« Heureux les doux : ils hériteront de la terre »
Lorsque les Hébreux sortirent du désert après 40
années d’exode, et qu’ils commencèrent à entrer dans leur terre promise, cette
terre était déjà occupée. Ceux qui occupaient cette terre seraient-ils enclins
à la partager avec ces derniers venus ? Et les Hébreux eux-mêmes, forts de
la promesse de leur Dieu, seraient-ils enclins à un partage ? La guerre
était-elle inévitable et l’extermination en serait-elle la seule issue ?
Lorsque nous lisons la Bible, à partir de l’Exode et jusqu’à la fin du livre de
Josué, nous pouvons remarquer que la conquête n’a jamais été totalement
achevée. Certains auteurs bibliques voient en cela le ferment d’une
dégénérescence qui, des siècles plus tard, allait aboutir à l’exil, voire même
à l’assimilation. D’autres auteurs, sotto
voce, donnent à méditer sur des modes de cohabitation, des manières de
partager de la terre. Et ces modes de partage peuvent être vus comme les germes
d’une ouverture de la promesse à l’ensemble de toutes les nations. Des faucons
d’un côté, et de l’autre des colombes, face à face, ainsi est le monde. Les
faucons l’emportent-ils toujours ? Ceux pour qui la fin justifie les
moyens vont-ils toujours mettre la main sur la terre qu’ils convoitent ? Ceux
qui espéraient vivre pour toujours sur la terre de leurs pères devront-ils
s’incliner et disparaître ?
Vision du prophète Zacharie : « Voici que ton roi s'avance vers toi ; il aime la justice, il sauve, il
est doux, monté sur un âne, le petit d’une ânesse. » Zacharie imagine un
roi qui prend la ville autrement qu’avec des machines de siège, un roi plein de
douceur qui rend inutiles l’arc de guerre et le char de combat, un roi qui,
depuis Jérusalem, établira la paix sur tout le Proche-Orient. Avec quels
moyens ? Zacharie ne le dit pas. Le roi plein de douceur n’a que sa
douceur et son amour concret de la justice pour sauver ses sujets de
l’enchaînement toujours recommencé des violences. Avec ce roi, une paix douce
et d’inspiration divine est inscrite sur l’horizon de l’histoire, mais que
faire dans l’attente de l’avènement de ce roi ?
Réponse de Jésus à cette question : « Heureux les doux. » La
deuxième des Béatitudes ne parle pas d’un roi. Elle renvoie à une expérience
individuelle, l’expérience des doux.
Qu’est-ce que l’expérience des doux ? Jésus dit de lui-même qu’il est doux
(Matthieu 11:29). En quoi est-il doux ? Il est doux parce qu’il renonce à
l’exercice de la violence et de la domination. Il est doux car en ce qu’il dit,
et en ce qu’il fait, il engage entièrement sa propre personne. Il n’engage que
sa propre personne ; ceux à qui il s’adresse, ceux qu’il nourrit ou guérit,
restent toujours totalement libres de répondre, d’acquiescer ou de refuser, de
bénir ou de maudire. Face à Jésus, l’être humain reste libre, toujours. Les
doux sont ceux qui, atteints et convaincus par la douceur du Christ, choisissent
avec lui la douceur. Affirmons aussi que même sans Christ il est possible d’être
doux.
Quelle promesse pour les doux ? Ils hériteront la terre. Ils
hériteront de ce pour quoi les humains se déchirent avec le plus de
férocité : la terre. Cet héritage ne leur échoira pas à cause de leur
lignée ; devant la douceur, la lignée n’est rien. Ni à force de douceur,
ce serait une contradiction. Ils en hériteront toujours comme par pure grâce,
même si leurs ancêtres étaient déjà là.
Les doux qui héritent de la terre n’ont aucun droit qu’ils fassent valoir
sur la terre. Même gagnée par les doux, la terre reste la terre de la promesse,
pour tous. Et même si la terre des doux semble parfois à jamais perdue, la
promesse demeure. Et avec la promesse, l’espérance.
Pasteur Jean DIETZ, 18 novembre 2020
Culte dominical : https://www.youtube.com/channel/UCLEihGwqDjzHjWjmYnP2_2Q
Offrande en ligne : https://www.eglise-protestante-unie.fr/vincennes-montreuil-p71320/don