samedi 13 mai 2023

Quelques mots joyeux sur le Paraclet (Jean 14,15-21)

 

Jean 14

15 «Si vous m'aimez, vous vous appliquerez à observer mes commandements;

 16 moi, je prierai le Père: il vous donnera un autre Paraclet qui restera avec vous pour toujours.

 17 C'est lui l'Esprit de vérité, celui que le monde est incapable d'accueillir parce qu'il ne le voit pas et qu'il ne le connaît pas. Vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous et il est en vous.

 18 Je ne vous laisserai pas orphelins, je viens à vous.

 19 Encore un peu, et le monde ne me verra plus; vous, vous me verrez vivant et vous vivrez vous aussi.

 20 En ce jour-là, vous connaîtrez que je suis en mon Père et que vous êtes en moi et moi en vous.

 21 Celui qui a mes commandements et qui les observe, celui-là m'aime: or celui qui m'aime sera aimé de mon Père et, à mon tour, moi je l'aimerai et je me manifesterai à lui.»

Prédication :           

           Je me souviens d’une étude biblique à laquelle j’avais assisté… c’était un genre magistral d’étude biblique, c'est-à-dire que la durée, le sujet et l’orateur étaient connus d’avance. On s’asseyait  par terre (il n’y avait pas toujours des places sur des chaises) et on écoutait la parole de Monsieur Untel, qui faisait autorité…

            Je ne suis pas en mesure de me ressouvenir des sujets de ces études bibliques, mais ça ne signifie pas forcément qu’elles étaient sans un contenu nourrissant. J’ai d’ailleurs le sentiment que les gens qui parlaient du haut de la chaire le faisaient sérieusement et avec du respect pour leur auditoire ; en fait, j’en ai rencontré des deux sortes, certain avec respect, d’autres sans respect.

            Parmi ces études bibliques, il y en a une qui m’a marqué plus que les autres. Je ne sais plus sur quoi elle portait. Elle m’a marquée à cause d’un seul mot, un mot que nous avons effleuré, en passant, dans les versets de l’évangile de Jean de ce matin. Ce mot, c’est paraclet. C’est un mot qui n’existe pas trop dans la langue française. Vous le trouvez chez Larousse, qui en fait un synonyme de Saint Esprit. Paraclet est une traduction du latin paracletus, qui est une traduction du grec paraclètos. Mais sont-ce des traductions, lorsque les voyelles glissent et que les consonnes demeurent ?

            Pour commencer, qu’est-ce qu’un paraclètos grec avant que la foi chrétienne  ne s’y intéresse ? C’est – étymologie basique – quelqu’un qui est appelé au côté d’un autre pour son réconfort, pour sa défense. Il y a là-dedans de l’exhortation, de l’excitation, et aussi possiblement de la consolation. Cela fait un spectre assez large. Et nous pouvons nous demander, dans l’évangile de Jean – il est le seul à utiliser le mot – quel sens choisir. D’où la question : en Jean 14,16 « moi – dit Jésus à ses disciples – je prierai le Père : il vous donnera un autre Paraclet qui restera avec vous pour toujours. »

            L’extrait est trop court, lisons encore : Si vous m’aimez, vous vous appliquerez à observer mes commandements… Ce qui rejette les disciples de Jésus à la condition de tous les serviteurs de Dieu depuis toujours, vouloir servir ne et pas y parvenir, aimer et espérer garder les commandements. Situation que notre Seigneur lui-même expérimentera. Et le disciple papier, le disciple lecteur, quelques millénaire plus tard, est confronté à sa propre lecture imparfaite, mais il lit, et il aime aussi son Sauveur. Et donc, et nous lisons, une promesse, une prière, le Paraclet, pour toujours. A savoir que l’insuffisance perpétuelle du disciple, serait-il le meilleur d’entre tous, est palliée jour après jour par l’accomplissement de la promesse, accomplissement qui se nomme Paraclet.

            Et nous pouvons ici comprendre pourquoi l’on a appelé Paraclet cet accomplissement qui peut avoir une dimension spirituelle, mais aussi une dimension physique. Cette réalité est présente au côté du disciple pour lui venir en aide, de toutes sortes de manières possibles. Et s’il faut le dire sans brandir d’étendard religieux, nous dirons que ce qui est en œuvre chaque mardi dans ces lieux, lorsque 100 repas sont servis à ceux qui se présentent, sans mérite et sans droits, avec juste un besoin alimentaire, c’est du Paraclet. Tout autant que ce qui se joue – ce qui se trame – dans les cérémonies religieuses que nous menons. C’est du Paraclet.

            Voilà, nous sommes arrivés à une sorte de point haut provisoire. Le disciple tâche de vivre des commandements, il s’y emploie sans vraiment y parvenir. Telle est sa situation. Et c’est dans cette situation qu’il perçoit ce qu’est l’aide de Dieu, qu’il trouve l’aide de de Dieu, et qu’il rend grâce à Dieu. Ce qu’on appelle Paraclet.

 

            Mais nous n’avons pas fini. Car, pour s’instant, nous restons avec le Paraclet, assez bien localisé dans l’évangile de Jean, mais qui est clairement isolé dans le paysage de la Bible, et isolé dans l’évangile de Jean. Il y a quatre mentions de lui, et c’est tout. Oui, il apparait, et il disparait. La fonction qui est la sienne, fonction du Paraclet, semble bien à la fin échoir à l’Esprit Saint, l’autre s’évanouissant purement et simplement. Mais nous sommes dans l’évangile de Jean où toutes choses sont étranges, et si les mentions de l’esprit ne sont pas rares, celles de l’Esprit Saint sont au nombre de quatre, pas plus, et surtout pas plus nombreuses que celle du Paraclet.

            Il y a des gens qui affirment que le Paraclet est l’autre nom du Saint Esprit, comme Larousse. L’évangéliste lui-même (14,26) essaie d’assimiler les deux. Et nous pouvons nous demander pourquoi… Et répondons que ça fait bien trop de monde, que ça fait Père, Fils, Saint Esprit, et Paraclet, trop de monde rapport à ces trois personnes d’une trinité dont l’Eglise n’a pas encore totalement accouché, trop de monde tout court, trop d’appellations pour trop de sortes de dévotions, pour trop de formes possibles de la prière, de l’enseignement et des chants, sans parler d’autres choses, épreuves corporelles de la foi. Et si vous ajoutez à cela, par exemple, que chez Paraclet on ne mange pas de porc pendant que chez Saint Esprit on se refuse à toute restriction alimentaire, vous avez, au final, un grand bazar duquel rien de bon ne sort.

            Il en sort de la castagne, nous l’avons déjà dit, mais s’agissant de la Bonne Nouvelle, d’une bonne nouvelle qui se puisse partager, c’est nada.

            Est-ce donc maintenant fini ? Est-ce foutu ? Les propos rapportés par l’évangéliste – propos du Christ Jésus – vont-ils se perdre, vont-ils se corrompre ?

            Je ne suis pas certain que ce que nous allons dire maintenant peut être appliqué à tous les livres de la Bible, à savoir que chaque écrivain biblique tente d’unifier à sa manière les croyants de son temps. C’est que la notion d’écrivain biblique est une notion qui reste toujours un peu floue… à huit siècles près parfois, on ne sait pas qui écrit. Difficile donc de rendre des avis.  Mais même toujours tenter quelque chose, même si c’est pour peu de temps. Tenter par exemple, avec le Paraclet, qu’il s’agit d’une quatrième – ou cinquième ou plusième – divinité apparue dans le paysage des piétés Proche Orientale, méritant suffisamment d’égards pour ne pas devenir un point de rupture et d’affrontement. Ces égards étant d’ailleurs prodigués aux gens, mais aussi aux dieux.

            Et à la fin la piété devient assimilatrice – laquelle des deux assimile l’autre ? Et l’on répondra, aucune. L’une, l’autre, l’un, l’autre, confondus dans une commune pratique et une commune adoration.

 

            Sommes-nous par trop optimistes dans cette conclusion ? Peut-être car, apparemment, dans l’évangile de Jean, la fusion se fait en faveur de Père et Fils, et aux dépens du Paraclet. Mais ça n’est qu’en apparence, car, fusion ou pas, le vocabulaire spécifique du Paraclet demeure et demeure avec lui ce qu’il entend signifier. Pour quelle raison ? L’évangile de Jean a son thème propre, à partir duquel il envisage la réception et la diffusion de l’évangile. Il ne s’agit pas de ces Dieux par morceaux – heureusement résorbés dans leur devenir chair – ni d’entités spirituelles – devenues chairs elles aussi. Mais de quelque chose que les humains connaissent et dont ils sont – possiblement capables.

            Il s’agit d’amour.

            Puisse cela éternellement nous guider.