dimanche 29 mars 2015

Le Seigneur sauve (1 Samuel 17,38-50) ... il sauve de quoi ?

1Samuel 17
38 Saül revêtit David de ses propres habits, lui mit sur la tête un casque de bronze et le revêtit d'une cuirasse.
 39 David ceignit aussi l'épée de Saül par-dessus ses habits et essaya en vain de marcher, car il n'était pas entraîné. David dit à Saül: «Je ne pourrai pas marcher avec tout cela, car je ne suis pas entraîné.» Et David s'en débarrassa.
 40 Il prit en main son bâton, se choisit dans le torrent cinq pierres bien lisses, les mit dans son sac de berger, dans la sacoche, et, la fronde à la main, s'avança contre le Philistin.
 41 Le Philistin, précédé de son porte-bouclier, se mit en marche, s'approchant de plus en plus de David.
 42 Le Philistin regarda et, quand il aperçut David, il le méprisa: c'était un gamin au teint clair et à la jolie figure.
 43 Le Philistin dit à David: «Suis-je un chien pour que tu viennes à moi armé de bâtons?» Et le Philistin maudit David par ses dieux.
 44 Le Philistin dit à David: «Viens ici, que je donne ta chair aux oiseaux du ciel et aux bêtes des champs.»
 45 David dit au Philistin: «Toi, tu viens à moi armé d'une épée, d'une lance et d'un javelot; moi, je viens à toi armé du nom du SEIGNEUR, le tout-puissant, le Dieu des lignes d'Israël, que tu as défié.
 46 Aujourd'hui même, le SEIGNEUR te remettra entre mes mains: je te frapperai et je te décapiterai. Aujourd'hui même, je donnerai les cadavres de l'armée philistine aux oiseaux du ciel et aux animaux de la terre. Et toute la terre saura qu'il y a un Dieu pour Israël.
 47 Et toute cette assemblée le saura: ce n'est ni par l'épée, ni par la lance que le SEIGNEUR donne la victoire, mais le SEIGNEUR est le maître de la guerre et il vous livrera entre nos mains.»
 48 Tandis que le Philistin s'ébranlait pour affronter David et s'approchait de plus en plus, David courut à toute vitesse pour se placer et affronter le Philistin.
 49 David mit prestement la main dans son sac, y prit une pierre, la lança avec la fronde et frappa le Philistin au front. La pierre s'enfonça dans son front, et il tomba la face contre terre.
 50 Ainsi David triompha du Philistin par la fronde et la pierre. Il frappa le Philistin et le tua. Il n'y avait pas d'épée dans la main de David.

Prédication
         Sans doute le récit du combat entre David et Goliath est-il l’un des récits bibliques les plus connus qui soit. Nous ne pouvons pas nous en souvenir sans une certaine tendresse. Il est d’autant plus facile de s’en souvenir qu’il est abondamment illustré ; chaque génération aura eu son David, revêtu d’abord d’une ridicule et colossale armure – celle du roi Saül – puis vêtu comme un petit pâtre, fronde en main, et faisant face à un géant de trois fois sa taille et de cinq fois son poids, un géant qu’il abat d’un seul jet de pierre. Et certains illustrateurs audacieux montrent enfin David brandissant à bout de bras la tête tranchée de son adversaire. Ces images sont d’une violence rare et elles sont depuis toujours dans nos mémoires…
Nous nous en souvenons avec une certaine tendresse : nous fûmes enfants, puis parents, puis grands-parents. Nous nous en souvenons avec un certain effroi depuis que l’actualité nous impose ce genre de scène…
David et Goliath c’est, dans notre éducation religieuse, dans notre éducation chrétienne, une scène de guerre, explicite, même si nous avons évité, pour notre lecture du jour, d’en passer par la décapitation du géant vaincu et par le massacre de l’armée Philistine en déroute. Oui, avec ce genre de récit, et il y en a bien d’autres, nous avons été éduqués à la foi en Dieu.
Nous ne sommes pas pour autant devenus des assassins ; nous ne sommes pas non plus devenus mous et passifs – et pourtant il est écrit que c’est le Seigneur qui donne la victoire ; nous ne sommes pas d’avantage devenus des candides qui prétendent que Dieu protège les faibles petits et gentils et punit les forts grands et méchants.
Car la foi en Dieu peut se vivre autrement que sous les auspices de la violence, de l’angélisme ou du mensonge. Elle peut se vivre autrement que dans la récitation de versets bibliques bien choisis pour nourrir et justifier de forts mauvais penchants. Utiliser un verset biblique pour obliger notre prochain, utiliser un verset biblique pour affirmer que Dieu nous doit ceci ou cela, c’est l’œuvre du diable. « Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu », répond Jésus.

Lorsque nous lisons le récit du combat entre David et Goliath, nous lisons d’abord un récit de bataille écrit par un écrivain antique. Deux armées se font face. Chacune envoie son champion… Les deux champions s’insultent, prennent à témoin leurs dieux, insultent les dieux du camp adverse, se promettent toutes sortes d’horreurs et de mutilations, puis, enfin, ils s’affrontent ; celui qui gagne apporte un avantage décisif à son camp. C’est ainsi que les auteurs antiques ont raconté bien des batailles.
Or, au cœur du récit de bataille que nous lisons, un mot vient nous signaler que ce que nous lisons n’est qu’apparemment un récit de bataille. Quel est ce mot ?

Relevons le mot assemblée. Il n’appartient pas au vocabulaire du champ de bataille. Sur un champ de bataille, ce sont deux armées qui se font face. Les Philistins sont bien une armée, mais s’agissant d’Israël, on parle d’une assemblée. Or, le mot assemblée désigne très précisément ceux qui se réunissent pour prier, pour méditer, pour étudier. Le mot assemblée nous désigne. Il ne s’agit donc pas, avec David et Goliath, de nourrir les sentiments guerriers des croyants, mais de donner à ces croyants l’occasion de s’interroger sur leur vie, leurs engagements, et leur foi.
Notre attention ayant été retenue par le mot assemblée (verset 47), relisons ce verset. « Et tout cette assemblée le saura : ce n’est ni par l’épée, ni par la lance, que le Seigneur donne la victoire, mais le Seigneur est le maître de la guerre et il vous livrera entre nos mains. »
Relisons-le encore une fois : « Toute cette assemblée sait et saura : oui, ce n’est ni par l’épée ni par la lance que le Seigneur sauve, oui, la bataille est vers le Seigneur ; et il vous donnera entre nos mains. » Et nous méditons sur cette seconde traduction de ce verset.
A eux tous ceux qui sont ici, à tous ceux qui ont des batailles à mener, des épreuves à traverser, s’adresse cette promesse : le Seigneur sauve.
Dans ce récit, le Seigneur sauve d’abord de l’idée qu’on peut s’engager n’importe comment dans n’importe quelle aventure sans avoir la moindre compétence et que le Seigneur pourvoira. Le croyant, dans ce récit, n’est pas une tête brûlée, ni un prétentieux, ni l’innocent absolu.
Le Seigneur sauve ensuite de l’idée que c’est avec les armes des autres que ceux qui ont à mener bataille mèneront bataille. Nous avons vu David rejeter des armes de Saül, qui ne sont pas les siennes.
Le Seigneur sauve encore de l’idée qu’on est sans ressources. David est équipé ; il est équipé d’une fronde, arme de jet puissante, rudimentaire, et qui exige, parce qu’elle est rudimentaire, dépourvue d’un système de visée, une grande mobilité de celui qui la porte ; et l’on voit bien David se déplacer, se replacer, pour être à bonne distance de sa cible... Les croyants sont – vous êtes – équipés  de force, d’intelligence et de divers outils ; et, dans l’épreuve, ils vont – vous allez – vous en servir. Mais ce ne sont que des outils, des moyens.
Or ce n’est pas, ce n’est jamais par ces moyens-là que le Seigneur sauve ; avant même la bataille, avant même qu’on mette en jeu tout ce qu’on peut, tout ce qu’on a, le Seigneur sauve enfin de l’idée toujours prétentieuse que c’est uniquement par les mérites, les outils et par ses propres forces qu’on peut l’emporter.

Ainsi, c’est, comme nous lisons, « vers le Seigneur » que chaque bataille de la vie nous oriente. D’une véritable bataille de la vie nous ne connaissons jamais l’issue mais, dans la foi, nous affirmons que, quoi qu’il arrive, tournés vers le Seigneur et entre les mains du Seigneur, nous ne serons pas défaits. Chaque bataille, chaque épreuve nous tourne vers le Seigneur, nous rapproche du Seigneur.

Nous ne faisons évidemment pas l’apologie du malheur ou de la souffrance. Nous affirmons seulement que la foi en Dieu est conforme à la vérité de la vie. En affirmant que le Seigneur sauve, nous n’affirmons rien de magique, ni de naïf, ni de triomphaliste. Dire que le Seigneur sauve est une affirmation réaliste et modeste. Nous faisons ce qu’il est en notre pouvoir de faire, sans nous en vanter, et nous remettons toutes choses, et nos vies, entre les mains de Dieu. Amen