Jean 20
19 Le soir de ce même jour qui était le premier de
la semaine, alors que, par crainte des Juifs, les portes de la maison où se
trouvaient les disciples étaient verrouillées, Jésus vint, il se tint au milieu
d'eux et il leur dit: «La paix soit avec vous.»
20 Tout en parlant, il leur montra ses mains et son
côté. En voyant le Seigneur, les disciples furent tout à la joie.
21 Alors, à nouveau, Jésus leur dit: «La paix soit
avec vous. Comme le Père m'a envoyé, à mon tour je vous envoie.»
22 Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur
dit: «Recevez l'Esprit Saint;
23 ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur
seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus.»
24 Cependant Thomas, l'un des Douze, celui qu'on
appelle Didyme, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint.
25 Les autres disciples lui dirent donc: «Nous avons
vu le Seigneur!» Mais il leur répondit: «Si je ne vois pas dans ses mains la
marque des clous, si je n'enfonce pas mon doigt à la place des clous et si je
n'enfonce pas ma main dans son côté, je ne croirai pas!»
Prédication
Nous commençons notre méditation avec une question
très simple, une question que nous pourrions poser en lisant la fin de chacun
des quatre évangiles – et le début aussi du livre des Actes des Apôtres : après
la résurrection, que se passe-t-il ? Et bien, dans tous les évangiles, après
la résurrection, Jésus apparaît à ses disciples. Ce qui est très frappant, et
très troublant, c’est que les auteurs bibliques accrochent manifestement
certains de ces épisodes d’apparition à des récits pourtant déjà bien achevés.
Mais pourquoi font-ils cela ? Nous explorerons 4
raisons.
1. Parce qu’il est vraiment apparu… Oui, ce pourrait être aussi simple que
cela : il est vraiment apparu, après être vraiment ressuscité, et, pendant 40
jours, il était avec ses disciples pour les préparer à son départ et à leur
future mission. Nous pouvons – et je crois que nous devons – commencer par une
telle explication. Si l’on ne commence pas par l’enseignement de la lettre des
textes, on ne pourra jamais valablement enseigner l’interprétation des textes.
a. Mais pour autant, nous ne pouvons pas affirmer
durablement que le Ressuscité est apparu et que les textes en sont la preuve…
ou alors il faut le dire de tous les autres récits bibliques.
b. Outre la violence qu’on transporte et que l’on
impose à autrui lorsqu’on prend ce type de position, on doit aussi souffrir de
ce que les textes bibliques eux-mêmes nous disent – littéralement – qu’il ne
faut pas les prendre littéralement. Nous avons aujourd’hui un exemple – l’un
des plus précieux exemples – de cela. « Heureux ceux qui, sans avoir vu, ont
cru. »
c. Aussi nous faut-il avancer et dans la vie et
dans l’art de lire les textes bibliques.
2. Oui, il est vraiment apparu, mais d’où le tenons-nous ? Les récits
d’apparitions figurent dans les évangiles, dont nous sommes lecteurs. Il est
vraiment apparu parce que nous l’avons lu. Mais pourquoi cela a-t-il été écrit
?
a. Dans les tout premiers temps de l’ère
chrétienne, avant que les évangiles ne soient écrits, il y a certainement eu
quantité – une quantité considérable – de récits d’apparition du ressuscité. Et
parmi ces récits, certains ont été hauts en couleur et riches en imagination.
Les lecteurs des apocryphes chrétiens peuvent avoir une idée de ce
foisonnement. Il n’est pas nécessaire d’attendre l’apparition d’internet pour
que les fake news se portent mieux
que la vérité. Le fantastique a toujours habité l’âme humaine ; contes et
légendes ont toujours eu leur place dans la mémoire de chacun. Le fantastique est
l’une des expressions possibles d’un certain besoin de croire (le dit besoin de
croire n’est pas une machine à se bercer d’illusions).
b. La présence de récits d’apparition du
ressuscité dans les évangiles, de ces apparitions-là précisément, est le fruit
d’une activité réflexive et critique. Les auteurs des évangiles ont fait le
tri, chacun selon son propre projet ecclésiastique, évidemment, mais chacun
aussi en ayant le souci de donner à ses lecteurs une véritable nourriture
spirituelle, et non pas un opium.
Mais qu’est-ce qu’une nourriture spirituelle ?
C’est un propos, oral, ou écrit, pour ce qui nous concerne référé aux Saintes Écritures,
et qui est propre à éveiller et inquiéter, propre aussi à rassurer et à libérer.
Jean 20
26 Or huit jours plus tard, les disciples étaient à
nouveau réunis dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vint, toutes
portes verrouillées, il se tint au milieu d'eux et leur dit: «La paix soit avec
vous.»
27 Ensuite il dit à Thomas: «Avance ton doigt ici et
regarde mes mains; avance ta main et enfonce-la dans mon côté, cesse d'être
incrédule et deviens un homme de foi.»
28 Thomas lui répondit: «Mon Seigneur et mon Dieu.»
29 Jésus lui dit: «Parce que tu m'as vu, tu as cru;
bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru.»
30 Jésus a opéré sous les yeux de ses disciples bien
d'autres signes qui ne sont pas rapportés dans ce livre.
31 Ceux-ci l'ont été pour que vous croyiez que Jésus
est le Christ, le Fils de Dieu, et pour que, en croyant, vous ayez la vie en
son nom.
Prédication (suite)
3. Les récits d’apparition du Ressuscité ne prouvent pas la résurrection.
Ils ne peuvent être vus, au mieux, que comme une attestation de la foi de leurs
auteurs en la résurrection.
a. Parmi les premiers témoins, certains ont vu, et ils ont cru. C’est par
exemple le cas de Pierre, à ce que nous lisons dans l’évangile de Jean, qui
entra dans le tombeau, qui vit, et qui crut. Ce fut aussi le cas, selon
l’évangile de Matthieu, de certains de ceux qui le virent en Galilée. Heureux
soient-ils, dirons-nous, d’avoir vu. Mais malheur à eux si, de cette vision,
ils se sont octroyé autorité et pouvoir. Car, selon l’évangile de Jean, les
bienheureux, dès ces premiers temps, sont ceux qui, sans avoir vu, ont cru.
b. Nous-mêmes, qui sommes lecteurs des évangiles, nous n’avons rien vu de
ce que les premiers témoins ont vu. Heureux ce qui, ayant lu, ont cru.
c. Mais nous ne pouvons pas nous en tenir à cela, parce qu’il existe dans
l’humanité des hommes et des femmes qui n’ont encore jamais eu l’occasion de
lire. Certains mouvements font profession de répandre les évangiles aux quatre
coins du monde, mais répandre le texte, et rien que lui, c’est à la foi trop,
et trop peu.
4. Aussi, il nous faut aller plus loin encore, en nous en tenant à cette
phrase, qui ne peut être mieux placée que dans la bouche même du ressuscité qui
apparaît : « Heureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru. »
a. Ils ont cru sans avoir vu… mais sans avoir vu quoi ? Sans avoir vu le
ressuscité. Mais ils peuvent avoir vu tout autre chose. Ils peuvent avoir vu
des témoins du Ressuscité, des témoins du Christ vivant pour les siècles des
siècles, de ces hommes et femmes libres, qui lient et qui délient…
b. Ils auront cru, c'est-à-dire qu’ils auront trouvé dans ces rencontres
matière à vivre, et parfois à revivre… alors que tout semblait irrémédiablement
perdu.
Heureux sommes-nous si nous avons rencontrés des témoins du ressuscité.
Heureux sommes-nous, plus encore, si nous avons été témoins du ressuscité.
Prière
Seigneur Jésus, je ne
t’ai jamais vu,
Mais j’ai vu des femmes qui
tenaient des mourants dans leurs bras.
Je ne t’ai jamais vu,
Mais j’ai vu des gens se mettre
en danger pour soigner leurs semblables, et j’ai vu d’autres gens donner bien
de leur temps pour servir des repas à ceux qui ont faim.
Je ne t’ai jamais vu,
Mais j’ai vu des hommes
et des femmes visiter des prisonniers,
J’ai vu aussi des mères
faire face aux dictateurs, et exiger d’eux la vérité sur le sort de leurs
enfants disparus.
Je ne t’ai jamais vu,
Seigneur,
Mais j’ai vu des gens
rendus meilleurs par la connaissance de ton Évangile,
Des gens revenir vers les
leurs après plusieurs années d’absence,
Et d’autres gens choisir
la vérité dans des ères de mensonge.
Tout cela s’est passé
sous mes yeux, Seigneur,
Et j’ai vu de quoi
l’homme est capable.
C’est ainsi que je t’ai
vu, toi,
Non pas seulement dans le
profond abaissement de la croix,
Mais aussi dans la simple
bienveillance dont les humains sont capables.
Pour tout cela, pour tous
ces gens, Seigneur, je te rends grâce.
Puissent-ils ne jamais
faiblir,
Et moi qui ai tant reçu
être compté parmi eux.
C’est avec toi que je
veux vivre, Seigneur, avec toi que je n’ai jamais vu,
C’est avec toi que je
veux agir,
Avec toi que je veux
prier ce Dieu qui est notre Dieu, ce Père qui est notre Père.
Notre Père qui es aux
cieux…