ÉGLISE
PROTESTANTE UNIE VINCENNES-MONTREUIL
LETTRE
PASTORALE DU 29 AVRIL 2020
Consolation
De Siméon, que la tradition présente souvent
comme un vieil homme, il nous est dit qu’il était juste et pieux, qu’il
attendait la consolation d’Israël et que l’Esprit Saint reposait sur lui (Luc
2,25). Les divers éléments du portrait de Siméon nous sont assez intelligibles,
sauf un. Qu’attendait-il, cet homme qui attendait la consolation d’Israël ?
Consoler, c’est alléger, apaiser, la peine de
quelqu’un. Quelque chose pèse, et empêche d’avancer. Quelque chose tourmente,
et empêche d’aller droit… Qu’arrivait-il alors à Israël dont il dût être
consolé ? En ce temps-là, Israël perdit son unité politique et religieuse,
Israël perdit son indépendance et vécu sous domination romaine. Est-ce de ces
pertes-là qu’Israël devait être consolé ?
Israël avait-il un jour été ainsi uni ? Et
en fait de perte, n’étaient-ce pas des illusions qui avaient été perdues ?
La perte des illusions, même si elle fait progresser en lucidité, engendre une
réelle souffrance, avec pesanteur et tourments. Et toute prophétie d’une
prochaine restauration aurait été un grand mensonge. Donc, pour Israël, plus
jamais de roi, plus jamais d’armée, plus jamais d’autonomie, plus jamais de
terre sacrée, plus jamais de Temple...
En face de ces plus jamais, n’y a-t-il pas un mais ? N’y a-t-il pas une
consolation ? Qu’est-ce qui pourrait rendre la peine moins lourde à
porter ? Au temps de Jésus déjà, deux ou trois choses commençaient à
émerger. L’idée que la Loi pourrait être une patrie portative. L’idée d’un Dieu
adressant au cœur de chacun une parole de conversion. L’idée qu’une éthique
personnelle conséquente importe d’avantage que les sacrifices. L’idée que des
communautés locales peuvent validement se réunir. Ces idées, méditées,
progressivement mises en œuvres, n’étaient-elles pas, en elles-mêmes, déjà, une
consolation ?
Peut-être, mais lorsque la peine est trop
lourde et le tourment trop violent, il faut quelque chose de plus simple,
quelque chose de très simple. Luc l’évangéliste nous propose une consolation
très simple : un enfant en bas âge et un homme déjà âgé – un vieillard
même, peut-être – se rencontrent. Tout l’avenir inconnu du monde est accueilli,
et béni, par tout le passé usé du monde. Toute la présence divine enclose dans les
millénaires est reportée dans le corps d’un tout petit enfant. Dieu n’est pas
là seulement, bien abrité dans des vieilles pierres, mais il advient jusque
dans la joie d’un tout-petit qui joue. Peut-être est-ce cela, la consolation
d’Israël.
De Siméon, nous ne savons pas du tout s’il
était assidu au Temple. Il nous est seulement rapporté que, guidé par l’Esprit
Saint, il se rendit au Temple, à Jérusalem, le jour précis où deux parents –
Joseph, Marie – vinrent au Temple. Et là Siméon reconnut et bénit l’enfant.
L’Esprit Saint guide Siméon vers Jésus. Et le lecteur de l’évangile, lui, sait
d’avance qui est cet homme, et qui est l’enfant. Je dis souvent que le lecteur
en sait trop et que, pour comprendre un peu ce que rapportent les évangiles, il
lui faut faire l’effort d’oublier ce qu’il sait. Une fois que le lecteur a fait
l’effort d’oublier, il voit un vieil homme inconnu bénir un enfant inconnu.
Et si, aujourd’hui, alors que nous sommes
toujours confinés, il m’est demandé quelle image de consolation j’attends, je réponds que
j’attends de voir de nouveau des enfants jouer librement sous le ciel de notre
printemps, et sous le regard de vieilles personnes ravies.
Pasteur Jean DIETZ, 29 avril 2020