Jean 3
16 Dieu, en effet, a tant aimé le monde qu'il a donné son
Fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait
la vie éternelle.
17 Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour condamner le monde, mais pour que le
monde soit sauvé par lui.
18 Qui croit en lui n'est pas condamné ; qui ne croit pas est déjà condamné, parce qu'il n'a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.
Exode 34
4 Moïse tailla des tables de pierre comme les premières,
se leva de bon matin et, comme le Seigneur-Dieu le lui avait ordonné, monta sur
le mont Sinaï, ayant pris à la main les deux tables de pierre.
5 Le Seigneur-Dieu descendit dans la nuée, se tint là avec
lui, et Moïse proclama le nom de «Seigneur-Dieu».
6 Le Seigneur-Dieu passa devant lui et proclama: «Le Seigneur-Dieu,
le Seigneur-Dieu, Dieu miséricordieux et bienveillant, lent à la colère, plein
d’amour de la vie et d’amour de la vérité,
7 qui aime la vie
des milliers de générations, qui porte
la faute, la révolte et le péché, sans rien laisser passer, et qui prête attention à la faute des pères
chez les fils et les petits-fils sur trois et quatre générations.»
8 Aussitôt, Moïse s'agenouilla à terre et se prosterna.
9 Et il dit: «Si vraiment j'ai trouvé grâce à tes yeux, ô
Seigneur, que le Seigneur marche au milieu de nous; c'est un peuple à la nuque
raide que celui-ci, mais tu pardonneras notre faute et notre péché, et tu feras
de nous ton héritage.»
Prédication
Les méditations de nos
dernières semaines tournaient autour d’une question importante pour la vie
d’une communauté : « Quels sont ces liens qui nous
unissent ? » Les liens de l’amour, si l’on médite l’Évangile de Jean.
Les liens hiérarchiques, si l’on médite le tout début des Actes des Apôtres. Ce
qui nous fait deux réponses, beaucoup trop peu pour la question posée. Mais
suffisamment pour qu’une réflexion s’ébauche.
A peine ébauchée, nous allons laisser de côté
cette réflexion. Et nous allons poser une autre question : « Quel est
ce Dieu que nous adorons ? » Nous nous posons cette question à
l’occasion de la fête de la Trinité (ce dimanche). Et nous disons tout de suite
que la Trinité est pour certains chrétiens tellement fondamentale qu’on peut
dire qu’elle est Dieu lui-même. Mais pour d’autres chrétiens cette notion doit
être écartée sans hésiter parce que le mot ne figure pas dans la Bible…
Quel est ce Dieu que nous adorons ? Lisons et
méditons les textes qui nous sont aujourd’hui proposés.
(1) (Évangile de Jean,
chapitre 3) L’Église réformée de France, union de plusieurs Églises
protestantes, a existé entre 1938 et 2012. Ses fondateurs ont considéré comme révélation centrale de l’Évangile l’un
des versets que nous avons lus ce matin : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné
son Fils unique, afin que quiconque croit en Lui ne périsse point, mais qu’il
ait la vie éternelle. » Nous avons lu cette déclaration de foi dans nos assemblées
générales jusqu’en 2012, et les pasteurs de ma génération l’ont même signée de
leur main.
Quiconque croit au Fils a la vie éternelle. Nous approuvons
ce verset. Mais nous nous demandons plus rarement ce qu’il en est de ceux qui ne
croient pas. Or, la réponse est sous nos yeux. Celui qui ne croit pas est déjà condamné (v.18). Mais pourquoi
est-il condamné ? Parce qu’il n’a pas cru ? Est-ce à dire que l’amour
de Dieu pour le monde connaît des limitations ? Dieu ne pourrait-il pas,
ou ne voudrait-il pas sauver tout le monde ? Et quelle serait alors la
condamnation de ceux qui n’ont pas cru ? Voici déjà un faisceau de
questions qui est de nature à nous troubler. Mais ça n’est pas tout.
Car nous ne savons pas quelle est cette vie
éternelle, vie promise à ceux qui ont cru, et qui meurent, comme tous les
humains meurent un jour. L’évangile de Jean cependant nous apporte un
commencement de réponse. Parole de Jésus dans l’évangile de Jean : « …la
vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui
que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jean 17,3). Cette connaissance de ne
peut pas être le palmarès de certaines âmes supérieurement illuminés ;
cette connaissance de Dieu est une joie, paisible récollection de soi, que
celui qui l’éprouve partage avec ses semblables. La vie éternelle est donc paix
et engagement pour la paix.
Mais qu’en est-il alors de ceux qui n’ont pas
cru ? Toujours dans l’évangile de Jean, on peut s’intéresser à la vie des
personnages seconds du récit. Et l’on voit des disciples qui s’observent les
uns les autres, qui se regardent de loin et de haut… et l’on voit aussi des dignitaires
religieux torturés par leur jalousie… Et nous nous demandons : ces gens-là
qui n’ont pas cru sont-ils condamnés, sont-ils pour toujours livrés à leurs
appétits grossiers ?
Pour répondre à cette question, observons Pierre,
Jean, et Jésus, dans le dernier chapitre de l’évangile de Jean. Par trois fois,
Jésus demande à Pierre s’il l’aime. Par trois fois Pierre répond
affirmativement. Et par trois fois Jésus confirme Pierre dans son rôle de
berger. Mais Pierre voyant Jean, le disciple que Jésus aimait, pose à Jésus
cette question : « Et qu’en sera-t-il de lui ? » Réponse de
Jésus : « S’il me plaît qu’il vive jusqu’à ce que je vienne,
qu’est-ce que ça peut te faire ? Toi, suis moi ! » Nous voyons
Pierre déjà jaloux de sa prérogative de berger. Nous le voyons ainsi ne plus
croire au Fils. Est-il alors condamné ? Et bien, en lui répondant ainsi
qu’il le fait, Jésus donne à Pierre toute la durée de sa vie, et plus encore,
pour apprendre à aimer son prochain…
Sœurs et frères, concluons avec l’évangile de Jean
qu’il n’y a pour Jésus Christ et en Dieu aucun homme perdu. Tel est le Dieu que
nous adorons.
(2) (Exode 34) Vous êtes des lecteurs de l’Exode, et vous souvenez comment
les tables de la Loi furent données à Moïse et pourquoi Moïse les détruisit.
Vous sous souvenez que Dieu se proposa d’anéantir les fils d’Israël et de faire
de Moïse une grande nation (Exode 32,10). Et Moïse refusa. Moïse ne cessa
jamais d’intercéder auprès de Dieu en faveur des fils d’Israël, et Dieu ne
cessa jamais d’exaucer les prières de Moïse. Et cela va si loin qu’on peut dire
que l’engagement de Moïse en faveur des fils d’Israël et l’engagement de Dieu
pour les fils d’Israël sont une seule et même réalité. Tel est celui qui prie,
tel est Dieu.
Or, tant celui qui prie que le Dieu qu’il prie nous sont connus par la
Bible, ou plutôt, par les traducteurs de la Bible, dont nous sommes, nous, des
lecteurs. Tel est celui qui traduit, tel est Dieu.
Prenons un exemple, relisons Exode 34,6-7. « l'Éternel, Dieu
miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en
fidélité, 7 qui conserve son amour jusqu'à mille générations, qui
pardonne l'iniquité, la rébellion et le péché, mais qui ne tient point le
coupable pour innocent, et qui punit l'iniquité des pères sur les enfants et
sur les enfants des enfants jusqu'à la troisième et à la quatrième
génération! » Tel traducteur, tel Dieu, et, ici, Dieu punit. Alors, chers
amis, vos arrière-arrières grands-parents ont péché et Dieu vous punit, choix
d’un traducteur, et pas des moindres. Et voici le choix d’un autre
traducteur : « L’Éternel, l’Éternel, Dieu miséricordieux et bienveillant, lent à la
colère, plein d’amour de la vie et d’amour de la vérité, 7 qui aime la vie des milliers de générations,
qui porte la faute, la révolte et le
péché, sans rien laisser passer, et qui prête
attention à la faute des pères chez les fils et les petits-fils sur trois
et quatre générations. »
Dieu, pour l’un, est un Dieu qui punit, et dont
l’invocation peut alors justifier toutes sortes d’inégalités et toutes de
brutalités… Dieu, pour un autre, lisant le même verset, est un Dieu qui
accompagne, qui conteste les situations figées et qui aide les humains à se
relever.
Alors on se demande : mais Dieu, en vrai, il
est comment ? De la première à la dernière page, la Bible est écrite par
des humains qui s’interrogent et qui interrogent Dieu sur leur propre destin,
sur le destin de leur peuple et sur le destin de l’humanité. Chaque auteur
donne ses propres réponses. Chaque réponse va avec une image de Dieu. Chaque
réponse aussi suggère une manière de vivre et d’agir. Il a une extrême variété
de réponses… Et nous ne pouvons pas dire oui à tout. Il est même des réponses
bibliques auxquelles il faut savoir dire non. Lorsque nous aurons examiné
beaucoup de ces réponses bibliques et que nous aurons prononcé le non, et le
oui, nous ne saurons toujours pas ce que Dieu est en lui-même. Mais nous aurons
choisi la vie que nous voulons mener avec Lui et en son nom.
Et, voyez-vous, les deux questions que nous
posions, « Quels sont ces liens qui nous unissent ? » et
« Quel est ce Dieu que nous adorons ? » se rencontrent, comme se
rencontrent nos réflexions et nos engagements.
Que le Seigneur Dieu vous accompagne et vous
éclaire. Amen