Lettre
pastorale : à celles et ceux à qui nous devons tant !
à Vincennes, Chères sœurs, chers frères, en Christ.
Épidémie, confinement, contamination, la
maladie qui rode et rodant avec elle, peut-être la mort… Qu’avons-nous fait,
nous, pour mériter tout cela ? Gardons-nous de réponses trop rapides.
« Et Dieu endurcit le cœur de Pharaon »
Cette phrase ne cesse d’être répétée pendant toute l’histoire des dix plaies que
Dieu infligea à l’Égypte, dont le Pharaon refusait de libérer ses esclaves hébreux. Pharaon décide… et
l’Égypte entière souffre. L’Égyptien de base souffre, lui qui n’a rien décidé
du tout.
Qui frappe l’Égypte ? C’est Dieu. Et qui
endurcit le cœur de Pharaon ? C’est Dieu. Si Dieu a déjà décidé de
frapper, qu’a-t-il besoin de se donner une justification ? Pourquoi tant
de souffrance ? Qu’il les fasse sortir, ce peuple, ses enfants, et qu’on
n’en parle plus ! Que pouvons-nous dire de tout cela ?
Ceux qui ont écrit ce texte avaient pour
principe de voir la main de Dieu partout. Ils avaient aussi pour idée que si un
roi venait à mal agir, son peuple tout entier en subirait les conséquences. Ils
avaient l’idée qu’un être humain appartient à son peuple et non pas à lui-même.
Et que chacun peut donc être puni, Dieu le voulant, pour des fautes commises
par un autre que lui-même. Le principe de voir la main de Dieu partout a aussi
d’autres corollaires, dont celui d’être au bénéfice d’actes commis par un autre
que soi. L’on est libéré d’Égypte, ou d’ailleurs, par la main de Dieu, du fait
d’actes qui ne sont pas les nôtres.
Quelles relations les Hébreux esclaves en
Égypte avaient-ils avec Dieu ? Soyons clairs… ils n’en avaient pas, ils
n’en avaient plus, ils avaient oublié. Esclaves, ils gémissaient, mais ne
criaient pas vers Dieu. Leur libération tient ainsi à Dieu, totalement,
exclusivement. Ils n’y sont absolument pour rien. Ça leur arrive, comme
ça, Dieu voulant : providence.
Mais pourquoi, devant cette providence,
l’auteur de l’Exode n’interrogerait-il pas aussi les cœurs des Hébreux, comme
il l’a fait pour le cœur de Pharaon ?
Nous ne lisons jamais que Dieu endurcit le
cœur des Hébreux. Et pourtant, le lecteur de l’Exode sait que le cœur des
Hébreux est, lui aussi, un cœur dur. Il sait combien de fois ce peuple en
marche vers sa terre promise défiera et parfois même reniera Dieu son libérateur.
Le lecteur de l’Exode sait aussi comment ce peuple libéré aura l’audace de
réclamer son eau, sa viande, son pain, comme si cela était son dû. Et parfois
même que Dieu endurcit le cœur des Hébreux. Étrange Dieu pour d’étranges
croyants.
Révélation de Dieu dans la Bible… Révélation aussi
de la dureté des cœurs des humains. Dieu les endurcit-il ? On le lit. On
lit aussi que certains ont la nuque raide. On y lit enfin que des cœurs endurcis
peuvent, un jour, devenir des cœurs de chair.
Épidémie, confinement, contamination… Qu’avons-nous
fait, nous, pour que nous arrive tout cela ? Rien. Que le temps présent
soit pour les humains le temps d’apprendre ce que leur situation doit – en bien
– au labeur d’autrui, un temps pour apprendre la reconnaissance, un temps pour
que des cœurs endurcis deviennent des cœurs de chair. Nous croyons ce devenir possible.
Pasteur Jean DIETZ
25 mars 2020
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