Église protestante unie
Vincennes-Montreuil
Chères
sœurs, chères frères, nous sommes toujours confinés, nous continuons observer
les gestes barrières, et voici donc une cinquième lettre pastorale.

Pour autrui
Si nous comprenons bien les
consignes que nous devons observer, elles sont moins destinées à nous protéger
nous-mêmes qu’elles ne sont destinées à protéger autrui. Elles ne sont pas pour nous, mais pour autrui. C’est l’occasion de méditer sur la foi en Dieu et le pour autrui.
Nous avons tous bien appris dans nos jeunes
années qu’Abraham engendra Isaac et qu’Isaac engendra Jacob, et que Jacob eut
12 fils. L’alliance que Dieu conclut avec Abraham concernait évidemment,
et par avance, Isaac, Jacob, ses 12 fils
et tous leurs descendants. Ayant un peu grandi, et commençant à lire la Bible
par nous-mêmes, nous avons repéré que ça n’a pas dû être aussi simple. Joseph
fut haï par ses 11 frères ; Jacob vola la bénédiction paternelle ;
Isaac manqua d’être assassiné par son père ; et en Abraham nous devons
voir deux hommes au moins dont les récits de vie ont été opportunément soudés
par un rédacteur tardif. Tout cela nous saute aux yeux. Et si nous nous aventurons
dans le livre du prophète Osée, nous trouvons (chap. 12) que s’agissant du
peuple élu, quatre généalogies se disputent la légitimité, avec Osée comme juge
arbitre évidemment partial.
D’où la question : la promesse faite par
Dieu à Abraham est-elle aussi pour autrui, à commencer par Isaac ?
Revenons-en à nos jeunes années. Isaac fut un
fils longtemps attendu et ardemment désiré. Il finit par apparaître, enfant
improbable d’un couple de vieillards. On raconte volontiers cela à de jeunes
enfants, mais la suite… Or, il advint que Dieu, voulut mettre à l’épreuve la
foi d’Abraham, et lui demanda illico
le sacrifice de l’enfant (Genèse 22). Cher lecteur, à quel âge t’a-t-on raconté
cela ? Je me souviens de mes dix ans, et de la perplexité que cela a semé
en moi. Ma grand-mère, femme de foi et de pasteur, était la catéchète de
service. « Mais enfin, grand-maman, il n’a pas refusé ? »
« Et si Dieu n’était pas intervenu, il aurait été jusqu’au
bout ? » « Et grand-papa, lui, qu’aurait-il fait ? »
Sur cette question, ma grand-mère avait battu en retraite, elle dont l’enfant
aîné était un fils. Mais pour le reste, elle s’en était tenue au happy end biblique : Abraham va
jusqu’au bout, Dieu intervient au tout dernier instant, et un bélier qui
passait par là est dûment sacrifié. Ouf ! Bien plus tard, j’ai remarqué
que lorsqu’Abraham redescend de la montagne, il est seul… Où est donc passé
Isaac ?
Retour sur notre question. La promesse que Dieu
fait à Abraham, vaut-elle aussi pour autrui, à commencer par Isaac ?
Abraham a obéi, jusqu’au bout, et Dieu conclut donc qu’Abraham croit vraiment
en Dieu. Mais la foi d’Abraham, celle que célèbre le texte, celle par laquelle
il obéit à l’injonction de Dieu, exclut carrément son fils Isaac du périmètre
de la promesse. Il est incompréhensible qu’Abraham prenne contre Dieu la
défense de Sodome (Genèse 18) et obéisse sans question à l’ordre de sacrifier
son fils. Aussi – avec cette perplexité qui est la mienne depuis bientôt 50 ans
– je pense qu’Abraham a été dévasté : sa foi en Dieu était pour lui-même,
et excluait Isaac.
Ainsi, conclurons-nous aujourd’hui : la
foi en Dieu doit être pour autrui
avant d’être pour soi-même.
Pasteur
Jean DIETZ, 15 avril 2020
Culte YouTube : https://www.youtube.com/channel/UCLEihGwqDjzHjWjmYnP2_2Q
