En ces temps de pandémie et de confinement, voici, comme les autres semaines, un texte biblique et une prédication, mais comme nous ne nous serons pas vu pour le culte dominical, comme nous n'aurons pas pu partager la prière, voici aussi le texte d'une prière liée aux circonstances et que chacun pourra reprendre pour son propre compte.
C'est le même texte et le même contexte que la semaine dernière, la rencontre, improbable mais avérée dans l’Évangile de Jean, entre le Juif Jésus et une femme samaritaine certainement de piètre réputation dans son propre village...
Jean 4
16 Jésus lui dit: «Va, appelle ton mari et reviens ici.»
17 La femme lui répondit: «Je n'ai pas de mari.» Jésus lui
dit: «Tu dis bien: ‹Je n'ai pas de mari›;
18 tu en as eu cinq et l'homme que tu as maintenant n'est
pas ton mari. En cela tu as dit vrai.»
19 - «Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu es un
prophète.
20 Nos pères ont adoré sur cette montagne et vous, vous
affirmez qu'à Jérusalem se trouve le lieu où il faut adorer.»
21 Jésus lui dit: «Crois-moi, femme, l'heure vient où ce
n'est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père.
22 Vous adorez ce que vous ne connaissez pas; nous adorons
ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs.
23 Mais l'heure vient, elle est là, où les vrais adorateurs
adoreront le Père en esprit et en vérité; tels sont, en effet, les adorateurs
que cherche le Père.
24 Dieu est esprit et c'est pourquoi ceux qui l'adorent
doivent adorer en esprit et en vérité.»
25 La femme lui dit: «Je sais qu'un Messie doit venir -
celui qu'on appelle Christ. Lorsqu'il viendra, il nous annoncera toutes choses.
26 Jésus lui dit: «Je le suis, moi qui te parle.»
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Dieu le Père, encore enfant, et déjà à la recherche d'adorateurs pour l'adorer en esprit et en vérité |
Prédication :
Commençons par un retour
en arrière, un retour d’une semaine, puisque dimanche dernier – après avoir lu
le même texte de l’évangile de Jean, nous avons tâché de comprendre ce que Jésus
voulait dire lorsqu’il utilisait l’expression Adorer le Père en esprit et en vérité. Celui qui adore le Père en
esprit et en vérité éprouve tout à la fois l’invincible liberté de ceux que
l’esprit féconde et la condition tragique de l’impuissante chair.
Dieu cherche donc des
adorateurs qui l’adorent en esprit et en vérité. Le Père cherche… Il s’efforce
de découvrir, quelque part, chez les Juifs et chez les Samaritains, puis dans
l’humanité tout entière, cette certaine sorte d’adorateurs. Peut-être y en
a-t-il, quelque part ; peut-être n’y en a-t-il pas. La recherche que Dieu
mène pourrait bien durer l’éternité entière.
Nous pourrions poursuivre presque indéfiniment
cette réflexion, qui, finalement, ne porte pas seulement sur l’humanité, mais qui
porte aussi sur le Père et, partant de là, sur Dieu. Peut-il être le sujet du
verbe chercher ? N’est-il pas, le Père, Dieu, le Verbe ? Comment en
tant que tel pourrait-il être ignorant de ce qu’il en est de ses créatures ?
On ne nous a pas appris ça... Et d’ailleurs, l’idée que le Père – que Dieu cherche
– a du paraître assez scandaleuse à certains de nos grands anciens, tellement
scandaleuse que la fin du verset que nous méditons maintenant est simplement
biffée dans certains des manuscrits les plus anciens de l’évangile de Jean, ce
qui donne : « 23 Mais l'heure vient, et déjà elle est là,
où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. » Avec
cette coupure, plus question de cette recherche menée par Dieu sur l’humanité.
Ce qui reste alors, ce sont des êtres humains qui savent que l’heure est venue,
d’une part, qui savent, d’autre part, qui sont les vrais adorateurs – en
général eux-mêmes – et qui savent enfin comment l’on doit adorer – ce que, bien
évidemment, ils font.
Remarquons à cette
enseigne qu’en évacuant la question théologique on évacue aussi la question
anthropologique. Disons-le tout net, et sans nuances : la pensée de Dieu
qui sait tout est une pensée de l’homme qui sait tout, et la pensée de l’homme
qui sait tout est une pensée de l’homme qui peut tout – surtout lorsqu’il
s’agit d’imposer à ses semblables sa propre image de Dieu, et sa propre image
de l’homme.
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En pensant à certains adorateurs de Dieu... |
Le Père – Dieu – cherche
donc des adorateurs qui l’adorent en esprit et en vérité. Contrairement à bien
des paraboles – peut-être contrairement à toutes les paraboles – il cherche
quelque chose dont l’existence est pour le moins incertaine, et il cherche
cette chose dans un périmètre élargi à l’échelle de l’humanité. Il
cherche !
Que le Père cherche est
une affirmation audacieuse de Jésus. Comment Jésus peut-il se permettre une
affirmation d’une telle audace ? Il le peut… il le peut selon l’évangile
de Jean, parce que l’affirmation théologique centrale de l’évangile de Jean est
ceci : « Et le Verbe s’est fait chair » (Jean 1,14). Certains
traduisent « La parole est devenue un homme » (cette traduction est
un peu restrictive – nous le verrons – même si elle nous permet de nous tourner
d’abord vers Jésus). Jésus peut affirmer, audacieusement, que le Père – Dieu –
cherche parmi les humains telle sorte d’adorateurs, parce que telle est son
expérience personnelle, parce que telle est son épreuve : l’épreuve d’un
être humain – épreuve de la chair – qui cherche, et qui ne sait même pas si,
pendant tout le temps de sa vie, il va trouver ce qu’il a entrepris de chercher.
Et pourtant, il va chercher, sans relâche, et jusqu’à la mort.
Lorsque Jésus meurt, il
meurt en tant que Fils, en tant qu’il est un avec le Père. Et ce qui meurt
alors, ce qui consent à mourir de cette mort-là, c’est Dieu lui-même en tant
qu’il pouvait s’imposer plutôt que se proposer, Dieu qui pouvait forcer les
humains plutôt que les chercher. Et ce qui reste ? Reste ce reste de Dieu qui
se propose, qui s’offre, qui cherche, qui attend… en un seul verbe, il reste
Dieu qui aime. Il reste Dieu qui aime avec toute la faiblesse et dans toute
l’impuissance du véritable amour.
Et l’être humain ?
Nous revenons une fois encore au verset que nous méditons. Cette réflexion
menée sur Dieu, menée par un être humain, ne transforme-t-elle pas aussi celui
qui l’entreprend ? De ces adorateurs en esprit et en vérité, Jésus ne
dit-il pas que l’heure vient de leur manifestation, et que cette heure est déjà
venue ? Des adorateurs en esprit et en vérité, il y en a, dès le moment où
émerge cette affirmation de Jésus. Et s’il y en a, c’est que la chair en est
capable. Tout à fait capable par elle-même ?
Nous pouvons l’affirmer.
Mais sans oublier jamais que l’être humain qui, à la suite du Fils, se place
sur le chemin de la véritable adoration en esprit et en vérité… cet être humain
ne fera jamais valoir pour lui-même son adoration ni son chemin. Il en sera de
lui ce qu’il en est – comme nous l’avons proposé – de Dieu.
A la fin donc, il ne reste
que l’amour. La fin n'est peut-être pas accessible, mais le chemin est
tracé devant tous. Amen
Prière, en ces temps de pandémie et de confinement :
- La voisine de la maison d’en face a ouvert sa fenêtre. On ne
la connaît pas bien. Elle a proposé de faire les courses. Pour le cas où.
Je suis avec vous
tous les jours jusqu’à la fin des temps.
-
Le téléphone a sonné. C’est un ami. Il n’a rien à raconter.
Rien à demander. Il appelle juste pour dire son amitié.
Je suis avec vous
tous les jours jusqu’à la fin de temps.
-
La cantine a fermé. Tous les emplois ne peuvent pas se faire
en télétravail. Qu’est-ce qu’on va manger ce midi ? Il y a cette
collègue qui a apporté un repas froid. Pour 3.
Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps.
Docteur, il l’est depuis peu. Il est jeune et déjà surchargé.
Il parle, trouve les mots du réconfort et prend sur son temps pour expliquer et
rassurer.
Je suis avec vous
tous les jours jusqu’à la fin de temps.
-
L’employée de la maison de retraite a fini par décrocher.
Excusez-nous. On a beaucoup à faire. Est-ce que ça va ma maman ? Oui,
Madame, ça va aller. Soyez tranquille ; on s’occupe bien d’elle.
Je suis avec vous
tous les jours jusqu’à la fin de temps.
-
Zut la priorité à droite. L’automobiliste s’est arrêté. Il a
fait un gentil signe de la main. A un autre moment, il aurait klaxonné ou hurlé
des noms d’oiseaux.
Je suis avec vous
tous les jours jusqu’à la fin de temps.
Pour cette voisine, cet ami, ce médecin, cette collègue, cette
employée, cet inconnu, pour tous ceux là, Seigneur, je te prie.
Pour celui aussi qui
a peur, colporte ignorance et bêtise, choisit le pour soi plutôt que le pour
autrui, pour celui là que je suis parfois, Seigneur, je te prie.
En ces jours si lourds, donne nous un esprit de sagesse, dirige et
sanctifie chacun d’entre nous dans ses actions, fais nous garder, en pensée, en
parole et par action, la promesse éternelle de ton Fils, notre Seigneur, mort
et ressuscité. Amen
Que le Seigneur vous bénisse et vous garde