samedi 29 mars 2025

Le bon accueil (Luc 25, 1-32) le meilleur accueil possible

Luc 15

1 Les collecteurs d'impôts et les pécheurs s'approchaient tous de lui pour l'écouter.

 2 Et les Pharisiens et les scribes murmuraient; ils disaient: «Cet homme-là fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux!»

 3 Alors il leur dit cette parabole:

(…)

 11 Il dit encore: «Un homme avait deux fils.

 12 Le plus jeune dit à son père: ‹Père, donne-moi la part de bien qui doit me revenir.› Et le père leur partagea son avoir.

 13 Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout réalisé, partit pour un pays lointain et il y dilapida son bien dans une vie de désordre.

 14 Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans l'indigence.

 15 Il alla se mettre au service d'un des citoyens de ce pays qui l'envoya dans ses champs garder les porcs.

 16 Il aurait bien voulu se remplir le ventre des gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui en donnait.

 17 Rentrant alors en lui-même, il se dit: ‹Combien d'ouvriers de mon père ont du pain de reste, tandis que moi, ici, je meurs de faim!

 18 Je vais aller vers mon père et je lui dirai: Père, j'ai péché envers le ciel et contre toi.

 19 Je ne mérite plus d'être appelé ton fils. Traite-moi comme un de tes ouvriers.›

 20 Il alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l'aperçut et fut pris de pitié: il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers.

 21 Le fils lui dit: ‹Père, j'ai péché envers le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d'être appelé ton fils...›

 22 Mais le père dit à ses serviteurs: ‹Vite, apportez la plus belle robe, et habillez-le; mettez-lui un anneau au doigt, des sandales aux pieds.

 23 Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons,

 24 car mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé.› «Et ils se mirent à festoyer.

 25 Son fils aîné était aux champs. Quand, à son retour, il approcha de la maison, il entendit de la musique et des danses.

 26 Appelant un des serviteurs, il lui demanda ce que c'était.

 27 Celui-ci lui dit: ‹C'est ton frère qui est arrivé, et ton père a tué le veau gras parce qu'il l'a vu revenir en bonne santé.›

 28 Alors il se mit en colère et il ne voulait pas entrer. Son père sortit pour l'en prier;

 29 mais il répliqua à son père: ‹Voilà tant d'années que je te sers sans avoir jamais désobéi à tes ordres; et, à moi, tu n'as jamais donné un chevreau pour festoyer avec mes amis.

 30 Mais quand ton fils que voici est arrivé, lui qui a mangé ton avoir avec des filles, tu as tué le veau gras pour lui!›

 31 Alors le père lui dit: ‹Mon enfant, toi, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi.

 32 Mais il fallait festoyer et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort et il est vivant, il était perdu et il est retrouvé.› »

Prédication : 

              A cette lecture qui nous est recommandée par le lectionnaire, nous pouvons ajouter deux autres courtes paraboles :

  4 «Lequel d'entre vous, s'il a cent brebis et qu'il en perde une, ne laisse pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour aller à la recherche de celle qui est perdue jusqu'à ce qu'il l'ait retrouvée?

 5 Et quand il l'a retrouvée, il la charge tout joyeux sur ses épaules,

 6 et, de retour à la maison, il réunit ses amis et ses voisins, et leur dit: ‹Réjouissez-vous avec moi, car je l'ai retrouvée, ma brebis qui était perdue!›

 7 Je vous le déclare, c'est ainsi qu'il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de conversion.

 8 «Ou encore, quelle femme, si elle a dix pièces d'argent et qu'elle en perde une, n'allume pas une lampe, ne balaie la maison et ne cherche avec soin jusqu'à ce qu'elle l'ait retrouvée?

 9 Et quand elle l'a retrouvée, elle réunit ses amies et ses voisines, et leur dit: ‹Réjouissez-vous avec moi, car je l'ai retrouvée, la pièce que j'avais perdue!›

 10 C'est ainsi, je vous le déclare, qu'il y a de la joie chez les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit.»

            Avec lesquelles nous avons un tout homogène – et une longue lecture pour une prédication. Que nous commençons comme une devinette : quelle ressemblance y a-t-il entre une brebis, un pécheur, une pièce d’argent, et un fils ? C’est une devinette et elle tourne autour d’un seul verbe qui figure au deuxième verset de notre lecture. Le point commun dans notre texte entre une brebis, un pécheur, une pièce d’argent, et un fils c’est faire bon accueil – plein de sens possibles, accueillir, en effet, mais aussi attendre, prendre sur soi, recevoir de pied ferme. Jésus donc fait bon accueil aux pécheurs, et mange avec eux. On le lui reproche âprement… Dans un monde que des soi-disant purs parce qu’observants, religieux, autoproclamés, partagent en deux, eux, et les autres, Jésus bouleverse les frontières et les usages. Il fait bon accueil, il fréquente, il va chez eux, il parle avec eux, il mange avec eux…

            Pour méditer sur ce bon accueil, nous avons quatre petites affaires, une brebis, un pécheur, une pièce d’argent, et un fils. A qui ferons-nous bon accueil ?

 

            Une pièce d’argent ? Une pièce perdue pour laquelle toute la maison est retournée. Absurdement : le temps de retourner toute la maison aurait pu être un temps travaillé et rémunéré. Sauf que ça n’est pas une pièce que cherche la femme, mais cette pièce-là précisément, même si cette pièce-là est exactement semblable à toutes les autres pièces. La qualité cependant de cette pièce est d’être perdue. Puis retrouvée. A cette pièce la femme va réserver bon accueil. Après avoir présupposé que cette pièce pouvait être cherchée et trouvée, elle lui réserve bon accueil, et la fête avec ses amis.

           

            Ce qu’on fait pour une pièce, le fait-on pour une brebis ? La brebis se perd toute seule. Et lorsque la prend l’angoisse de sa solitude, elle se met à bêler lamentablement. Ça peut aider à la retrouver. Et le berger de la parabole va laisser absurdement 99 autres bêtes pour aller cherche la 100ème, nous le savons bien. Et c’est celle-là qu’il cherche, singularisée par son égarement… ou bien c’est un berger qui, comme on dit, connaît chacune de ses bêtes. Il la retrouve. Une brebis, c’est un être vivant, et même si c’est assez peu intelligent ça l’est toujours plus qu’une pièce d’argent… Une brebis n’est peut-être pas capable de repentir, peut-être un peu plus qu’une pièce d’argent… A cette brebis, le berger fait le meilleur accueil. Après avoir présupposé que cette brebis était encore vivante, pouvait être cherchée et trouvée, il lui réserve bon accueil et fait une fête avec ses amis.

           

            Et un pécheur ? Réserver bon accueil à un pécheur. Jésus ne se fatigue pas à dire ce qu’est un pécheur. Tellement la définition va de soi : un pécheur c’est quelqu’un avec qui l’on n’a rien à voir. Ceci dit, à supposer qu’on s’intéresse à la conversion des pécheurs pour une vie meilleure, on ne peut rien entreprendre si l’on commence justement par ne rien entreprendre, par rejeter. Faute du meilleur accueil, rien n’est possible. Même si ça ne marche pas non plus après le meilleur des accueils. Combien de fois faut-il réserver le meilleur accueil à quelqu’un qui va mal pour qu’il commence à aller mieux ? « Je ne te dis pas sept fois, mais 70 fois sept fois. » Le pécheur est un vivant dont la vie change, et qui a conscience du changement. C’est en quoi il est différent d’une brebis et d’une pièce d’argent. Encore faut-il l’accueillir

           

            Et cet homme qui avait deux fils, combien de fois leur avait-il réservé le meilleur accueil, à l’un comme à l’autre, avant que le plus jeune décide de partir ? Nous connaissons bien l’histoire. Et le père réserva le meilleur de tous les accueils possible au fils cadet. Sur la survie de ce fils, ne disons rien. Prenons le point de vue le plus simple, le fils se souille, se repent, et repenti retourne chez son père. L’accueil du père est mérité, et démesuré. Prenons le point de vue du père : le fils cadet est mort. Et des morts on ne sait rien, sinon qu’ils ne sont rien. Ni la pièce, ni la brebis, ni le pécheur ne sont morts. C’est un mort que le père accueille. La possibilité d’accueillir, que nous voyons être entière chez le père, tient à une espérance lancée jusqu’au-delà de la mort. Accueillir le mort au-delà de la mort, le renouveler, et jouir avec lui du meilleur des repas possible est la forme la plus élevée qui soit du meilleur accueil.

 

            Les Pharisiens et les Scribes, ceux qui murmuraient parce que Jésus faisait bon accueil aux pécheurs et mangeait avec eux… qu’ont-ils pensé des paraboles de Jésus ? Ont-ils accueilli en eux ces paraboles ? Nous ne le savons pas. Ne pas savoir ce que deviennent nos paroles, nos témoignages, et les laisser aller leur propre chemin, cela fait partie du bon accueil que nous pouvons prodiguer à nos contemporains.