Luc 21
25 "Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles, et sur la terre les nations seront dans l'angoisse, épouvantées par le fracas de la mer et son agitation,
26 tandis que les hommes défailliront de frayeur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde; car les puissances des cieux seront ébranlées.
27 Alors, ils verront le Fils de l'homme venir entouré d'une nuée dans la plénitude de la puissance et de la gloire.
28 "Quand ces événements commenceront à se produire, redressez-vous et relevez la tête, car votre délivrance est proche."
29 Et il leur dit une comparaison: "Voyez le figuier et tous les arbres:
30 dès qu'ils bourgeonnent vous savez de vous-mêmes, à les voir, que déjà l'été est proche.
31 De même, vous aussi, quand vous verrez cela arriver, sachez que le Règne de Dieu est proche.
32 En vérité, je vous le déclare, cette génération ne passera pas que tout n'arrive.
33 Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas.
34 "Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que vos cœurs ne s'alourdissent dans l'ivresse, les beuveries et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l'improviste,
35 comme un filet; car il s'abattra sur tous ceux qui se trouvent sur la face de la terre entière.
36 Mais restez éveillés dans une prière de tous les instants pour être jugés dignes d'échapper à tous ces événements à venir et de vous tenir debout devant le Fils de l'homme."
1 Rois 19,1-4
1 Akhab parla à Jézabel de tout ce qu'avait fait Elie, et de tous ceux qu'il avait tués par l'épée, tous les prophètes.
2 Jézabel envoya un messager à Elie pour lui dire: "Que les dieux me fassent ceci et encore cela si demain, à la même heure, je n'ai pas fait de ta vie ce que tu as fait de la leur!"
3 Voyant cela, Elie se leva et partit pour sauver sa vie; il arriva à Béer-Shéva qui appartient à Juda et y laissa son serviteur.
4 Lui-même s'en alla au désert, à une journée de marche. Y étant parvenu, il s'assit sous un genêt isolé. Il demanda la mort et dit: "Je n'en peux plus! Maintenant, SEIGNEUR, prends ma vie, car je ne vaux pas mieux que mes pères."
Prédication
Je voudrais parler d’Elie, et de son désespoir. Cet homme est un champion de Dieu. Il a harangué les peuples, insulté les rois, empêché la pluie de tomber, vaincu les faux dieux et leurs prophètes. Cet homme a survécu à des famines, il a ressuscité des morts. Il peut présenter devant ses semblables un CV incomparable.
Mais cet homme est un ver : il fuit. Le champion de Dieu fuit lamentablement devant une femme. Il n’a pas de botte secrète. Il s’enfuit, licencie le personnel, se couche et demande la mort. Avec le CV qu’il a… On a peine à voir s’enfuir les des hommes forts. A moins que secrètement on se réjouisse de leur. Elie fuit et son CV ne lui sert à rien.
Mais qu’attendait-il, Elie ? Que ses actes changent le monde ? Espérait-il qu’à son exemple les Israélites deviennent audacieux et saints ? Ou encore que Dieu se manifeste ? Et rien de tout cela ne se passe… et rien de tout cela ne dure. Il en fut ainsi d’Elie.
Sans doute en fut-il ainsi aussi des premières générations chrétiennes, qui attendaient apparemment un prompt retour de leur Seigneur et Christ, retour que chaque signe des temps annonçait. Et puis les temps étaient assez durs pour ces premiers chrétiens, minorité de minoritaires. C’était dur, alors ils avaient relu leurs textes fondateurs qui, déjà, quelques siècles plus tôt, avaient pensé que la violence, que le malheur… étaient si forts qu’il n’était pas pensable que le monde durât encore longtemps. Ils avaient déjà écrit des apocalypses, pour donner sens à la violence, pour s’inventer une espérance et un avenir. Les anciens avaient écrit, et le temps avait passé. Le monde était encore là. Et l’établissement sur terre de la cité céleste était en panne. Et le grand coup de force de Dieu se laissait désirer.
C’était pour bientôt il y a longtemps. Le bientôt d’il y a longtemps, est-ce maintenant ?
Votre délivrance est proche. C’est ce que retient Luc l’évangéliste. Votre délivrance est proche, mais que sera-t-elle ?
Lorsque nous lisons Elie comme nous l’avons lu à l’instant, nous sommes frappés qu’un homme de cette stature, un tel champion, ne puisse autrement faire face qu’en tournant le dos.
Elie est un champion, soit. Est-ce que les champions doivent gagner toujours ? L’actualité sportive est souvent grosse de la réponse à cette question, et la réponse est oui. C’est que, lorsque mon champion gagne, je gagne avec lui. Et s’il perd, il me fait perdre. Pour moi, il doit gagner toujours. Et il le doit parce que, moi-même, je le dois. Et je le dois parce que cette emprise du temps, cette fatigue du temps, signe de ma faiblesse, m’est insupportable. Et donc champion de Dieu ne doit jamais faiblir, ne doit en somme jamais cesser de croire. Et s’il est un faiseur de miracle, il ne doit jamais cesser d’en accomplir. Elie n’aurait jamais dû fuir et sa fuite a quelque chose de faible, et de méprisable.
Lorsque nous lisons Luc 21, nous sommes invités à mortifier notre chair, invités à une prière et à une vigilance de tous les instants. Nous sommes appelés à être des champions de la foi. Il faut que nous soyons prêts parce que c’est pour tout de suite et que si nous ne sommes pas prêts lorsque passera l’autobus de la rédemption, il n’en passera plus d’autre, après l’heure, c’est plus l’heure !
Mais… peut-on comprendre ainsi la foi chrétienne et la proposer comme une méfiance envers la chair et une défiance envers le monde ? Vous allez dire non. Ce n’est pas raisonnable, pas possible, parce que nous sommes humains, et pas cohérents, et surtout parce que cette foi-là se moque de la miséricorde de Dieu. Sauf que, et vous en avez la preuve sous les yeux, cette foi de champions et ce salut réservé aux médaillés ont été proposés, voire imposés, à des populations entières, en des temps très diversifiés. Mais cette foi, a-t-elle tenu, n’a-t-elle pas été décourageante à force d’être exigeante ? Aura-t-elle été indulgente envers ceux qui n’auront pas tenu ? Avant d’avoir inventé des sales choses systémiques ? Avant d’être coupablement indulgente pour elle-même ?
L’histoire de l’Eglise est parfois une histoire de persécution. Et en temps de persécution, le peuple de l’Eglise se partage en trois groupes, les confesseurs, les martyrs, les apostats. Les apostats, vous savez ce que ça signifie : devant le péril, ils ont préféré renoncer à leur foi. Les martyrs, vous le savez, n’ont pas renoncé à leur foi et en sont morts. On appelle confesseurs ceux qui n’ont pas renoncé à leur foi, qui ont été livrés au martyre et dont la mort n’a pas voulu. Et bien, dans l’histoire de l’Eglise persécutée, les apostats ont toujours été compris, soutenus et défendus par les confesseurs.
Ce qui signifie que celui qui croit, ne condamnera jamais celui n’a pas cru. Celui qui croit ne prescrira jamais. Vigilance de tous les instants, sobriété parfaite, confiance totale et perpétuelle prière, est-ce cela la foi ? Ne répondez pas non trop vite. Pourquoi cela ne le serait-il pas si cela m’est donné ? Elie, l’immense homme de Dieu, n’avait même pas cela pour lui. Comment alors oserions-nous nous autres paraître devant Dieu ? Même question : Elie était-il irrémédiablement perdu ?
Le texte de
Luc est un texte trop dur, et nous ne devons pas sauver d’un texte biblique ce
qui ne peut pas être sauvé. Prudence, prudence… Car il arrive, avec Luc qu’une apologie soit en fait une critique
virulente. Il arrive que Luc mène jusqu’au bout la prédication de l’obligation,
jusqu’à l’impossible donc, pour mettre en évidence que seule la miséricorde
peut nous sauver de la prétention mais aussi du désespoir. De sorte que ni la
prétention ni le désespoir n’ont le dernier mot. L’obligation en guise de
salut, nous n’en voulons pas.
Quelle sera alors notre prière, et comment comprendrons-nous cette attention absolue que Luc l’évangéliste recommande ? Voici, nous ne visons pas l’impossible : veillez donc, en tout temps demandant que vous soyez assez forts pour n’être pas submergés par ce qui vous arrive, et que vous soyez maintenus debout devant le Fils de l’homme. Et qu’ainsi au moment des grands comptes, si grands comptes il y a, au moment des grands engagements et des grands départs, l’être humain soit simplement et bravement debout et devant ses semblables et devant son Dieu, sans peur et sans arrogance, sans orgueil et sans fausse modestie. Disant : « Ce que j’ai fait, je l’ai fait à la mesure de mes forces et de la force que tu m’as donnée. Et maintenant, que ta volonté s’accomplisse, fais de moi ce que tu veux. » En quoi nous aurons été libérés et libres, prêts à répondre de notre liberté. Amen.