samedi 10 février 2024

Méditations sur la volonté (Marc 1,40-45 et Lévitique 13,1-2 et 45-46)

Marc 1

40 Un lépreux s'approche de lui; il le supplie et tombe à genoux en lui disant: «Si tu le veux, tu peux me purifier.»

 41 Pris de pitié, Jésus étendit la main et le toucha. Il lui dit: «Je le veux, sois purifié.»

 42 À l'instant, la lèpre le quitta et il fut purifié.

 43 S'irritant contre lui, Jésus le renvoya aussitôt.

 44 Il lui dit: «Garde-toi de rien dire à personne, mais va te montrer au prêtre et offre pour ta purification ce que Moïse a prescrit: ils auront là un témoignage.»

 45 Mais une fois parti, il se mit à proclamer bien haut et à répandre la nouvelle, si bien que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais qu'il restait dehors en des endroits déserts. Et l'on venait à lui de toute part.

Lévitique13

1 Le SEIGNEUR adressa la parole à Moïse et à Aaron:

 2 «S'il se forme sur la peau d'un homme une boursouflure, une dartre ou une tache luisante, et que cela devienne une maladie de peau du genre lèpre, on l'amène au prêtre Aaron ou à l'un des prêtres ses fils;

 45 Le lépreux ainsi malade doit avoir ses vêtements déchirés, ses cheveux défaits, sa moustache recouverte, et il doit crier: ‹Impur! Impur!›;

 46 il est impur aussi longtemps que le mal qui l'a frappé est impur; il habite à part et établit sa demeure hors du camp.

Prédication

            Les choix de lectures de ce jour nous invitent à une petite traversée du 13ème chapitre du livre de Lévitique, un chapitre consacré à diverses maladies de peau.

            Vous avez entendu les deux premiers versets, et les deux derniers versets. Le reste, vous pourrez le lire chez vous. Le tout fait 59 versets, en une sorte de grand manuel diagnostic. Des guérisons spontanées y peuvent être envisagées, des exclusions temporaires aussi, pour éviter toute propagation. Mais le soin ? Ce chapitre n’est pas d’un manuel thérapeutique. Dans l’Ancien Testament, les maladies de peau sont extrêmement redoutées et handicapantes, pas seulement chez les enfants d’Israël. Souvenez-vous : il y a un général assyrien – un étranger, un ennemi – du nom de Naaman, qui sera miraculeusement guéri par la volonté – si ce n’est la puissance – du prophète Élisée. Il courrait en Assyrie le bruit qu’un certain homme, en Israël, pouvait guérir, mais ce genre d’événement devait être excessivement rare, et on en parlait beaucoup, ce qui donne l’illusion d’une certaine abondance (c’est comme les attaques d’ours polaire au Groenland). Mais la réalité c’est un seul Naaman guéri, et pour combien de lépreux anonymes, et oubliés ?

            Oubliés, c’est peut-être une impression fausse. Les auteurs de la Bible se sont souvent intéressés à leurs sujets d’une manière passionnée. Et leur manière d’écrire s’en est ressentie : tout est extrêmement précis, tout est exagéré, et si l’on parle de maladie, c’est une grande maladie. Tant il est vrai que les grandes maladies ont besoin de grands docteurs, à moins que ça ne soit le contraire. Ce qui peut nous laisser penser que les chemins de la guérison n’étaient peut-être pas si rares que cela, qu’il s’agisse au fond de la manière prophétique – guérison d’un coup d’un seul – ou une manière plus gentiment chimique – ces époques-là devaient connaître déjà les vertus de tels minéraux, de la cendre des vache rousse (Nombres 19,2), ou d’eaux diversement minéralisées.

            Et pourquoi préciser cela ? Parce que, comme toujours dans ce type de réflexion biblique, deux populations, deux positions, vont se faire face. L’une se retranchera derrière le manuel diagnostic, en affirmant que la chose est inguérisssable, et en ne risquant aucun soin, alors que l’autre population prendra le risque de l’approche, du contact et du soin, au risque d’échouer, au risque aussi de la contagion (pardonnez-moi de me ressouvenir ici du romancier Frank Gill SLAUGHTER, 1908-2001, auteur à succès de romans médicaux, dans lesquels la volonté se manifeste bien comme nous l’avons esquissé maintenant).

 

            Et tout ça avec ce verbe vouloir qui est répété deux fois en deux versets : « Un lépreux s’approche de lui ; il le supplie et tombe à genoux en lui disant : "Si tu le veux, tu peux me purifier." Pris de pitié, Jésus étendit la main et le toucha. Il lui dit : "Je le veux, sois purifié".

            Le verbe purifier est répété aussi, mais il est facile à cerner. Purifier peut avoir un sens rituel, et d’ailleurs Jésus va envoyer l’homme vers les prêtres pour accomplir sa purification – rituelle. Il va aussi employer le verbe purifier dans le sens de guérir. Quelques jeux de mots sont donc possibles : Jésus donc purifie cet homme mais ne le purifie pas. C’est un jeu de mots qui suggère que la purification – guérison – importe pour Jésus d’avantage que la purification rituelle : Jésus s’engage dans l’impossible. Ce qui pour nous va assez de soi, car nous sommes lecteurs de l’Evangile et parce que nous savons aussi abondamment guérir.

            Mais en d’autres temps, ou en d’autres circonstances, ou lorsque la maladie résiste ? Et lorsque l’urgence est somatique, d’avantage que rituelle, qui donc va engager sa volonté dans un combat risqué. Qui donc va s’y coller ? Jésus. Il le veut. Sa volonté y est tout entière. Mais qu’est-ce que vouloir ? C’est imaginer quelque chose qui n’est pas, imaginer le faire advenir, et se le donner comme but. Jésus veut et ce qu’il veut il le fait advenir : l’homme est guéri. La volonté de Jésus est puissante. C’est la volonté du Christ Fils de Dieu. Nous rendons gloire et grâce à Dieu.

            Ce que Jésus veut aussi, c’est que l’homme guéri accomplisse la partie rituelle de la purification, afin qu’une publicité réglée soit faite sur cette guérison, et sans doute pour qu’il ne soit pas, lui, Jésus, vu comme un concurrent, et que sa volonté ne soit pas vue comme une puissance sauvage. A ce moment du premier évangile, nous devons envisager Jésus comme un homme exceptionnel, très puissant dans ses paroles et dans ses gestes, et capable de s’engager tout entier dans l’impossible, comme un homme. Mais cet homme est quelque part impuissant. L’ordre qu’il donne sur la purification du lépreux guéri n’est suivi d’aucun effet. Au contraire même, la publicité sauvage qui s’ensuit aboutit à une bousculade permanente. Et si la volonté de Jésus s’était puissamment exercée dans un petit théâtre de l’intimité, elle devra certainement prendre une autre allure, un autre chemin, pour rencontrer les humains en foule. Ce chemin sera le discours, même si, de temps à autre, un événement individuel aura encore lieu. Mais pour le plus grand nombre  c’est l’anonymat qui sera, de fait, la règle. Une certaine forme de la volonté dont nous avons déjà bien parlé s’efface, impuissante. Une autre forme émerge. Christ en face à face, d’homme à homme, si cher aux Protestants réformés, disparaît petit à petit du paysage de l’Évangile, au profit du Christ de la communauté et dans la communauté, forme catholique, on peut le voir ainsi.

            Et au profit aussi, cela viendra plus tard, de la figure totalement solitaire du Christ de la Passion, du Christ en croix et du Christ au Tombeau. Et la fin si particulière de l’évangile de Marc, faite de silence et d’effroi, vient interroger le lecteur, l’auditeur, d’une manière assez absolument radicale. Lecteur, auditeur, quelle est ta volonté, que vas-tu dire, que vas-tu faire ? Et tout se passe alors comme si toute prédication était une prédication de Pâques à la manière de Marc, suspendue entre la vie et la mort.

 

            Mais maintenant se pose encore une question : cette volonté du Christ Fils de Dieu qui semble bien s’exprimer dans le texte aux temps anciens s’exerce-t-elle encore aujourd’hui ? Sa Bonne Nouvelle existe-t-elle toujours ? Guérit-on des maladies de peau ou d’autres maladies juste en valorisant la volonté de celui qui souffre ? Savons-nous faire cela ?

            Il n’est pas question que du texte d’espérance que nous lisons émerge un flot de culpabilité. Notre volonté doit et peut s’exprimer juste pour ce qu’elle est. Et le fruit de notre parole ne  nous appartient pas.

            Se souvenir de cela c’est se souvenir de l’Évangile. Orientons notre volonté vers cet Évangile en actes, au service de notre prochain. Amen

Si vous voulez lire tout Lévitique 13, c'est ici :

Lévitique13

1 Le SEIGNEUR adressa la parole à Moïse et à Aaron:

 2 «S'il se forme sur la peau d'un homme une boursouflure, une dartre ou une tache luisante, et que cela devienne une maladie de peau du genre lèpre, on l'amène au prêtre Aaron ou à l'un des prêtres ses fils;

 3 le prêtre procède à l'examen du mal de la peau. Si dans la partie malade le poil a viré au blanc, et que cela paraisse former une dépression dans la peau, c'est une maladie du genre lèpre; après l'examen, le prêtre le déclare impur.

 4 S'il s'agit d'une tache luisante blanche sur la peau, qu'elle ne paraisse pas former une dépression dans la peau, et que le poil n'y ait pas viré au blanc, le prêtre met le malade à l'isolement pour sept jours;

 5 le septième jour, le prêtre procède à l'examen: si le mal est visiblement resté stationnaire, sans prendre d'extension sur la peau, le prêtre le met à l'isolement pour une seconde période de sept jours;

 6 le septième jour, le prêtre procède à un second examen: si la partie malade s'est ternie et que le mal n'a pas pris d'extension sur la peau, le prêtre le déclare pur: c'est une dartre; le sujet lave ses vêtements, puis il est pur;

 7 mais si la dartre prend de l'extension sur la peau après l'examen par le prêtre en vue d'une déclaration de pureté, le sujet fait procéder à un nouvel examen par le prêtre.

 8 Le prêtre procède à l'examen: puisque la dartre a pris de l'extension sur la peau, le prêtre le déclare impur: c'est la lèpre.

 9 Si un homme est atteint d'une maladie du genre lèpre, on l'amène au prêtre;

 10 le prêtre procède à un examen: s'il y a une boursouflure blanche sur la peau, qu'elle ait fait virer le poil au blanc et que de la chair à vif y apparaisse,

 11 c'est une lèpre invétérée dans sa peau; le prêtre le déclare impur; il ne prend pas la peine de le mettre à l'isolement, car il est manifestement impur.

 12 Mais si cette lèpre se met à bourgeonner sur la peau, au point de recouvrir toute la peau du malade, de la tête aux pieds, d'après ce que peut en voir le prêtre,

 13 ce dernier procède à un examen: puisque la lèpre recouvre tout son corps, il déclare pur le malade; tout ayant viré au blanc, il est pur.

 14 Mais du jour où on voit sur lui de la chair à vif, il devient impur;

 15 le prêtre procède à l'examen de la chair à vif et le déclare impur: la chair à vif est impure, c'est de la lèpre;

 16 ou bien alors si la chair à vif a de nouveau viré au blanc, le sujet va trouver le prêtre;

 17 le prêtre procède à l'examen: puisque la partie malade a viré au blanc, le prêtre déclare pure cette maladie: le sujet est pur.

 18 S'il y a eu sur la peau de quelqu'un un furoncle qui a guéri,

 19 mais qu'à l'endroit du furoncle se forme une boursouflure blanche, ou une tache luisante d'un blanc rougeâtre, le sujet fait procéder à un examen par le prêtre;

 20 le prêtre procède à l'examen: si la tache paraît faire un creux dans la peau et que le poil y ait viré au blanc, le prêtre le déclare impur: c'est une maladie du genre lèpre, qui est en train de bourgeonner dans le furoncle;

 21 si par contre, lorsque le prêtre procède à l'examen, il ne s'y trouve aucun poil blanc, qu'elle ne fasse pas un creux dans la peau et qu'elle soit terne, le prêtre met le sujet à l'isolement pour sept jours;

 22 si elle a réellement pris de l'extension sur la peau, le prêtre le déclare impur: c'est une maladie;

 23 mais si la tache luisante est restée stationnaire, sans prendre d'extension, c'est la cicatrice du furoncle; le prêtre le déclare pur.

 24 Autre cas: Si quelqu'un est atteint d'une brûlure de la peau, causée par le feu, et qu'apparaisse dans la brûlure une tache luisante d'un blanc rougeâtre ou blanche,

 25 le prêtre procède à l'examen: si le poil a viré au blanc dans la tache luisante et que celle-ci paraisse former une dépression dans la peau, c'est de la lèpre qui est en train de bourgeonner dans la brûlure; le prêtre le déclare impur: c'est une maladie du genre lèpre;

 26 si par contre, lorsque le prêtre procède à l'examen, il n'y a pas de poil blanc dans la tache, que celle-ci ne fasse pas un creux dans la peau et qu'elle soit terne, le prêtre met le sujet à l'isolement pour sept jours;

 27 le septième jour, le prêtre procède à l'examen: si elle a réellement pris de l'extension dans la peau, le prêtre le déclare impur: c'est une maladie du genre lèpre;

 28 mais si la tache luisante est restée stationnaire, sans prendre d'extension sur la peau, si elle est terne, c'est une boursouflure due à la brûlure; le prêtre le déclare pur: c'est la cicatrice de la brûlure.

 29 Si un homme ou une femme est atteint de quelque mal sur la tête ou au menton,

 30 le prêtre procède à l'examen du mal: s'il paraît former une dépression dans la peau et qu'il s'y trouve du poil roussâtre et clairsemé, le prêtre le déclare impur: c'est la teigne, c'est-à-dire la lèpre de la tête ou du menton;

 31 si par contre, lorsque le prêtre procède à l'examen de ce mal de teigne, il ne paraît pas former une dépression dans la peau, bien qu'il ne s'y trouve pas de poil noir, le prêtre met pour sept jours le malade atteint de teigne à l'isolement;

 32 le septième jour, le prêtre procède à l'examen du mal: si la teigne n'a pas pris d'extension et qu'il ne s'y trouve pas de poil roussâtre, si la teigne ne paraît pas former une dépression dans la peau,

 33 le sujet se rase, mais sans raser l'endroit teigneux; puis le prêtre met pour une seconde période de sept jours le teigneux à l'isolement;

 34 le septième jour, le prêtre procède à l'examen de la teigne: si la teigne n'a pas pris d'extension sur la peau et qu'elle ne paraisse pas former une dépression dans la peau, le prêtre le déclare pur; après qu'il a lavé ses vêtements, il est pur;

 35 mais si la teigne prend de l'extension sur la peau après la déclaration de pureté,

 36 le prêtre procède à l'examen: puisque la teigne a pris de l'extension sur la peau, le prêtre ne recherche même pas s'il y a du poil roussâtre; il est impur;

 37 mais si la teigne est visiblement restée stationnaire et que du poil noir y a poussé, c'est que la teigne est guérie et qu'il est pur; aussi le prêtre le déclare-t-il pur.

 38 S'il se forme sur la peau d'un homme ou d'une femme des taches luisantes, blanches,

 39 le prêtre procède à un examen: si ces taches sur leur peau sont d'un blanc terne, c'est un vitiligo qui a bourgeonné sur la peau; le sujet est pur.

 40 Si un homme perd ses cheveux, il a la tête chauve; il est pur;

 41 s'il perd ses cheveux sur le devant, il a le front dégarni; il est pur;

 42 mais s'il se forme dans sa calvitie, au sommet de la tête ou sur le front, un mal d'un blanc rougeâtre, c'est une lèpre qui est en train de bourgeonner, au sommet de la tête ou sur le front;

 43 le prêtre procède à l'examen: si la boursouflure dans la partie malade est d'un blanc rougeâtre, au sommet de la tête ou sur le front, et qu'elle paraisse semblable à une lèpre de la peau,

 44 c'est un lépreux, il est impur; le prêtre le déclare impur; le mal l'a frappé à la tête.

 45 Le lépreux ainsi malade doit avoir ses vêtements déchirés, ses cheveux défaits, sa moustache recouverte, et il doit crier: ‹Impur! Impur!›;

 46 il est impur aussi longtemps que le mal qui l'a frappé est impur; il habite à part et établit sa demeure hors du camp.

 47 «Si un vêtement est taché de lèpre, vêtement de laine ou vêtement de lin,

 48 tissu ou tricot de lin ou de laine, cuir ou tout objet confectionné en cuir,

 49 si la tache devient verdâtre ou rougeâtre sur le vêtement ou le cuir, sur le tissu ou le tricot, ou sur tout objet de cuir, c'est une tache de lèpre: on fait procéder à un examen par le prêtre;

 50 le prêtre procède à l'examen de la tache, puis met l'objet taché pour sept jours sous séquestre;

 51 le septième jour, il procède à l'examen de la tache: si la tache a pris de l'extension sur le vêtement, sur le tissu ou le tricot, ou sur le cuir - quel que soit l'objet en cuir - c'est une tache de lèpre maligne; l'objet est impur;

 52 on brûle le vêtement, le tissu ou le tricot de laine ou de lin, ou tout objet de cuir qui a cette tache; puisque c'est une lèpre maligne, l'objet doit être brûlé;

 53 si par contre, lorsque le prêtre procède à l'examen, la tache n'a pas pris d'extension, sur le vêtement, sur le tissu ou le tricot, ou sur tout objet de cuir,

 54 le prêtre ordonne de laver l'objet taché, puis le met pour une seconde période de sept jours sous séquestre;

 55 le prêtre procède à un examen, après lavage de la tache: si la tache n'a pas changé d'aspect, même si elle n'a pas pris d'extension, l'objet est impur; tu le brûles; c'est un vêtement rongé, à l'envers ou à l'endroit;

 56 si par contre, lorsque le prêtre procède à l'examen, la tache s'est ternie après lavage, il l'arrache du vêtement ou du cuir, du tissu ou du tricot;

 57 mais si quelque chose réapparaît sur le vêtement, sur le tissu ou sur le tricot, ou sur tout objet de cuir, c'est une lèpre en train de bourgeonner: tu brûles l'objet taché.

 58 Le vêtement, le tissu ou le tricot, ou tout objet de cuir, que tu laves et d'où disparaît la tache, se lave une seconde fois et devient pur.»

 59 Telles sont, concernant la tache de lèpre sur un vêtement de laine ou de lin, sur un tissu ou un tricot, ou sur tout objet de cuir, telles sont les instructions qui permettent de le déclarer pur ou impur.