samedi 7 décembre 2024

Espérance pendant l'Avent (Esaïe 60,1-11 ; Philippiens 1,4-11 ; Luc 3,1-6) - 8 décembre 2024

                    

Esaïe 60, 1-11

1 Mets-toi debout et deviens lumière, car elle arrive, ta lumière: la gloire du SEIGNEUR sur toi s'est levée.

 2 Voici qu'en effet les ténèbres couvrent la terre et un brouillard, les cités, mais sur toi le SEIGNEUR va se lever et sa gloire, sur toi, est en vue.

 3 Les nations vont marcher vers ta lumière et les rois vers la clarté de ton lever.

 4 Porte tes regards sur les alentours et vois: tous, ils se rassemblent, ils viennent vers toi, tes fils vont arriver du lointain, et tes filles sont tenues solidement sur la hanche.

 5 Alors tu verras, tu seras rayonnante, ton coeur frémira et se dilatera, car vers toi sera détournée l'opulence des mers, la fortune des nations viendra jusqu'à toi.

 6 Un afflux de chameaux te couvrira, de tout jeunes chameaux de Madiân et d'Eifa; tous les gens de Saba viendront, ils apporteront de l'or et de l'encens, et se feront les messagers des louanges du SEIGNEUR.

 7 Tout le petit bétail de Qédar sera rassemblé pour toi, les béliers de Nebayoth seront pour tes offices; ils monteront sur mon autel, ils y seront en faveur; oui, je rendrai splendide la Maison de ma splendeur.

 8 Qui sont ceux-là? Ils volent comme un nuage, comme des colombes vers leurs pigeonniers;

 9 oui, les îles tendent vers moi, vaisseaux de Tarsis en tête, pour ramener tes fils du lointain et avec eux leur argent et leur or, en hommage au nom du SEIGNEUR, ton Dieu, en hommage au Saint d'Israël, car il t'a donné sa splendeur.

 10 Les fils de l'étranger rebâtiront tes murailles et leurs rois contribueront à tes offices, car dans mon irritation je t'avais frappée, mais dans ma faveur je te manifeste ma tendresse.

 11 Tes portes, on les tiendra constamment ouvertes, de jour, de nuit, jamais elles ne seront fermées, pour qu'on introduise chez toi la troupe des nations et leurs rois, mis en colonne!

 

Philippiens 1, 4-11

4 toujours, en chaque prière pour vous tous, c'est avec joie que je prie,

 5 à cause de la part que vous prenez avec nous à l'Évangile depuis le premier jour jusqu'à maintenant.

 6 Telle est ma conviction: Celui qui a commencé en vous une œuvre excellente en poursuivra l'achèvement jusqu'au jour de Jésus Christ.

 7 Il est bien juste pour moi d'être ainsi disposé envers vous tous, puisque je vous porte dans mon coeur, vous qui, dans ma captivité comme dans la défense et l'affermissement de l'Évangile, prenez tous part à la grâce qui m'est faite.

 8 Oui, Dieu m'est témoin que je vous chéris tous dans la tendresse de Jésus Christ.

 9 Et voici ma prière: que votre amour abonde encore, et de plus en plus, en clairvoyance et pleine intelligence,

 10 pour discerner ce qui convient le mieux. Ainsi serez-vous purs et irréprochables pour le jour du Christ,

 11 comblés du fruit de justice qui nous vient par Jésus Christ, à la gloire et à la louange de Dieu.

 

Luc 3,1-6

            L'an quinze du gouvernement de Tibère César, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée, Hérode tétrarque de Galilée, Philippe son frère tétrarque du pays d'Iturée et de Trachonitide, et Lysanias tétrarque d'Abilène,

 2 sous le sacerdoce de Hanne et Caïphe, la parole de Dieu fut adressée à Jean fils de Zacharie dans le désert.

 3 Il vint dans toute la région du Jourdain, proclamant un baptême de conversion en vue du pardon des péchés,

 4 comme il est écrit au livre des oracles du prophète Esaïe: Une voix crie dans le désert: Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.

 5 Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées; les passages tortueux seront redressés, les chemins rocailleux aplanis;

 6 et tous verront le salut de Dieu

Prédication

          Souvenons-nous d’un temps pendant lequel le peuple hébreu avait tout perdu, sa terre, son roi, son temple, sa liberté… un temps pendant lequel chaque famille avait payé un lourd tribut de vies humaines à l’envahisseur, un temps pendant lequel une part des survivants avaient été déportée. C’est le temps de l’exil à Babylone. Et ces déportés étaient là-bas parfois assujettis à de dures corvées.

            Parmi ces corvées, l’une, était une corvée de terrassement. Il faut vous dire qu’une fois par an, il y avait une cérémonie pour le dieu suprême de Babylone, le dieu Mardouk. Pour cette cérémonie, on faisait construire une piste qui traversait le désert, qui traversait la steppe, et qui entrait dans la ville… et l’on faisait passer sur cette piste une procession de la statue du dieu, de prêtres, de richesses, et d’ennemis vaincus. Toute cette procession rentrait dans la ville, on fermait les portes, et, symboliquement au moins, la présence du dieu Mardouk, et sa puissance, étaient assurées pour l’année.

            Si vous imaginez bien cette cérémonie, vous avez tous les éléments du texte qui a été lu : préparez le chemin du dieu, comblez les ravins, rabotez les collines, faites-lui des routes bien droites, et vous verrez son salut.

            Mais bien sûr, vous préférez ne pas être parmi les ennemis vaincus, ni parmi les esclaves qui s’occupent du terrassement…

 

            Ces commandements, pourtant, les hébreux vaincus les ont entendus. Esclaves en Babylonie, ils ont dû travailler pour la gloire de leurs vainqueurs et pour célébrer la gloire du dieu de leurs vainqueurs. Mais ces commandements, ils en ont fait aussi des énoncés d’espérance : trois énoncés d’espérance.

 

            Premier énoncé d’espérance : dans le désert, préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.

            Ce premier énoncé est donc adressé à ceux qui peinent, à ceux qui ont tout perdu : à ceux qui sont dans le désert, en esclavage, à ceux qui pensent qu’ils n’ont aucune initiative ni aucun pouvoir. Et bien, à ceux-là, un commandement est donné. Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. On peut donner un commandement aux éprouvés, non pas un commandement de faire ce qu’ils ne peuvent pas faire, mais un commandement de regarder ce qui leur arrive, de le regarder pleinement, en face, en vérité, sans rêver qu’il aurait pu en être autrement. Le chemin du Seigneur n’est pas autre que le chemin de la vie. Rendre droit les sentiers du Seigneur, c’est considérer que c’est dans cette vie qu’il s’avance et dans la vérité de cette vie qu’on peut le trouver.

            Mais nous n’allons surtout pas penser que c’est simple et que c’est magique et qu’il n’y a qu’à. Ce premier énoncé comporte deux verbes, et le premier de ces verbes est le verbe préparer, ce qui signale un temps… Il faut peut-être bien du temps pour regarder en face et en vérité sa propre vie, il faut peut-être bien du temps pour en finir soi-même avec les illusions qu’on entretient. Mais le commandement est là et, avec lui, l’obéissance au commandement et, avec elle, l’espérance.  

            Deuxième énoncé d’espérance (qui vient après le premier) : tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées, les passages tortueux seront redressés, les chemins rocailleux aplanis. Autant dans le premier énoncé le verbe était un impératif : préparez… rendez droits, autant, maintenant, il y a des verbes à la voie passive. Ce qui est une montagne ne sera plus si haut, et ce qui est un abime ne sera plus si profond. Peut-être est-ce le regard qu’on porte dessus qui change… mais peut-être aussi, le temps faisant son œuvre, les conditions réelles elles-mêmes changent-elles. Ce qui est clair, dans les deux cas, c’est que les obstacles n’ont pas le dernier mot, que ce qui semblait impraticable ne l’est plus, et que ce qui semblait être tortueux devient soudain tout droit. On n’avançait pas, on espérait seulement avancer peut-être un jour et, soudain, on s’aperçoit que du chemin a été parcouru. Qu’a-t-on fait ? On ne saurait pas le dire. Ça semble avoir été fait, puisqu’on a pu avancer. C’est donc qu’on n’était pas seul, qu’on n’est pas tout seul.

            Troisième énoncé d’espérance (après les deux premiers) : tous verront le salut de Dieu. Dans ce troisième énoncé, il y a une surprise, le mot tous. Jusqu’ici, nous évoquions plutôt la démarche que quelqu’un peut faire, pour lui-même, et au titre de laquelle il constate qu’il avance, en lucidité, en tranquillité, et en réelle liberté. Et en ceci il reconnaît le salut. Voici donc que celui qui avance ainsi voit le salut, mais il ne le voit pas seul : tous le voient. Le chemin que quelqu’un parcourt peut être reconnu et parcouru par d’autres que lui. Les passages que nous frayons pour nous-mêmes et que quelques-uns parcourent deviennent praticables. Comment dire cela ? L’espérance est contagieuse. L’objet du salut est objet de salut pour tous.

            Ce salut est, nous le lisons, salut de Dieu. Mais qu’est-ce donc que ce salut de Dieu qui est salut pour tous ?

 

            En évoquant Babylone et son dieu Mardouk, nous avons évoqué ces processions, pour lesquelles on avait besoin d’esclaves, processions qui célébraient des conquêtes et qui finissaient par enfermer hommes, richesses, et présence du dieu entre les murailles d’une ville fortifiée. Le salut d’une idole est un salut de domination et de clôture, un salut qui ne fonctionne qu’en creusant des abimes et en élevant des montagnes infranchissables, un salut conquis par quelques-uns, pour eux-mêmes, et au détriment de tous les autres.

            Qu’en est-il du salut de Dieu ? Il n’est pas un salut conquis, mais un salut espéré, donné, et partagé. Il est salut de Dieu parce qu’il est salut en espérance, en don et en partage.

 

Au moment où Jean-Baptiste rappelle ces énoncés d’espérance, ce sont de vieux énoncés. Peut-être quatre siècles se sont écoulés. Babylone n’est plus la capitale d’un empire, et donc son dieu le Grand Mardouk n’a plus d’adorateurs, ni donc de puissance… Pourtant, des murailles demeurent entre les humains. Elles ne sont plus celles de l’exil, mais celles de la domination romaine. Mais l’évangile de Luc dit, au sujet de ce moment-là, que l’espérance est actuelle et qu’elle engendre toujours du possible et de l’avéré.

            Nous lisons aujourd’hui et ici l’évangile de Luc, vingt siècles encore plus tard, ici, sous la domination des puissances de l’argent, ailleurs, sous la domination des armes, ailleurs, sous la domination de la corruption, ailleurs encore, sous la domination de la maladie, de la famine...

            Et nous disons que l’espérance est actuelle et qu’elle est toujours possible. « Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.  Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées; les passages tortueux seront redressés, les chemins rocailleux aplanis ; et tous verront le salut de Dieu. » Ce qui est un énoncé du pire. Et pourtant, individuellement et collectivement, là où nous sommes, nous faisons ce que l’espérance commande.

            Que Dieu nous soit en aide Amen