer sur ces explications : Nous n’avons en guise d’explications qu’un simple verbe : expliquer. Les traducteurs de la Bible ont choisi ce verbe or, en langue grecque, ce verbe désigne d’abord l’action de délier, comme on délie un animal captif, comme on relâche un prisonnier. Ainsi, lorsque Jésus explique les paraboles à ses disciples, il délie ses disciples, il les libère comme on libère un prisonnier. Mais de quoi les libère-t-ils ?

 

            Pour répondre à cette question, il nous faut bien nous souvenir que les explications des paraboles n’ont pas été transmises. Il n’y a qu’une explication possible. Jésus n’expliquait pas les paraboles, mais il libérait ses disciples du besoin d’expliquer toute la vie, de maîtriser, de contrôler ceux à qui l’on parle. Il libérait ses disciples de l’idée que la parole d’un maître, ou d’un livre saint, est le secret de la vie heureuse. A ses disciples il désapprenait l’illusion du pouvoir, il leur apprenait l’ouverture. En privé donc, il leur transmettait tout

            Mais n’aurait-il pas pu faire cela publiquement ? Et bien, non. Parce que ce qui lie quelqu’un ne lie pas forcément un autre. Et ce qui délie quelqu’un ne délie pas forcément quelqu’un d’autre. Alors il faut qu’alors on soit en petit comité, voire en tête à tête pour que cela advienne. L’explication que le maître donnera à tel disciple vaudra pour ce disciple, à cet instant. Et ce disciple trouvera dans l’explication reçue du maître un surcroît de liberté, de vie, par quoi il vivra plus librement, plus largement Nous savons aussi que les explications collectives – sur la liturgie – livrées au public, peuvent elles aussi devenir un lieu, un modèle, une aliénation

            Même des explications personnelles, de la bouche du maître, si on les livre à certain public, risquent de dégénérer. Raison pour lesquelles, en public, Jésus ne parle qu’en paraboles, jamais sans paraboles, pour préserver la liberté de ses auditeurs.

 

            Car il s’agit bien de cela, de libération, et de liberté. L’Évangile, bonne nouvelle, enseignement de Jésus-Christ, n’apporte rien de nouveau s’il se contente de remplacer une aliénation par une autre aliénation. La parole du maître, tant publique que privée, n’a donc d’autre but que de laisser à son auditeur la possibilité de faire un chemin de liberté qui soit le sien propre tout en n’aliénant le moins possible ses semblables. Que le disciple fasse savoir quel maître il sert, mais qu’il ne contraigne en rien ceux auxquels il prêchera. C’est pourquoi, lorsque les disciples seront envoyés en mission, ils le seront dans l’extrême dépouillement qui sera le leur.

 

            Quant au maître, vous savez quelle sera l’ultime de ses paraboles. 

             Lorsque vous confessez sa résurrection, vous affirmez que rien de ce qu’il a entrepris ne l’a été en vain. Lorsque vous confessez la résurrection de la chair, vous affirmez, contre les pourquoi, les comment, contre la dureté de la vie, contre l’absurde, contre la sottise des humains, qu’il faut semer, et qu’il faut vivre, tant qu’on est vivant.

                Le royaume de Dieu est ainsi plus qu’une espérance, infiniment plus. Il est votre vie. Amen


samedi 8 juin 2024

Contre l'Esprit Saint (Marc 3 ,20-35)

Genèse 3

9 Le SEIGNEUR Dieu appela l'homme et lui dit: «Où es-tu?»

 10 Il répondit: «J'ai entendu ta voix dans le jardin, j'ai pris peur car j'étais nu, et je me suis caché.» -

 11 «Qui t'a révélé, dit-il, que tu étais nu? Est-ce que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais prescrit de ne pas manger?»

 12 L'homme répondit: «La femme que tu as mise auprès de moi, c'est elle qui m'a donné du fruit de l'arbre, et j'en ai mangé.»

 13 Le SEIGNEUR Dieu dit à la femme: «Qu'as-tu fait là?» La femme répondit: «Le serpent m'a trompée et j'ai mangé.»

 14 Le SEIGNEUR Dieu dit au serpent: «Parce que tu as fait cela, tu seras maudit entre tous les bestiaux et toutes les bêtes des champs; tu marcheras sur ton ventre et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie.

 15 Je mettrai l'hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance. Celle-ci te meurtrira à la tête et toi, tu la meurtriras au talon.»

 

Marc 3

20 Jésus vient à la maison, et de nouveau la foule se rassemble, à tel point qu'ils ne pouvaient même pas prendre leur repas.

 21 À cette nouvelle, les gens de sa parenté vinrent pour s'emparer de lui. Car ils disaient: «Il a perdu la tête.»

 22 Et les scribes qui étaient descendus de Jérusalem disaient: «Il a Béelzéboul en lui» et: «C'est par le chef des démons qu'il chasse les démons.»

 23 Il les fit venir et il leur disait en paraboles: «Comment Satan peut-il expulser Satan?

 24 Si un royaume est divisé contre lui-même, ce royaume ne peut se maintenir.

 25 Si une famille est divisée contre elle-même, cette famille ne pourra pas tenir.

 26 Et si Satan s'est dressé contre lui-même et s'il est divisé, il ne peut pas tenir, c'en est fini de lui.

 27 Mais personne ne peut entrer dans la maison de l'homme fort et piller ses biens, s'il n'a d'abord ligoté l'homme fort; alors il pillera sa maison.

 28 En vérité, je vous déclare que tout sera pardonné aux fils des hommes, les péchés et les blasphèmes aussi nombreux qu'ils en auront proféré.

 29 Mais si quelqu'un blasphème contre l'Esprit Saint, il reste sans pardon à jamais: il est coupable de péché pour toujours.»

 30 Cela parce qu'ils disaient: «Il a un esprit impur.»

 31 Arrivent sa mère et ses frères. Restant dehors, ils le firent appeler.

 32 La foule était assise autour de lui. On lui dit: «Voici que ta mère et tes frères sont dehors; ils te cherchent.»

 33 Il leur répond: «Qui sont ma mère et mes frères?»

 34 Et, parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit: «Voici ma mère et mes frères.

 35 Quiconque fait la volonté de Dieu, voilà mon frère, ma sœur, ma mère.»


Prédication : 

            Je voudrais commencer cette prédication en vous demandant ceci : ces verset de Marc, que nous venons de lire, quel effet vous ont-il fait ? Ah… fallait-il qu’ils vous fassent tel effet, ou tel autre ? Et pourquoi aussi une question aussi indiscrète ? Vous pouvez, évidemment, garder le silence.

            En tout cas, ces versets eurent sur moi – jadis – un certain effet. Le nom de cet effet c’est la peur. Les contours du péché contre le Saint-Esprit étaient mal cernés. Il faut dire que quelqu’un les déterminait pour nous – un petit groupe d’adolescents – le quelqu’un usait  de ses définitions, et aussi de l’unique sanction possible, la mort, pour calmer nos enthousiasmes ; il nous ramenait à tout propos vers un certain chemin qui nous mènerait direct à l’éternelle félicité, à moins que nous ne persistions dans nos fautes qu’il connaissait. Et alors, le châtiment promis éternel nous serait destiné. Je me souviens donc de leçons d’école du dimanche sur le blasphème contre le Saint-Esprit, leçons qui, au niveau catéchisme, prenaient une certaine ampleur, avec des travaux pratiques de prière – je vous laisse imaginer l’allure que ça pouvait prendre, et les effets que cela pouvait avoir.

            Par deux fois dans ma vie j’ai rencontré de telles personnes. Ces personnes sont rares. J’ai rencontré aussi de belles personnes, qui m’ont ramené vers Dieu et vers l’Église. Mais que de violence, et pourquoi cette violence ? Elle est juste là, c'est-à-dire dans la Bible, et peut-être est elle aussi dans les cœurs. Est-ce fatal ? Est-ce inguérissable ?

 

            Posons-nous quelques questions. Puisque nous méditons sur un texte de l’évangile, y a-t-il de la place pour ça dans l’évangile ? Y a-t-il de la place dans les Écritures pour des propos aussi définitifs, pour des jugements sans nuances, et des condamnations extrêmes ? Exemple : évangile de Marc.

            Ces catalogues de malédictions sont là dans le texte de Marc, et il y a d’autres catalogues – bien plus nourris encore – dans Matthieu, et dans Luc. En somme, les trois premiers évangiles portent des vérités qui semblent ne pouvoir être dites que sur le mode des invectives et des condamnations – mais n’oubliez pas de relire Lévitique 20 au moins jusqu’au verset 18, et en marquant une pause en 7 et 8. Ces deux versets, 7 et 8, sont une clé de lecture, ils sont une lumière sur nos chemins. Les revoici : « 7 Sanctifiez-vous donc pour être saints, car c'est moi, le SEIGNEUR, votre Dieu. 8 Gardez mes lois et mettez-les en pratique. C'est moi, le Seigneur, qui vous sanctifie. » Ces deux versets sont un baume sur l’aridité de certains de nos chemins, un baume aussi sur l’aridité de certaines pages de la Bible. C’est ici que, si l’on peut dire, que la Bible enseigne la lecture de la Bible, en Marc 3, nous l’avons déjà signalé, mais aussi en Lévitique 20, mais aussi en Actes 2, en Genèse 3 que nous venons juste d’effleurer. Bien d’autres encore… comme si la Bible toute entière était tout entière consacrée à un certain travail de prévention d’un durcissement des cœurs, ou le contraire.

 

            La question que nous posions il y a un instant, la voici de nouveau : y a-t-il de la place pour toutes ces violences dans l’évangile – ici de Marc – ? La question peut être posée au texte lui-même, qui a un statut particulier dans notre tradition. Nous sommes de tradition chrétienne et dans cette tradition, le texte biblique est canonique. Mais est-il – il n’est pas – canonique tout entier, ou canonique par morceaux ? Il n’est pas de plus grande insulte contre le texte biblique que de le canoniser par morceaux et par intérêt temporaire.

            Et nous pouvons ici avoir une pensée pour les premiers inventeurs de la grotte néandertal de Bruniquel, qui ont compris que leur découverte était trop grande pour eux, et ils l’ont simplement mise à l’abri et attendant l’occasion d’une prochaine lecture, plus recueillie peut-être, mieux équipée, plus humble... Et ainsi pouvons-nous faire, différer le travail sur l’ensemble jusqu’à de prochaines lectures, sachant toutefois – il ne faudrait jamais l’oublier – qu’il y a une solidité d’ensemble, mais qu’elle est constituée de sortes de blocs, quelques versets par-ci par-là, et ça n’est pas un empilage pourtant. Quoique… est-ce que ça peut être balayé, par tel ou tel évènement ? La réponse de vérité, c’est que ça peut tomber ; la réponse d’espérance, c’est qu’il y a toujours un reste à partir duquel il est possible de reconstruire, à partir du ras du sol – ou  plus profond – reconstruire s’entendant reconstruire autrement. Ni l’Évangile ni la vie ne reconstruisent jamais à l’identique.

            Et tout ceci portait plutôt sur la dimension collective de cette expérience. Cette dimension, cette perception, pourraient être suffisantes pour apaiser nos sanglots et réalimenter notre joie.

            Cependant il reste quelques versets qui ne traitent pas du collectif mais de l’individuel, et d’une certaine manière de pécher qui s’appelle blasphémer contre l’Esprit Saint. Appellation qui dû être ajoutée par tel scribe des temps anciens, qui n’y comprenait rien, rien qui pourrait être impardonnable, même par le Seigneur. Et l’on mettrait dans sa bouche des choses si épouvantables ?

            Ces horribles paroles seraient authentiques ? Plus elles sont horribles, plus je les crois authentiques. Et plus je les crois authentiques plus il me semble qu’elles doivent être écartées ou lues, les deux fois sans hésitation.

            Jusqu’à comprendre que pécher contre le Saint Esprit c’est – et je dis peut-être – immobiliser quelqu’un sur son chemin de foi, et parler de ce quelqu’un comme d’une chose, comme d’un cas, comme d’un Saint Esprit oui-non, alors que la vie chrétienne est une vie d’action, une vie active nourrie de trois témoignages, celui des pères, celui des frères, celui des Saintes Écritures, et nourrie aussi de cet on ne sait quoi, prenant toutes les formes possibles – Luc et les Actes en parlent d’une manière irremplaçables – ils ne font peut-être rien d’autre… Ils font !

            Ce qui fait lien entre la volonté de Dieu, le blasphème contre le Saint Esprit, la dimension collective de la foi et la dimension individuelle – intime – de la foi.

            « Quiconque fait la volonté de Dieu… »

            Amen 

samedi 1 juin 2024

Lorsque Judas trahit (Marc 14,12-26)

Marc 14,12-26

10 Judas Iscarioth, l'un des Douze, s'en alla chez les grands prêtres pour leur livrer Jésus.

11 À cette nouvelle, ils se réjouirent et promirent de lui donner de l'argent. Et Judas cherchait comment il le livrerait au bon moment.

 

12 Le premier jour des pains sans levain, où l'on immolait la Pâque, ses disciples lui disent: «Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque?»

13 Et il envoie deux de ses disciples et leur dit: «Allez à la ville; un homme viendra à votre rencontre, portant une cruche d'eau. Suivez-le

14 et, là où il entrera, dites au propriétaire: ‹Le Maître dit: Où est ma salle, où je vais manger la Pâque avec mes disciples?›

15 Et lui vous montrera la pièce du haut, vaste, garnie, toute prête; c'est là que vous ferez les préparatifs pour nous.»

16 Les disciples partirent et allèrent à la ville. Ils trouvèrent tout comme il leur avait dit et ils préparèrent la Pâque.

17 Le soir venu, il arrive avec les Douze.

18 Pendant qu'ils étaient à table et mangeaient, Jésus dit: «En vérité, je vous le déclare, l'un de vous va me livrer, un qui mange avec moi.»

19 Pris de tristesse, ils se mirent à lui dire l'un après l'autre: «Serait-ce moi?»

20 Il leur dit: «C'est l'un des Douze, qui plonge la main avec moi dans le plat.

21 Car le Fils de l'homme s'en va selon ce qui est écrit de lui, mais malheureux l'homme par qui le Fils de l'homme est livré! Il vaudrait mieux pour lui qu'il ne soit pas né, cet homme-là!»

22 Pendant le repas, il prit du pain et, après avoir prononcé la bénédiction, il le rompit, le leur donna et dit: «Prenez, ceci est mon corps.»

23 Puis il prit une coupe et, après avoir rendu grâce, il la leur donna et ils en burent tous.

24 Et il leur dit: «Ceci est mon sang, le sang de l'Alliance, versé pour la multitude.

25 En vérité, je vous le déclare, jamais plus je ne boirai du fruit de la vigne jusqu'au jour où je le boirai, nouveau, dans le Royaume de Dieu.»

26 Après avoir chanté les psaumes, ils sortirent pour aller au mont des Oliviers.

Prédication

         Ainsi donc, Judas livra Jésus. Pour quelles raisons ? Un esprit mauvais, ou la cupidité ? D’autres auteurs que Marc avancent des raisons. Mais Marc, le plus ancien des évangiles, ne dit rien.

            Il faut dire que, devant un acte aussi étonnant – livrer le Fils de Dieu – les raisons ne pèsent pas lourd. Et toutes les raisons qu’on inventera auront toujours le goût du prétendre : « Je ne suis pas comme Judas, moi, je ne suis pas comme ça... » ; ou le goût de la malédiction : « Maudit celui qui a livré Jésus. » Sauf que, Jésus lui-même, qui annonce trois fois sa Passion, ne donne – chez Marc – aucune raison. « Il faut que… », dit-il. « Il faut que… », un point c’est tout. Et nous pourrions en rester là.

            Nous n’allons pas en rester là. Pourquoi faut-il que… ? Il faut…Impérieuse nécessité ! Nous allons tâcher de le comprendre.

            Le point de départ, c’est que sur 12 disciples, il y a un traitre capable de livrer le meilleur des maîtres, le plus sûr de ses amis, comme ça, sans raison.

Or, avec une lucidité redoutable, Marc ne fait pas répondre aux Douze « Pas moi !», mais « Sera-ce moi ? » Comme si chacun – et pas les Douze seulement –allait héberger en lui-même, au plus profond de lui-même, dans la relation qu’il a – ou suppose avoir – avec Dieu, avec Jésus et avec les autres disciples, des motifs de trahir et de livrer. Sur les Douze, un seul passera à l’acte… Judas. Un seul commettra ce geste qui n’a ni délibération ni raison, qui vient comme ça et emporte tout, Judas seulement.  Ce qui ne dispense aucunement tous les autres disciples, tous les autre croyants, de regarder en eux-mêmes. Peut-être que cette exploration intime, correctement menée, évite certains cataclysme. Nous, nous ne faisons rien d’autre je crois, lorsque, pendant notre liturgie, nous prononçons une prière de repentance.

 

Cette prière, nous l’avons prononcée déjà aujourd’hui, et nous avons aussi entendu les paroles de pardon. Aussi n’allons-nous pas plus longtemps nous interroger sur nous-mêmes. Et nous allons plutôt méditer sur un verbe qui est quatre fois répété dans le texte : le verbe livrer.

            Judas a livré Jésus. Mais qu’est-ce que cela signifie, livrer quelque chose, ou quelqu’un ? Livrer quelqu’un signifie le mettre au pouvoir d’un autre. Pour le mettre au pouvoir d’un autre, il faut d’abord qu’il soit en votre pouvoir… et que vous considériez de plus qu’il est en votre seul pouvoir. Pour que Jésus soit livré aux grands prêtres par Judas, il faut que Jésus soit d’abord au pouvoir de Judas. Et il l’est.

Mais Jésus n’est pas seulement au pouvoir de Judas ; il est au pouvoir aussi des onze autres disciples ; mais seul Judas exerce ce pouvoir. En exerçant seul ce pouvoir, Judas considère que son pouvoir de livrer Jésus l’emporte sur celui des Onze autres disciples. Judas se comporte ainsi comme si Jésus était en son seul pouvoir, comme si Jésus n’était qu’à lui, et que pour lui. Judas, de fait, en livrant Jésus, agit comme si les onze autres n’existaient pas, et agit comme si Jésus n’était pas le Christ des Douze, mais seulement son Christ à lui ; et il en dispose en le livrant à des gens qui veulent le mettre à mort.

           

            Pourquoi Judas agit-il ainsi ? Nous n’avons pas beaucoup avancé sur cette question. Mais nous avons quelque chose entre les mains : nous pouvons considérer que Judas n’a pas supporté que Jésus fût le Christ des autres, des onze autres, voire de tous les autres, et, à cause de cela, il a préféré que Jésus fût détruit, raison pour laquelle il l’a livré. Cette hypothèse fait de Judas un jaloux… piste intéressante, que nous pouvons tenter d’étendre à ceux à qui Judas livra Jésus.

Jésus n’est pas un concurrent pour les Hauts Dignitaires du Temple, pas un concurrent seulement. Quel concurrent serait-il ? Comment cet homme, Jésus, avec douze disciples, ses enseignements et quelques miracles pourrait-il concurrencer le Temple, ses centaines de fonctionnaires, ses milliers de pèlerins, et la perpétuelle tradition du culte sacrificiel ? Ce qui se joue, entre Jésus et le Temple, c’est, dans un monde qui s’ouvre de plus en plus, rien moins que le devenir de la foi en Dieu. Temple, ou pas Temple ? Rituel unique, ou diversifié ? Prêtres sacrificateurs, ou prêtres commentateurs ? Lieu unique, Jérusalem, ou d’autres lieux, voire tout lieu ? Peuple unique, ou toutes les nations ?

 

Et bien, les dignitaires du Temple sont des jaloux ; pour eux, Dieu ne peut, Dieu ne doit, passer que par eux ; et si Dieu ne passe pas exclusivement par eux, mais passe par un autre messager, ils complotent contre ce messager, le livrent, le font mettre à mort…

Vous êtes tous des lecteurs de la Bible et je ne vais pas vous raconter la Passion de notre Seigneur Jésus Christ. J’ai bien dit notre Seigneur Jésus Christ. En Jésus Christ Dieu est allé chercher l’humanité entière pour en faire son peuple. Mais pour ce faire, il a fallu qu’un décloisonnement considérable ait lieu, une grande ouverture : il a fallu en quelque manière que Jésus cesse manifestement d’être le Christ d’un seul peuple pour devenir le Christ de l’humanité entière. Oui, il a fallu – verbe falloir – le même verbe que Jésus lui-même emploie lorsque (Marc 8,31), il déclare : « Il faut que le fils de l'homme souffre beaucoup, et qu'il soit rejeté des anciens et des principaux sacrificateurs et des scribes, et qu'il soit mis à mort, et qu'il ressuscite après trois jours. »

 

            Au fond, c’est le fait d’avoir été livré par Judas aux grands prêtres et d’avoir été livré par les grands prêtres à la mort romaine de la croix, qui rend concrètement Jésus disponible comme Christ, pour l’humanité entière.

 

            Mais, une fois que ceci est advenu, qu’est-ce qui empêche les êtres humains, les groupes humains, les Églises… de reproduire ce processus d’appropriation du Christ ? Qu’est-ce qui peut empêcher les Églises chrétiennes de se prétendre seule authentique Eglise, à l’exclusion de toutes les autres ? Voici deux pistes :

            (1) Dans notre texte, il est évidemment question de livrer Jésus, mais ça n’est pas tout. Jésus est livré – il l’est déjà – et dans le temps qu’il lui reste à passer avec ses disciples, Jésus, devançant Judas, se livre aussi. Il se livre corps et sang, il se livre tout entier dans ce dernier repas. Nous devons entendre littéralement que c’est le corps et le sang qui sont donnés, corps et sang du Christ, réduits en poudre et autrement dilués, de sorte que chacun en aura une part propre, une part qui n’est qu’une fraction du tout. Il est ainsi insuffisant, dans notre méditation, d’affirmer que Christ est tout entier présent dans chaque miette de pain, ou chaque gorgée de vin. On peut le dire et ça n’est pas un mensonge. Seulement la vérité est que chacun, avec ce qu’il reçoit, dans sa tradition ecclésiale, n’a jamais pour lui qu’un fragment vivant du corps du Christ. Ce sont tous les fragments, tous ensemble, qui sont l’unique corps du Christ. C’est par jalousie que certains rendent impossible la communion mutuelle. Il n’y a de communion au corps du Christ que dans la reconnaissance que Jésus est Christ de tous les autres, peut-être même Christ de tous les autres avant moi, voire sans moi. Prendre conscience de cela devrait empêcher – peut-être – chaque croyant de considérer que Christ est exclusivement en lui.

            (2) Jésus a été livré par Judas ; il ne nous viendrait pas à l’idée de dire que Jésus a été transmis par Judas. Pourtant, le verbe livrer qui apparaît si souvent dans notre texte, peut avoir un tout autre sens, et ce sens, c’est, justement, transmettre. Quelle différence entre livrer et transmettre ? Livrer, c’est pour que ça cesse ; transmettre, c’est pour que ça continue. Livrer, c’est pour que tout soit toujours pareil ; transmettre, c’est pour que ça change. Livrer, c’est par jalousie, transmettre, c’est par amour. Livrer, ça ramène la foi à n’être que des formules ; transmettre, cela produit que la foi soit de la parole. Livrer, c’est pour que la captivité s’impose ; transmettre, c’est pour la liberté. Livrer, c’est pour que le temps s’arrête ; transmettre, c’est pour que le temps coure jusque dans l’éternité.

 

            Judas, donc, livra Jésus et, le livrant, le rendit disponible pour tout homme. Tout être humain peut donc le recevoir, et tout être humain peut le transmettre en transmettant la foi en Lui. C’est notre tâche. Puissions-nous l’accomplir, humblement et résolument. Amen