mercredi 6 mai 2020

Lettre pastorale du 6 mai 2020. Dieu, où est-il ?


Dieu, où est-il ?

                  Lorsque Jésus mourut, le voile du Lieu Très Saint se déchira en deux, du haut en bas (Marc 15,38). Dieu était chez lui dans ce lieu qu’on appelait tout simplement Le Lieu.
                       Mais Dieu était-il vraiment présent dans ce seul Lieu et nulle part ailleurs ? La question de sa présence dans Le Lieu a longtemps – et peut-être même toujours – agité les esprits. Pendant le temps de l’Exil, lorsque le premier Temple avait été détruit, où Dieu était-il ? La plupart des dignitaires religieux de Jérusalem ayant été déportée en Babylonie, Dieu s’y était-il rendu aussi ? Et avant que l’Arche d’Alliance ne soit déposée dans ce premier Temple, où Dieu habitait-il ? Les écrits de l’Ancien Testament nous font témoins de discussions difficiles à ce sujet, et parfois de condamnations et de ruptures. L’installation exclusive de Dieu au cœur du premier Temple ne s’est pas faite sans querelles ni sans violence.
               Au temps de Jésus, il y avait des synagogues dans tout le pays, tout autour de la Méditerranée, et jusqu’en Babylonie ; Dieu y était-il présent ? Puis, lorsque la destruction du deuxième Temple a eu lieu, en l’an 70 après Jésus Christ, où Dieu est-il passé ?
                      Lorsque Jésus meurt et que le voile du Lieu Très Saint se déchire du haut en bas, c’est l’intimité de Dieu qui est exposée, simultanément en deux lieux : dans le Temple, où plus rien n’est dissimulé, et à la Croix, où tout est exhibé, l’incarnation de Dieu dans sa brutale nudité. Telle est la croix ! L’auteur de l’évangile de Marc a la conviction qu’à partir de la mort de Jésus, Dieu n’est plus à rechercher dans des Lieux Saints ou Très Saints, ni dans aucun lieu de pèlerinages, ni dans aucun lieu de dévotions. Dieu doit être recherché là où Jésus se manifeste. C'est-à-dire là où Jésus souffre et meurt, mais aussi là où Jésus prêche, enseigne, accompagne et soulage la souffrance.
                  La pâte humaine, la vie humaine, le corps humain abîmé, le corps humain dévoué au service de ses semblables, tel devient alors le Temple de Dieu, et telle sera désormais, et pour toujours sa demeure. Cette pensée a connu de multiples expressions. Elle a été mise en musique par Bach, un peu avant la fin de la Passion selon Matthieu : « Purifie-toi, mon cœur. Je veux ensevelir Jésus moi-même. Car il doit, dès maintenant et pour toujours, avoir en moi son doux repos. Monde, va-t-en ! Laisse Jésus entrer ! »

                  Dieu, où est-il ? Nul n’a attendu le commencement de la pandémie de Covid-19 pour se poser la question. Dieu, depuis que nous sommes confinés, depuis que la pandémie s’est installée, n’est pas parti ailleurs. Il est là où il a toujours été. Les lieux où il est présent se sont même multipliés. Il est là où des équipes médicales travaillent d’arrache-pied pour la guérison de leurs semblables. Il est là où le moindre geste est accompli qui soulage, qui aide. J’aime à l’imaginer présent là où l’on tire l’aiguille pour la confection de masques. Là où l’on maintient possible le ravitaillement de la population.
                  Dieu est là aussi où l’on pleure ceux-là qui ne sont plus. Discrète présence divine, et sérieux accompagnement humain se sont unis pour cheminer dans la tristesse, avec les modestes moyens qui sont à notre disposition en ce moment.
                  Lorsque les temps en seront venus, nous pourrons organiser des cérémonies pour dire, une fois encore, notre reconnaissance à Dieu. Il sera temps aussi de revenir à la célébration publique du culte. Mais, pour l’heure, il nous faut encore un peu attendre.

                        Pasteur Jean DIETZ, 6 mai 2020