Joyeux Noël ! |
Jean 1
1 Au commencement était le Verbe, et le Verbe était intime de Dieu, et le Verbe était Dieu.
2 Il était au commencement intime de Dieu.
3 Tout fut par lui, et rien de ce qui fut, ne fut sans
lui.
4 En lui était la vie et la vie était la lumière des
hommes,
5 et la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres
ne l'ont point comprise.
6 Il y eut un homme, envoyé de Dieu: son nom était Jean.
7 Il vint en témoin, pour rendre témoignage à la lumière,
afin que tous croient par lui.
8 Il n'était pas la lumière, mais il devait rendre
témoignage à la lumière.
9 Le Verbe était la vraie lumière qui, en venant dans le
monde, illumine tout homme.
10 Il était dans le monde, et le monde fut par lui, et le
monde ne l'a pas reconnu.
11 Il est venu chez
lui, et les siens ne l'ont pas accueilli.
12 Mais à ceux qui l'ont reçu, à ceux qui croient en son
nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu (il a donné la splendeur d’être enfants de Dieu - autre traduction possible et, on le verra, plus conforme à ma compréhension du texte).
13 Ceux-là ne sont pas nés du sang, ni d'un vouloir de
chair, ni d'un vouloir d'homme, mais de Dieu.
14 Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous
et nous avons vu sa gloire, cette gloire que, unique engendré, plein de grâce et de vérité, il tient du Père.
15 Jean lui rend témoignage et proclame: «Voici celui dont
j'ai dit: après moi vient un homme qui m'a devancé, parce que, avant moi, il
était.»
16 De sa plénitude en effet, tous, nous avons reçu, et grâce
sur grâce.
17 Si la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité
sont venues par Jésus Christ.
18 Personne
n'a jamais vu Dieu; Dieu unique engendré,
qui est dans le sein du Père, s’en est
fait l’interprète.
... et Luc 2, récit de nativité, avons-nous ajouté dans le titre de cette page.
Voici : (en créole haïtien, pour la joie de mes lecteurs !)
Lè sa a, Seza Ogis te bay lòd pou yo te konte dènye moun ki nan peyi l'ap gouvènen yo.
2 Premye travay sa a te fèt nan tan Kireniyis t'ap kòmande nan peyi yo rele Siri a.
3 Tout moun te al fè pran non yo nan lavil kote fanmi yo te soti.
4 Jozèf te rete nan peyi Galile, nan yon bouk yo rele Nazarèt. Men, paske li te moun nan fanmi ak ras David, li moute, li ale nan Jide, nan lavil David yo rele Betleyèm lan.
5 Jozèf tapral fè yo pran non l' ansanm ak non Mari, fiyanse li, ki te ansent.
6 Antan yo te la, jou pou Mari te akouche a rive.
7 Li fè premye pitit li a, yon ti gason. Mari vlope pitit la nan kouchèt, li mete l' kouche nan yon kay kote yo bay bèt manje, paske pa t' gen plas pou yo nan lotèl la.
8 Nan menm zòn sa a, te gen gadò mouton ki t'ap pase nwit la deyò ap veye mouton yo.
9 Lè sa a, yon zanj Bondye parèt devan yo, bèl limyè Bondye a klere tout kote yo te ye a. Yo te pè anpil.
10 Men zanj lan di yo konsa: Pa pè. N'ap anonse nou yon bon nouvèl ki pral fè tout pèp la kontan anpil.
11 Jòdi a, nan lavil David la, nou gen yon Sovè ki fenk fèt: se Kris la, Seyè a.
12 Men remak ki va fè nou rekonèt li: n'a jwenn yon tibebe vlope nan kouchèt, kouche nan yon kay kote yo bay bèt manje.
Jesus is black ! |
13 Menm lè a, yon foul lòt zanj nan syèl la vin jwenn zanj lan; yo t'ap fè lwanj Bondye, yo t'ap di konsa:
14 Lwanj pou Bondye anwo nan syèl la, kè poze sou latè pou tout moun li renmen.
15 Zanj yo kite gadò mouton yo, yo tounen al nan syèl la. Lè sa a, gadò mouton yo yonn di lòt: Ann al jouk Betleyèm, ann al wè sa ki rive, sa Bondye fè nou konnen an.
16 Yo prese ale, yo jwenn Mari ak Jozèf, ansanm ak tipitit la kouche kote yo bay bèt yo manje a.
17 Lè yo wè l', yo tanmen rakonte sa zanj lan te di yo sou pitit la.
18 Tout moun ki t'ap koute yo te sezi tande sa yo t'ap rakonte a.
19 Mari menm te kenbe tout pawòl sa yo nan kè l', li t'ap repase yo nan tèt li.
20 Apre sa, gadò mouton yo al fè wout yo; yo t'ap di jan Bondye gen pouvwa, yo t'ap fè lwanj li, paske tou sa yo te tande ak tou sa yo te wè a te dakò ak sa zanj lan te fè yo konnen.
Prédication :
L’ouverture du culte de ce
matin s’est faite en lisant le récit de la nativité (Luc). C’est Noël. Et si
nous faisions veillée le soir du Noël et culte le matin de Noël, nous lirions
le soir le récit de la nativité, et le matin le prologue de Jean. Nous avons
lu, ce matin, les deux textes. Nous sommes bien armés pour nous demander en
quoi ils sont différents l’un de l’autre. Luc fut écrit le premier… Jean vint
ensuite, dans un contexte particulier, pour des lecteurs particuliers. Mais
pour dire quoi d’autre, ou quoi de plus ?
C’est que, pour l’évangile
de Jean, la question de l’existence de Jésus Christ va de soi ; c’est
énoncé d’un seul coup par une petite phrase : « …il a habité parmi
nous » ; cette phrase suffit à elle seule à régler la question de la
scène de la nativité. Quant à la question de ce qu’il a fait et dit, et de
comment cela s’est fini, elle est tout aussi rapidement réglée : « le
monde ne l’a pas reconnu (et) les siens ne l’ont pas reçu » ; ce
n’est guère différent des autres évangiles. Que certains l’aient reçu et aient
cru en lui, cela est aussi clairement
affirmé par l’évangile de Jean.
Alors, quoi de spécifique
à l’évangile de Jean ?
Cela saute aux yeux, dès
les premiers mots : le Verbe. Vous avez lu la Bible depuis le livre de la
Genèse, plus les trois premiers évangiles et, tout à coup, apparaît le Verbe. On
ne l’avait jamais vu et on n’en avait jamais entendu parler jusque là. Pourquoi
un nouveau nom pour Dieu ? Dieu étant Dieu, et étant déjà doté de nombreux
noms, un nom de plus n’est a priori pas un problème… Et ce n’en serait pas un
si, dans le prologue de Jean, plusieurs (3) thèmes importants n’étaient pas
mentionnés avec une étrange insistance.
1.
Celui de la
manière dont les humains entrent en relation (avec le divin).
L’entrée en relation de l’humain et du divin se fait-elle par un mouvement
de l’humain vers le divin, ou par un mouvement du divin vers l’humain ? Et
le prologue de Jean d’insister, presque à chaque verset, sur le fait que c’est
le divin qui vient à l’humain. Et cette insistance tellement massive nous
pousse à nous demander si, par hasard, ceux qui se sont réclamés du Verbe
n’auraient pas affirmé que c’est à l’humain d’aller vers le divin.
2.
Celui de
l’adoption filiale des humains (par le divin).
Second thème, corollaire du premier, le divin prend-il l’humain en estime,
voire en amitié, parce que l’humain le veut et s’efforce de le mériter, ou
simplement parce lui, le divin, en décide ainsi ? La dignité d’enfant de
Dieu doit-elle être conquise, ou reçue ? L’insistance du prologue de Jean notamment
sur le verbe recevoir, laisse à penser que ceux qui se sont réclamés du Verbe
ont affirmé que devenir enfant de Dieu se conquiert.
3.
Celui de la
contemplation (du divin).
Troisième thème, corollaire des deux premiers, la nature, la connaissance,
voire la contemplation du divin sont-elles accessibles à l’humain ? Le
divin peut-il être possédé, maîtrisé ? L’être humain peut-il en être le
gardien ? « Dieu, personne ne l’a jamais vu », rappelle le
prologue de Jean avec une certaine insistance. Ce qui suggère que ceux qui se
sont réclamés du Verbe ont affirmé qu’il est possible de le contempler et de le
posséder.
Ce qui se dessine donc, en lisant le prologue de Jean, c’est qu’un mouvement religieux particulier a
émergé, se réclamant de la filiation qui passe par Jean le Baptiste et par
Jésus Christ – qu’ils nomment « unique engendré » ; au sein de
ce mouvement on professe qu’il est possible de contempler et de posséder le
divin – qu’on appelle le Verbe – ; on professe aussi que la dignité devant
le divin peut être obtenue – doit être obtenue – à force d’efforts et de
discipline ; et encore et que cela est la tâche à laquelle les croyants
doivent s’astreindre pour atteindre un état supérieur de savoir, de pouvoir, de
conscience et d’illumination. Vouloir et savoir, tels peuvent être les deux
verbes qui caractérisent ce mouvement. Il est vraisemblable que ce
mouvement a rencontré un certain succès ; et cela a conduit des communautés
à se déchirer, des gens à se méfier les uns des autres, à se défier les uns les
autres, puis à se rejeter les uns les autres, le tout au nom de leurs
conceptions respectives du divin, au nom de leurs approches, de leurs mérites
réels ou supposés…
Ainsi présenté, le prologue de l’évangile de Jean – puis l’évangile de Jean
tout entier – pourrait être vu comme un traité contre l’hérésie. Mais si tel
était le cas, cela serait sans grande portée, et ne mériterait guère d’être lu,
surtout le matin de Noël. Mais Jean est un grand auteur ; il reprend un à
un les mots de ceux qui se réclament du Verbe. Il assume que ce Verbe puisse
être l’une des manières de nommer Dieu. Et de le nommer ainsi non pas parce
qu’on a voulu et pu le voir, ni parce qu’on sait que tel est son nom, ni parce
qu’on le possède… Jean reconnaît qu’il est possible de nommer Dieu le Verbe
parce qu’on l’a reçu celui qui a témoigné de lui, parce qu’on croit en ce Jésus
Christ qui s’en est fait l’interprète. On peut nommer Dieu le Verbe, tant qu’on
en parle dans le cadre de l’histoire chaotique et ininterrompue d’une
miséricorde faite à un peuple, faite aux humains, et dont les deux verbes
essentiels sont « recevoir » et « croire ». Recevoir,
chaque jour, croire, chaque jour… l’initiative de tout cela n’appartenant qu’à
Dieu, et l’accomplissement de tout cela n’advenant qu’en Dieu, que par pure
grâce. Ainsi en fut-il au temps où fut écrit l’évangile de Jean.
Et nous, nous disons que chaque fois que la grâce de Dieu, l’initiative de
Dieu, la miséricorde de Dieu sont mises de côté, chaque fois qu’éclate une
dispute sur les manières de lire, de dire et de prier, chaque fois que ces
manières acquièrent force de loi plutôt que n’être que de modestes moyens de
rendre gloire à Dieu, chaque fois que des individus se prétendent être les
seuls vrais croyants, et en regardent d’autres de haut, et leur font honte ou
violence, il est urgent de relire très sérieusement le prologue de l’évangile
de Jean.
Pourquoi lire le prologue de l’évangile de Jean à Noël,
et juste après avoir lu le récit de la nativité ? L’incarnation de Dieu, idée chrétienne par
excellence, suppose une conception, une naissance, un bébé vulnérable. Toute
personne normalement constituée éprouve, devant un berceau, devant un
nouveau-né, un sentiment protecteur… car si l’on ne prend pas objectivement
soin d’un nouveau-né, il mourra. Ce nouveau-né, c’est Dieu ! C’est à la
crèche que le sentiment protecteur et parfois possessif des êtres humains peut
trouver le terrain le plus propice à sa mise en œuvre. C’est à la crèche que
Dieu risque le plus d’être capturé, maîtrisé, objectivé… C’est devant la crèche
que l’unique véritable tentation, celle dont parle le Notre Père, est la plus
forte. Il faut affirmer que même à la crèche, Dieu ne cesse d’être Dieu, c’est
nous qui avons besoin de Lui, et non pas Lui qui a besoin de nous. Ainsi si
l’on ne s’approprie pas Dieu à la crèche où il est nouveau-né et sans défense,
il est fort possible qu’on ne se l’appropriera jamais.
Lire le prologue de Jean, le matin de Noël, cela nous
permet d’affirmer que dès la crèche, c’est nous qui avons besoin de Dieu, et
que c’est chaque jour qu’il nous faut apprendre à recevoir ce qu’il nous donne,
chaque jour qu’il nous faut apprendre à croire en ce qu’il nous promet. Amen