Jean 13
31 Dès que Judas fut sorti, Jésus dit: «Maintenant, le Fils de l'homme a été
glorifié, et Dieu a été glorifié par lui;
32 Dieu le glorifiera en
lui-même, et c'est bientôt qu'il le glorifiera.
33 Mes petits enfants, je
ne suis plus avec vous que pour peu de temps. Vous me chercherez et comme j'ai
dit aux Juifs: ‹Là où je vais, vous ne pouvez venir›, à vous aussi maintenant
je le dis.
34 «Je vous donne un
commandement nouveau: aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimés,
aimez-vous les uns les autres.
35 À ceci, tous vous
reconnaîtront pour mes disciples: à l'amour que vous aurez les uns pour les
autres.»
Apocalypse 21
1 Alors je vis un ciel nouveau et une terre
nouvelle, car le premier ciel et la première terre ont disparu et la mer n'est
plus.
2 Et la cité sainte, la
Jérusalem nouvelle, je la vis qui descendait du ciel, d'auprès de Dieu, comme
une épouse qui s'est parée pour son époux.
3 Et j'entendis, venant
du trône, une voix forte qui disait: Voici la demeure de Dieu avec les hommes.
Il demeurera avec eux. Ils seront ses peuples et lui sera le Dieu qui est avec
eux.
4 Il essuiera toute larme
de leurs yeux, La mort ne sera plus. Il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni
souffrance, car le monde ancien a disparu.
5 Et celui qui siège sur
le trône dit: Voici, je fais toutes choses nouvelles. Puis il dit: Écris: Ces
paroles sont certaines et véridiques.
Prédication :
Gloire. Il nous est proposé de lire
quelques versets de l’Apocalypse de Jean, versets ou commence ce que nous
pourrions appeler la révélation finale. La Jérusalem nouvelle descend du ciel,
toutes choses sont faites nouvelles…
En fait les versets qui nous sont
proposés sont extraordinairement sobres pour être des versets de ce dernier
épisode de l’Apocalypse. Quelques lignes plus loin, il y a un véritable déluge
de superlatifs, de l’or, et autres métaux, extraordinairement brillant partout,
ainsi que des pierres précieuses partout aussi, et un plan architectural
extrêmement maîtrisé. Rien n’est trop beau semble-t-il pour décrire cette cité,
et la gloire de cette cité.
N’avançons pas trop vite, revenons
d’abord à ce qui s’accomplit : toutes choses sont faites nouvelles. Mais
que signifie cela, toutes choses sont faites nouvelles ? Toutes choses,
les pires, les mauvaises, les bonnes et les meilleures. Si toutes choses sont
faites nouvelles, même les meilleures choses sont faites nouvelles. Et là, nous
hésitons… pour deux raisons : nous ne sommes pas certains d’être
compétents en matière de détermination du meilleur, et nous ne sommes pas
capables de parler du meilleur renouvelé : nous n’avons juste pas le
vocabulaire nécessaire. Nous hésitons donc sur ces versets.
Mais celui qui parle, lui, le voyant
de Patmos, comment fait-il pour parler de ce grand renouvellement ? Il se
réclame de visions particulières, et il reprend à son propre compte les grands
récits merveilleux que son époque, et l’époque précédente, avaient produits, et
il les transforme. Il ne s’agit d’ailleurs pas de transformations considérables.
La lumière éblouissante, les chasses gigantesques en métaux précieux polis, les
pierres précieuses de toutes sortes : « 18 La muraille était
construite en jaspe, et la ville était d'or pur, semblable à du verre pur. 19
Les fondements de la muraille de la ville étaient ornés de pierres précieuses
de toute espèce: le premier fondement était de jaspe, le second de saphir, le
troisième de calcédoine, le quatrième d'émeraude, 20 le cinquième de
sardonyx, le sixième de sardoine, le septième de chrysolithe, le huitième de
béryl, le neuvième de topaze, le dixième de chrysoprase, le onzième d'hyacinthe,
le douzième d'améthyste. 21 Les douze portes étaient douze perles; »
Tout cela peut être indéfiniment reconduit, les seules transformations notables
tiennent au nom de Dieu et au nom de son Fils, lumières intrinsèques – comment en
serait-il autrement – qui évoquent, qui représentent la gloire de Dieu.
Alors, cette ancienne et
merveilleuse évocation, cette soupe précieuse cent fois déjà révélée, est-elle
la seule manière possible de parler du grand renouvellement de toutes choses ?
Évoquer le triomphe du Dieu fort et de son Fils, est-ce la seule manière d’apporter
le réconfort et la tranquillité des fidèles qui, si nous lisons bien le début
de l’Apocalypse, avaient été persécutés en raison de leur foi ? Cette
vision finale de la gloire divine et de la gloire des serviteurs de Dieu,
est-le la seule possible ?
Les spécialistes du
Nouveau Testament pensent que l’évangile de Jean, les trois petites épîtres de
Jean et l’Apocalypse sont d’une même école, si ce n’est pas d’une même plume. Ce
qui saute aux yeux du lecteur, c’est qu’ils sont au moins d’une même langue. Peut-être
pas frères, mais au moins proches cousins, leurs réflexions s’interpellent, et
parfois se complètent.
L’évangile de Jean a, lui aussi,
réfléchi sur la gloire. Parole de Jésus : « Dès que Judas fut sorti,
Jésus dit : "Maintenant, le Fils de l’homme a été glorifié, et Dieu a
été glorifié par lui…" » Judas sort. C’est juste après que Jésus l’ait
désigné comme celui qui va trahir, et qu’il lui ait recommandé de ne pas tarder
à accomplir cette trahison. Et si nous lisons bien – peut-être avons-nous peur
de lire, mais c’est pourtant ce qui est écrit – le Fils de l’homme a été
glorifié en cette trahison, et Dieu tout autant glorifié par le Fils de l’homme.
Nous pensons à Dieu et au Fils de l’homme tels que nous les avons évoqués dans
le début de notre méditation, grandeur non mesurable, puissance inépuisable, et
nous nous demandons comment cette glorification est possible, et comment elle
est même concevable.
Comme cela arrive souvent
dans l’évangile de Jean, il peut être intéressant de revenir au tout début de l’évangile,
son premier chapitre – son prologue – et, dans ce prologue, à une affirmation décisive,
le verbe s’est fait chair (1.14). Certains
proposent de traduire Dieu s’est fait homme, ou encore il est devenu un homme.
Cet homme, c’est Jésus Christ.
Quand donc s’est-il fait
homme ? N’ayant pas de récit de nativité dans l’évangile de Jean, nous
pouvons dire qu’il s’est fait homme, d’un coup d’un seul, ou progressivement, avant
le commencement du récit. Mais nous ne pouvons pas trop spéculer sur ce qui n’est
pas écrit… et nous dirons que se faire homme, apprendre à être chair, c’est une
tâche dont la durée est la durée de l’évangile, allant crescendo jusqu’à la fin… quelle fin ? Et que cette tâche
passe par le moment où Jésus accepte d’être trahi.
L’évangile
selon Jean passe nécessairement par la trahison. Seule la chair peut être aussi
radicalement trahie que le sera Jésus. Et elle peut être radicalement trahie
parce qu’elle est radicalement donnée. L’incarnation de Dieu et sa donation aux
humains sont une seule et même chose – une seule et même expérience. Et au
point culminant de cette expérience, il y a la trahison, dont la possibilité
est le signe de la donation de Dieu à la chair, et dont l’accomplissement jusqu’à
la croix est le signe de l’amour de Dieu (don de Dieu – c’est la même chose)
pour la chair, pour les humains.
Et c’est pour cette raison
aussi qu’il parle ici d’amour. « Aimez-vous les uns les autres, comme je
vous ai aimés ». Et c’est pour cette raison que Jésus parle ici de gloire.
Ce qui fait que nous avons
deux fois parlé de gloire. Une fois de la gloire extrêmement élevée, brillante,
merveilleuse qui, de très haut et de très loin dans le futur surplombe l’humanité ;
inatteignable sauf par vision divine, puis surtout par le génie flamboyant des
écrivains biblique. Et une fois d’une gloire que nous qualifierons d’éthique,
la gloire du Fils de l’homme, qui est gloire de Dieu, étant de s’engager
absolument, éperdument, dans l’humanité et pour l’humanité, au risque d’être
trahi par ses semblables, risque avéré, nous le savons, dans l’évangile.
Autant la première gloire
est la gloire d’un Dieu fort et lointain, autant la seconde gloire est la gloire
d’un Dieu tout proche, et faible.
Est-ce la même gloire ?
Le soleil étincelant de la Jérusalem nouvelle est-il aussi le coucher de soleil
lamentable sur le Golgotha du Vendredi Saint ? C’est la même gloire en ses
variations les plus extrêmes. La même gloire, celle de Dieu, celle des hommes.