samedi 28 décembre 2024

La sagesse et l'intelligence. L'œil de l'Evangile (Luc 2,40-52)

 

1 Jean 3

1 Voyez de quel grand amour le Père nous a fait don, que nous soyons appelés enfants de Dieu; et nous le sommes! Voilà pourquoi le monde ne peut pas nous connaître: il n'a pas découvert Dieu.

 2 Mes bien-aimés, dès à présent nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n'a pas encore été manifesté. Nous savons que, lorsqu'il paraîtra, nous lui serons semblables, puisque nous le verrons tel qu'il est.

 3 Et quiconque fonde sur lui une telle espérance se rend pur comme lui est pur.

 4 Quiconque commet le péché commet aussi l'iniquité; car le péché, c'est l'iniquité.

 5 Mais vous savez que lui a paru pour enlever les péchés; et il n'y a pas de péché en lui.

 6 Quiconque demeure en lui ne pèche plus. Quiconque pèche ne le voit ni ne le connaît.

 7 Mes petits enfants, que nul ne vous égare. Qui pratique la justice est juste, comme lui est juste.

 8 Qui commet le péché est du diable, parce que depuis l'origine le diable est pécheur. Voici pourquoi a paru le Fils de Dieu: pour détruire les œuvres du diable.

 9 Quiconque est né de Dieu ne commet plus le péché, parce que sa semence demeure en lui; et il ne peut plus pécher, parce qu'il est né de Dieu.

 10 À ceci se révèlent les enfants de Dieu et les enfants du diable: quiconque ne pratique pas la justice n'est pas de Dieu, ni celui qui n'aime pas son frère.

 11 Car tel est le message que vous avez entendu dès le commencement: que nous nous aimions les uns les autres.

 12 Non comme Caïn: étant du Mauvais, il égorgea son frère. Et pourquoi l'égorgea-t-il? Ses œuvres étaient mauvaises, tandis que celles de son frère étaient justes.

 13 Ne vous étonnez pas, frères, si le monde vous hait.

 14 Nous, nous savons que nous sommes passés de la mort dans la vie, puisque nous aimons nos frères. Qui n'aime pas demeure dans la mort.

 15 Quiconque hait son frère est un meurtrier. Et, vous le savez, aucun meurtrier n'a la vie éternelle demeurant en lui.

 16 C'est à ceci que désormais nous connaissons l'amour: lui, Jésus, a donné sa vie pour nous; nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères.

 17 Si quelqu'un possède les biens de ce monde et voit son frère dans le besoin, et qu'il se ferme à toute compassion, comment l'amour de Dieu demeurerait-il en lui?

 18 Mes petits enfants, n'aimons pas en paroles et de langue, mais en acte et dans la vérité;

 19 à cela nous reconnaîtrons que nous sommes de la vérité, et devant lui nous apaiserons notre cœur,

 20 car, si notre cœur nous accuse, Dieu est plus grand que notre cœur et il discerne tout.

 21 Mes bien-aimés, si notre cœur ne nous accuse pas, nous nous adressons à Dieu avec assurance;

 22 et quoi que nous demandions, nous l'obtenons de lui, parce que nous gardons ses commandements et faisons ce qui lui agrée.

 23 Et voici son commandement: adhérer avec foi à son Fils Jésus Christ et nous aimer les uns les autres, comme il nous en a donné le commandement.

 24 Celui qui garde ses commandements demeure en Dieu, et Dieu en lui. Par là nous reconnaissons qu'il demeure en nous, grâce à l'Esprit dont il nous a fait don.

 

1 Samuel 1

20 Or donc, aux jours révolus, Anne, qui était enceinte, enfanta un fils. Elle l'appela Samuel «car, dit-elle, c'est au SEIGNEUR que je l'ai demandé».

 21 Le mari Elqana monta avec toute sa famille pour offrir au SEIGNEUR le sacrifice annuel et s'acquitter de son vœu.

 22 Mais Anne ne monta pas, car, dit-elle à son mari, «attendons que l'enfant soit sevré: alors je l'emmènerai, il se présentera devant le SEIGNEUR et il restera là-bas pour toujours».

 23 Son mari Elqana lui dit: «Fais ce que bon te semble. Reste ici jusqu'à ce que tu l'aies sevré. Que seulement le SEIGNEUR accomplisse sa parole.» La femme resta donc et elle allaita son fils jusqu'à ce qu'elle l'eût sevré.

 24 Lorsqu'elle l'eut sevré, elle le fit monter avec elle, avec trois taureaux, une mesure de farine et une outre de vin; elle le fit entrer dans la Maison du SEIGNEUR à Silo, et l'enfant devint servant.

 25 Ils immolèrent le taureau et amenèrent l'enfant à Eli.

 26 Elle dit: «Pardon, mon seigneur! Aussi vrai que tu es vivant, mon seigneur, je suis la femme qui se tenait près de toi, ici même, et adressait une prière au SEIGNEUR.

 27 C'est pour cet enfant que j'ai prié, et le SEIGNEUR m'a concédé ce que je lui demandais.

 28 À mon tour, je le cède au SEIGNEUR. Pour toute sa vie, il est cédé au SEIGNEUR.» Il se prosterna là devant le SEIGNEUR.

 Luc 2

40 Quant à l'enfant, il grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse, et la faveur de Dieu était sur lui.

 41 Ses parents allaient chaque année à Jérusalem pour la fête de la Pâque.

 42 Quand il eut douze ans, comme ils y étaient montés suivant la coutume de la fête

 43 et qu'à la fin des jours de fête ils s'en retournaient, le jeune Jésus resta à Jérusalem sans que ses parents s'en aperçoivent.

 44 Pensant qu'il était avec leurs compagnons de route, ils firent une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances.

 45 Ne l'ayant pas trouvé, ils retournèrent à Jérusalem en le cherchant.

 46 C'est au bout de trois jours qu'ils le retrouvèrent dans le temple, assis au milieu des maîtres, à les écouter et les interroger.

 47 Tous ceux qui l'entendaient s'extasiaient sur l'intelligence de ses réponses.

 48 En le voyant, ils furent frappés d'étonnement et sa mère lui dit: «Mon enfant, pourquoi as-tu agi de la sorte avec nous? Vois, ton père et moi, nous te cherchons tout angoissés.»

 49 Il leur dit: «Pourquoi donc me cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas qu'il me faut être chez mon Père?»

 50 Mais eux ne comprirent pas ce qu'il leur disait.

 51 Puis il descendit avec eux pour aller à Nazareth; il leur était soumis; et sa mère retenait tous ces événements dans son cœur.

 52 Jésus progressait en sagesse et en taille, et en faveur auprès de Dieu et auprès des hommes.

 

Prédication : 

             Que Jésus était un enfant prodige et un enfant sage – presque tout le temps –  nous devons nous en réjouir et le prendre exemple pour notre vie chrétienne – ce qu’il est aisé de déduire de la lecture de Luc 2,40-52. Mais avant de méditer sur ces conclusions, avant de les discuter un peu, prenons le temps de nous souvenir des enfants soldats.

            Des petits Khmers rouges, des petits gardiens Mao de la Révolution, des petits hitlerjugend, des petits qui sont aujourd’hui – estimation – 120.000 rien que pour l’Afrique sub-Saharienne, cette estimation déjà inquiétante ne représentant que 40% d’un total qui va donc chercher dans les 300.000… enfants soldats, petit prodiges peut-être en maniement des armes, et pour la doctrine, certains se montrent parfaitement accomplis, cruauté plus cruauté.

            Après ce premier tableau terrifiant, en voici un autre, quelques enfants prodiges – vous saurez attribuer à chacun son instrument : Ievgueni Kissine, Roberto Benzi, Lang Lang, Yo-yo Ma, Yehudi Menuin… et tant d’autres, y compris les ordinaires, et ceux sur qui la greffe musicale n’aura jamais pris.

            Pourquoi seulement les armes et la musique ? Les mathématiques…

             Bien sûr ces deux listes n’ont pas la même portée, sauf peut-être si nous venons à  méditer – nous y allons – sur ce temps de l’enfance… de l’enfance de Jésus, mais peut-être aussi sur l’attente des parents de cet enfant.

            Jésus, donc, grandissait notamment en sagesse. Sagesse ? Sagesse donc. Mais qu’est-ce qu’être sage, quand on est un enfant ? Je me souviens d’un bout d’une chanson pour enfants, fin de couplet ou de refrain : nous promettons d’être sages. Ce qui signifiait s’en tenir en actes et en paroles strictement à ce qui nous avait été commandé. Il y avait peu de place pour l’initiative et pour l’improvisation… Et les contrevenants étaient mal vus… toutes sortes de punitions… dont la plus sévère consistait à laver au savon la bouche des menteurs.

            Sagesse donc, connaissance précise et mise en œuvre stricte de toutes sortes d’énoncés canoniques. Il y en a de pleins recueils dans la Bible. Et Jésus grandissait en sagesse, c'est-à-dire, si nous comprenons bien, qu’il ne cessait d’accumuler des énoncés que ses parents et autres éducateurs avaient reçus et transmettaient. Ça n’est pas rien. C’est même sans doute essentiel d’en posséder quelques-uns, juste pour la conduite d’une vie d’homme. Essentiel ? Suffisant ? La Bible ne répond pas, l’artiste Max Ernst (1891-1967) répond en peignant La vierge corrigeant l’enfant Jésus. Éduquer cet enfant-là n’a peut-être pas été si simple... D’ailleurs, une fois, à Jérusalem…

            Une fois, à Jérusalem, Jésus va montrer à quel point son éducation en sagesse laisse à désirer : faisant fi de l’inquiétude prévisible de ses parents, il reste, alors qu’eux partent. Du point de vue de la sagesse, il n’est pas sage. Et nous pouvons tout à fait entendre dans la réponse qu’il fait à ses parents soulagés une certaine ironie ; et nous pouvons entendre les parents se dire en eux-mêmes : c’est ça, rends-nous pour des c… Constat qui projette Jésus plus loin encore de la sagesse. Que faisait-il avec les Maîtres ? Non pas de la Sagesse, mais de l’intelligence. L’intelligence, c’est la capacité à mettre face à face des propos différents les uns des autres, et c’est donc apporter des réponses nouvelles à des questions nouvelles ou pas nouvelles. Par exemple des réponses nouvelles à la question de l’immortalité de l’âme en considérant ce que la psychanalyse énonce sur le trésor des signifiants. Et là Jésus brille, tellement que tout le monde s’extasie.

            Mais de quelle extase s’agit-il ? S’extasier, c’est étymologiquement être hors de soi. L’extase, c’est l’inverse irrationnel de l’intelligence (la sagesse son inverse rationnel). Sont-ils hors d’eux-mêmes dans l’éblouissement, ou sont-ils hors d’eux-mêmes dans la fureur ? Nous avons plutôt l’habitude de penser que Jésus les éblouit, et certains commentateurs pensent que l’enfant Jésus (12 ans tout de même) clouait le bec de ces messieurs parce qu’il était Fils de Dieu, au-dessus des textes et du temple. Nous pensons plutôt que, une fois encore, Luc agit comme chroniqueur et aussi comme critique. L’enfant qu’on dit sage parle avec intelligence mais agit tel un fou. Luc dit aussi que l’intelligence ne peut pas – jamais – même pour Jésus – fait fi de la sagesse, c’est question d’intelligibilité. Luc dit encore que la sagesse est jugée par elle-même mais aussi par l’intelligence, etc., …           

            Luc donc renvoie Jésus à Nazareth, soumis, habiter chez ses chers parents, s’appliquer à ses chères études de sagesse. Régime de vie qui a la faveur de Dieu dans l’évangile de Luc, s’agissant des enfants de 12 ans et plus, même les plus brillants. Et à la fin de cette adolescence ? Lire la suite de Luc. Et nous ? Il ne nous est fait grâce ni de la sagesse ni de l’intelligence. Elles sont ensemble une clé pour notre vie. Amen