Telle
vie, telle foi, tel Dieu – les choix de l’homme et l’impuissance de Dieu
De
l’histoire du Déluge biblique nous retenons le bel épisode de la construction
de l’arche par Noé, la lente procession des animaux terrestres s’avançant par
couple, chacun selon son espèce, et prenant place à bord de cet improbable
vaisseau. Nous retenons aussi que l’avancement de la décrue fut annoncé par une
colombe qui, lâchée par Noé, revient vers lui avec un rameau d’olivier, signe
assez universel de paix. Nous retenons enfin que l’arc en ciel acquit en ce
temps-là le statut de mémorial, le mémorial d’un plus jamais… sur lequel nous
allons revenir.
Souvenons-nous.
La première fratrie inaugure le fratricide. Les premiers descendants du premier
couple humain inventent la vengeance. Les premiers vengeurs, découvrant que la
vengeance n’épuise pas la haine et le ressentiment, se mettent à venger sept
fois… et cette vengeance-là ne suffisant toujours pas, certains se mettent à
venger soixante dix sept fois. A ce niveau de susceptibilité, si vous déplaisez
à quelqu’un en marchant sur son ombre, vous serez tué et votre famille
exterminée. Ainsi, à l’institution divine de la vengeance "modérée"
répond l’institution humaine de cette
vengeance superlative (Genèse 4,15 et 24). Et comme il y a toujours quelque
part un cousin oublié qui survit, le cycle de la vengeance ne peut jamais
finir… Et Dieu, dans tout ça ? Dieu, dans la Genèse, est à l’initiative d’une
tentative de modération de la vengeance, comme il est d’ailleurs aussi à
l’initiative d’une tentative de protection du meurtrier. Dès les commencements,
Dieu tâche de suggérer à l’homme qu’il peut autrement faire, autrement que le
pire… Dieu indique en somme le chemin. Mais Dieu ne contraint pas l’homme à
prendre ce chemin ? Chacun peut ici affirmer que Dieu est impuissant, ou bien
que Dieu est indifférent. L’homme ici choisit son Dieu comme il choisit sa vie.
Il n’est pas écrit que les humains des premiers temps aient ignoré Dieu. Ils
firent seulement certains choix, le monde habité des premiers temps s’emplît
d’une irrépressible violence, et Dieu lui-même, impuissant à éduquer ses
créatures, eut recours à la violence.
Est-ce
à dire que Dieu, ayant perdu patience, répondit à la violence par la violence ?
Certains croyants l’affirmeront. Oseront-ils ajouter que le Déluge, ou autre
catastrophe, ou autre pandémie, sont les réponses de Dieu à une humanité qui
tarde à se corriger en se tournant vers Lui ? Certains l’affirmeront. Et parmi
ces gens-là, persuadés de leur propre justice, je n’ai rencontré que des gens
profondément habités par la violence. Telle vie, telle foi, tel Dieu ?
Peut-être.
Car
Dieu sauve, aussi. Il sauve Noé qui est un homme juste et intègre, c'est-à-dire
un homme qui ne juge pas au faciès, qui n’a qu’une parole et ne vend pas sa
justice. Qu’a-t-il fait, Lui, Dieu, pour que Noé soit un homme juste ? Rien. De
plus nous ne voyons nulle part Noé s’interroger sur sa justice ou sur son
salut. Nous le voyons plutôt, dans un environnement de violence, choisir la
justice, et montrer donc que ce choix-là est possible. Mais alors, Dieu
sauverait-il les justes ? Dans le récit du Déluge, nous voyons Dieu se proposer
de recommencer l’humanité à partir d’un seul juste… et nous le voyons aussi
renoncer à cette chimère (Genèse 8,21). En renonçant ainsi, Dieu renonce, une
fois pour toutes, à transformer lui-même le cœur de l’homme. Plus jamais de
Déluge, plus jamais de violence curative, la direction à prendre est assez bien
balisée. A l’homme de choisir.
Nous
avons dit Déluge… Qu’en est-il de Covid-19 et de sa signification pour la foi ?
Choix de vie, choix de foi, choix de Dieu.