mardi 25 décembre 2018

Aujourd'hui, il vous est né un sauveur (Luc 2,1-20)

Joyeux Noël !

Luc 2
1 Or, en ce temps-là, parut un décret de César Auguste pour faire recenser le monde entier.
2 Ce premier recensement eut lieu à l'époque où Quirinius était gouverneur de Syrie.
3 Tous allaient se faire recenser, chacun dans sa propre ville;
4 Joseph aussi monta de la ville de Nazareth en Galilée à la ville de David qui s'appelle Bethléem en Judée, parce qu'il était de la famille et de la descendance de David,
5 pour se faire recenser avec Marie son épouse, qui était enceinte.
6 Or, pendant qu'ils étaient là, le jour où elle devait accoucher arriva;
7 elle accoucha de son fils premier-né, l'emmaillota et le déposa dans une mangeoire, parce qu'il n'y avait pas de place pour eux dans la salle d'hôtes.
8 Il y avait dans le même pays des bergers qui vivaient aux champs et montaient la garde pendant la nuit auprès de leur troupeau.
9 Un ange du Seigneur se présenta devant eux, la gloire du Seigneur les enveloppa de lumière et ils furent saisis d'une grande crainte.
10 L'ange leur dit: «Soyez sans crainte, car voici, je viens vous annoncer une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple:
11 Il vous est né aujourd'hui, dans la ville de David, un Sauveur qui est le Christ Seigneur;
12 et voici le signe qui vous est donné: vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire.»
13 Tout à coup il y eut avec l'ange l'armée céleste en masse qui chantait les louanges de Dieu et disait:
14 «Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix pour ses bien-aimés.»
15 Or, quand les anges les eurent quittés pour le ciel, les bergers se dirent entre eux: «Allons donc jusqu'à Bethléem et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître.»
16 Ils y allèrent en hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la mangeoire.
17 Après avoir vu, ils firent connaître ce qui leur avait été dit au sujet de cet enfant.
18 Et tous ceux qui les entendirent furent étonnés de ce que leur disaient les bergers.
19 Quant à Marie, elle retenait tous ces événements en en cherchant le sens.
20 Puis les bergers s'en retournèrent, chantant la gloire et les louanges de Dieu pour tout ce qu'ils avaient entendu et vu, en accord avec ce qui leur avait été annoncé.
Prédication
          Je voudrais ouvrir cette prédication en évoquant l’un des textes les plus brutaux de toute la Bible ; c’est au 20ème chapitre du livre du Lévitique. Il s’agit d’une liste d’interdits liés aux sacrifices humains, à des unions illicites et à des affaires de relations sexuelles interdites. Le point commun entre tous ces interdits est que les contrevenants sont condamnés à mort. Le lien entre ces interdits est une question de pureté. L’auteur, ou les auteurs, de ce chapitre devaient être obsédés par la pureté, obsédés par le risque de contamination par l’impur. Et ce texte, dont certains interdits restent totalement valables aujourd’hui, sert à certains de nos frères et sœurs chrétiens, de base à leur éthique personnelle et communautaire, comme si tous ces interdits devaient être considérés valables aujourd’hui exactement comme hier. Mais est-ce que l’obsession de pureté qui a pu être celle de nos très lointains prédécesseurs doit encore être nôtre aujourd’hui ? Ou pour le dire autrement, les textes bibliques doivent-ils être considérés comme littéralement vrais, aujourd’hui comme hier et demain comme aujourd’hui ?
            Nous n’allons évidemment pas répondre maintenant à cette question, maintenant, c'est-à-dire le matin de Noël de 2018. Mais si c’est pour ne pas y répondre, pourquoi l’avoir posée ? Parce le texte, 2ème chapitre de Luc, nous y contraint. Il commence par une mention apparemment historique (Or, en ce temps-là…César Auguste, recensement, Quirinius procurateur de Judée), et comporte aussi des éléments qui relèvent d’une actualité (Aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un sauveur qui est le Christ Seigneur). Et bien, si nous affirmons que ce texte est historique, il ne nous concerne pas lorsqu’il dit « Aujourd’hui… » et « il vous est né un sauveur ». Mais si nous affirmons que ce texte relève entièrement de la foi, alors le « aujourd’hui » est aujourd’hui, jour de Noël 2018, le « vous » nous est directement adressé, c’est à nous qu’est faite cette annonce, et « un sauveur » n’est pas n’importe quel sauveur, mais notre sauveur. Et, voyez vous, je me dis qu’il ne peut pas y avoir de position intermédiaire : celui qui cherche dans les Saintes Ecritures une preuve historique de ce qu’il croit ne vit aucunement par la foi.
            En ce matin de Noël 2018, nous allons justement tâcher de donner foi à cette annonce : « Aujourd’hui, il vous est né un sauveur », et de l’expliquer.
           
            D’abord, vous ; comme nous l’avons déjà évoqué, ce qui advient en cette naissance est pour vous ; c’est à vous que l’ange parle, et c’est à vous qu’il annonce qu’il n’a pas plu à Dieu de se contenter d’être Dieu mais qu’il est devenu humain ; qu’il n’a pas voulu trouver un autre moyen que celui-ci pour attirer à lui et redresser le genre humain. Dieu n’avait aucun besoin de faire cela, car en tant que Dieu il n’avait rien à y gagner, mais il lui a plu de faire cette chose pour vous (dit le texte), c'est-à-dire pour nous, et non pas des humains en général. Sans préciser ce que nous devrions être, si nous en sommes dignes, si nous sommes pieux ou pas, crédules ou pas, l’ange nous dit que c’est pour nous. Précisons encore que pour nous ne signifie pas pour moi ; cela signifie pour moi et pour toi, pour moi et pas sans toi, sans qu’il y ait ni privilégier, ni premier, ni dernier, ni de gens favorisés pendant que d’autres seraient lésés ou délaissés. Non. C’est tous ensemble que nous sommes concernés par l’événement qui se produit aujourd’hui.
            Et maintenant, nous réfléchissons sur aujourd’hui. Aujourd’hui, cela signifie clairement que ce n’est pas hier ni quelque part dans un moment repérable de l’histoire. Ce n’est ni hier, ni demain. Bien sûr, c’était hier déjà et ce sera demain aussi, car jamais Dieu ne se lasse, mais nul n’est jamais tout à fait certain qu’il sera là encore demain. Ce n’est évidemment pas une menace, mais juste l’expression de la vérité. C’est pourquoi, aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs. La proposition de Noël est bien une invitation, aujourd’hui, à la conversion, à ce retournement qui constate que la faute ou la peur d’hier sont recouvertes de grâce et que, tout aussi vrai que le Sauveur est né, aujourd’hui peut prendre l’allure d’un commencement nouveau.

             Il y avait d’abord vous puis aujourd’hui, et il y a maintenant le Sauveur. Sauveur ? Et pour sauver qui, et de quoi ? D’abord, pour nous sauver du moi tout seul. Puis aussi pour nous sauver d’un nous qui serait trop étroit. Le vous que nous avons exploré tout à l’heure ne pourrait pas être limité par nous à notre seul petit groupe sans apparaître totalement vide de sens. Le sauveur est un sauveur pour tous, sans réserve, sans exception, sans mérite de la part de personne, et sans facture à payer à la fin, c'est-à-dire, en un seul mot, c’est un sauveur qui sauve librement et qui libère. Le message de l’ange de Noël tient en ce seul adverbe, librement. La liberté que Dieu a prise en Jésus Christ de se faire homme est le fondement inébranlable de notre liberté religieuse, de notre liberté tout court. En tout cas, c’est librement qu’il appartient à chacun de s’associer au nous et à l’aujourd’hui de la bonne nouvelle de Noël. 

            Entendons encoure une fois la voix de l’ange : « Aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un sauveur ! » Joignons donc nos voix aux voix des anges, et chantons.


GLORIA IN EXCELSIS DEO !