« Heureux
ceux qui pleurent, ils seront consolés »
Parmi différentes sortes de pleurs,
nous en retenons trois. Des pleurs qui jaillissent immédiatement, dès que
l’accident est arrivé, dès l’annonce d’un événement tragique. Ces pleurs sont
le signe d’un débordement émotionnel, ils peuvent assez rapidement cesser, mais
parfois durent toujours. Il y a aussi des pleurs rituels qui durent le temps
que dure une cérémonie. Et il y a des pleurs de deuil, auxquels il est
difficile d’assigner une durée, qui durent tant que dure le deuil, qui sont
parfois secrets, parce que les grandes douleurs sont muettes, et qui peuvent ne
jamais cesser tout à fait, tant il est vrai que certains deuils sont
interminables. Toutes ces sortes de pleurs sont repérables dans les textes
bibliques, avec autant de verbes. Dans la troisième des Béatitudes (Matthieu 5:5)
le verbe utilisé suggère qu’il est plutôt question des pleurs de deuil, mais
nous allons tout de suite voir qu’il n’est pas seulement question du deuil.
L’évangile de Matthieu conserve le
récit d’un massacre d’enfants ordonné par le roi Hérode, il garde le souvenir
des pleurs des mères de ces enfants, « une voix dans Rama s'est fait
entendre, des pleurs et une lamentation : c'est Rachel qui pleure ses
enfants et ne veut pas être consolée, parce qu'ils ne sont plus » (Matthieu 2:18).
Premiers et seuls pleurs rapportés après ce massacre, ils sont le signe d’une
souffrance qui ne cessera jamais, d’une souffrance indéfiniment recommencée et
qui fera échouer toute tentative de consolation, d’une souffrance qui atteint
jusqu’à la volonté même de celles qui ont été frappées. Pourvu qu’à cette
souffrance il ne soit jamais opposé catégoriquement que notre Seigneur Jésus
Christ a affirmé Heureux ceux qui
pleurent, ils seront consolés. Plus qu’une sorte de principe, la Béatitude
est ici une confession de foi, qui doit parfois, question de tact, rester
silencieuse et demeurer s’il le faut pour toujours la main secourable qui se
tend, et que personne ne saisit.
Pleurs de deuil : du temps a passé et la blessure
vive, suturée, pansée, est en voie de cicatrisation… Le temps très figé de
l’effarement rejoint le temps plus fluide d’une vie ordinaire. Comment
passe-t-on d’un temps à un autre temps ? Nous l’observons, nous le
ressentons, mais nous ne savons pas comment. Quant au cheminement du deuil, se
fait-il sans aide extérieure ? Observons que le verbe consoler est à la voix passive : ils seront consolés, le
processus est en route. Rien ne sera plus comme avant, mais il arrivera un
temps où ils pourront repenser à ça sans
être submergés par ce qu’ils ressentent. Qu’est-ce qui opérera la consolation,
ou qui seront les consolateurs ? Dans ce processus, la Béatitude est
porteuse de deux certitudes, portant justement l’une sur la consolation, et
l’autre sur les consolateurs : il y en a, et il y en aura. Et ça n’est pas
une certitude seulement, c’est une expérience. Chaque jour dure autant que le
précédent, mais chaque fin de soirée, même au plus obscur de la nuit, a des
allures discrètes d’un nouveau printemps, qui peut souvent émouvoir jusqu’aux
larmes, larmes de joie, larmes de ceux qui regardent toute leur vie, et la
regardent en paix. De nouveau, chaque journée peut apporter ce qu’il faut de
rencontres, de surprises et d’étonnement. Chaque journée peut de nouveau
apporter le plaisir de l’étude et de la pratique religieuse. La vie même
blessée y retrouve son sens. Heureux ? Sur le chemin de la
consolation ; la Béatitude y est un double engagement, de celui qui
accompagne, et de celui qui est accompagné.
Et puis, ultimement, la Béatitude vient
répéter, discrètement, secrètement, qu’il n’y a pas de vie perdue. C’est à
l’intime que cela se dit, et dans un certain silence que cela se joue.
Pasteur
Jean DIETZ, 25 novembre 2020
Culte dominical : https://www.youtube.com/channel/UCLEihGwqDjzHjWjmYnP2_2Q
Offrande en ligne : https://www.eglise-protestante-unie.fr/vincennes-montreuil-p71320/don