dimanche 11 décembre 2016

Changer le monde (Matthieu 3,1-12 et Matthieu 11,1-6)

Alep....

Matthieu 3
1 En ces jours-là paraît Jean le Baptiste, proclamant dans le désert de Judée:
2 «Convertissez-vous: le Règne des cieux s'est approché!»
3 C'est lui dont avait parlé le prophète Esaïe quand il disait: «Une voix crie dans le désert: ‹Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.› »
4 Jean avait un vêtement de poil de chameau et une ceinture de cuir autour des reins; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.
5 Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de lui;
6 ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en confessant leurs péchés.
7 Comme il voyait beaucoup de Pharisiens et de Sadducéens venir à son baptême, il leur dit: «Engeance de vipères, qui vous a montré le moyen d'échapper à la colère qui vient?
8 Produisez donc du fruit qui témoigne de votre conversion;
9 et ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes: ‹Nous avons pour père Abraham.› Car je vous le dis, des pierres que voici, Dieu peut susciter des enfants à Abraham.
10 Déjà la hache est prête à attaquer la racine des arbres; tout arbre donc qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu.
11 «Moi, je vous baptise dans l'eau en vue de la conversion; mais celui qui vient après moi est plus fort que moi: je ne suis pas digne de lui ôter ses sandales; lui, il vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu.
12 Il a sa pelle à vanner à la main, il va nettoyer son aire et recueillir son blé dans le grenier; mais la bale, il la brûlera au feu qui ne s'éteint pas.»

Matthieu 11
1 Or, quand Jésus eut achevé de donner ces instructions à ses douze disciples, il partit de là enseigner et prêcher dans leurs villes.
2 Or Jean, dans sa prison, avait entendu parler des œuvres du Christ. Il lui envoya demander par ses disciples:
3 «Es-tu ‹Celui qui doit venir› ou devons-nous en attendre un autre?»
4 Jésus leur répondit: «Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez:

5 des aveugles retrouvent la vue et des boiteux marchent droit, des lépreux sont purifiés et des sourds entendent, des morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres;

Prédication :
            Lorsque Jean le Baptiste commence à prêcher, il dit « Convertissez-vous, le règne des cieux s’est approché… » Dans ce simple message, on peut repérer deux idées de changement.
Première idée de changement : « le règne des cieux s’est approché ». Quelque chose – le règne des cieux – était loin, est devenu proche, même très proche, voire imminent… Jean le Baptiste avait l’intuition que le monde dans lequel il vivait était proche de sa fin, qu’un événement décisif allait arriver, et qu’un autre monde, une autre époque, allaient commencer.
La seconde idée de changement qu’on peut repérer dans le message de Jean le Baptiste, c’est le changement des gens, comme il leur dit : « Convertissez-vous… ». Se convertir, c’est changer, changer sa manière de penser, et en même temps, changer aussi sa manière de vivre.

Lorsque Jean le Baptiste vivait, son pays connaissait une domination brutale, était en état de révolte permanente, contre l’occupant, mais aussi faction contre faction, les richesses y étaient très inégalement partagées, misère noire pour le plus grand nombre, et une religion puissante s’arrangeait très bien de tout cela…
Avec autant de brutalité et de souffrance, le  message de Jean le Baptiste pouvait être compris comme l’annonce d’une intervention de Dieu, sous la forme d’un chef providentiel, qui mettrait fin à tout cela, punirait les uns, soulagerait les autres, et instaurerait un règne de paix et de justice. Jean le Baptiste avait l’intuition que cela était imminent.
C’était il y a plus de 2000 ans. Le monde a-t-il changé ? Pour nous, le monde est meilleur, infiniment meilleur que celui que connaissait Jean le Baptiste. Pour d’autres que nous, le monde n’a pas changé, il va même effroyablement mal.
En plus, depuis 2000 ans, quelqu’un est-il venu juger les uns, consoler les autres, établir le règne des cieux ? Nous pourrions répondre que non… que le message de Jean le Baptiste n’était qu’illusion, et qu’il est totalement sans portée.
Cependant, nous n’allons pas conclure ainsi. Notre conviction est que Jean le Baptiste ne s’est pas trompé et que son message nous concerne : « Convertissez-vous, le règne des cieux s’est approché… » Nous disons en plus que quelqu’un est venu : Jésus, venu de Galilée. C’est à cause de ce quelqu’un que nous avons eu connaissance du message, nous, qui ne sommes pas de ce pays-là. Ce message a été porté jusqu’aux extrémités de la terre et c’est en cela, au moins, que le monde a changé, même s’il reste encore à changer.

Le règne des cieux est toujours tout proche, nous le croyons. Quand viendra-t-il ? Est-ce imminent ? L’espérance du règne des cieux n’a pas de délai. L’espérance, c’est bien entendu ce qu’on attend, mais c’est aussi ce qu’on décide de faire.
Et que peut-on faire ? Il y a ce qu’on ne peut pas changer. Ce qu’on peut un peu changer. Et il y a ce qu’on peut franchement changer. Or, dans les textes que nous avons choisis de lire aujourd’hui, nous avons des exemples des trois.

Il y a ce à quoi l’on ne peut rien changer
            « Et ne dites surtout pas en vous-mêmes “Nous avons pour père Abraham” ». C’est vrai qu’ils avaient pour père Abraham. Et, effectivement, à cela, on ne peut rien changer. Pour toujours on est né quelque part, dans cette famille et dans aucune autre, dans ce temps et dans aucun autre, ici, et nulle part ailleurs. Chance, voire privilège pour certains ; handicap, voire malédiction pour d’autres. On ne peut rien changer à cela. Lorsque Jean le Baptiste se met à insulter certaines personnes, il insulte des gens qui avaient eu la chance de naître dans des familles riches et influentes, privilégiées… qui trouvaient cela très bien, et qui pensaient qu’il n’y avait rien à changer à rien.

Il y a ce qu’on peut un peu changer un peu.
            On ne peut pas changer sa généalogie, mais on peut changer sa manière de penser le monde et de l’habiter. La vie que mène Jean le Baptiste relève d’un choix de vie. Sa prise de parole relève d’une réflexion et d’une décision. Sa réflexion, sa décision, sa parole et ses engagements ont quelque chose d’extrême, comme ce sera extrême aussi pour Jésus : ces deux hommes ont renoncé à tout, richesse, famille, pouvoir, image... et ils ont payé au prix le plus fort leur liberté de parole.
Maintenant, il est vrai que nous ne sommes pas tous appelés à un tel dépouillement et à une telle radicalité. Mais chacun peut, là où il est, considérer où et quand il est né, observer le monde, réfléchir, et choisir la vie qu’il veut mener : défense de privilèges et rapacité, ou partage… Chacun peut, un peu au moins, changer sa manière de voir le monde, de voir la vie, et de vivre…

Il y a enfin ce qu’on peut totalement changer.
            On peut enfin, parfois, totalement changer quelque chose au monde. Un jour, Jean le Baptiste a fait demander à Jésus s’il était bien celui qui devait venir, ou s’il fallait attendre quelqu’un d’autre. Et bien Jésus a répondu très simplement que, par lui, par son engagement, son action, à la mesure de puissance qui lui avait été donnée, quelques vies avaient été changées : « des aveugles retrouvent la vue et des boiteux marchent droit, des lépreux sont purifiés et des sourds entendent, des morts ressuscitent ». Est-ce que cela changea le monde ? Cela changea totalement le monde de ceux qui avaient eu la chance de croiser le chemin de Jésus.

Mais, reconnaissons-le, le monde, dans sa globalité, dans sa misère, ne fut pas totalement changé par Jésus. Après le passage de Jésus, et là ou il n’était pas passé, il resta des aveugles, de boiteux, des lépreux, des mourants… Ceci dit, ça n’est pas parce qu’on ne peut pas changer le monde dans toute sa globalité qu’il ne faut pas le changer pour ce qu’on a le pouvoir de faire.
Nous n’avons pas le pouvoir de faire du monde un monde de joie et de paix, mais ça n’est pas une raison pour ne pas tâcher d’y mettre un peu de paix et de joie.



Le Seigneur nous appelle à cela, à une conversion – toujours – de nos manières de penser et de vivre. Il nous appelle à partager simplement et concrètement notre espérance pour ce monde. Et Lui, celui qui est déjà venu et qui doit encore venir, il nous accompagne. Amen