dimanche 11 juin 2017

La doctrine de la Trinité (Matthieu 28,1-20)

Téhéran... même si, après les attentats, on a entendu bien des sottises, à Téhéran comme à Londres, à Paris, à Nice, à Liverpool, il y a des gens par terre qui gémissent, et d'autres qui ne gémiront plus jamais. Ils passaient, ils étaient là... et maintenant, ils baignent dans leur sang...
Matthieu 28
1 Après le sabbat, au commencement du premier jour de la semaine, Marie de Magdala et l'autre Marie vinrent voir le sépulcre.
2 Et voilà qu'il se fit un grand tremblement de terre: l'ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s'assit dessus.
3 Il avait l'aspect de l'éclair et son vêtement était blanc comme neige.
4 Dans la crainte qu'ils en eurent, les gardes furent bouleversés et devinrent comme morts.
5 Mais l'ange prit la parole et dit aux femmes: «Soyez sans crainte, vous. Je sais que vous cherchez Jésus, le crucifié.
6 Il n'est pas ici, car il est ressuscité comme il l'avait dit; venez voir l'endroit où il gisait.
7 Puis, vite, allez dire à ses disciples: ‹Il est ressuscité des morts, et voici qu'il vous précède en Galilée; c'est là que vous le verrez.› Voilà, je vous l'ai dit.»
8 Quittant vite le tombeau, avec crainte et grande joie, elles coururent porter la nouvelle à ses disciples.
9 Et voici que Jésus vint à leur rencontre et leur dit: «Je vous salue.» Elles s'approchèrent de lui et lui saisirent les pieds en se prosternant devant lui.
10 Alors Jésus leur dit: «Soyez sans crainte. Allez annoncer à mes frères qu'ils doivent se rendre en Galilée: c'est là qu'ils me verront.»

11 Comme elles étaient en chemin, voici que quelques hommes de la garde vinrent à la ville informer les grands prêtres de tout ce qui était arrivé.
12 Ceux-ci, après s'être assemblés avec les anciens et avoir tenu conseil, donnèrent aux soldats une bonne somme d'argent,
13 avec cette consigne: «Vous direz ceci: ‹Ses disciples sont venus de nuit et l'ont dérobé pendant que nous dormions.›
14 Et si l'affaire vient aux oreilles du gouverneur, c'est nous qui l'apaiserons, et nous ferons en sorte que vous ne soyez pas inquiétés.»
15 Ils prirent l'argent et se conformèrent à la leçon qu'on leur avait apprise. Ce récit s'est propagé chez les Juifs jusqu'à ce jour.

16 Quant aux onze disciples, ils se rendirent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre.
17 Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais quelques-uns eurent des doutes.
18 Jésus s'approcha d'eux et leur adressa ces paroles: «Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre.
19 Allez donc: de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit,

20 leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin des temps.»


Votre enfant va être baptisé
au nom du Père qui lui a donné le souffle de la vie.

Il va être baptisé au nom du Fils. 
Jésus-Christ, mort et ressuscité pour lui/elle,
l'appelle à son service.

Il va être baptisé au nom du Saint-Esprit
qui fera naître en lui la foi, l'espérance et l'amour.

Prédication : 
            Ce texte est lu, en général, pour Pâques. Nous ne sommes pas le dimanche de Pâques, mais huit semaines après Pâques. Pâques manifeste le Fils, Jésus, comme Christ ressuscité. Nous sommes aussi une semaine après la Pentecôte, où se manifeste généreusement l’Esprit. C’est le dimanche de la Trinité.
Père, Fils et Saint-Esprit ont été manifestés aux humains. L’Eglise les fête ensemble, pour la raison que dans la foi de l’Eglise, le  Père, le Fils et le Saint-Esprit forment ensemble un seul Dieu.
            La chose pourtant n’est pas simple à comprendre : comment Dieu qui est censé être un et unique peut-il être en même temps trois, chacun des trois étant entièrement Dieu ? Et bien, je ne vais pas vous donner la réponse. Et je vais même vous faire un aveu : la réponse, je ne la connais pas, je ne veux pas la connaître.
            Où donc les chrétiens sont-ils allés chercher cette histoire de Trinité ? Dans la Bible. Les textes de la Bible, premier ou ancien testament, ont été lus, relus et interprétés par les auteurs chrétiens des premiers siècles, qui ont donné le second ou nouveau testament. Cela s’est fait dans un grand foisonnement d’idées, dans un grand désordre, avec de grands conflits, et bien des violences. Puis une sorte de synthèse a eu lieu, une sorte de consensus a été trouvé, autour de la doctrine de la Trinité. A un moment de l’histoire, disons vers le IVème siècle de notre ère, cela a pu ramener une paix qui était gravement compromise par des conflits apparemment doctrinaux, mais dans les faits essentiellement politiques. Et soyons le plus honnête possible : certains n’ont pas voulu de cette synthèse.
Il ne faut pas leur donner raison ou tort. Ils n’en ont pas voulu au titre des doctrines et des convictions, des positions… qui étaient les leurs. Reste seulement à savoir comment ils ont traité ceux qui avaient accepté cette synthèse, et comment ceux qui avaient accepté cette synthèse les ont traités, eux qui l’avaient rejetée.
            Vous sentez bien avec ceci que ce n’est pas seulement la question de la Trinité qui doit nous préoccuper ; la Trinité, c’est juste une doctrine… La question qui doit nous préoccuper, c’est la question de l’usage qui est fait des doctrines.

             Nous disions à l’instant qu’il ne fallait pas donner raison ou tort à ceux qui n’ont pas voulu de la doctrine de la Trinité. Reprenons ces mots et disons qu’il faut leur donner raison, sur un point au moins : la doctrine de la Trinité ne dit pas tout. Elle est une synthèse, mais pas une synthèse sans reste.
            Vous avez bien entendu tout à l’heure que nous baptisons au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Le Père, créateur, donne le souffle de la vie, il crée, et garde sa création. Le Fils, Jésus, reconnu par certains comme Christ, consacre sa vie à l’humanité, comme personne ne l’a fait. Il enseigne subversivement, il guérit, il nourrit, fait de l’ombre à certains de ses contemporains, est mis à mort pour cela, et ramené à la vie par le Père créateur ; le Fils appelle des humains à vivre une telle vie de consécration, et ceux qui répondent à son appel en appelleront d’autres aussi. Le Saint-Esprit vient au secours de ces humains de bonne volonté, mais souvent trop faibles, trop veules ou trop lâches, et il fait naître en eux invinciblement la foi, l’espérance et l’amour. Cela, vous l’avez entendu tout à l’heure…
            Mais tout a-t-il été dit de Dieu lorsque cela a été dit ? Les plus belles parts sans doute de ce que les humains ont dit de Dieu on été rassemblées dans la doctrine de la Trinité. Mais le reste ? Quel reste ? Dieu courroucé qui extermine l’humanité entière moins une seule famille (Genèse 6 et suivants), les descendants de cette famille reproduisant exactement ce qu’il y eut de mépris entre les peuples (Genèse 8), ça n’y est pas.  Dieu qui punit sur les fils l’iniquité des pères (Exode 20), ça n’y est pas. Dieu qui exige de son peuple la pureté la plus extrême et qui commande la mise à mort de tous ceux qui ne sont pas exactement conformes (Lévitique 20), ça n’y est pas. Quant au mystère du mal qui frappe, comme ça, et prend sur chaque génération sa moisson d’innocents (Job 1), ça n’y est pas non plus… Et la punition ultime, dans un étang de souffre et de feu, de ceux qui n’auront pas choisi le Christ Jésus (Apocalypse), ça n’y est pas non plus. Pourtant, des textes bibliques mettent aussi cela en avant et même, pour certains textes, proposent des mises en œuvre radicales, dont la purification ethnique, sous commandement de Dieu et en son nom. Rien de tout cela, qui est pourtant dit de Dieu, sur Dieu, et qui est aussi canonique, ne se retrouve dans la Trinité.
A ce tableau sinistre, ajoutons encore qu’il s’est trouvé, et qu’il se trouve encore, ici ou là, des gens pour crier haut et fort que « la vérité ne se mélange pas avec l’erreur »... et l’erreur, c’est toujours l’autre. Nous n’avons pas connaissance que d’aucuns mettent aujourd’hui en œuvre les sinistres commandements du 20ème chapitre du Lévitique quoi qu’il ne fasse pas bon être homosexuel dans certaines parties chrétiennes du Nigéria… On ne s’entretue plus trop entre chrétiens, il est vrai. Mais d’autres tuent et s’entretuent, avec le même nom de Dieu à la bouche, d’autres versets, et d’autres doctrines.           

Toutes les doctrines ne se valent pas, c’est entendu. Ce n’est pas là-dessus que nous réfléchissons aujourd’hui. Nous réfléchissons sur le Dieu dont parlent les chrétiens, la Trinité, et l’usage qu’on peut en faire.
Avec la Trinité, nos anciens ont fait un choix : le Père est créateur, créateur de tous ; le Fils est serviteur, serviteur de tous ; l’Esprit-Saint, don du Père et du Fils est promis à tous. La doctrine de la Trinité ne dit pas tout de Dieu, loin s’en faut, elle donne une image de Dieu, et il y a toujours un risque que certains se trompent sur l’usage qu’on peut faire d’une image. Ainsi, au XVIe siècle, on a brûlé des gens pour avoir contesté cette image. Ainsi, au XXIe siècle, certains la contestent encore, et d’autres regardent les premiers comme des parjures… Mais la Trinité, cette proposition sur Dieu, si elle reçue juste pour ce qu’elle est, est plus qu’une proposition sur Dieu. Elle est la proposition d’un monde. Et pour qui reçoit cette proposition, elle est aussi une interpellation, la suggestion d’un choix de vie.

Choix de vie !
En pensant au Père, créateur : créer, inventer, entreprendre, être libre, en demeurant toujours habités par le souci des autres, tous enfants du même Père, et en demeurant aussi toujours habités par le souci de la création.
En pensant au Fils, serviteur : se laisser interpeler, réfléchir, contester s’il le faut, servir plutôt que se servir, aider, soulager, sans choisir qui l’on aide… même si la tâche paraît infinie, et même si cela coûte en terme de réputation.
En pensant au Saint-Esprit, consolateur : ne jamais cesser d’y croire, espérer, toujours, et partager l’espérance, persister dans le témoignage et l’action, même s’il semble parfois qu’on œuvre en pure perte.

Puissions-nous tous choisir de vivre ainsi. C’est au nom de ces choix que nous baptisons, que nous prêchons, et que nous agissons.
Que le Dieu qui est un, unique, Père, Fils et Saint-Esprit, nous soit en aide. Amen