Jérusalem et
Bethel
C’est en 640 avant Jésus
Christ que commença le règne du roi Josias à Jérusalem. C’est sous son règne
qu’eu lieu une grande réforme religieuse. La théologie mise en œuvre pendant
cette réforme fut à peu près celle du Deutéronome. Une théologie de l’unicité
de Dieu. « Ecoute Israël, le Seigneur notre Dieu, est UN. »
(Deutéronome 6,4). Une théologie aussi de la rétribution.
L’unicité de Dieu fut
proclamée en paroles et en actes. La proclamation en actes de l’unicité de Dieu
exigeait, pour les promoteurs de cette réforme, qu’il n’y ait qu’un seul lieu
de culte, le temple de Jérusalem. Et donc, tous les autres lieux de culte qui
existaient furent saccagés et détruits (2 Rois 23). Une lecture attentive
laisse entrapercevoir que le sang coula. S’agissant du temple de Jérusalem, on
en fit sortir toutes sortes d’objets, instruments de culte à d’autres dieux, on
les réduisit en cendres, qui furent emportées à Bethel (2 Rois 23,4). Au cours
d’une première vague de cette réforme, pour le moins radicale, qui allait se
radicalisera encore, Bethel semble avoir bénéficié d’un traitement
particulier : des cendres impures souillent le lieu, mais, provisoirement,
nul ravage n’y est opéré.
Si nul ravage n’est opéré
à Bethel, ce peut être parce qu’on n’y adore ni le Seigneur, ni aucun autre
dieu. Mais, dans un lieu qui s’appelle Bethel, c'est-à-dire maison de Dieu,
peut-on faire autre chose qu’adorer Dieu ? Oui. On y peut réfléchir à ce
qu’est ce Dieu que par ailleurs on adore. On peut penser sa vie et sa foi. On
peut y étudier avec application les textes sacrés… A Bethel, on pense sa foi.
Et si l’on imagine qu’à Jérusalem se met en œuvre une devise affirmant :
« Tous adorateurs ! », on peut imaginer aussi qu’à Bethel se met
en œuvre une autre devise : « Tous théologiens ! ». Faut-il
choisir ?
On dit parfois que « philosopher,
c’est penser sa vie et vivre sa pensée ». Ne pourrions-nous pas dire que croire
en Dieu c’est penser Dieu et rendre un culte à Dieu ? Ne pourrions-nous
pas ajouter que rendre un culte à Dieu c’est proclamer en paroles et en actes
l’amour de Dieu et l’amour du prochain ? Dans chacune de ces propositions,
le plus important, c’est le et.
Il n’est pas nécessaire de
choisir entre Jérusalem et Bethel. J’ai eu la grande chance de connaître de
très près des hommes et des femmes qui ont dû penser et vivre leur foi pendant
les années terribles de la seconde guerre mondiale. Tout en conduisant la vie
de leurs paroisses, ils se consacraient secrètement à des activités extrêmement
dangereuses. Ils m’ont déclaré deux choses : jamais leur piété n’avait été
si fervente, et jamais il n’avaient fait de la théologie avec autant
d’application. Jamais ils ne s’en étaient remis si totalement à Dieu
(Jérusalem), jamais ils n’avaient fait autant d’efforts pour penser Dieu
(Bethel). J’aurais dû oser leur poser une certaine question : « Et
lorsque cette période fut finie, qu’avez-vous fait ? » Cette
question, je ne l’ai pas posée, mais je sais, pour avoir vécu auprès d’eux,
qu’ils ne se sont pas arrêtés en chemin.
Une période, en tout cas,
est, pour nous, en train de finir. Cette lettre pastorale hebdomadaire finira avec
le confinement. Le confinement s’achève. Vous lirez mercredi prochain la
dernière de ces lettres. Nos rencontres suivantes auront lieu de visu.