mercredi 25 novembre 2020

Lettre pastorale du 25 novembre : ceux qui pleurent


« Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés »


     Parmi différentes sortes de pleurs, nous en retenons trois. Des pleurs qui jaillissent immédiatement, dès que l’accident est arrivé, dès l’annonce d’un événement tragique. Ces pleurs sont le signe d’un débordement émotionnel, ils peuvent assez rapidement cesser, mais parfois durent toujours. Il y a aussi des pleurs rituels qui durent le temps que dure une cérémonie. Et il y a des pleurs de deuil, auxquels il est difficile d’assigner une durée, qui durent tant que dure le deuil, qui sont parfois secrets, parce que les grandes douleurs sont muettes, et qui peuvent ne jamais cesser tout à fait, tant il est vrai que certains deuils sont interminables. Toutes ces sortes de pleurs sont repérables dans les textes bibliques, avec autant de verbes. Dans la troisième des Béatitudes (Matthieu 5:5) le verbe utilisé suggère qu’il est plutôt question des pleurs de deuil, mais nous allons tout de suite voir qu’il n’est pas seulement question du deuil.

            L’évangile de Matthieu conserve le récit d’un massacre d’enfants ordonné par le roi Hérode, il garde le souvenir des pleurs des mères de ces enfants, « une voix dans Rama s'est fait entendre, des pleurs et une lamentation : c'est Rachel qui pleure ses enfants et ne veut pas être consolée, parce qu'ils ne sont plus » (Matthieu 2:18). Premiers et seuls pleurs rapportés après ce massacre, ils sont le signe d’une souffrance qui ne cessera jamais, d’une souffrance indéfiniment recommencée et qui fera échouer toute tentative de consolation, d’une souffrance qui atteint jusqu’à la volonté même de celles qui ont été frappées. Pourvu qu’à cette souffrance il ne soit jamais opposé catégoriquement que notre Seigneur Jésus Christ a affirmé Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés. Plus qu’une sorte de principe, la Béatitude est ici une confession de foi, qui doit parfois, question de tact, rester silencieuse et demeurer s’il le faut pour toujours la main secourable qui se tend, et que personne ne saisit.

         Pleurs de deuil : du temps a passé et la blessure vive, suturée, pansée, est en voie de cicatrisation… Le temps très figé de l’effarement rejoint le temps plus fluide d’une vie ordinaire. Comment passe-t-on d’un temps à un autre temps ? Nous l’observons, nous le ressentons, mais nous ne savons pas comment. Quant au cheminement du deuil, se fait-il sans aide extérieure ? Observons que le verbe consoler est à la voix passive : ils seront consolés, le processus est en route. Rien ne sera plus comme avant, mais il arrivera un temps où ils pourront repenser à ça sans être submergés par ce qu’ils ressentent. Qu’est-ce qui opérera la consolation, ou qui seront les consolateurs ? Dans ce processus, la Béatitude est porteuse de deux certitudes, portant justement l’une sur la consolation, et l’autre sur les consolateurs : il y en a, et il y en aura. Et ça n’est pas une certitude seulement, c’est une expérience. Chaque jour dure autant que le précédent, mais chaque fin de soirée, même au plus obscur de la nuit, a des allures discrètes d’un nouveau printemps, qui peut souvent émouvoir jusqu’aux larmes, larmes de joie, larmes de ceux qui regardent toute leur vie, et la regardent en paix. De nouveau, chaque journée peut apporter ce qu’il faut de rencontres, de surprises et d’étonnement. Chaque journée peut de nouveau apporter le plaisir de l’étude et de la pratique religieuse. La vie même blessée y retrouve son sens. Heureux ? Sur le chemin de la consolation ; la Béatitude y est un double engagement, de celui qui accompagne, et de celui qui est accompagné.

             Et puis, ultimement, la Béatitude vient répéter, discrètement, secrètement, qu’il n’y a pas de vie perdue. C’est à l’intime que cela se dit, et dans un certain silence que cela se joue.

 

Pasteur Jean DIETZ, 25 novembre 2020


Culte dominical : https://www.youtube.com/channel/UCLEihGwqDjzHjWjmYnP2_2Q

Offrande en ligne : https://www.eglise-protestante-unie.fr/vincennes-montreuil-p71320/don