dimanche 31 mai 2015

Quoi Trinité ? (Matthieu 28 ; Romains 8 ; Deutéronome 4)

Deutéronome 4
32 Interroge donc les jours du début, ceux d'avant toi, depuis le jour où Dieu créa l'humanité sur la terre, interroge d'un bout à l'autre du monde: Est-il rien arrivé d'aussi grand? A-t-on rien entendu de pareil?
33 Est-il arrivé à un peuple d'entendre comme toi la voix d'un dieu parlant du milieu du feu, et de rester en vie?
34 Ou bien est-ce qu'un dieu a tenté de venir prendre pour lui une nation au milieu d'une autre par des épreuves, des signes et des prodiges, par des combats, par sa main forte et son bras étendu, par de grandes terreurs, à la manière de tout ce que le SEIGNEUR votre Dieu a fait pour vous en Égypte sous tes yeux?
35 À toi, il t'a été donné de voir, pour que tu saches que c'est le SEIGNEUR qui est Dieu: il n'y en a pas d'autre que lui.
36 Du ciel, il t'a fait entendre sa voix pour faire ton éducation; sur la terre, il t'a fait voir son grand feu, et du milieu du feu tu as entendu ses paroles.
37 Parce qu'il aimait tes pères, il a choisi leur descendance après eux et il t'a fait sortir d'Égypte devant lui par sa grande force,
38 pour déposséder devant toi des nations plus grandes et plus puissantes que toi, pour te faire entrer dans leur pays et te le donner comme patrimoine, ce qui arrive aujourd'hui.
39 Reconnais-le aujourd'hui, et réfléchis: c'est le SEIGNEUR qui est Dieu, en haut dans le ciel et en bas sur la terre; il n'y en a pas d'autre.
40 Garde ses lois et ses commandements que je te donne aujourd'hui pour ton bonheur et celui de tes fils après toi, afin que tu prolonges tes jours sur la terre que le SEIGNEUR ton Dieu te donne, tous les jours.

Romains 8
14 En effet, ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l'Esprit de Dieu:
15 vous n'avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions: Abba, Père.
16 Cet Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.
17 Enfants, et donc héritiers: héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ, puisque, ayant part à ses souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire.

Matthieu 28
16 Quant aux onze disciples, ils se rendirent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre.
17 Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais quelques-uns eurent des doutes.
18 Jésus s'approcha d'eux et leur adressa ces paroles: «Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre.
19 Allez donc: de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit,
20 leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin des temps.»

Prédication : Mens, 31 mai 2015 (dimanche de la Trinité)
            Ces trois lectures, proposées par le lectionnaire Dimanches et fêtes, sont bien choisies pour évoquer d’abord le Père, puis le Saint Esprit, et enfin le Fils, lequel Fils, à la toute fin de l’évangile selon Matthieu, institue le baptême et  institue avec ce baptême la formule trinitaire « Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit ». Le dimanche qui suit la Pentecôte est le dimanche de la Trinité.
            La Trinité n’est pas une fête que les protestants que nous sommes célèbrent avec une ferveur particulière. Elle pourrait même passer inaperçue dans la liste de lecture que nous fournit la Fédération protestante de France… les textes proposés sont bien ceux que liront nos sœurs et frères catholiques, mais la mention Trinité ne figure pas en marge…
            On le sait, les protestants que nous sommes émettent quelques réserves s’agissant de la Trinité, mot qui ne figure pas explicitement dans la Bible.  Mais les protestants que nous sommes ne peuvent pas ignorer que pour bien des chrétiens Dieu est (au plein sens du verbe être) Père, Fils et Saint Esprit, une seule essence en trois personnes… A-t-on pourtant tout dit de Dieu, de sa nature, de son activité, lorsqu’on a dit qu’il est Trinité ? Nous allons laisser de côté maintenant cette question ; ce n’est pas le moment d’un travail sur la doctrine et sur la nature des doctrines.
            Trois textes nous sont proposés, et ils vont servir à une méditation sur ce que nous allons appeler la triple filiation du chrétien, notre triple filiation.
            Dans un premier temps, nous ferons une sorte de description élogieuse de ces filiations. Dans un second temps, nous émettrons des réserves sur chacune des ces filiations. Puis nous parlerons d’espérance

            Premier temps, trois courts éloges.
            Première filiation, la filiation du Père, ou des pères. Nous ne sommes pas les premiers à croire. Nous recueillons dans la reconnaissance l’héritage, le témoignage, de la tradition. Le texte biblique nous est donné. Interroge les jours du début, dit le Deutéronome ! La mémoire nous est donnée. Nous sont données aussi la forme de nos cérémonies et la manière d’organiser nos Eglises... Nous ne sommes pas les premiers. Le chemin a été tracé pour nous. Honneur à nos pères, et grâces soient rendues à Dieu.
            Seconde filiation, la filiation du Fils, c'est-à-dire celle qu’on doit aux frères, et sœurs, qui sont nos contemporains. Dans la logique de cette prédication, le Fils n’est pas seulement le Fils du Père au sens où la tradition parle de lui. Il est le contemporain, le frère, celui qui partage notre condition, qui nous enseigne et que nous enseignons. Aujourd’hui, nous ne sommes pas tout seul. L’un doute, l’autre parle avec lui. La foi s’élabore, se construit, dans le dialogue, dans la rencontre, de nos contemporains. Ma sœur, mon frère, apportent à ma vie et à ma foi. En quelque manière ils m’engendrent. Qu’ils en soient remerciés, et que Dieu soit loué.
            Troisième filiation, celle de l’Esprit. L’héritage des pères et le partage entre les frères ne doivent pas laisser oublier que chaque personne peut être inspirée, créative. L’Esprit peut bien s’adresser à chacun, à chacune, engendrer en lui la foi. L’Esprit atteste intimement à chacun qu’il est enfant de Dieu.

            Deuxième temps, Nous reprenons chacune de ces trois filiations. Et nous allons méditer sur les limites.
            Filiation du Père, des pères, et de la tradition… Ainsi ont fait nos pères dans la foi et nous leur devons beaucoup. Mais, parce que nos pères ont fait ce qu’ils ont fait, devons-nous faire tout comme eux ? La filiation de par la tradition est une filiation qui, si l’on ne considère qu’elle, conduit tout dans l’impasse du traditionalisme qui dit : aujourd’hui doit être comme hier. Et l’on voit des Eglises s’étioler, se rigidifier, s’accrocher désespérément à la forme des anciennes cérémonies, à de vieux bâtiments, à de vieilles histoires. On les voit peut-être disparaître, mais en tout cas on les voit terriblement s’isoler.
            Filiation du Fils, engendrement entre contemporains… Nous devons infiniment à nos contemporains, sœurs et frères dans la vie et dans la foi, mais cette filiation, Lorsqu’on choisit trop bien les gens avec qui l’on partage, conduit tout à une forme close de la foi, une forme dans laquelle la connivence d’un groupe tient lieu de vérité. Plus personne alors n’apporte rien à  personne parce que tous disent la même chose, croient la même chose... L’on voit ainsi parfois des groupes se refermer sur eux-mêmes, s’uniformiser, rejeter tout ce qui singularise, puis se stériliser.
            Filiation de l’Esprit, personnelle et intime… Nous avons peut-être en mémoire des exemples terribles de personnes qui, au nom de leur inspiration toute personnelle, au nom de l’Esprit, ont récusé leurs contemporains, récusé la tradition, et mené leur propre vie au désastre. Parfois même ce désastre a-t-il été tristement contagieux… Quoi qu’il en soit, l’on se dessèche assurément à se dire engendré uniquement par l’Esprit, en se tenant de plus tout à fait seul.

            Au point où nous en sommes, nous nous rendons compte que nous ne pouvons pas faire un éloge trop exclusif de nos filiations. Mais nous ne pouvons pas non plus récuser ces filiations.
Nous n’en avons pas d’autres… Il nous faut donc les maintenir, les reconnaître, les éprouver, et les tenir toujours en dialogue.
            Par exemple, lorsque Calvin parle du témoignage intérieur du Saint Esprit, c'est-à-dire de la filiation intime, il en parle dans un lien étroit avec la lecture de la Bible. L’Ecriture ne devient parole de Dieu en nous que par le témoignage intérieur du Saint Esprit. La première et la troisième de nos filiations sont ici en dialogue. Et le nous qu’il utilise indique pleinement la présence de contemporains. 
Autre exemple, lorsque Paul parle aux Romains de l’Esprit d’adoption qui parle à notre esprit, ça n’est pas pour que chacun dise arrogamment « Je suis, moi, enfant de Dieu », mais pour que cela soit dit ensemble et réciproquement par un groupe de personnes. Ainsi conjugue-t-il explicitement la troisième et la seconde des filiations.
Puisse l’Esprit souffler en chacun de nous au cours de ce culte. Cette simple phrase met en dialogue la tradition dont le culte est porteur, les sœurs et frères qui sont présents dans l’assemblée, et l’Esprit que nous espérons pour tous.

Aujourd’hui, c’est le dimanche de la Trinité et au début de cette prédication nous avons annoncé qu’il serait question d’abord d’éloge, puis de  réserves, puis d’espérance.
Quelle est notre espérance, après ce que nous venons de dire ? Les grands textes et nos traditions sont là devant nous et offerts : nous ne sommes pas les premiers à vivre, à croire et à espérer. Nos contemporains sont là, pour nous défier, pour nous soutenir : nous ne sommes pas seuls à vivre, à espérer et à croire. Et nous sommes là, chacune, chacun, avec sa vie, avec sa propre histoire, mystérieusement et réellement accompagnés.

Amen

Oui, je remets ceci... Pendant que nous causons "bénir", pendant que nous parlons Trinité, pendant que des partis changent de nom, Daesh exécute 217 personnes en 9 jours à Palmyre.