Exode 34
4 Moïse tailla des tables de pierre comme les
premières, se leva de bon matin et, comme le SEIGNEUR le lui avait ordonné,
monta sur le mont Sinaï, ayant pris à la main les deux tables de pierre.
5 Le SEIGNEUR descendit dans la
nuée, se tint là avec lui, et Moïse proclama le nom de «SEIGNEUR».
6 Le SEIGNEUR passa devant lui et
proclama: «Le SEIGNEUR, le SEIGNEUR, Dieu miséricordieux et bienveillant, lent
à la colère, plein de fidélité et de loyauté,
7 qui reste fidèle à des milliers
de générations, qui supporte la faute, la révolte et le péché, mais sans rien
laisser passer, qui poursuit la faute des pères chez les fils et les petits-fils
sur trois et quatre générations.»
8 Aussitôt, Moïse s'agenouilla à
terre et se prosterna.
9 Et il dit: «Si vraiment j'ai
trouvé grâce à tes yeux, ô Seigneur, que le SEIGNEUR marche au milieu de nous;
c'est un peuple à la nuque raide que celui-ci, mais tu pardonneras notre faute
et notre péché, et tu feras de nous ton patrimoine.»
Prédication :
Or Moïse brisa les tables de la Loi. La raison de cet acte est assez bien précisée, mais rappelons-la. Moïse était monté sur la montagne de Dieu, à la rencontre du Dieu législateur. La rencontre ayant trop duré, le peuple s’était impatienté, et dans son impatience avait demandé au prêtre Aaron de lui faire un Dieu guide dans le désert, champion dans les luttes, qui marcherait devant lui. Le prêtre Aaron, hélas, n’avait pas su résister au peuple, et, avec les anneaux collectés aux oreilles des femmes, des enfants, et des hommes aussi, il avait formé un veau – technique de fabrication : or amalgamé et martelé – par dérision on parle d’un veau, mais ce devait plutôt être un taureau bien équipé, symbole de puissance.
Ce que Moïse voyant au retour de la montagne, il pulvérisa d’abord les tables, puis la bête sculptée. Le tout réduit en poussière et mélangé à de l’eau, il leur en fit boire. Puis, Moïse, probablement soucieux de reprendre le peuple en main, commanda à des Lévites radicaux de massacrer leurs frères et sœurs hébreux, 3000.
Et nous voyons, nous commençons à voir qu’il y a plusieurs manières de recevoir, plusieurs manières de ne pas recevoir – la Loi – mais nous pourrions – nous pouvons le dire aussi de la bonne nouvelle. Nous le disons un peu par extension, un œil vers le nouveau testament, et avec foi, Il y a plusieurs manières de recevoir la bonne nouvelle – oserons-nous dire que parmi ces manières, il en est de bonnes et de moins bonnes ?
Après que les Hébreux eurent été repris en main par Dieu le vengeur, après aussi que le peuple se fut préparé, cette fois sans doute d’une manière plus sérieuse, à cet événement considérable qu’est le don de la Loi, il advint que Dieu se fendit de nouvelles pages d’Écriture, et alors un nouveau texte fut livré. Le même que le premier ? Sans même le lire nous osons dire qu’il n’était pas le même que le premier. En effet, Dieu vivant, si par deux fois il donnait le même texte, il serait un dieu bavard.
Ajoutons encore que les Écritures des premières tables n’avaient pas été anéanties. Oui, les tables avaient été brisées au pied de la montagne, et – vraisemblablement – pilées tout fin avec les fragments du veau, avant d’être données au peuple en boisson punitive, ce qu’on appelle une ordalie. Beaucoup des Hébreux auraient dû mourir. Mais cela n’arriva pas. Dieu, dans cet épisode de quelques lignes, ne s’en prend pas aux hommes, même avec l’énormité de son grief, il ne leur fait rien, il est indulgent, il pardonne même, peut-être, Comme s’il s’agissait, surtout, avant tout, et après tout, d’affaires de Dieu : « les tables, c’était l’œuvre de Dieu et l’écriture, c’était l’écriture de Dieu gravée sur les tables ». C’est là l’initiative de Dieu, son affaire, sans que l’homme doive approuver, sans que l’homme doive rendre, ce qui fait qu’autant de fois qu’il le faut Dieu retourne à sa tâche, retourne à ce qu’il a décidé, et dont il ne sait, dont il ne saura pas se défaire, jusqu’à la fin.
Combien d’images de Dieu, combien même de réalités de Dieu avons-nous découvertes et envisagées depuis le début de notre méditation ? Plusieurs… Quatre ou cinq, au moins, sans nous troubler plus qu’il ne faut, alors que nous avons appris, dès notre enfance, que Dieu est unique, qu’il n’en est pas d’autre. Tellement pas d’autres que certains prédicateurs, voyant ici ou là une représentation du dieu éléphanteau hindou Ganesh proclama sans discussion possible qu’il s’agissait d’une idole et commanda aussi que nous la détruisions sans délai. Parce que Dieu est unique. Or personne ne détruisit la statuette, même pas lui. Je me demande encore pourquoi.
Cette idée de destruction nous ramène à Moïse, et aux deux fois deux tables, et aux deux présences de Dieu (ou à la présence d’une fois deux dieux)
Mais nous nous demandons toutefois, cette œuvre de Dieu, qu’en reste-t-il une fois pulvérisée ; une fois mélangée à de la poussière d’or, qu’en reste-t-il ? Nous pourrions évidemment dire qu’il n’en reste rien, mais, tout de même, il s’agit de Dieu, de son œuvre, de ses tables et de son Écriture… Est-ce que tout cela pouvait être anéanti, c'est-à-dire détruit sans reste ?
Posons un acte de foi : les premières tables et la première écriture n’ont pas disparu. Il en est resté, et il en reste, le reste de la première livraison, poussière de poussière, la buée d’une buée (Ecclésiaste), non pas offerte à une ardente lecture, ni donnée aux spéculations des diplômés, ou encore au caprice des autodidactes, ou aux savants ; il en reste un quelque chose, un je-ne-sais-quoi, justement proposé à la méditation de la foi et de l’intelligence humaines, l’une faible – très faible – et l’autre souvent forte et qui, parfois, prétend à connaître tout ce qu’il en est de Dieu et tout ce qu’il en est de l’homme.
Faut-il choisir ? Entre la première et la deuxième écriture ? Entre cette poussière de poussière dont chaque rare petit grain est porteur de toute la vérité, et entre cette masse infinie de documents dont chaque millier de pages ne signifie presque absolument rien ? Choisir ? Ou plutôt discerner. Se trouver toujours dans des positions incertaines, si incertaines qu’elles sont peut être bien au bord de l’abîme, mais si incertaines aussi qu’elles sont peut être bien sur cette frontière où s’expriment la force et la bonté de Dieu.
Or donc, Moïse brisa les tables de la Loi. Puis, Dieu lui ayant proposé d’anéantir les enfants d’Israël et de faire de lui, Moïse, une sainte nation, Moïse prit la défense d’Israël et refusa.
C’était à un moment où la poussière de la première Loi était là, la deuxième Loi n’était pas encore écrite, et c’est donc au titre de la poussière que Moïse s’exprima. Dieu l’entendit et le peuple fut sauvé.
Pouvons-nous avoir un rien de la grandeur de Moïse ? Alors la poussière parlera. Pouvons-nous savoir quoi dire et quoi faire ? La deuxième parlera.
Et ce Dieu
que nous prions sera notre secours. Amen