1 Au commencement était le Verbe, et le Verbe était infiniment proche de Dieu, et le Verbe
était Dieu.
2 Il était au commencement infiniment proche de Dieu.
3 Tout fut par lui, et rien de ce
qui fut, ne fut sans lui.
4 En lui était la vie et la vie
était la lumière des hommes,
5 et la lumière brille dans les
ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point comprise.
6 Il y eut un homme, envoyé de
Dieu: son nom était Jean.
7 Il vint en témoin, pour rendre
témoignage à la lumière, afin que tous croient par lui.
8 Il n'était pas la lumière, mais
il devait rendre témoignage à la lumière.
9 Le Verbe était la vraie lumière
qui, en venant dans le monde, illumine tout homme.
10 Il était dans le monde, et le
monde fut par lui, et le monde ne l'a pas reconnu.
11 Il est venu dans son propre
bien, et les siens ne l'ont pas accueilli.
12 Mais à ceux qui l'ont reçu, à
ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu.
13 Ceux-là ne sont pas nés du sang,
ni d'un vouloir de chair, ni d'un vouloir d'homme, mais de Dieu.
14 Et le Verbe est devenu chair
Prédication :
Nous arrêtons ici la lecture, c’est un extrait suffisant,
c’est l’un des sommets de ce texte, l’un des sommets avant que l’auteur ne
revienne sur ce qu’il a affirmé sous le coup d’une stupéfiante inspiration,
avant qu’il ne reprenne ce qu’il a donné, faute peut-être de pouvoir l’assumer.
L’objet de son inspiration c’est que le Verbe est chair,
et donc que Verbe et chair, Dieu et humain, c’est la même chose, et c’est un –
unique et unité.
Mais revenons au début, lorsque se présentent le Verbe,
et Dieu. Deux entités semble-t-il, au moins dans l’imagination de certains
groupes de fidèles. Dieu tout en haut, sans doute, et le Verbe, tout en haut
aussi, qui avait ses propres attributs parmi lesquels la capacité à mettre en
mots et en phrases ce qu’il en était de Dieu. Dieu inatteignable, redoutable,
inintelligible, et le Verbe, proche de lui, le faisant connaître. Mais quelle
différence en les deux, si l’on ne connaît Dieu que par le Verbe ? Vous
pouvez là-dessus imaginer colloques et débats. Quelque part, certains proposent
que le Verbe est infiniment proche de Dieu, si infiniment proche de Dieu que le
Verbe et Dieu sont un. Première inspiration stupéfiante de notre texte. Est-ce
que l’auteur va assumer cette fois ce qu’il a proposé, va-t-il reprendre ce qu’il
a donné ?
Mais qu’a-t-il donné ? Le Verbe est Dieu ; et
par le Verbe il nous faut entendre la parole, la parole entre nous, que nous
partageons, qui si est proche de Dieu qu’elle est Dieu : si vous voulez
savoir ce qu’il en est de Dieu, écoutez ce que les gens disent, et parlez avec
les gens ; parlez, mais pas seulement de Dieu, de toutes sortes de
choses ; toute parole est parole de Dieu m’a appris un ami Rabbin, donc lorsque
vous parlez, vous êtes Dieu ; raison pour laquelle il faut réfléchir avant
de parler.
Le verbe est Dieu, audace considérable, pouvons-nous
l’assumer ? Et si nous l’assumons, comment donnerons nous un sens à des
affirmations comme « je crois en Dieu », ou « je ne crois pas en
Dieu » ? Quel sens aussi auront nos salutations, nos dialogues ?
Cette identité de la parole et de Dieu est-elle assumée
par l’auteur du prologue ? Il me semble que oui, parce qu’elle est au fond
est la plus simple qui soit, et qu’elle nous laisse Dieu avec seulement des
paroles humaines.
Nous avons parlé déjà de ce qui vient après, à savoir que
le Verbe se fait chair, et parlé aussi de cette unité un peu triple, le Verbe,
Dieu, et la chair. Inutile d’en reparler, car la méditation de ces choses peut
durer infiniment en quête d’une illumination, alors qu’il faut plutôt tenter
d’élaborer une éthique.
L’affirmation de l’unité de ces trois mots, comment
oriente-t-elle une vie humaine ? Quels rapports humains
commande-t-elle ? Réponse simple : il est impossible de faire
abstraction de la chair, toute chair est chair parlante et toute chair est
chair de Dieu… Aussi, dans la perspective du prologue, il n’y a pas d’autre
éthique possible qu’une éthique du souci d’autrui.
Et si l’on veut un exemple pratique, il suffit de lire la suite de l’évangile de Jean. Et l’on verra comment un certain Jésus, de Nazareth, met en œuvre ce qu’il professe : il enseigne, il nourrit, il guérit, il polémique… sa vie entière semble consacrée à l’élargissement d’autrui. Et pour quels résultats ? « les ténèbres ne l’ont point comprise », « le monde ne l’a pas reconnu », « les siens ne l’ont pas accueilli ». Résultat nul ! Mais il n’y a pas que ça dans l’évangile de Jean, et puis, s’agissant de cette foi dont nous parlons, celle qui affirme concrètement l’unité de la chair, de la parole et de Dieu, les actes ont leur valeur en eux-mêmes. Le croyant, accueil ou pas, persiste dans sa manière d’être, si bien que le croyant persiste dans son témoignage, dans sa manière d’être, de dire, et d’agir.
Et le Verbe est devenu chair. L’auteur de l’évangile de
Jean a-t-il assumé, ou repris, son affirmation ? Il dû se rendre compte du côté inassumable de
son affirmation. Et il l’a méditée, méditée encore, et encore jusqu’à rédiger
20 chapitres. Au fil desquels les affirmations initiales prennent un volume et
une place irremplaçables avec pour finalité « que vous croyiez que Jésus
est le Christ et pour que, en croyant, vous ayez la vie en son nom (Jean
20,31).
Ce qui n’est pas la fin de l’histoire. C’est à peine plus
que le commencement d’un chemin. Nous avons connu un homme qui s’était penché sur
ce texte, avec application, un homme qui était sur ce chemin.