dimanche 8 novembre 2015

Dieu nous punit-il ? (Jérémie 31)


Je me souviens de la Loi n°.99-944, une loi de la République française, promulguée le 15 novembre 1999. C’est cette loi qui rendait possible le PACS. Je me souviens aussi de Lothar et Martin, deux ouragans qui traversèrent la France les 26, 27 et 28 décembre 1999. Six semaines séparent les deux événements… Y a-t-il un lien entre ces deux événements ? Je pense que vous répondrez négativement.


Voici donc un troisième souvenir. Dans les premiers jours de janvier 2000, j’ai reçu dans mon bureau quelqu’un qui était venu m’expliquer que les tempêtes de fin décembre 1999 étaient la punition de Dieu contre la France, pour avoir légalisé l’homosexualité. J’ai d’abord demandé à cette personne de m’expliquer de quoi pourrait bien être coupable devant Dieu un bébé qui, avec ses parents, des parents chrétiens, aurait été écrasé par un arbre déraciné par la tempête. Divers bredouillements sont venus, qui m’ont agacé. Alors j’ai flanqué cette personne à la porte de mon bureau, en lui donnant l’ordre de méditer sur mes propos et en lui interdisant l’accès à mon bureau tant elle ne serait pas dans des dispositions plus charitables… en quelque manière, donc, j’ai puni cette personne, tant il est vrai que, parfois, la charité chrétienne n’a rien d’autre à donner que des coups de pied aux fesses.

Ces trois souvenirs pour nourrir un peu la question : Dieu nous punit-il ?

Je ne veux pas d’emblée ouvrir la Bible pour répondre à une telle question. Il ne le faut pas… j’ai même envie de dire qu’il ne faut jamais ouvrir la Bible aux fins de répondre d’emblée à une question sérieuse.
Se demander si Dieu nous punit, c’est s’interroger au moins à trois titres :
C’est se demander s’il y a un lien entre ce qui pourrait être une faute, qui est éventuellement une faute, et ce qui vient ensuite dans la vie. Je n’ai pas respecté la priorité à droite, et ma voiture est hors service ; mais dirais-je ceci si ma voiture est hors service, panne de démarreur, trois semaines après ledit refus de priorité ?
C’est se demander si Dieu tient compte de nos fautes et intervient dans nos vies à leur suite. Confère l’exemple par lequel commence cette méditation ; mais on peut aussi, pas loin du même registre, se souvenir de ce temps où l’on a entendu que le SIDA était une punition divine… les enfants hémophiles et morts du SIDA après avoir été transfusés par du sang contaminé, Dieu les a punis de quoi ?
C’est se demander si Dieu punit individuellement ou collectivement des fautes individuelles ; c’est se demander si la notion de faute collective existe…
C’est se demander où l’on peut apprendre que Dieu nous punit.

Mais, en attendant de répondre à toutes ces questions, quelqu’un demande : Dieu nous punit-il ? Pour poser une telle question, il faut deux conditions, au moins :
Quelqu’un vous a suggéré que Dieu punit ; vous avez ça dans la tête et ça vous revient dans telle et telle circonstances ; ou encore quelqu’un vous interroge – j’y viendrai avec un autre souvenir.
Vous vous interrogez au sujet de cette affirmation ; il vous apparaît même peut-être urgent de pouvoir donner une réponse.

La question de départ ayant été suffisamment déployée, peut-être est-il possible d’ouvrir la Bible. Mais de l’ouvrir à quelle page, et dans quelle traduction ? Parce que, suivant la traduction que vous lirez, les chances de répondre que « Oui, Dieu nous punit. » ou de répondre que « Non, Dieu ne nous punit pas. » ne sont pas du tout les mêmes. Vos risques d’être puni, ou châtié, par Dieu, sont bien plus grande si vous êtes lecteurs de la traduction Segond 1910 que si vous êtes lecteurs de la traduction Darby…

Ce qui apparaît dans toutes les traductions que j’ai lues, c’est que bien des auteurs bibliques s’interrogent sur les origines des bonheurs et des tribulations d’Israël, et qu’ils affirment que Dieu n’est pas étranger à tout cela. Suivant les auteurs, et selon les préjugés des traducteurs, l’image de Dieu sera plus ou moins l’image d’un père qui éduque, qui éduque par la persuasion ou par la trique, ou l’image d’un surveillant qui récompense ou qui punit, et qui le fait d’une manière strictement individuelle (chacun paie pour ses propres fautes), ou bien transgénérationnelle (les fautes des pères punies sur les fils), ou bien par substitution (la piété du roi ou des princes bénéficie à tout le peuple, la faute du roi est punie sur tout le peuple), etc.

Lorsqu’on se met à mêler le nom de Dieu aux hasards de l’histoire, tout se complique, rien n’est simple, l’idiotie patente et la monstruosité jamais impossibles. Exemple : le roi Josias. Josias est précédé par deux rois, Manassé et Amôn, dont on retient qu’ils firent « ce qui est mal aux yeux du Seigneur », en conséquence de quoi, dit le Seigneur, « Je vais amener sur Jérusalem et sur Juda un malheur tel que les deux oreilles tinteront à quiconque l’apprendra, etc. » (2 Rois 21). Puis vient Josias, qui devient roi à l’âge de 8 ans ; « il fit ce qui est droit aux yeux de l’Eternel, et suivit exactement le chemin de David, son père, sans dévier ni à droite ni à gauche. » (2 Rois 22) Josias restaure et purifie le Temple, détruit les hauts-lieux, remet en vigueur la Loi, la Pâque, détruit toutes sortes de dieux étrangers, extermine les nécromanciens, etc. Vous vous dites, récompense pour Josias… hélas, il meurt pitoyablement dans une escarmouche contre le pharaon Neko. Justification théologique de cela ? « L’Eternel ne revint pas de l’ardeur de la grande colère qui l’avait enflammé contre Juda, à cause de toutes les offenses que Manassé avait commises contre lui. » (2 Rois 23). Hum…
Conclusion, l’homme exemplaire est puni pour les fautes de ses prédécesseurs. Une théologie de la rétribution ne recule jamais devant cela… les pieux exilés de Babylone, car il y en eut, auront apprécié l’endurcissement de leur Dieu, ou le caractère obtus de ceux qui leur parlaient de Dieu... Certains d’entre eux se seront sans doute dit déjà que de ce que quelqu’un confesse personnellement de Dieu on ne peut, ni ne doit, jamais, inférer quoi que ce soit qui serait un savoir sur Dieu.

Dieu merci, toute la Bible n’est pas construite autour de théologies de la rétribution. Voici tout autre chose : Jérémie 31
29 En ce temps-là (dans cette perspective-là), on ne dit plus: «Les pères ont mangé du raisin vert et ce sont les enfants qui en ont les dents rongées!»
30 Mais non! Chacun meurt pour son propre péché, et si quelqu'un mange du raisin vert, ses propres dents en seront rongées.
31 Des jours viennent - oracle du SEIGNEUR - où je conclus avec la communauté d'Israël - et la communauté de Juda - une nouvelle alliance.
32 Elle est différente de l'alliance que j'ai conclue avec leurs pères quand je les ai pris par la main pour les faire sortir du pays d'Égypte. Eux, ils rompent mon alliance; mais moi, je reste le maître chez eux - oracle du SEIGNEUR.
33 Voici donc l'alliance que je conclus avec la communauté d'Israël après ces jours-là - oracle du SEIGNEUR: je dépose mes directives au fond d'eux-mêmes, les inscrivant dans leur être; je deviens Dieu pour eux, et eux, ils deviennent un peuple pour moi.
34 Ils ne s’instruisent plus entre compagnons, entre frères, répétant: «Apprenez à connaître le SEIGNEUR», car ils me connaissent tous, petits et grands - oracle du SEIGNEUR. Je pardonne leur crime; leur faute, je n'en parle plus. 

Avec tous les verbes mis au présent, et rien n’interdit de les mettre tous au présent, c’est une perspective toute nouvelle qui apparaît, d’une part, celle de la responsabilité personnelle ; et, devant l’histoire de l’exil, plus encore qu’une nouvelle perspective, c’est de l’espérance pour les innocents, et aussi pour certains coupables… pourvu bien entendu qu’ils fassent ce que nous faisons depuis un certain temps : interroger.

Reste cependant la question que quelqu’un pose personnellement.

https://www.facebook.com/Mywifesfightwithbreastcancer/

-          Monsieur l’Aumônier, Dieu nous punit-il ?
-          Que voulez-vous me dire, Madame ?
-          On m’a appris depuis que je suis petite fille que Dieu récompense les bons et punit les méchants.
-          Oui…
-          J’ai été bonne, Monsieur l’Aumônier. Je n’ai aimé que mon mari, j’ai bien élevé mes enfants, j’ai prié tous les jours et j’ai été à la messe, jamais sans me confesser. J’ai tout bien fait, vous savez, Monsieur l’Aumônier, rien de mal, jamais.
-          Je vous crois, Madame.
-          Alors de quoi Dieu me punit-il avec ce cancer ?
-          Il ne vous punit de rien, Madame…
-         
-          Que pensez-vous de ce qu’on vous appris ?
-          Des conneries, Monsieur l’Aumônier… ne le prenez pas mal… des conneries.
-          En effet…
-          Peut-être que ça n’est pas trop tard pour recommencer…

-          Ça n’est pas trop tard, Madame. Il n’est jamais trop tard pour ça.

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