dimanche 6 mai 2018

Dieu est amour (1 Jean 4,7-10 et Jean 15,9-17)

En plus des deux textes bibliques, aujourd'hui, je vous propose deux cantiques construits sur la même mélodie, à un siècle de distance l'un de l'autre. Si vous voulez entendre la mélodie, il y a ceci : https://www.youtube.com/watch?v=IMIo1UBdl9k. 


Alléluia 41-22. Louons Dieu le Créateur

1. Louons Dieu le Créateur ! Il sema partout des fleurs, Nous offrant le grand honneur D’être enfants de son lignage. Il nous pétrit de ses mains, Nous donna le beau jardin Où jouer nos lendemains D’hommes faits à son image.

2. Louons Christ le Rédempteur ! Qui vint pour chasser nos peurs, Nous donner le vrai bonheur Des enfants de son Royaume. Il s’égale aux plus petits, Les accueille et leur sourit, S’émerveille et les bénit Pour chanter la joie des psaumes.

3. Appelons le Saint-Esprit Qui insuffle en nous la vie, Nous éclaire et nous conduit Pour aimer le nom du Père. Lui l’Esprit de liberté, Le chemin de vérité De qui vient toute unité Comblera ceux qui espèrent.

Louange et prière  75. Gloire, gloire à l’Eternel

1. Gloire, gloire à l’Eternel! Qu’un cantique solennel Qu’un cantique solennel De nos cœurs monte à son trône. Quand il crée, oh! qu’Il est grand! Quand Il crée, oh! qu’Il est grand! Qu’Il est juste en punissant, Qu’Il est bon quand Il pardonne!

2. Il commande… et le néant Tressaille au premier accent Tressaille au premier accent De sa parole vivante; Et des astres radieux Et des astres radieux Sa main jette dans les cieux La poussière étincelante.

3. Il accuse et le pécheur, Devant cet accusateur Devant cet accusateur Sent sa profonde misère ; Il s’écrie en son effroi, Il s’écrie en son effroi Montagnes tombez sur moi Cachez-moi de sa colère.

4. Mais l’âme à qui le Seigneur S’est donné pour Rédempteur S’est donné pour Rédempteur Goûte une paix ineffable; Objet d’un si grand amour Objet d’un si grand amour Elle se donne en retour À ce Sauveur adorable.

5. Ô Dieu! Que tes rachetés Toujours chantent les bontés Toujours chantent les bontés De celui qui leur pardonne! Gloire, gloire à l’Eternel! Gloire, gloire à l’Eternel! Ce cantique solennel Montera jusqu’à son trône!

1 Jean 4
7 Mes bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, car l'amour vient de Dieu, et quiconque aime vient de Dieu et connaît de Dieu.
8 Qui n'aime pas n'a pas connu Dieu, puisque Dieu est amour.
9 Voici comment a été manifesté l'amour de Dieu au milieu de nous: Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui.
10 Voici ce qu'est l'amour: ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu, c'est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime d'expiation pour nos péchés.

Jean 15
9 Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés; demeurez dans mon amour.
10 Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme, en gardant les commandements de mon Père, je demeure dans son amour.
11 «Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite.
12 Voici mon commandement: aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.
13 Nul n'a d'amour plus grand que celui qui pose là sa vie pour ses amis.
14 Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande.
15 Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur reste dans l'ignorance de ce que fait son maître; je vous appelle amis, parce que tout ce que j'ai entendu auprès de mon Père, je vous l'ai fait connaître.
16 Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis et posés là pour que vous alliez, que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure: si bien que tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous l'accordera.
17 Ce que je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres.
Prédication : 
            Nous avons chanté deux cantiques sur une même mélodie (de Samuel Webbe le Jeune, 1770-1843). Plus d’un siècle sépare ces deux textes. J’aime la mélodie de ces cantiques ; c’est probablement la première mélodie de cantique que j’ai connue, j’étais alors tout enfant. Elle est un des sommets de ma petite spiritualité. Ces choses-là ne se discutent pas.
            Les deux textes parlent de Dieu, n’est-ce pas ? Mais de quel Dieu ? Tentons de ramener la théologie de chacun des deux cantiques à un seul mot. Pour le premier, Louons Dieu le Créateur (Pasteur Louis Lévrier (1923-2004) en 1999), ce serait le mot liberté (il sème à profusion). Pour Gloire gloire à l’Eternel (Dr Lamouroux (1794-1866), ce serait le mot ordre (il crée, il accuse, il punit, il pardonne).
Les deux cantiques se rencontrent sur le thème de la rédemption… encore que la rédemption de la fin du XXè siècle ne soit qu’effacement des peurs, là où celle du XIXè efface des péchés…
Vous pouvez avoir une préférence pour un texte, ou pour l’autre… Si vous n’êtes pas décidés à cet instant, gardez la feuille de culte et revenez-y plus tard.
Ces deux cantiques vous ont été aujourd’hui proposés pour introduire une réflexion sur les images de Dieu et les images des hommes – gardez bien en vous l’idée que toute image de Dieu va avec une image de l’homme. Dieu, il est comment ? Liberté ? Ordre ? Et pour quel homme est-il ceci ou plutôt cela ?

            Dans les deux textes bibliques que nous avons lus, le mot amour et le verbe aimer ne cessent d’être répétés. Dieu est amour. Les traditions conservées par l’évangile de Jean et les trois épîtres de Jean ne cessent de parler d’amour, de Dieu qui est amour, et de ce qu’est aimer.
            Dieu, comment a-t-il aimé ? L’évangile de Jean répond dès ses tout premiers versets. Au commencement… le Verbe est Dieu, et le Verbe s’est fait chair. La lumineuse univocité du Verbe est devenue équivoque comme la chair seule peut l’être. Bien plus encore que de devenir chair, ce qui pourrait laisser penser à une forme de conservation ou de réversibilité, comprenons qu’elle s’y anéantit. Plus encore que se dessaisir d’elle-même, elle se pose là sans se donner aucun moyen de se reprendre. Et c’est ainsi que Dieu aime. Et c’est ainsi qu’il envoie son Fils – avec lequel il est un – comme victime expiatoire pour les péchés des hommes, ce qui signifie très clairement qu’à partir du moment où ce sacrifice est accompli, Dieu, qui aime, n’a plus rien à exiger des humains. Aimer, dans cette perspective, dans cette tradition, c’est se poser là, y être à merci, comme offrande radicale, dans l’impuissance la plus absolue. Pour tâcher d’être un peu plus clair, Dieu qui aime, Dieu qui est amour, se donne totalement aux humains et leur dit « Faites de moi ce que vous voudrez ».
Les auteurs de cantiques dont nous avons parlé tout à l’heure ont fait de Dieu ce qu’ils voulaient.
Comme l'argile entre les mains du potier, ils ont fait de l'argile exactement ce qu'ils voulaient
            En en faisant de Dieu ce qu’ils voulaient, ces auteurs ont aussi dépeint l’homme – le croyant – tel qu’ils le veulent. Dans Louons Dieu le Créateur, le croyant idéal est un être humain libéré de toute peur, ouvert, joyeux et militant œcuménique ; c’est un croyant d’après le Concile, une croyant idéal de la seconde moitié du XXème siècle. Dans Gloire, gloire à l’Eternel, le croyant idéal est un être humain qui a vécu toutes sortes de troubles et qui, libéré de ces troubles, mène, après un long et difficile combat, une vie enfin paisible et ordonnée.

            Qu’en est-il de nos textes bibliques ? Quel croyant ? L’unique commandement, celui qui, dans l’évangile de Jean, résume toute l’aventure humaine divine du Verbe qui se fait chair, c’est « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Comment Jésus les a-t-il aimés ? Il les a aimés comme le Père l’a aimé. Et comment le Père l’a-t-il aimé ? En envoyant son Fils en victime d’expiation pour les péchés. Dieu a aimé les humains en se posant là en toute impuissance et en disant « faites de moi ce que vous voudrez ». Aimer ainsi correspond à l’obéissance à l’unique commandement de Jésus. Aimer ainsi est l’idéal du disciple, l’idéal du chrétien. Le chrétien pose là sa vie, au service de son semblable, au service de la communauté, dans un engagement total et irréversible. Il proclame son désir d’obéir et de servir ; il déclare en somme son amour… C’est cela, l’idéal du chrétien. Et lorsque cet idéal est partagé, lorsque les chrétiens s’aiment les uns les autres, c’est aussi l’idéal de la vie de la communauté. C’est un idéal, c’est même radical.
            C’est si radical que nous nous posons une première question : pour quelles raisons cela a-t-il été pensé et écrit ? Dans le nouveau Testament, il y a un autre texte qui parle admirablement de l’amour, c’est la première épître aux Corinthiens. On se rend assez vite compte que l’hymne à l’amour du chapitre 13 est un écrit de circonstances. Les chrétiens de Corinthe ont prêté énormément d’attention aux dons personnels de l’Esprit, et ont laissé de côté la vie de la communauté… Paul tente de remédier à cela en énonçant que si l’on n’a pas l’amour, tout le reste ne vaut rien. De la même manière, dans l’évangile de Jean, et surtout dans l’épître, on parle beaucoup d’amour du prochain, mais beaucoup aussi de connaissance de Dieu. Ce qui laisse supposer que des groupes ont consacré tant de leur énergie et de leurs dévotions à  parvenir à une connaissance de Dieu qu’ils en aient oublié la communauté, le prochain, le frère… L’épître serait un écrit de circonstances, qui, en fonction justement des circonstances, développe un point qu’elle juge essentiel, et invite à y revenir : aimer. Avec quel succès ? Nous avons de bonnes raisons de penser que l’auteur des Epîtres de Jean a échoué. C'est-à-dire que son interpellation n’a pas été entendue, et que les groupes qui se consacraient entièrement à rechercher la connaissance de Dieu – au détriment de la vie communautaire – se sont détachés du grand courant de l’Eglise, centrés sur leur seule recherche, se sont vraisemblablement épuisés et perdus.
            Ils se sont épuisés et perdus, et de cette aventure il est resté les écrits que sont l’évangile de Jean et les  trois petites épîtres.  Et à nous autres il est resté et reste une interpellation radicale : aimons-nous les uns les autres, posons-là nos vies, mettons-nous totalement à disposition les uns des autres… Cette interpellation radicale découle de l’affirmation non moins radicale que Dieu est amour. C'est-à-dire que si nous entendons nous en tenir, s’agissant de Dieu, à l’unique affirmation qu’il est amour, et qu’il n’est rien d’autre qu’amour, c’est ainsi qu’il nous faut absolument et résolument vivre.

            Est-ce donc ce que nous affirmons ? Est-ce ainsi que nous vivons ? Non… pas vraiment, plus ou moins. Pas du tout ? Pas tout à fait… Vous hésitez. Le prédicateur hésite. Nous sentons bien qu’à vouloir produire une confession de foi simple et univoque, nous produisons en même temps une éthique totalement impraticable, une éthique qui incessamment nous accuse…
            Mais nous sentons bien aussi que cette exhortation à l’amour et au service est pertinente tant pour la vie personnelle que pour la vie communautaire.
            Alors ? Alors, si nous sommes un tant soit peu touchés par cette exhortation, mais pas seulement par elle, il est possible que ce qui nous accuse ne nous écrase pas, mais bien plutôt nous stimule.
Ainsi, au nom de Jésus Christ nous pouvons demander au Père qu’il fasse grandir en nous l’amour. C’est même, dans le sens de notre texte, la seule chose que nous puissions demander au Père au nom du Fils. Et il nous l’accordera. Amen