mercredi 17 février 2021

Lettre pastorale du 17 février : Heureux ceux qui ont faim et soif de justice

  


« Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, ils seront rassasiés »

             Dans l’Israël ancien, il existait des lieux particuliers, souvent situés sur une hauteur et sur la frontière entre des territoires tribaux, où habitait une famille qui, par tradition héréditaire, était chargée du culte à Dieu, et aussi de la justice. Les tribus se réunissaient là régulièrement, pour prier Dieu, et pour l’arbitrage de toutes sortes de différends. Silo, en plein milieu de Canaan, était l’un de ces lieux. C’est là que la terre promise fut partagée entre les Hébreux (Josué 18), sujet épineux s’il en fut. C’est à Silo que fut éduqué le prophète Samuel. C’est là qu’il reçut sa vocation (1 Samuel 3). Le prêtre de ce temps-là s’appelait Héli. Il était vieux et avait deux fils qui l’assistaient dans ses tâches… Mais ses fils tordaient la justice, et ils la vendaient aussi. Dieu est juste, professait-on à Silo. La justice, manifestation de Dieu, y était l’espérance des petits et des faibles. La justice y était aussi un horizon de paix pour la société. Bienheureux avaient été, un temps, les Enfants d’Israël et le prêtre Héli. Ce temps était passé.

            Nous n’allons pas évoquer seulement Silo. Car la justice construit aussi les relations entre les personnes. C’est la justice ordinaire, celle par laquelle peut-être tout commence et à laquelle aussi tout revient. A-t-on faim et soif de cette justice, celle de la fraternité quotidienne ?

            Il y a toujours des actes qui peuvent lui donner corps. La mettre en œuvre conduira à une forme particulière de satiété, la joie, ou la paix. Ceci étant dit, nous savons que la satiété vient après le repas, mais que la satiété n’est qu’un état transitoire. Tous les petits actes de la justice fraternelle, dont certains sont presqu’invisibles dans leur banalité, sont l’une des nourritures de la vie familiale, amicale, ou communautaire. La faim et la soif de les accomplir ne peut jamais totalement cesser. C’est en les accomplissant qu’on se rassasie d’eux.

            En élargissant un peu ce premier cadre, voici la justice qui ne regarde pas au faciès mais qui tâche de comprendre ce qu’il y a au cœur de l’homme ; la justice qui ne juge pas selon qu’on est homme ou femme, blanc ou de couleur, Capulet  ou Montaigu… L’ancien Israël était structuré en tribus, clans et familles. Et l’idée que ces tribus toutes ensemble aient constitué un seul peuple et partagé un même destin ne va absolument pas de soi, même dans la Bible qui, en matière de brouille furieuse et de réconciliation émue, explore probablement tout ce qui est possible. La question posée est très simple : « Qui est mon frère ? » Et la réponse – biblique elle aussi – est simple aussi : ton frère est celui à qui tu concèdes les mêmes droits qu’à toi.

            Retour sur les droits, retour sur la justice, mais dans un cadre plus élargi, au-delà des familles dont nous avons déjà parlé, considérons celles et ceux qui habitent un même territoire. Faim et soif de justice, assurément. Rassasiés ? Pensons à ceux qui frappent aux portes d’un pays, et à d’autres qui viennent en aide à ceux qui vivent dans la rue. Seront-ils rassasiés, un jour ? Chaque demande, et chaque engagement, même s’il relève de la même justice, demande à être évalué pour lui-même. Mais pour tous, sur l’horizon, la justice est accomplie, et la proclamation est la même.

            Même lorsque les prédicateurs de la fin prochaine et du chaos font entendre leurs voix criardes, nous espérons en une justice universelle qui rendra possible la réconciliation entre tous les peuples, et tous les humains. C’est une grande espérance, la plus grande que nous puissions imaginer sur cette terre et sous ce ciel. Nous voyons certains de nos semblables se tenir ardemment à cette tâche. Nous les disons Bienheureux. Nous leur disons aussi merci.


Pasteur Jean DIETZ, 17 février 2021